Ainsi, il faudra s'assurer que les objectifs des cinq pôles universitaires d'innovation labellisés récemment veillent à rendre l'offre de transfert de technologie plus lisible et accessible aux PME et ETI et à développer les relations et les partenariats public-privé avec ces catégories d'entreprise.

D. METTRE EN PLACE UNE VÉRITABLE STRATÉGIE DE L'INNOVATION

1. Inscrire les financements et dispositifs de soutien dans une stratégie globale et cohérente

a) Une vision trop « techno push » et linéaire de l'innovation

De nombreux intervenants ont insisté sur une vision française de l'innovation éloignée de la réalité. La France a une vision trop « techno push » 2 de l'innovation. Comme l'a fait remarquer Didier Roux, les « grands groupes industriels - les "entreprises d'ingénieurs" - ont tendance, de façon erronée, à vouloir mettre sur le marché ce qui a été conçu par leurs ingénieurs et qui fonctionne. Or ce n'est pas parce qu'un appareil fonctionne qu'il correspond à un besoin du marché ». 3 Dans les faits, la nouvelle connaissance issue de la recherche n'est pas forcément le moteur de l'innovation et celle-ci commence très souvent par l'hypothèse que fait une entreprise sur un marché non satisfait. Une grande partie des innovations proviennent de l'usage du produit ou service (modèle « market pull ») 4 .

Cette vision « techno-push » de l'innovation a conduit les pouvoirs publics à réduire celle-ci à la recherche et développement et à développer une vision linéaire de l'innovation basée sur les TLR ( Technology Readiness Level ou niveau de maturité technologique). Or « le modèle linéaire et séquentiel qui débuterait par la recherche fondamentale, qui passerait le relais au développement appliqué, puis à l'ingénierie, à la production, au marketing et à la vente n'existe pas » 5 . L'innovation serait plutôt un « modèle de liaisons en chaîne » 6 ou « une succession de spirales capitalisant le progrès des connaissances selon un calendrier difficilement prévisible » 7 .

1 Audition du 23 février 2022.

2 Jean-Pierre Leac, Vers le market-push ? Cahiers de l'innovation .

3 Audition du 19 janvier 2022.

4 Jean-Pierre Leac (article précité).

5 Réponse au questionnaire de l'ANRT.

6 Stephen J. Kline et Nathan Rosenberg, « Studies on Science and the Innovation Process, 2009.

7 Sylvie Retailleau, audition du 27 avril 2022.

b) Des financements par appels à projets qui ne favorisent pas l'élaboration d'une politique d'innovation efficace

Cette vision livresque de l'innovation a eu plusieurs effets pervers. Jusqu'à récemment, elle a conduit à soutenir l'innovation essentiellement au travers d'appels à projets fragmentés dont la durée était incompatible avec le temps long nécessaire à l'innovation .

Comme l'a fait remarquer Bruno Sportisse 1 , la vision française de l'innovation a fait « croire que mener une politique d'innovation et affirmer des choix stratégiques peuvent se faire en multipliant les appels à projets. Ces AAP peuvent soutenir la recherche bottom-up mais non construire des feuilles de route industrielles et technologiques » .

Stéphane Siebert a enfoncé le clou : « les appels à projets sont ponctuels, avec des montants et durées limités. Or un important programme technologique est onéreux et exige du temps et de la continuité. Ainsi, le programme de développement des technologies dans le domaine des semi-conducteurs, qui explose actuellement à l'échelle internationale, a été initié il y a 25 ans. Faire un AAP sur cette question est hors sujet... Il est indispensable, en matière d'appels à projets, d'équilibrer les volets programmatiques, contractualisés et inscrits dans la durée, et les volets plus ponctuels, portant sur des objets dont le périmètre est plus réduit et pouvant être menés plus rapidement » 2 .

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