Les présidents d'associations des maires
de La Réunion et de Guyane

Serge Hoareau,
maire de Petite-Île, président de l'association des maires de La Réunion

Cette période de 76 ans de départementalisation a permis un certain nombre de progrès. La Réunion a pu évoluer parce qu'elle était rattachée à la France et nous sommes plutôt satisfaits. La preuve, les Réunionnaises et les Réunionnais l'ont dit lors de ce sondage. Aujourd'hui, ce n'est pas le problème institutionnel qui les inquiète, mais d'abord leur quotidien, leur pouvoir d'achat, les difficultés à trouver un travail (La Réunion compte 18 % de chômeurs), les problèmes liés au logement et au développement économique de notre territoire.

En tant qu'île, nous avons un certain nombre de handicaps structurels à surmonter et des défis à relever. Je partage l'opinion des Réunionnaises et des Réunionnais, la révision de la Constitution ne représente pas une préoccupation majeure, et nous avons d'autres enjeux et d'autres défis à relever sur notre territoire pour répondre aux attentes de notre population.

Dans les outre-mer, nous faisons tous face à des règles, des normes édictées par l'Europe de Bruxelles ou Paris et qui nous posent parfois des problèmes. L'adaptabilité représente sans doute une nécessité, et elle peut être réalisée dans le cadre actuel, nous l'avons bien vu lorsque nous avons dû prendre des décisions importantes dans la gestion de la crise sanitaire. À La Réunion, le couple préfet-maire a très bien fonctionné parce que nous étions dans une relation saine d'échanges et de discussions. Beaucoup de décisions ont été prises au niveau local, nous avons adapté la manière de gérer cette crise sanitaire. Nous pouvons procéder de même pour prendre d'autres décisions et je souhaite que cette relation préfet-maire continue sur des sujets tout aussi importants. Je crois que cette déconcentration de l'État sur notre territoire est essentielle, et qu'un échange permanent est nécessaire avec ses représentants.

Nous devons éviter, comme le président de la République l'avait rappelé lors de sa première investiture, d'avoir un trop grand nombre de « chapelles » au niveau de l'État. Les directions de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL), qui veulent appliquer les normes et le code de l'environnement sans prendre en compte la réalité du territoire, nous empêchent d'avancer sur des projets de développement. Que nous soyons Mahorais, Guyanais, Guadeloupéens, Martiniquais, Réunionnais ou encore de la Nouvelle-Calédonie, nous aimons nos territoires et nous n'avons pas forcément besoin d'avoir des représentants de l'administration des services déconcentrés de l'État pour nous dire comment agir.

Nous souhaitons être plus écoutés parce que nous connaissons notre territoire, et en tant que maires, nous connaissons également les attentes de notre population. La Réunion a connu une évolution démographique exponentielle. Il y a quelques années, avec 350 000 habitants, nous n'avions pas de préoccupations au niveau de la gestion de l'espace. Aujourd'hui avec 860 000 habitants, et alors que nous allons vers le million d'habitants, nous devons faire face à un certain nombre de difficultés. En tant que maires, nous sommes en train de perdre cette relation de proximité avec notre population, parce que nos communes sont de plus en plus peuplées. Un redécoupage communal est peut-être nécessaire pour pouvoir garder plus de proximité avec la population qui souhaite échanger et discuter avec ses élus.

Michel-Ange Jérémie,
maire de Sinnamary, président de l'association des maires de Guyane

Le département de la Guyane se trouve sur le continent sud-amazonien et sud-américain. Les réponses apportées actuellement à la Guyane sont européennes et françaises. La Guyane est une terre de richesse, mais avec un taux de pauvreté de 53 % contre 14 % en France hexagonale. Concernant la problématique de la sécurité, le taux d'homicides est de 11,2 pour 100 000 habitants, contre 1,2 en France soit onze fois supérieur !

En Guyane, plus de 10 000 enfants ne sont pas scolarisés et 95 % du foncier appartient à l'État. Quand les collectivités demandent du foncier, elles s'entendent répondre que l'intérêt d'une telle construction n'est pas avéré. Quand une rétrocession du foncier est possible, elle s'accompagne de la fiscalité. L'État ne paye pas d'impôts sur le foncier en Guyane, contrairement aux collectivités. Une des causes des maux de la Guyane relève des normes.

À l'inverse de La Réunion, l'évolution statutaire est une priorité pour la Guyane. Depuis les années 1960, les élus guyanais se sont lancés dans un processus d'évolution statutaire pour tendre vers une autonomie ou des lois de pays qui répondent au cadre actuel, au contexte géographique, social et écologique. Les maires s'inscrivent dans cette dynamique. Nous avons eu l'occasion de rencontrer le ministre de l'intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, qui a lancé officiellement un processus de consultation avec les élus et la société civile. Il devrait nous amener en septembre 2023 à une consultation populaire sur une révision constitutionnelle. Je le redis, pour la Guyane, l'évolution statutaire représente une impérieuse nécessité.

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