II. LA PROPORTION DE FEMMES RESTE PLUS FAIBLE DANS LES MINISTÈRES HISTORIQUEMENT MASCULINS ET DANS LES EMPLOIS CONSIDÉRÉS COMME LES PLUS PRESTIGIEUX OU LES PLUS TECHNIQUES

A. DANS LA FONCTION PUBLIQUE D'ÉTAT, DES DISPARITÉS SUBSISTENT SELON LES MINISTÈRES

1. Certains ministères mènent une action plus volontariste que d'autres en faveur de la promotion de femmes à des postes à responsabilité

Au sein de la fonction publique d'État, la proportion de femmes occupant un emploi supérieur était de 33 % en 2020 au niveau global, variant de 46 % pour le ministère des affaires sociales à 32 % pour le ministère de l'intérieur, 31 % pour celui de la culture et 27 % pour celui de l'économie et des finances .

Quatre départements ministériels apparaissent aujourd'hui en retard en matière de parité : affaires étrangères, armées, économie et finances et services du Premier ministre . Ces quatre départements ministériels ont dû s'acquitter en 2020 de pénalités financières à hauteur de 1 080 000€, correspondant à douze unités manquantes. C'est néanmoins moitié moins que l'année précédente, ce dont s'est félicité devant la délégation Amélie de Montchalin, alors ministre de la transformation et de la fonction publiques : « Le nombre de ministères concernés par des pénalités est plus faible et dans chacun d'entre eux, il manque moins de femmes, les amendes étant proportionnées à ce critère . »

Nathalie Pilhes, présidente de l'association Administration moderne , a relevé devant la délégation des freins spécifiques dans certains ministères, notamment le ministère de la justice : « En 2017, nous observions, parmi les nominations au ministère de la justice, que si le corps des magistrats était féminisé aux deux tiers, les postes de direction étaient masculins aux deux tiers. Derrière la question du vivier, nous constatons donc des sujets de résistance systémique . »

Des actions volontaristes menées par certains ministères doivent être notées , par exemple :

• le ministère des affaires étrangères a mis en place des plans de formation et de coaching à destination des femmes. Il s'est aussi engagé en matière d'accompagnement des conjoints et conjointes des diplomates à l'étranger, avec la négociation de conventions bilatérales avec de nombreux pays pour lever les freins à la nomination de femmes en ambassade. Le nombre de femmes ambassadeurs est passé de 17 en 2007 à 56 en 2020. La part des femmes occupant un emploi supérieur a augmenté de trois points entre 2019 et 2020, passant de 26 % à 29 %.

• Le ministère des armées met l'accent sur une meilleure connaissance des métiers de la défense dès l'université, voire le secondaire, pour faire connaître aux jeunes femmes les possibilités qui peuvent s'offrir à elles dans un monde structurellement très masculin. La part des femmes occupant un emploi supérieur a augmenté de trois points de 2019 à 2020 pour atteindre 30 %, après une stagnation à 27 % pendant trois ans.

• Le ministère de l'intérieur s'est attaché à nommer davantage de femmes à des postes d'encadrement, leur proportion est passée de 24 % en 2016 à 32 % en 2020. Le nombre de femmes préfètes est passé de cinq en 2005 à 39 aujourd'hui, dont trois femmes préfètes de régions. Le nombre de sous-préfètes est également passé de 73 à 170 entre 2005 et 2021. Elles représentent aujourd'hui 36 % du corps. Un progrès à nuancer néanmoins : les préfètes sont surtout nommées dans petits départements de petite taille.

• Le ministère de la culture s'est attaché à nommer des femmes à la tête des opérateurs sous sa tutelle, comme l'a mis en avant devant la délégation Agnès Saal, haute fonctionnaire à la responsabilité sociale des organisations du ministère de la culture : 33 de ces 80 opérateurs sont aujourd'hui dirigés par des femmes, notamment le Musée du Louvre ou l'École des Beaux-Arts de Paris. La proportion de femmes à la tête de directions des affaires culturelles et directions régionales des affaires culturelles est également passée de 24 % en 2017 à 42 % en 2021.

• Entre 2016 et 2020, la part des femmes occupant un emploi supérieur a augmenté de près de dix points au ministère de l'écologie (passant de 22 à 32 %), au ministère de l'éducation nationale (de 30 à 40 %) et au ministère chargé des affaires sociales (de 37 à 46 %).

Pour autant, les ministères ayant eu les politiques les plus volontaristes ne sont paradoxalement pas nécessairement ceux où la situation est aujourd'hui la meilleure . Dans des éléments adressés à la délégation, le ministère de la transformation et de la fonction publiques indique que les ministères ayant développé la politique la plus volontariste en matière de promotion des femmes (affaires étrangères, armées, intérieur) demeurent les plus gros payeurs de pénalités financières en raison de « métiers et viviers traditionnellement plus masculins », d'une « culture professionnelle et organisation du travail valorisant la disponibilité, la présence des encadrants et une large amplitude horaire » et de « parcours de carrières incluant des étapes de mobilité géographique ».

La présentation par bloc ministériel ne donne pas une vision assez fine des disparités qui peuvent exister au sein d'un même ministère. Elle doit également être complétée par une analyse par type de postes.

2. La proportion de femmes varie selon le type de responsabilité mais augmente y compris sur les postes à plus haut niveau de responsabilité

Par le passé, les femmes à des postes d'encadrement étaient moins nombreuses sur les postes à plus haut niveau de responsabilité et se concentraient sur les postes les moins hauts placés et sur les postes d'expertise . Selon Alban Jacquemart, maître de conférences en science politique à l'Université Paris-Dauphine : « Dans la fonction publique d'État, les chiffres les plus bas, au moins jusqu'en 2019, concernaient les postes les plus prestigieux, les plus rentables et les plus hauts placés : ceux dont la nomination relève du gouvernement, ceux de chefs de service ou de sous-directeurs ou sous-directrices. En 2019, ce sont principalement les primo-nominations à des postes de direction de projet ou d'expertes de haut niveau qui permettent à la fonction publique d'État de s'approcher des 40 %, avec 53 % de primo-nominations féminines à ces postes. »

Or, selon lui, « nous savons que malgré leurs vertus, ces postes sont les moins favorables aux carrières. C'est notamment le cas des postes d'expertes, qui n'offrent pas la possibilité d'encadrer une équipe, une expérience pourtant extrêmement valorisée dans les carrières des hauts fonctionnaires . »

Ce constat doit néanmoins être nuancé depuis quelques années. La proportion de femmes en fonctions dans des emplois à décision du gouvernement est passée de 24 % en 2015 à 30 % en 2019 .

En 2020, les femmes occupent 34 % des postes de secrétaire général, directeur général et directeur d'administration centrale et 34 % des postes de chefs de service, mais aussi 34 % des emplois de directeur de projet et d'expert de haut niveau, soit des proportions strictement identiques. Les femmes occupent en outre 37 % des postes de sous-directeur, qui constituent le vivier principal pour le recrutement des chefs de service.

Ce mouvement semble se confirmer : le taux de primo-nominations féminines dans des emplois à décision du gouvernement et des emplois de direction en administration centrale était de 42 % en 2021.

Il n'en demeure pas moins que des disparités dans l'attribution des postes les plus élevés ou de postes spécifiques peuvent subsister. Ainsi, les emplois de préfets en poste territorial et d'ambassadeurs n'étaient occupés que par 28 % de femmes en 2020.

Pour prendre l'exemple du ministère de l'intérieur, Corinne Desforges, vice-présidente de Femmes de l'Intérieur , a évoqué devant la délégation le fait que les femmes sont davantage nommées à des postes de sous-préfètes que de préfètes et davantage à la tête de départements de petite taille que de grands départements ou de régions.

Les disparités dans les postes occupés se retrouvent dans les rémunérations . Aujourd'hui, dans la fonction publique, l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes est de 13 %, dont 3 % non expliqués par des raisons objectives. Cet écart a peu diminué : il était de 15 % en 2007.

Salaire net global des cadres de catégorie A+ (encadrement et direction)

de la fonction publique d'État en 2019

Source : Siasp, Insee. Traitement DGAFP - Sdessi

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page