II. ... QUI S`INSCRIVENT DANS UN RÉSEAU DÉJÀ DENSE DE STRUCTURES DÉDIÉES

A. LE NOMBRE IMPORTANT DE STRUCTURES DÉDIÉES À LA RECHERCHE PATRIMONIALE INCITE À UN RENFORCEMENT DES SYNERGIES

L'examen des crédits dédiés à la recherche patrimoniale au sein du programme 175 « Patrimoines » et du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » souligne, au-delà des trois services à compétence nationale, la multiplicité des acteurs publics dans ce domaine.

Montants prévus au sein des programmes 175 et 361 de la mission Culture
en faveur des organismes dédiés à la recherche patrimoniale

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

La recherche patrimoniale associe en effet :

- établissements publics sous tutelle ou co-tutelle (Institut national d'histoire de l'art - INHA et Institut national de recherches archéologiques préventives - INRAP) ;

- groupements d'intérêt public à caractère culturel : Centre interrégional de conservation et de restauration du patrimoine - (CICRP) situé à Marseille, et Arc-Nucléart installé à Grenoble ;

- universités (dont celles réunies au sein de la Fondation des sciences du patrimoine) et unités de recherche du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ;

- services dédiés au sein des musées, à l'image du Centre de recherche sur la conservation des collections rattaché au Muséum national d'histoire naturelle ou de l'équipe de conservation et de recherche du musée de la musique ;

- services patrimoniaux dépendant de collectivités territoriales.

Montants spécifiquement dédiés à la recherche en faveur des patrimoines au sein du programme 361 (hors dépenses de personnels, SCN et opérateurs) en 2022

(en euros, AE=CP)

Centre interrégional de conservation et de restauration du patrimoine

213 580

Recherche patrimoniale

698 108

Total

911 688

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Dans ces conditions, les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur l'efficacité de l'allocation de moyens à un nombre important de guichets , sans que ne soient définis les axes d'un projet global en matière de recherche patrimoniale . Ils redoutent ainsi un morcellement des moyens accordés rendant le soutien public insuffisant .

1. Deux groupements d'intérêt public à caractère culturel et un laboratoire départemental concourent également à des missions couvertes par le LRMH et le C2RMF
a) Le Centre interrégional de conservation et de restauration du patrimoine

Créé en 1993 à la suite d'une décision d'un comité interministériel d'aménagement du territoire, le Centre interrégional de conservation et de restauration du patrimoine (CICRP) est géré par un groupement d'intérêt public à caractère culturel constitué de l'État (ministère de la Culture), de la Ville de Marseille, du Conseil régional de Provence-Alpes-Côte-D'Azur et du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône.

Il est implanté sur l'ancien site des Manufactures des tabacs de Marseille, mis à disposition par l'État et la ville de Marseille. Il y dispose d'une surface de 6 600 m², dont 2 000 m² dédiés aux ateliers de restauration.

Le CICRP intervient dans les domaines de la conservation préventive , de la conservation curative et de la restauration du patrimoine culturel relevant du domaine public ou du domaine privé protégé au titre des Monuments Historiques . Ces interventions peuvent ainsi concerner les musées de France, les monuments historiques, les archives, les bibliothèques, les centres d'art, les fonds régionaux d'art contemporain ou toute autre institution conservant des biens culturels.

Son activité porte sur :

- l'art et les matériaux contemporains ;

- les arts graphiques ;

- le patrimoine écrit ;

- la peinture de chevalet ;

- la peinture murale ;

- la pierre ;

- la conservation préventive, notamment les problématiques de contaminations biologiques (moisissures et infestation).

Le CICRP apporte aux propriétaires et responsables des biens culturels, collections ou monuments, une assistance et une expertise scientifique et technique . Il propose conseils, préconisations et démarches méthodologiques. Il peut réaliser des diagnostics et des études préalables. Il accompagne les maîtres d'ouvrages dans les opérations de conservation et de restauration.

À l'image du C2RMF, il accueille des oeuvres en restauration et accompagne ces opérations en mettant à la disposition de l'oeuvre des équipements et les moyens humains qui permettent à des restaurateurs libéraux choisis par les maîtres d'ouvrage de mener leurs travaux dans les meilleures conditions possibles.

Le CICRP mène, en outre, des études et des recherches liées aux problématiques de la conservation et de l'altération des matériaux du patrimoine . Le CICRP a, dans ce contexte, constitué en 2017 un LABCOM avec une unité mixte de recherche du CNRS dédiée à la modélisation pour l'architecture et le patrimoine (UMR 3495 - MAP), avec pour objectif le développement de l'imagerie scientifique numérique au service de la conservation du patrimoine.

Le CICRP a intégré en 2018 la Fondation des Sciences du Patrimoine (FSP - cf infra ) et fait également partie depuis 2017 du réseau European Research Infrastructure for Heritage Science (E-RIHS - cf infra ).

Le montant des financements publics du CICRP est établi à 3,097 millions d'euros en 2021, près de 60 % des crédits étant apportés par l'État. Le CICRP bénéficie ainsi d'une subvention en 2022 de 213 850 euros (AE=CP) au titre du programme 361 « Transmission et démocratisation de la culture ».

Financements du CICRP en 2021

( en euros )

Partenaire

Subvention

Investissement

Personnels

Foncier (coût de la mise à disposition gracieuse)

Total

Répartition

Ville de Marseille

420 000

110 000

454 848

984 848

30,38 %

État

400 000

110 000

1 250 000

177 000

1 937 000

59,75 %

Conseil régional Provence - Alpes - Côte d'Azur

225 000

35 000

260 000

8,02 %

Conseil départemental des Bouches-du-Rhône

60 000

60 000

1,85 %

Total

1 105 000

145 000

1 360 000

631 848

3 241 848

100 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les éléments transmis par le CICRP

Il emploie 24 fonctionnaires de l'État et de la ville de Marseille : conservateurs, géologues, chimistes, entomologiste, chef de travaux d'art, photographes-radiologue, personnel administratif, documentalistes, installateurs et techniciens. 4 contractuels ont également été recrutés, 3 étant financés par le biais d'une compensation de la ville de Marseille.

Fonctionnaires mis à disposition du CICRP

Origine

Nombre

Coût annuel
(en euros)

État

22 fonctionnaires (4 non pourvus)

1 250 000

Ville de Marseille

2

110 000

Total

24

1 360 000

Source : commission des finances du Sénat d'après les éléments transmis par le CICRP

Des contributions financières peuvent être demandées aux solliciteurs selon la nature des demandes (études, conseil, accueil d'oeuvres). Les sollicitations émanant du territoire couvert par le conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur sont exonérées de contribution. Des conventions globales et forfaitaires ont été établies avec la Conservation régionale des Monuments Historiques d'Occitanie et de Corse ainsi qu'avec le Centre des Monuments Nationaux. L'ensemble de ces contributions permet au CICRP de bénéficier d'un apport en fond propres d'environ 80 000 euros par an.

b) L'Atelier de recherche et de conservation (ARC) -Nucléart

Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) a engagé en 1970 le programme « Nucléart » avec pour objectif d'appliquer, dans le domaine de la conservation du patrimoine culturel, certaines des propriétés spécifiques du rayonnement gamma . Il s'agissait de pouvoir ainsi procéder à :

- la destruction des organismes vivants par irradiation à dose appropriée (désinsectisation et désinfection) ;

- la polymérisation de résines radiosensibles (procédé « Nucléart »).

Les méthodes de traitement se sont depuis diversifiées (imprégnation de polyéthylène glycol, lyophilisation) et des travaux de restauration des bois archéologiques sont désormais effectués.

Le CEA a également noué en 1981 un partenariat avec la direction des Musées de France et la Ville de Grenoble en vue de la création d'un Centre d'études et de traitement des bois gorgés d'eau (CETBGE).

Le CETBGE et Nucléart sont regroupés depuis 1989 au sein de l'atelier de recherche et de conservation Nucléart (ARC-Nucléart). ARC-Nucléart devient en 1997 un Groupement d'intérêt public à but culturel (GIP) réunissant le CEA, le ministère de la Culture et de la Communication, la Région Rhône-Alpes, la Ville de Grenoble et l'Association ProNucléart. La Région Auvergne - Rhône-Alpes n'est plus membre du GIP depuis juin 2017.

ARC-Nucléart assure la conservation-restauration des biens culturels en matériaux organiques et poreux (bois, cuirs et peaux, composites bois/métal ou autres, vanneries, cordages). Il mène également des actions de formation et de recherche . Il transfère au secteur privé les procédés issus de ces recherches.

Ses domaines d'intervention sont les suivants :

- interventions sur les sites archéologiques pour conseils et/ou extraction de vestiges en bois gorgés d'eau de grandes dimensions ;

- conservation et restauration des matériaux organiques archéologiques (bois, cuir, fibres, etc.) ;

- désinfection et désinsectisation de collections en matériaux organiques ;

- consolidation et restauration d'objets historiques et ethnographiques en bois avec ou sans polychromie ;

- consolidation et restauration du patrimoine culturel artisanal et industriel en bois ;

- consolidation de parquets historiques ;

- conception et réalisation de conditionnements spécifiques de transport et de conservation, et de supports muséographiques.

Arc Nucléart est éligible à une partie des crédits prévus au sein du programme 361 pour la recherche patrimoniale : 0,7 million d'euros en loi de finances pour 2022.

c) Le laboratoire de conservation-restauration et de recherche Arc'Antique

Intégré depuis 2015 au service Grand Patrimoine du département de Loire-Atlantique, Arc'Antique est un laboratoire de conservation-restauration et de recherche spécialisé sur le patrimoine archéologique terrestre et sous-marin. Créé en 1989, avec le soutien de l'État et du département, 4 missions lui sont assignées :

- l'étude et la conservation-restauration des objets archéologiques ;

- le développement de programmes de recherche appliquée ;

- la formation à la préservation du patrimoine ;

- l'information et le partage des connaissances.

Il a développé à ces fins des activités d'imagerie et d'analyse des matériaux. Il procède également à des études préalables en conservation préventive.

Ces missions sont centrées autour de 4 secteurs :

- la céramique et le verre ;

- les métaux ;

- les matériaux organiques : bois, cuir, os, fibres végétales ou animales ;

- le patrimoine sous-marin.

Il a aussi développé des activités complémentaires :

- imagerie ;

- analyse des matériaux

- étude préalable en conservation préventive et en formation des professionnels

L'équipe d'Arc'Antique regroupe 11 personnes aux compétences complémentaires. Les conservateurs-restaurateurs sont diplômés et habilités à intervenir sur des collections publiques.

2. La Fondation des sciences du patrimoine : un écosystème de recherche associant acteurs publics et privés

La Fondation des sciences du patrimoine (FSP) a été créée par arrêté rectoral du 24 janvier 2013. Fondée par les universités de Versailles Saint-Quentin en Yvelines et de Cergy-Pontoise, elle associe le Musée du Louvre, l'établissement public du Château de Versailles et la Bibliothèque nationale de France. Le LRMH, le C2RMF et l'Institut national d'Histoire de l'art en sont membres.

Fondation partenariale placée sous le haut patronage du ministère de la Culture, elle a été créée pour assurer la mise en place de l'équipement d'excellence (EquipEx) Patrimex et jusqu'en 2018, la gouvernance du laboratoire d'Excellence (LabEx) Patrima 7 ( * ) .

Patrimex et Patrima

L'équipement d'excellence Patrimex consiste en un réseau socio-technique dédié à la caractérisation, la conservation et la restauration du patrimoine matériel sous toutes ses formes (monuments, statues, tableaux, manuscrits, archives, instruments anciens).

Il rassemble des outils d'étude utilisant les interactions ondes-matière, répartis autour de quatre pôles : plateforme laser, plateforme mobile, plateforme Synchrotron et Base de données Data H.

Les outils de Patrimex sont mis à la disposition de la communauté scientifique et des institutions partenaires de la FSP, ainsi que d'entités publiques et privées oeuvrant dans le secteur de la protection et de la sauvegarde du patrimoine. Ils ont également vocation à s'ouvrir à d'autres secteurs socio-économiques.

Le laboratoire d'excellence Patrima constitue un pôle de recherche et de formation. Il regroupe spécialistes des sciences humaines et sociales, des sciences de l'information et des sciences physico-chimiques et du vivant et réunit laboratoires de recherche et institutions culturelles autour de projets fédérateurs. Il répond à trois objectifs : recherche fondamentale, recherche appliquée et amélioration de la transmission des connaissances.

Source : commission des finances du Sénat

Définie comme un écosystème de recherche, la Fondation des sciences du patrimoine est censée concourir à la structuration et au financement de la recherche autour du patrimoine culturel matériel. Son action se décline autour de trois axes :

- la connaissance intime du patrimoine ;

- l'amélioration des procédés de conservation et de restauration ;

- l'amélioration des techniques de diffusion des connaissances.

La FSP vise la promotion de nouvelles synergies et habitudes de travail, convoquant l'ensemble des disciplines : anthropologie, histoire, sciences physico-chimiques, mathématiques, droit et informatique. Elle est à l'origine de 164 projets de recherche ou actions de diffusion scientifique et accompagne ou a accompagné 77 projets de thèses. 167 enseignants chercheurs et 36 conservateurs du patrimoine sont associés.

Patrimex comme Patrima font l'objet de financements dans le cadre du programme investissements d'avenir, sur la base d'appels à projets. Les projets sélectionnés par le Conseil scientifique de la FSP bénéficient ensuite d'une dotation décennale. Les universités porteuses de projets, les institutions partenaires et d'autres acteurs par le biais du mécénat viennent ensuite abonder le financement versé par le secrétariat général pour l'investissement (SGPI). La FSP a ainsi annoncé le financement de 9 projets en 2020 pour un montant global de 564 500 euros .

La FSP est, par ailleurs, au même titre que des universités, des grandes écoles, des établissements publics, d'autres fondations ou des associations, éligible aux crédits prévus pour les recherches pluridisciplinaires au sein du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Une enveloppe globale de 2,53 millions d'euros (AE = CP) est ainsi prévue en loi de finances pour 2022 8 ( * ) .

3. Le rôle des établissements publics

Deux établissements publics ont un rôle moteur en matière de recherche patrimoniale : l'Institut national de l'histoire de l'art - INHA et l'Institut national de recherches archéologiques préventives - INRAP ( cf infra ).

a) L'institut national d'histoire de l'art (INHA)

Établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), l'INHA a été créé en 2001 9 ( * ) . Il est placé sous la tutelle du ministère de la culture et du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Bénéficiant de la dénomination de Grand établissement, il est dédié au développement de l'activité scientifique et à la coopération scientifique internationale dans le domaine de l'histoire de l'art et du patrimoine il s'articule autour de deux départements :

- le département des études et de la recherche (DER) ;

- le département de la bibliothèque et de la documentation (DBD).

L'unité de service et de recherche In Visu (Information visuelle et textuelle en histoire de l'art : nouveaux terrains, corpus, outils) rattaché au CNRS (USR3103) complète le dispositif.

Les principales missions du département des études et de la recherche consistent à :

- contribuer à la réalisation des programmes scientifiques et définir les orientations et moyens nécessaires à la production des outils documentaires ;

- faire émerger et animer des réseaux nationaux et internationaux ;

- former des chargés d'études et de recherche, des boursiers et des moniteurs-étudiants ;

- accueillir des chercheurs français et étrangers et favoriser l'insertion des chercheurs français dans les milieux scientifiques internationaux ;

- renforcer la diffusion des connaissances en histoire de l'art par l'organisation et l'accueil de colloques et de journées d'étude, la présentation d'expositions, ainsi que par le soutien et le développement d'une activité éditoriale diversifiée ;

- proposer une information sur les formations d'enseignement et de recherche, sur les institutions qui participent au développement de l'histoire de l'art et sur les programmes de bourses auxquels peuvent prétendre les historiens de l'art ;

- mettre en place une veille d'information sur l'actualité de la recherche en histoire de l'art en France et dans le monde ;

- assurer une mission de conseil et d'expertise pour la programmation des activités.

L'INHA bénéficie de deux financements au titre de la mission « Culture » pour subvention pour charges de service public :

- 3,89 millions d'euros (AE = CP) au titre du programme 175 « Patrimoines » ;

- 283 848 euros (AE = CP) au titre du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

En ajoutant les crédits en provenance du ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur et ses ressources propres, l'établissement dispose d'un budget de 11,26 millions d'euros. Il convient de relever que ce budget n'intègre pas toutes les dépenses de personnels : une partie des personnels de l'INHA relève, en effet, des tutelles du ministère de la Culture et du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation. Les montants correspondants atteignent 4,35 millions d'euros s'agissant des personnels relevant du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et 2,3 millions d'euros pour les personnels relevant du ministère de la Culture. Les dépenses de personnel couvertes par l'INHA s'élèvent de leur côté à 3,9 millions d'euros.

L'INHA comptait 234 agents en poste , soit le plafond de 195,32 emplois équivalent temps plein annuel travaillé (ou ETPT, financés par la dotation de l'Etat) et 5,20 ETPT hors plafond (financés par des fonds extérieurs). Ces chiffres n'intègrent pas l'équipe du laboratoire InVisu , 10 chercheurs invités, 20 boursiers, les stagiaires et les vacataires concourant aux expertises scientifiques et documentaires.

L'INHA travaille en coopération avec le LRMH et le C2RMF. 3 programmes sont ainsi directement concernés à l'initiative de l'INHA :

- une étude sur les icônes grec-byzantines XIII e siècle menée avec le C2RMF, le LRMH étant associé à un groupe de travail mensuel ;

- l'élaboration d'un répertoire des sculptures allemandes avec le C2RMF ;

- le développement d'un programme de recherche sur les colorants datant du mitan du XIX ème siècle, avec le LRMH.

b) L'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP)

Créé par la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2011 relative à l'archéologie préventive, l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) est un établissement public administratif chargé d'exécuter les opérations d'archéologie préventive prescrites par les services de l'État en charge de l'archéologie. Cette mission est partagée avec les services archéologiques des collectivités territoriales pour les diagnostics et les fouilles ainsi qu'avec les structures de droit privé pour les fouilles uniquement.

L'INRAP procède également à l'exploitation scientifique de ses activités et à la diffusion de leurs résultats. Il conventionne à cet effet avec des établissements publics de recherche ou d'enseignement supérieur.

Il est également tenu de concourir à l'enseignement, à la diffusion culturelle et à la valorisation de l'archéologie.

Afin de financer ses missions, le projet de loi de finances pour 2022 prévoit une dotation de 88,09 millions d'euros. 87,6 millions sont versés via le programme 175 « Patrimoines » et 0,49 million d'euros via le programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Le programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance » prévoit en outre 5 millions d'euros afin de soutenir l'activité de l'Institut, 15 millions d'euros ayant déjà été versés en 2021.

4. Des problématiques communes qui invitent à s'interroger sur la pertinence d'un rapprochement

La création de la Fondation des sciences du patrimoine aurait dû être le prélude à un rapprochement des structures publiques dédiées à la recherche patrimoniale.

Ce pôle commun permettrait également de mettre en place une logique de guichet pour les acteurs extérieurs, confrontés pour certains d'entre eux à des difficultés d'accès au C2RMF et au LRMH . L'Association des Conservateurs des Collections Publiques de France a pointé lors de son audition par les rapporteurs spéciaux les difficultés pour saisir le C2RMF, la procédure étant jugé chronophage et digne d'une usine à gaz. L'Association des architectes du patrimoine regrette, quant à elle, le rôle de filtre joué par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) qui limite son accès au LRMH.

a) Une mutualisation des moyens techniques et humains nécessaire

La mise en place d'un véritable pôle dédié, disposant d'une structure de gouvernance, permettrait aux SCN comme aux autres acteurs de répondre aux défis auxquels ils font face qu'il s'agisse des questions de personnels ou de la mutualisation des moyens , sans gommer les spécificités de chacune des entités. Le CICRP insiste ainsi régulièrement sur la mise à disposition d'outils pour mener à bien ses missions d'assistance.

La plupart des organismes publics dédiés à la recherche patrimoniale sont confrontés à un manque de forces vives . Relayée par les responsables des laboratoires, cette situation est également relevée par des acteurs extérieurs, à l'image de l'Association des architectes du patrimoine qui a indiqué aux rapporteurs spéciaux avoir observé un manque de personnels au sein du LRMH. L'Association des Conservateurs des Collections Publiques de France note, quant à elle, certaines carences au sein du C2RMF (climaticiens, manque de ressources sur la datation du bois) et souligne un problème de disponibilité des personnels dès lors que le C2RMF est sollicité pour une grosse opération à l'image de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris ou d'une participation à un projet européen.

De son côté, le CICRP est confronté à la fragilité inhérente à un groupement d'intérêt public s'agissant du recrutement : un quart du personnel est concerné par un départ en retraite dans les cinq ans alors que la mise à disposition d'ingénieurs s'avère délicate. Les partenaires pourvoyeurs de postes au sein du CICRP - ministère de la culture et ville de Marseille - ont toujours confirmé les renouvellements des postes, le ministère ayant même assoupli les modalités de candidature en ouvrant les postes aux agents d'autres ministères, aux fonctionnaires territoriaux et à des contrats à durée indéterminée Les difficultés constatées sont liées essentiellement à un manque de candidatures provenant de la fonction publique d'État et au différentiel de rémunération «fonctionnaires État et territoriaux». Elles débouchent sur une carence chronique qui entraîne des vacances longues compensées par des contrats à durée déterminée pris sur le budget du CICRP. Ceux-ci alourdissent sa masse salariale. À l'aune de ce défi, une réflexion sur un changement de statut et une évolution vers un établissement public de coopération culturelle (EPCC) est envisagée.

La création d'un pôle national dédié à la recherche patrimoniale pourrait en partie répondre à cette question , en fluidifiant les échanges de personnels et de moyens entre les laboratoires, SCN ou non, dont l'action s'inscrirait dans un programme de recherche défini au niveau national.

b) Le projet E-RIHS : un accélérateur de particules pour un rapprochement ?

L'étude des matériaux anciens a bénéficié de financements européens récurrents depuis 1999, à travers les projets LabS-TECH, EU-ARTECH, CHARISMA ou IPERION CH 10 ( * ) .

Créée en 2015, E-RIHS ( European Research Infrastructure for Heritage Sciences ) vise à changer de dimension, en prévoyant la mise en place d'une véritable infrastructure commune. Celle-ci doit permettre de développer et soutenir la recherche dans le domaine patrimonial, via une approche pluridisciplinaire. Elle favoriserait ainsi l'accès transnational aux ressources issues de différentes plateformes européennes, qu'il s'agisse de l'ouverture aux grands instruments et aux technologies de pointe, du développement de l'interopérabilité et de la mise en commun de données, ou de la mise en place d'échanges de bonnes pratiques Elle développe, dans le même temps, des activités de formation mais aussi de valorisation auprès du grand public.

Elle réunit 14 Etats membres : Allemagne, Belgique, Chypre, Danemark, Espagne, France, Grèce, Hongrie, Irlande Italie, Pays-Bas, Portugal Slovénie et République tchèque. Le Royaume-Uni et Israël sont également associés au dispositif. La mise en place d'une structure juridique lui permettant de mettre en oeuvre ces activités sur le moyen et long terme est envisagée à l'horizon 2023. Cet organisme pérenne devra être soutenu pour une durée minimale de 5 ans par les Etats membres.

Le coût de la mise en oeuvre de l'infrastructure était estimé, en 2018, à 20 millions d'euros dans la feuille de route sur les infrastructures de recherche 11 ( * ) . Le budget de fonctionnement est évalué à 5 millions d'euros par an.

Le CNRS, les SCN du ministère de la culture, des universités, le Muséum national d'histoire naturelle, l'Inria et la Fondation des Sciences du Patrimoine sont, en France, partie prenante à ce projet. Le C2RMF assure, avec l'Université de Saclay, la coordination de la participation française à E-RIHS.

Les perspectives ouvertes par E-RIHS et la mise en place d'une coordination au niveau national incitent à un rapprochement plus étroit des entités publiques en vue de favoriser la mutualisation des moyens et l'interopérabilité attendues.

Recommandation n° 3 : La multiplicité des acteurs dédiés à la recherche patrimoniale financés en tout ou partie par l'État incite à un rapprochement de ces structures au sein d'un pôle dédié, permettant de définir un programme de recherche national et de favoriser les échanges, humains et matériels, entre les laboratoires afin de répondre aux cas de carence constatés et au manque de moyens. Cette coordination existe déjà dans le cadre du programme européen E-RIHS et pourrait donc être facilement développée. La Fondation des sciences du patrimoine pourrait jouer ce rôle d'agrégateur.

c) Des SCN Victimes de leurs succès ?

E-RIHS pose cependant la question du maintien pour les acteurs extérieurs nationaux des conditions d'accès aux outils du C2RMF et du LRMH , qui devraient être sollicité par nos partenaires européens au risque de générer un manque de disponibilité, voire de saturation. La question de l'utilisation de l'accélérateur de particules du C2RMF Aglaé est notamment posée.

La part croissante des opérations à l'international est déjà un sujet d'inquiétude pour les associations rencontrées par les rapporteurs spéciaux qui relèvent les incidences en matière de gestion des personnels. Les rapporteurs spéciaux relèvent avant tout que cette ouverture à l'international témoigne d'une reconnaissance d'un savoir-faire français en la matière. Les SCN ne sont pas les seuls concernés. La FSP coordonne ainsi une initiative de programmation conjointe européenne sur le patrimoine ( JPI Cultural Heritage ). Elle a également mis en place un partenariat avec les institutions patrimoniales de la province du Shaanxi (Chine). De son côté, le musée du Guandong (Chine) a noué une convention avec le CICRP en 2019.

Si cette coopération internationale doit être saluée, les rapporteurs spéciaux relèvent un risque de surexploitation des capacités de ces organismes, alors même que leurs moyens humains et matériels ne tendent pas évoluer significativement ces dernières années.

Recommandation n° 4 : Prendre en compte la réalité des dotations budgétaires et des ressources à disposition avant de répondre favorablement aux sollicitations nationales ou internationales.


* 7 Les activités du LabEx Patrima ont été, en 2018, pérennisées dans le cadre de l'École Universitaire de Recherche Paris Seine Graduate school Humanities, Creation and Heritage.

* 8 Le CNRS bénéficie sur cette somme d'une ligne de crédit de 1,21 million d'euros.

* 9 Décret n° 2001-621 du 12 juillet 2001.

* 10 Le C2RMF bénéficie ainsi d'un financement de 442 501 euros au titre du projet IPERION pour la période 2020-2023.

* 11 European Strategy Forum on Research Infrastructures, Strategy report on Research Infrastructures - Roadmap 2018.

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