« petits déposants » allemands (dont le nombre de dépôts est inférieur à 10 par an) sont à l'origine de 32 % des dépôts - environ 13 500 -, soit un rapport de 1 à 5.
Même au sein des grands groupes, la matérialisation de l'innovation au travers des brevets obtenus n'est pas aussi importante que ce que l'on pourrait attendre. Ainsi, parmi les champions français des dépôts de demandes de brevet, figurent des sociétés du secteur aéronautique (Airbus, Safran, Thales) ou automobile (Renault, Stellantis, Valeo), mais aucune société française de l'énergie ou des télécoms n'est présente. À l'échelon international, 80 % des 50 premières sociétés déposant des demandes de brevets relèvent du domaine des technologies de l'information. Sur ces 50 sociétés, aucune n'est française .
Pourtant, les pays les plus innovants au monde - États-Unis, Japon, Corée du Sud, Chine - sont aussi ceux qui déposent le plus de demandes internationales de brevet, quelles que soient les technologies. Le nombre de demandes de brevet déposées auprès de l'Office européen des brevets par la Chine a ainsi augmenté de 25 % entre 2020 et 2021.
c) ... et les pouvoirs publics
Les pouvoirs publics eux-mêmes ont longtemps négligé cet enjeu et n'ont pas développé une politique cohérente en matière de brevets, notamment en direction des opérateurs de recherche.
Ainsi, il a fallu attendre la loi de programmation de la recherche 3
pour que « le transfert de connaissances et leur utilisation dans tous les domaines
1 World Intellectual Property Organization, Global Innovation Index , 2021, notamment pp. 82 et 84.
2 Informations chiffrées fournies par la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle (CNCPI).
3 Article 33 de la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.
contribuant au progrès économique, social et culturel » soient reconnus comme faisant partie des fonctions des enseignants-chercheurs.
C'est également cette loi qui impose que les activités de transfert des connaissances et leur application dans les entreprises doivent être prises en compte pour l'évaluation des personnels de recherche.
Pourtant, sur le terrain, les mentalités mettent du temps à évoluer 1 . Comme l'a reconnu Christine Clerici, présidente d'Udice 2 , en « ce qui concerne la capacité à établir du lien avec le monde industriel, les universités n'ont pas forcément intégré dans l'évaluation et la promotion des enseignants-chercheurs la création de brevets ou de start-up. Les indicateurs majeurs restent l'investissement pédagogique et le nombre des publications. Les choses sont néanmoins en train de changer, car l'innovation est devenue un sujet phare pour l'université ».
La priorité donnée aux publications non seulement peut constituer un frein au transfert technologique dans la mesure où elle empêche le dépôt de demandes de brevet, mais elle peut également favoriser la concurrence en lui permettant d'exploiter librement les résultats publiés des travaux de nos chercheurs.
Au niveau de l'État français, le PIA 1 a financé la création de France Brevets, chargé d'accompagner les entreprises dans la valorisation de leurs innovations.
Par ailleurs, la loi PACTE 3 a permis de prendre une série de mesures assurant une plus grande sécurité juridique pour les titulaires de brevets français. Pour autant, la France ne dispose pas d'une stratégie nationale de soutien à la protection de la propriété industrielle (PI), à l'instar de ce qui existe dans d'autres pays .
Ainsi, en Corée du Sud, un secrétariat général à la PI a été placé auprès du Premier ministre. De même, lorsque le Japon a souhaité changer d'échelle en matière de dépôts de demandes de brevet, il a institué un comité de la PI présidé par le Premier ministre. En Chine, l'État a conçu une politique volontariste d'encouragement de dépôt de demandes de brevet à l'échelon des régions, avec une incitation financière.