B. FINANCEMENTS DE L'ATTÉNUATION ET DE L'ADAPTATION : SANS PROGRÈS FUTURS, DES RISQUES MAJEURS DE PARALYSIE DE LA NÉGOCIATION CLIMATIQUE

Suite à la publication, ayant précédé la COP, d'un rapport de l'OCDE, actant du non-respect par les pays développés de l'objectif d'une mobilisation de 100 milliards de dollars par an d'ici 2020 en faveur des pays en développement , formalisé douze ans plus tôt lors de la COP15 de Copenhague, la problématique des financements climatiques dédiés à l'atténuation et à l'adaptation aura été un des enjeux les plus structurants des négociations s'étant déroulées à Glasgow .

Les attentes légitimes des pays du Sud en la matière devront - dans les mois et années à venir - faire l'objet d'une réponse adéquate de la part des pays du Nord.

Il s'agit là d'un impératif de responsabilité qui doit animer les pays riches, principaux responsables du stock historique de gaz à effet de serre, à l'endroit des pays en développement, plus exposés aux conséquences du dérèglement climatique. Cet impératif fonde au demeurant le principe des « responsabilités communes mais différenciées », consacré par le droit international.

Il s'agit également d'un impératif climatique : si les pays du Nord ne répondent pas aux attentes des pays du Sud en matière de financements, il y est illusoire d'espérer entraîner l'ensemble des pays sur le chemin de la neutralité. La crise de confiance pourrait sinon s'ancrer plus encore et paralyser durablement la négociation climatique. Cette absence de solidarité des pays développés conforte également l'alliance entre les pays en développement et des « grands émergents » (Chine, Inde), à travers le groupe de négociation « G77+Chine », alliance qui participe à limiter l'ambition générale, comme observé en fin de COP avec l'atténuation demandée par l'Inde et la Chine de la mention sur la sortie du charbon.

1. Des montants insuffisants pour atteindre la cible de 100 milliards de dollars fixée à Copenhague

À la COP15 de Copenhague, en 2009, les pays développés s'étaient engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an d'ici 2020 en faveur des pays en développement. Bien que le montant retenu soit éloigné des besoins réels - un récent rapport de la CNUCC 38 ( * ) estimant à près de 6 000 milliards de dollars d'ici 2030 le montant total des fonds nécessaires aux pays en développement pour financer la moitié des actions prévues dans leur CDN - la promesse formulée en 2009 est devenue pour les pays en développement le baromètre de l'engagement réel des pays développés en faveur de l'action climatique internationale.

D'après un rapport de l'OCDE 39 ( * ) publié avant le début de la COP26, les financements publics et privés mobilisés ont atteint 79,6 milliards de dollars en 2019, dont 62,9 milliards de fonds publics - 28,8 de bilatéral et 34,1 de multilatéral 40 ( * ) - 2,6 milliards de crédits exports et 14 milliards de fonds privés.

Si les chiffres officiels pour 2020 ne sont pas encore disponibles, il est très probable que la cible de 100 milliards d'euros fixée en 2009 ne sera pas atteinte à cette échéance. Selon le rapport de l'OCDE, s'appuyant sur les engagements formulés avant la COP26, elle ne pourrait l'être qu'en 2023 . Si on tient compte de l'annonce formulée à Glasgow par le Japon d'augmenter de 10 milliards de dollars ses financements sur la période 2021-2025, cette cible pourrait être atteinte un an plus tôt, dès 2022 .

Source : OCDE, 2021

En écho à ces chiffres, le « Pacte de Glasgow pour le climat » note « avec regret » le non-respect par les pays développés de leur promesse et les exhorte à la respecter « de toute urgence et jusqu'en 2025 ».

Si la cible des 100 milliards devrait être atteinte d'ici 2022 ou 2023, l'accord ne garantit pas que les engagements à venir permettront de mobiliser 100 milliards d'euros par an en moyenne sur la période 2020-2025 , ce qui nécessiterait pour les dernières années de cette séquence d'aller bien au-delà du seuil fixé à Copenhague, comme le reconnaît au demeurant le texte final.

Les financements post-2025 feront quant à eux l'objet d'un cadre de négociation spécifique sous l'égide la CNUCC, les États s'étant engagés, lors de la COP24 de Katowice, à se fixer en 2025 un nouvel objectif chiffré collectif de financements climatiques à partir d'un plancher de 100 milliards de dollars.

Au regard des montants mobilisés , la France , troisième contributeur mondial derrière le Japon et l'Allemagne, mais devant le Royaume-Uni et les États-Unis, semble quant à elle au rendez-vous de ses promesses ; notre pays s'était engagé à atteindre 5 milliards d'euros de financements climatiques d'ici 2020, cible qu'il a dépassée en 2019 (6 milliards d'euros) et atteinte en 2020 (5,05 milliards).

Pour la période 2021-2025 , la France s'engage à relever son engagement annuel à hauteur de 6 milliards d'euros . En particulier, pour la période 2020-2023, notre pays a doublé sa contribution au Fonds vert pour le climat pour le porter à 1,5 milliard d'euros.

2. Vers un doublement des fonds alloués à l'adaptation

Source : OCDE, 2021

Au-delà du montant global insuffisant des financements climatiques, la nature de ces contributions est également source d'importantes critiques.

En particulier, la part dédiée à l'adaptation est aujourd'hui trop limitée, avec seulement 25 % en 2019, ou 36 % dans l'hypothèse la plus favorable (en intégrant les fonds « mixtes » - couvrant à la fois l'atténuation et l'adaptation - et les fonds non encore fléchés). Cette part reste très éloignée de la demande des pays vulnérables, relayée notamment par le secrétaire général des Nations unies , António Guterres, d'une parité entre financements dédiés à l'atténuation et financements dédiés à l'adaptation . Cette demande est notamment justifiée par le fait que les projets d'adaptation sont moins rentables et nécessitent à cet égard un soutien accru et spécifique.

Avec 1,96 milliard d'euros dédiés à l'adaptation en 2020, soit 39 % de ses financements climatiques totaux , et un objectif d'un tiers des fonds dédiés à l'adaptation pour la période 2021-2025, la France est également en retrait par rapport à la recommandation des Nations unies .

Fait particulièrement notable des négociations, le « Pacte de Glasgow pour le climat » a fini par intégrer la préoccupation exprimée par les pays vulnérables, en « [exhortant] les États Parties développés à au moins doubler leurs financements collectifs pour l'adaptation en direction des États Parties en développement, d'ici 2025, en tenant compte des niveaux de 2019 ». En 2025 , les pays développés devront donc atteindre au moins 40 milliards de financement dédiés à l'adaptation.

La commission estime indispensable que la France prenne sa part dans cet accroissement collectif des fonds consacrés à l'adaptation , comme le Sénat l'avait d'ailleurs déjà exprimé dans sa résolution n° 22 (2021-2022) du 2 novembre 2021 .

Notre pays disposant d'une grande expérience et légitimité en matière de financements climatiques, il pourrait entraîner ses partenaires sur la voie dressée par le secrétaire général des Nations unies, en tendant progressivement vers une parité entre adaptation et atténuation, le cas échéant en intégrant les fonds « mixtes » - couvrant ces deux catégories - dans le calcul de la part dédiée à l'adaptation.

La France pourrait a minima clarifier son intention en précisant si elle entend réviser ou non son objectif en la matière , pour tenir compte de l'issue des négociations de Glasgow.

3. Une part trop élevée de prêts, aux dépens des dons

Autre pomme de discorde entre pays donateurs et pays récipiendaires : la part respective des prêts et des dons dans les montants totaux.

En moyenne, selon une étude Oxfam de 2020 41 ( * ) , moins de la moitié (45 %) des financements climatiques mondiaux seraient ainsi constitués de dons. La France se situe bien en-dessous de cette moyenne (27 %), à l'inverse des deux plus grands pourvoyeurs de fonds climat au monde, le Japon (52 %) et l'Allemagne (49 %).

Notons qu'il existe un lien fort entre la nature des fonds alloués et l'objectif visé des financements : les projets dédiés à l'adaptation étant généralement moins rentables que ceux consacrés à l'atténuation, les prêts constituent un instrument financier moins pertinent pour les premiers que pour les seconds.

L' augmentation des fonds dédiés à l'adaptation ne pourra donc se faire sans une hausse progressive de la part des dons .


* 38 Report of the Standing Committee on Finance, 2021.

* 39 OCDE, Financement climatique fourni et mobilisé par les pays développés, Tendances agrégées mises à jour avec les données de 2019, 2021.

* 40 Les fonds multilatéraux proviennent des banques multilatérales de développement (banque africaine de développement, banque européenne d'investissement, banque asiatique de développement...) et les fonds multilatéraux pour le climat (fonds pour l'environnement mondial (FEM), fonds vert pour le climat, fonds pour l'adaptation...).

* 41 Oxfam, Les vrais chiffres des financements climats, 2020.

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