Malgré ces exemples positifs, plusieurs PME et start-up entendues par la mission ont regretté l'absence de collaboration industrielle ou en matière de recherche et développement avec leurs clients grands comptes .
Plusieurs intervenants ont insisté sur l'intérêt, pour les start-up et les PME, de pouvoir bénéficier des infrastructures des grands groupes pour réaliser l'industrialisation de leurs produits. L'exemple du groupe SEB, qui a mis ses capacités de production à disposition d'une start-up issue de l'École des arts et métiers fabriquant des exosquelettes pendant la crise sanitaire a été mis en avant, mais il reste un cas isolé.
Enfin, les grands groupes gagneraient à engager une réflexion sur leur stratégie d'investissement dans les start-up, soit pour les racheter, soit pour assurer leur développement et bénéficier ainsi de leur technologie, renforçant de cette façon l'écosystème dans lequel ils évoluent : une chaîne n'est jamais plus solide que le plus faible de ses maillons. Le cas de l'entreprise Polymem, rapporté à la mission d'information par France Clusters, est représentatif d'un comportement vertueux de ce type : « Cette entreprise avait des commandes qui nécessitaient de doubler sa capacité de production. Elle [...] n'a pas pu trouver [...] de fonds d'investissement ayant le courage de risquer un investissement industriel. Grâce à son expertise, elle a bénéficié du fait qu'un opérateur américain, intervenant dans la chaîne de production des vaccins, a eu besoin de fiabiliser ce fournisseur essentiel ; elle a pu négocier un partenariat stratégique avec cet opérateur qui l'a rachetée, en garantissant que ses centres de production et de recherche restent en France. Grâce à
ce partenariat, Polymem a pu quadrupler sa capacité de production et installer en France la représentation technique et le centre d'expertise de cette entreprise américaine pour l'Europe. » Toutefois, cette situation ne supprime pas le risque associé au rachat d'une entreprise innovante par une entreprise étrangère : l'accès à une technologie de pointe et, potentiellement, la délocalisation.
Certains grands groupes français ont compris l'importance du soutien de leur écosystème et constituent à cette fin des dispositifs d'accompagnement et des fonds d'investissement (« corporate venture ») destinés à investir dans des start-up. La stratégie de Renault en est une bonne illustration. Ce groupe a en effet constitué, avec cinq autres entreprises du CAC 40 1 , une alliance - la Software République - abritant un incubateur de start-up actives dans le secteur de la mobilité, qui sont soutenues et accompagnées par les différents membres au travers d'appels à projets. Il a également investi dans un fonds 2 devant être doté de 250 à 300 millions d'euros, lancé par un ancien salarié et spécialisé dans l'économie circulaire et dans la mobilité durable. Enfin, il soutient directement des start-up de son écosystème en leur donnant accès à ses lignes de production et en leur passant commande pour équiper certains véhicules électriques 3 . Ces initiatives montrent que les mentalités de certaines grandes entreprises évoluent dans le bon sens, mais il faudrait que ce mouvement s'accélère.
Encourager les grands groupes à mettre à disposition des start-up et PME industrielles innovantes leurs lignes de production.
b) Favoriser un comportement vertueux via les critères de responsabilité sociale des entreprises
La responsabilité sociale (ou sociétale) des entreprises (RSE) a été introduite peu à peu dans le droit français, notamment par la loi sur les nouvelles régulations économiques et la loi dite « Grenelle II » 4 . Elle a été modifiée par plusieurs autres textes législatifs, notamment par la loi PACTE 5 , et elle fait désormais l'objet d'une certification 6 . Les textes prévoient principalement la publication de données de performance extra-financière dans sept domaines : gouvernance de l'organisation, protection du consommateur, contribution au développement local, droits de l'homme, conditions de travail, environnement et bonnes pratiques des affaires.
1 Atos, Dassault, STMicroelectronics, Orange et Thales.
2 Shift4good.
3 Les batteries de la start-up Verkor doivent équiper le futur moteur de l'Alpine.
4 Loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques et loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement.
5 Loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.
6 Norme ISO 26 000.
Faire figurer dans les supports de communication relatifs à la RSE des grandes entreprises des données sur les relations partenariales avec les start-up et PME innovantes, quelles qu'en soient les formes - achat innovant, partenariat industriel, respect des délais de paiement, collaboration de recherche et développement... - pourrait constituer une incitation à un changement de regard et de pratiques des grands groupes à l'égard des entreprises innovantes . L'effet réputationnel de la RSE est un élément stratégique auquel les entreprises attachent de l'importance, car il peut faciliter ou compliquer leurs relations avec les investisseurs, le régulateur, les consommateurs, les candidats, etc .
Le rapport 1 Beylat-Tambourin de 2013 contenait déjà une proposition similaire, en suggérant l'ajout, au sein des documents de RSE, d'indicateurs de comportement à l'égard de PME innovantes . Les auteurs de ce rapport insistaient notamment sur l'atout que pourraient représenter les grands groupes français pour le développement de l'innovation, s'ils étaient plus nombreux à adopter une politique de soutien aux PME innovantes. Ils préconisaient donc une évolution des mentalités et des pratiques des grandes entreprises à l'égard des PME de leur secteur, afin de renforcer la robustesse de leur écosystème.
Intégrer, au sein des critères de la RSE, la collaboration avec les start-up et PME innovantes .
G. FAIRE DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE ET DE LA NORMALISATION DES SOURCES DE COMPÉTITIVITÉ