EXAMENS EN COMMISSION

Examen en commission
(Mercredi 17 novembre 2021)

Réunie le mercredi 17 novembre 2021, la commission a examiné le rapport d'information de Mme Micheline Jacques sur les crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2022.

Mme Micheline Jacques , rapporteur pour avis . - L'an dernier, j'avais poussé un cri d'alarme sur la crise que traverse le tissu économique et social ultramarin. Je le réitère cette année, et j'espère qu'il trouvera un écho renforcé.

Le rebond que connaît l'hexagone en 2021 a été perturbé dans les outre-mer par de nouvelles mesures sanitaires, en août et septembre. En fait, les outre-mer ont cumulé trois handicaps dans la crise. Primo , un historique de la crise en décalage par rapport à l'hexagone. Deuxio , l'éloignement et, bien souvent, l'insularité, ont joué contre les territoires une fois la crise déclarée. Tertio , une composition sectorielle spécifique des territoires ultramarins, qui les rend pour la plupart particulièrement exposés.

Je voudrais m'arrêter un peu sur le tourisme, qui revêt une importance cruciale pour les outre-mer. Son poids peut monter jusqu'à 10 % d'emplois directs et autant d'emplois indirects. Il exerce un fort effet d'entraînement sur d'autres secteurs, comme les transports, la restauration, les loisirs. Mais il est tributaire, et parfois de façon exclusive, du transport aérien, mis à mal pendant la crise.

Dans ce contexte, les mesures d'urgence et de relance ont pris une importance particulière, parce qu'elles devaient permettre d'éviter des destructions d'entreprises et d'emplois.

Mais s'agissant de l'urgence, le déploiement du fonds de solidarité a été freiné, pour une raison principale. Pour qu'une entreprise bénéficie du fonds de solidarité en août et en septembre 2021, il fallait qu'elle en ait déjà bénéficié en avril ou mai 2021, afin d'éviter les effets d'aubaine. Or, à cette date, la crise sanitaire et économique avait relativement épargné les territoires ultramarins. Un décret du mois dernier a étendu les dates, mais il faudrait carrément supprimer ce critère du bénéfice antérieur.

Concernant maintenant la relance, elle est sous-dimensionnée et insuffisamment adaptée à la réalité des outre-mer. Les 1,5 % de France Relance spécifiquement fléchés vers les outre-mer sont bien faibles rapportés à la part de la population ultramarine dans la population totale de la France (4 %). D'autant plus que les outre-mer comptent plusieurs vulnérabilités qui plaideraient au contraire pour des aides par tête supérieures à la moyenne. Et sans compter le déficit d'ingénierie des collectivités ultramarines, qui a freiné les candidatures aux appels à projets. La mission budgétaire « Outre-mer », à proprement parler, c'est 2,5 milliards d'euros seulement sur 20 milliards d'argent public qui vont chaque année aux outre-mer.

Cette mission outre-mer est le reflet de la situation économique de l'outre-mer : quand l'activité baisse, elle baisse ; et quand l'activité repart, elle repart. L'an dernier, la situation a été dramatique : en conséquence, pour la première fois depuis de nombreuses années, les crédits de la mission reculent par rapport à l'année précédente. C'est la double peine !

La diminution est due à la baisse d'activité économique, qui a entraîné mécaniquement un recul des exonérations de cotisations sociales patronales. Ces compensations représentant plus de la moitié des crédits de la mission « Outre-mer », leur baisse suffit à elle seule à expliquer la baisse des crédits totaux de la mission, de 73 millions d'euros. En matière de logement, en tant que co-auteure du rapport de la délégation aux outre-mer préconisant notamment une territorialisation de cette politique, je veux commencer par une bonne nouvelle : le ministère des outre-mer a annoncé le mois dernier reprendre plusieurs de nos propositions pour les intégrer à mi-parcours au PLOM, le plan logement outre-mer. C'est le signe que nos travaux sont entendus et reconnus.

Et heureusement ! Car en matière de logement, les outre-mer font face à des problématiques différentes de celles de l'hexagone, et différentes d'un territoire à l'autre. Dans les Antilles, la démographie est vieillissante, et l'enjeu réside essentiellement dans la réhabilitation de centres-villes en dévitalisation. À Mayotte et en Guyane, la démographie dynamique et la prévalence du mal-logement, nécessitent au contraire d'accentuer l'effort de construction.

Une mesure retenue par le Gouvernement qui me tient particulièrement à coeur est la création de commissions locales de normalisation, pour accréditer des matériaux et techniques localement, sans passer par l'hexagone, comme la Nouvelle-Calédonie le fait avec la Nouvelle-Zélande en matière de normes sismiques. C'est un facteur d'économies !

Dans ce budget logement, on note des efforts, mais ces efforts doivent être poursuivis pour être à la hauteur de la forte demande. 70 % de la population ultramarine est éligible au logement très social (contre environ 30 % dans l'hexagone). Dans une recherche d'équilibre territorial, il faut aussi produire du logement « intermédiaire », via l'accession à la propriété, et traiter la problématique du mal-logement et de l'habitat indigne, qui concerne plus d'un logement sur dix. Vaste chantier !

Le PLF pour 2022 propose d'augmenter la ligne budgétaire unique, c'est-à-dire le logement outre-mer, pour atteindre 200 millions d'euros. La consommation des crédits votés, très alarmante ces dernières années, s'est aussi améliorée. La sous-consommation est un problème chronique de la mission « Outre-mer », lié à un déficit d'ingénierie des collectivités et de l'État, et à une conception trop « descendante » des politiques publiques.

L'augmentation de la ligne budgétaire unique (LBU) est bienvenue, mais rappelons qu'elle est toujours en deçà de son niveau de 2010, à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy. D'autant que l'envolée des prix des matières premières et des matériaux de construction, absorbe une bonne partie de la hausse des crédits. En conséquence, le montant de LBU engagé pour chaque logement social est sous-estimé par l'État, ce qui réduit le nombre de logements financés.

Sur le terrain, la construction de logements sociaux a poursuivi son recul, entamé avant la crise sanitaire et économique, avec seulement 4 200 logements sociaux financés en 2020, loin des objectifs fixés. En revanche, l'accent est mis par le fonds friche sur la réhabilitation du parc ancien, qui était appelée de ses voeux par le Sénat.

Il faut inscrire la politique du logement plus largement dans une politique d'aménagement foncier et d'équipement. Car à quoi sert de produire des logements si le foncier n'est pas viabilisé, si les travaux de voirie, d'assainissement et de raccordement ne permettent pas d'y habiter ?

À cet égard, je tiens à saluer l'action positive des fonds régionaux d'aménagement foncier et urbain (FRAFU), cofinancés par la LBU, l'Union européenne et les régions.

Un point d'alerte subsiste en revanche sur l'abondement du fonds exceptionnel d'investissement (FEI), dont les crédits de paiement sont loin d'être à la hauteur des engagements.

Je ne conclurai pas sans une note d'espoir plus généralement pour les outre-mer : je pense que d'ici 2030, ils peuvent démontrer qu'ils sont des territoires d'innovation et de production, au-delà de l'image de carte postale qui leur est parfois attachée.

Un exemple peut être donné avec les sargasses, qui polluent depuis 2011 les « côtes au vent », exposées au vent d'est, des Antilles, en particulier à la Guadeloupe, avec des répercussions négatives pour le tourisme et la pêche. Après un « plan sargasses » de 10 millions d'euros cofinancé par le ministère de la transition écologique en 2018, l'État prévoit pour 2022, 2,5 millions d'euros supplémentaires de crédits pour financer le « plan sargasses II », afin d'aider les collectivités dans le ramassage de ces algues. C'est bienvenu, mais une approche moins attentiste consisterait à anticiper davantage les échouages par des moyens satellitaires, à capter les sargasses en mer, et à développer la valorisation des sargasses, qui peuvent servir d'engrais ou de matériau pour fabriquer des produits plastiques.

Il ne s'agit là bien sûr que d'un exemple parmi d'autres. Les outre-mer ont un potentiel évident pour devenir des laboratoires dans la recherche de résilience accrue des territoires face aux effets du changement climatique. Et ces solutions seront ensuite transposables dans l'hexagone.

Mme Sophie Primas , présidente . - Compte tenu des débats en cours sur le vote de la 1 ère partie de la loi de finances, je vous propose de repousser le vote sur ces crédits à la fin de l'examen de l'ensemble des missions.

Examen en commission
(Mercredi 24 novembre 2021)

Mme Sophie Primas , présidente . - Mes chers collègues, à la suite du rejet de la première partie du projet de loi de finances pour 2022, les avis budgétaires portant sur les missions de la seconde partie du PLF sont devenus sans objet et ne seront pas discutés en séance publique.

Notre commission avait décidé de réserver son vote et de surseoir à se prononcer lors de la présentation des rapports pour avis successifs. Afin de tirer les conséquences de ce choix, il nous revient désormais d'autoriser formellement la publication sous forme de rapports d'information des différents tomes correspondant aux missions budgétaires relevant de notre commission.

Il n'y a pas d'opposition ?

Je vous remercie.

La commission des affaires économiques autorise la publication de ces rapports d'information.

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