La propriété intellectuelle (PI), notamment la propriété industrielle, est une source majeure de compétitivité pour les entreprises et pour l'économie. Cet enjeu est pourtant méconnu des entreprises et des pouvoirs publics en France.
1. Une connaissance insuffisante des enjeux majeurs de propriété industrielle
Les entreprises françaises, singulièrement les PME et les ETI, mais également les pouvoirs publics ont insuffisamment pris la mesure du caractère stratégique de la protection des innovations au moyen de la PI.
1 Beylat (Jean-Luc) et Tambourin (Pierre), L'Innovation, un enjeu majeur pour la France. Dynamiser la croissance des entreprises innovantes , rapport aux ministres de l'enseignement supérieur et de la recherche et du redressement productif et à la ministre déléguée aux PME à l'innovation et à l'économie numérique, avril 2013, pp. 101 et suivantes.
a) La propriété industrielle comme source de compétitivité économique et comme avantage concurrentiel
Une étude 1 conjointe de l'Office européen des brevets (OEB) et de l'Office de l'Union européenne pour la protection de la PI (EUIPO) démontre que le chiffre d'affaires par salarié des titulaires de droits de PI est supérieur de 20,2 % à celui d'entreprises non titulaires, et que le salaire moyen de leurs employés est supérieur de 19,3 % par rapport aux employés d'entreprises non titulaires . Ces écarts s'élèvent respectivement à 36,3 % et à 52,6 % pour les seuls titulaires de brevets (c'est-à-dire en excluant les titulaires de marques ou de dessins et modèles). Enfin, si l'on ne considère que les PME, le chiffre d'affaires par salarié est 68 % plus important au sein des entreprises titulaires de droits de PI qu'au sein des entreprises non titulaires.
La protection de la PI est un puissant facteur de compétitivité.
D'abord, le brevet accorde immédiatement à son titulaire un atout considérable sur son marché, en lui conférant un avantage temporel - le premier innovateur sur le marché prend une position dominante - et financier , puisque les concurrents devront dépenser au moins autant que lui en recherche et développement pour parvenir à trouver une solution performante, mais suffisamment différente de celle qui est protégée par le brevet.
Ensuite, le nombre de brevets est, pour les partenaires de l'entreprise, un bon indicateur du caractère innovant de l'activité de celle-ci , puisqu'un brevet ne peut entériner qu'un procédé ou un produit nouveau et inventif. L a PI est alors un signal de l'efficacité de la stratégie industrielle .
Enfin, la protection de la PI est un élément moteur de l'innovation pour l'entreprise . En effet, s'inscrire dans une démarche de protection de la PI oblige à se confronter aux brevets des concurrents. On peut ainsi soit se rendre compte que l'on est en train de « réinventer la roue », soit, si l'on démontre de réels éléments différenciants par rapport à la concurrence, approfondir ces derniers pour accroître les gains de valeur.
Les conseils en propriété industrielle (CPI) accompagnent leurs clients pour les aider à adopter la meilleure stratégie de PI et à protéger au mieux leurs avantages compétitifs. La Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle (CNCPI), reçue en audition par le rapporteur 2 , a souligné le caractère fondamental, bien que négligé, de la PI en France et a insisté sur la nécessité de mieux protéger la PI des acteurs économiques, en particulier des PME.
1 Droits de propriété intellectuelle et performances des entreprises dans l'Union européenne , février 2021, notamment le tableau 3, page 31.
2 Audition du 6 avril 2022.
b) Un enjeu pourtant sous-estimé par les entreprises...
L'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle publie chaque année un panorama de la performance des pays en matière d'innovation. L'une des grandeurs observées est le nombre de demandes de brevet déposées rapporté au PIB, en parité de pouvoir d'achat. En 2021, ce rapport s'élevait, en France, à 7,5 demandes par milliard d'euros, contre 15,7 1 en Allemagne, soit un rapport de 1 à 2 .
Par ailleurs, sur les quelque 15 000 demandes de brevet déposées par an en France - chiffre stable depuis une vingtaine d'années -, seuls 2 500 environ émanent des PME innovantes 2 alors que 20 000 PME bénéficient du CIR. En comparaison, les PME et surtout les ETI allemandes déposent un très grand nombre de demandes de brevet, puisque les