B. POURSUIVRE LES EFFORTS D'AMÉLIORATION DE LA GESTION BUDGÉTAIRE DE L'ÉCOLE

Les auditions menées par le rapporteur spécial ont globalement fait état d'une gestion budgétaire satisfaisante de l'école, qui a su s'adapter avec des moyens contraints à une augmentation de ses effectifs en formation. Néanmoins, les moyens budgétaires alloués pourraient s'avérer prochainement insuffisants , compte tenu de l'agrandissement des locaux et des besoins futurs de recrutements supplémentaires.

Dans son rapport de 2014, la Cour des comptes avait recommandé la hausse des recettes propres de l'école, notamment en mettant en place une participation des élèves au titre de l'hébergement et de la restauration . Ainsi, depuis 2017, les élèves et stagiaires en formation s'acquittent d'une participation pour les repas du petit déjeuner et du dîner, le repas du midi étant pris en charge intégralement par l'école. D'après les documents transmis au rapporteur spécial, cette participation est minimale, étant donné que l'école contribue à hauteur de 70 % à 85 % du financement des repas, selon le statut des élèves. En revanche, l'hébergement reste gratuit.

Le rapporteur spécial a toutefois écarté l'application de ces recommandations visant à accroître les recettes propres de l'école , pour plusieurs raisons. S'agissant de l'hébergement, les conditions d'accueil ne sont, à l'heure actuelle, pas encore suffisamment satisfaisantes pour faire contribuer les élèves. Ainsi, tous les élèves ne disposent pas encore d'une chambre individuelle, et des travaux de rénovation des structures d'hébergement sont requis. Cette piste a également été écartée par souci d'équité avec les pratiques ayant lieu dans d'autres écoles de formation aux métiers de la sécurité, telles que les écoles des corps « en tenue » comme la police nationale, la gendarmerie ou les armées, dans lesquelles l'hébergement est gratuit. Enfin, il convient de prendre en compte la spécificité des publics en formation à l'école, qui comptent en leur sein une part importante d'agents en reconversion professionnelle, qui assument déjà les dépenses de leur foyer, et qui sont logés loin de chez eux 32 ( * ) .

En revanche, il sera utile d'apprécier si le niveau de la SCSP sera toujours adapté pour faire face aux dépenses de fonctionnement et de personnel au cours des prochains exercices . Alors que celles-ci devraient nécessairement augmenter en raison de l'extension des locaux de l'école, la direction de l'Énap estime qu'une hausse de 2,5 millions d'euros du montant de la SCSP serait nécessaire au cours du prochain quinquennat.

En tout état de cause, il conviendrait de mieux prendre en compte les évolutions du plan de charge de l'école dans la définition des moyens budgétaires qui lui sont alloués . Ainsi, en cas d'augmentation importante du nombre d'effectifs à former au cours d'une année, le montant de la SCSP devrait pouvoir en tenir compte afin de ne pas dégrader la qualité de la formation dispensée. Toutefois, tenir compte du nombre de jours élèves (NJE) ne signifie pas qu'il faille faire de cet indicateur l'élément clé de la définition des ressources budgétaires versées à l'école. En effet, même lorsque la présence d'élèves sur le campus est réduite, comme lors de la crise sanitaire, les charges fixes de personnel et de fonctionnement demeurent.

Dans cette perspective, connaître le coût complet de la formation d'un élève serait un indicateur utile . À ce jour, la direction de l'Énap n'est pas en mesure de présenter un chiffre fiable, compte tenu de la grande diversité des publics formés à l'école et de la mutualisation des temps d'enseignement des formateurs entre ces publics. Ainsi, « si elle souhaite obtenir un coût juste, l'école doit donc établir, non pas un coût élève, mais douze coûts élève, car chaque public a un coût de formation spécifique » 33 ( * ) . Un groupe de travail participe à cette réflexion, conformément à la recommandation de la Cour des comptes d'établir une méthodologie commune à toutes les écoles de formation du ministère de la justice 34 ( * ) , mais ce chantier ne semble pas prioritaire pour l'école à l'heure actuelle.

Recommandation n° 4 : afin de mieux prendre en compte l'évolution du plan de charge de l'école pour l'élaboration de son budget, poursuivre les travaux visant à élaborer une méthodologie permettant de définir le coût complet de la formation d'un agent pénitentiaire, pour chaque catégorie ( Énap) .

Par ailleurs, l'amélioration de la gestion prévisionnelle des effectifs constitue une recommandation fréquemment adressée à l'école 35 ( * ) . Alors que la réforme de la scolarité des surveillants a contribué à réduire les aléas en termes d'effectifs à former, l'ensemble des personnes auditionnées ont cité cette difficulté parmi les principaux obstacles à la bonne gestion de l'école, témoignant ainsi de la nécessité de progresser sur le sujet .

Des améliorations récentes en ce sens ont été mises en oeuvre. Ainsi, l'école a indiqué au rapporteur spécial que le ministère de la justice avait élaboré un guide d'exercice de la tutelle des organismes du ministère, qui prévoit notamment un calendrier de transmission des éléments de cadrage pour la projection pluriannuelle des besoins de l'école. Ces nouvelles pratiques visent à répondre aux observations formulées lors de l'audit de l'inspection générale du ministère de la justice en 2018 ( cf. supra ).

Si la réponse apportée est pertinente, elle constitue un équilibre fragile . Seule une gestion prévisionnelle fondée sur une programmation pluriannuelle, notifiée suffisamment tôt à l'école et donnant lieu à un dialogue permanent entre celle-ci et la tutelle, permettra une gestion budgétaire moins sujette aux « à-coups ». La transmission d'un plan de charge exhaustif , intégrant tous les publics de formation pour les prochains mois, constitue une exigence minimale à laquelle il ne faut pas déroger.

Recommandation n° 5 : améliorer la gestion prévisionnelle des effectifs à former en élaborant une planification pluriannuelle des besoins en recrutement, en instaurant un dialogue régulier entre l'école et sa tutelle et en transmettant à l'Énap des plans de charge exhaustif, c'est-à-dire intégrant toutes les formations ( direction de l'administration pénitentiaire et Énap ).

Enfin, dans un contexte marqué par une forte implication de la tutelle dans la gestion de l'école, le rapporteur spécial estime primordial de renouer avec les bonnes pratiques permettant d'assurer un dialogue de gestion de qualité .

Or, il constate que les travaux préparatoires au prochain contrat d'objectifs et de performance (COP) n'ont pas encore été initiés, alors même que le précédent COP est arrivé à son terme à la fin de l'année 2021. Il est rappelé que le COP constitue le principal outil mesurant la performance de l'école par rapport aux objectifs qui lui sont assignés. De la même façon, la prise de fonction du précédent directeur, M. Christophe Millescamps, ne s'est pas traduite par l'établissement d'une lettre de mission , ce qui constitue pourtant une bonne pratique pour fixer des objectifs pluriannuels.

Recommandation n° 6 : consolider et améliorer les outils de dialogue avec la tutelle, en signant sans tarder un nouveau contrat d'objectifs et de performance (COP), et en renouant avec la pratique de la lettre de mission pour le directeur ( direction de l'administration pénitentiaire ).


* 32 À titre indicatif, 25 % à 33 % des surveillants sont originaires d'outre-mer.

* 33 Réponse écrite de l'Énap.

* 34 Cour des comptes, référé n° 71429 du 22 décembre 2014.

* 35 La Cour des comptes dans ses observations définitives relatives à l'École nationale d'administration pénitentiaires - exercices 2008 à 2013, délibéré le 12 juin 2014 ; dans le référé n° 71429 du 22 décembre 2014.

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