C. FAUT-IL, EN DERNIER RECOURS, RÉVISER LA CONSTITUTION ?

Les évolutions proposées par vos rapporteurs peuvent être mise en oeuvre à droit constant, par simples engagements du Gouvernement.

Dans l'hypothèse où le Gouvernement décidait de ne pas s'engager dans la voie que vos rapporteurs appellent de leurs voeux, vos rapporteurs ont souhaité étudier l'option d'une révision constitutionnelle , tout en étant conscient de ses aléas. Une telle révision présenterait l'intérêt de renforcer le contrôle du Conseil constitutionnel sur le contenu des études d'impact . En effet, le Conseil constitutionnel a, jusqu'à présent, non seulement exercé un contrôle très limité en ce domaine mais a pratiquement vidé de leur substance les études d'impact.

En effet, le texte organique adopté par les assemblées prévoyait : « Les projets de loi font l'objet d'une étude d'impact dès le début de leur élaboration ». Or, lors de son examen (décision n° 2009-579 DC du 9 avril 2009), le Conseil constitutionnel a rejeté le principe d'une étude d'impact « dès le début de l'élaboration » d'un projet de loi, estimant notamment que cette précision ne trouvait pas de fondement constitutionnel à l'article 39 de la Constitution. Dans la même décision, le Conseil constitutionnel a aussi rejeté l'exigence que l'étude d'impact contienne les orientations principales et le délai prévisionnel de publication des textes d'application des lois.

Enfin, troisième élément de la neutralisation des études d'impact, lorsque que la Conférence des présidents du Sénat, en juin 2014, a rejeté, conformément à la nouvelle possibilité ouverte par l'article 39 alinéa 4 de la Constitution, l'inscription à son ordre du jour d'un projet de loi (relatif à la délimitation des régions) au motif que son étude d'impact était insuffisante, le Conseil constitutionnel a débouté notre assemblée ( décision n° 2014-12 FNR du 1 er juillet 2014 ). Dans cette décision, le Conseil s'est refusé à examiner la qualité de fond de l'étude d'impact contestée , en se bornant à vérifier la présence formelle des données qui devaient y figurer en application de la loi organique. En d'autres termes, le Conseil constitutionnel a simplement constaté que le Gouvernement avait rempli l'obligation formelle d'établir une étude d'impact, sans prendre en compte son contenu .

Cette frilosité a sans conteste neutralisé l'avancée de 2008, en décourageant les assemblées d'user de cette nouvelle possibilité. N'ayant pas à redouter de sanction, le Gouvernement peut aisément s'en tenir à des considérations générales approximatives teintées d'optimisme, lesquelles ne contribuent guère à la qualité et à la sincérité de l'examen parlementaire.

Ainsi pourrait-il être proposé d'élever au niveau constitutionnel l'obligation, aujourd'hui de niveau organique, d'une étude d'impact. En complément, il conviendrait de prévoir dans notre loi fondamentale que le Conseil constitutionnel doit exercer, en cas de différend entre le Parlement et le Gouvernement, un contrôle a minima de l' erreur manifeste d'appréciation. En d'autres termes, le Conseil pourrait confirmer le refus d'inscription à l'ordre du jour d'un texte dont l'étude d'impact présente, selon la première assemblée saisie, un caractère manifestement lacunaire ou indigent .

D'autres solutions, certes très complexes à mettre en oeuvre, pourraient être envisagées :

- hypothèse radicale : supprimer la deuxième phrase du 4 ème alinéa de l'article 39 de la Constitution prévoyant l'intervention du Conseil constitutionnel en cas de différend Parlement-Gouvernement. En d'autres termes, le droit de veto du Parlement ne pourrait pas être surmonté ;

- hypothèse intermédiaire : substituer au pouvoir de décision du Conseil un simple pouvoir d' avis non contraignant .

Ces évolutions constitutionnelles pourraient également conduire le Conseil d'État à renforcer son niveau d'exigence lorsque l'étude d'impact est très insuffisante . Sur ce point, Didier-Roland Tabuteau, vice-président du Conseil d'État, a indiqué, lors de son audition, que la haute assemblée était de plus en plus attentive à la qualité des études d'impact et n'hésitait pas, dans le cadre de sa fonction consultative, à signaler au Gouvernement d'éventuels manquements. Afin de renforcer la prise en compte de ces observations , la loi organique pourrait être complétée en prévoyant que l'étude d'impact comporte les suites données par le Gouvernement à l'avis du Conseil d'État sur la qualité et la complétude de cette étude.

Par ailleurs, l'avis du Conseil d'État est avant tout juridique , ce qui ne saurait étonner au vu de sa composition et de sa vocation. Pourtant, la qualité d'une étude d'impact ne peut être mesurée à cette seule aune juridique. Dès lors, on peut s'interroger sur la pertinence d'adjoindre des compétences complémentaires au Conseil ou de confier la partie non juridique de l'examen des études à un autre organisme, qui pourrait éventuellement être le CNEN, ce qui pose à nouveau la question cruciale de ses moyens.

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