II. DES ENJEUX DONT LA RÉPONSE DOIT ÊTRE RENFORCÉE

A. MIEUX ACCOMPAGNER LES COMMUNES ET LES PROPRIÉTAIRES PRIVÉS DANS LEURS PROJETS DE RESTAURATION

Bien que les communes et les propriétaires privés soient aujourd'hui les deux catégories de propriétaires dont la part de monuments historiques en état de péril est la plus élevée, les crédits alloués à l'entretien et à la restauration des monuments historiques n'appartenant pas à l'État ne sont pas toujours intégralement consommés en fin d'exercice. Les difficultés rencontrées par les services de l'État pour inciter les communes et les propriétaires privés à engager des travaux expliquent d'ailleurs très largement pourquoi l'État a décidé de consacrer la majeure partie des crédits du plan de relance aux monuments lui appartenant pour garantir leur consommation dans le délai imparti.

Taux de consommation des autorisations d'engagement destinées aux monuments historiques n'appartenant pas à l'État au 30 septembre 2021

56%

61%

49%

Fonds incitatif et partenarial

Cette situation n'est pourtant pas optimale, ni pour l'état sanitaire du patrimoine, ni pour l'activité des entreprises de restauration du patrimoine, dans la mesure où elle prive partiellement de leur effet de levier les crédits que l'État consacre chaque année à l'entretien et à la restauration des monuments historiques qui ne lui appartiennent pas. Le rapporteur estime urgent de lever les obstacles, financiers et techniques, qui empêchent ces deux catégories de propriétaires de mener à bien les restaurations des immeubles dont ils ont la charge .

1. Renforcer l'efficacité du fonds incitatif et partenarial

Cette difficulté financière a été identifiée par l'État. Elle a justifié la création, en 2018, du fonds incitatif et partenarial pour les communes à faibles ressources , destiné à soutenir les petites communes rurales qui possèdent des monuments historiques mais ne disposent que de ressources très limitées pour les restaurer et les entretenir. Ce fonds permet à l'État de majorer le taux de sa subvention aux projets sélectionnés, sous réserve d'une participation minimale de la région à hauteur de 15 %. Les monuments appartenant aux propriétaires privés situés sur le périmètre des communes concernées par le dispositif y sont également éligibles.

Même si ce fonds a remporté un succès, avec 500 opérations accompagnées, le rapporteur s'étonne que ce dispositif soit encore méconnu de nombreuses communes rurales, alors qu'il leur est pourtant destiné. Dans ces conditions, elle estime nécessaire que l'État :

- en fasse davantage la publicité , à la fois auprès de l'Association des maires ruraux de France et au sein des conseils locaux des territoires pour la culture (CLTC), afin qu'il puisse donner sa pleine mesure ;

- en accroisse la dotation , quitte à revoir la répartition des crédits destinés aux monuments historiques n'appartenant pas à l'État, dans la mesure où ce sont ces communes qui concentrent la majorité des monuments historiques et où les situations de péril sont les plus nombreuses.

2. Suppléer au déficit d'ingénierie de ces catégories de propriétaires

Depuis 2005 1 ( * ) , les collectivités territoriales et les propriétaires privés exercent la maîtrise d'ouvrage sur les monuments historiques qui leur appartiennent. Le code du patrimoine prévoit la possibilité d'une assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) de la part des services de l'État pour les aider à faire face à leurs responsabilités. Mais, seules quelques régions sont en mesure de proposer ce service , faute d'effectifs suffisants au sein des directions régionales des affaires culturelles (DRAC).

Il s'agit d'une vraie source de difficultés, dans la mesure où les collectivités territoriales, notamment les plus petites qui concentrent l'essentiel du patrimoine à protéger, ne sont généralement pas formées au rôle de maître d'ouvrage, ne disposent pas de l'ingénierie nécessaire, et n'ont pas forcément les moyens financiers de faire appel à un cabinet privé en assistance à maîtrise d'ouvrage, compte tenu du faible nombre de collectivités publiques proposant aujourd'hui ce service. L'association des maires ruraux de France indique que ces difficultés conduisent régulièrement certaines communes à renoncer à certains projets, dont le financement de la restauration en tant que telle aurait pourtant pu être assuré. Elle appelle de ses voeux un meilleur accompagnement de l'État sur les projets de restauration en amont (phase d'études et de diagnostics) et en aval, pour les aider à définir le projet de valorisation du patrimoine une fois celui-ci restauré.

Face à ce problème récurrent de déficit d'ingénierie, le rapporteur estime urgent que le Gouvernement confie aux services d'inspection une réflexion en matière d'AMO . Il apparait important d'identifier le coût que représenterait pour l'État la mise en place de ce service dans l'ensemble des régions et de dresser un bilan coût/avantages des pistes alternatives (structuration de l'offre d'AMO sur le territoire, mutualisation des services d'ingénierie entre collectivités territoriales, majoration du taux de subvention de l'État aux dépenses d'AMO par rapport au taux de subvention applicable aux travaux).

Cette question illustre une nouvelle fois le manque de moyens humains des DRAC et des unités départementales du patrimoine et de l'architecture (UDAP) , qui les empêchent aujourd'hui de se rendre suffisamment sur le terrain et de disposer de temps pour dialoguer et être à même de remplir leurs missions de conseil. Le rapporteur considère qu'il s'agit d'un enjeu crucial. Si les communes et les propriétaires privés étaient mieux accompagnés d'un point de vue technique, beaucoup plus de chantiers de restauration pourraient être lancés chaque année, avec un effet « boule de neige », puisque les crédits alloués annuellement par l'État au patrimoine auraient ainsi un effet de levier beaucoup plus important.


* 1 Ordonnance n° 2005-1128 du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés.

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