II. ALORS QU'ELLE NE RÉPOND QUE TRÈS IMPARFAITEMENT AUX ENJEUX SOULEVÉS, L'ORDONNANCE POURRAIT REMETTRE EN CAUSE LA LOGIQUE ASSURANTIELLE DU RÉGIME

A. L'ORDONNANCE PRÉVUE PAR LA LOI DITE « 3DS » EST BIEN LOIN DE RÉGLER LA PROBLÉMATIQUE D'ENSEMBLE

Compte-tenu des insuffisances constatées de la prise en charge du risque RGA dans le cadre du régime CatNat, l'article 161 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi « 3DS », a prévu qu'une ordonnance réforme cette prise en charge.

I de l'article 161 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale

Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi afin d'améliorer la prise en charge des conséquences exceptionnellement graves sur le bâti et sur les conditions matérielles d'existence des assurés des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse ou à la réhydratation des sols :

1° En adaptant aux spécificités de ce phénomène naturel les conditions de prise en compte au titre du régime des catastrophes naturelles et d'indemnisation prévues aux articles L. 125-1 à L. 125-6 du code des assurances. Cette adaptation vise à permettre l'indemnisation des dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante ce phénomène naturel, dès lors qu'il en résulte, pour les assurés, des conséquences directes provoquant des désordres d'une gravité exceptionnelle dans leurs conditions matérielles d'existence ;

2° En conditionnant tout ou partie du droit à indemnisation au titre du régime des catastrophes naturelles au respect de dispositions législatives qui contribuent à prévenir ou à couvrir les dommages matériels directs ayant pour cause déterminante ce phénomène naturel ;

3° En régissant les conditions dans lesquelles les dommages doivent être évalués et pris en charge pour garantir à chaque sinistré une juste réparation du préjudice subi, notamment en encadrant les activités d'expertise ;

4° En adaptant éventuellement aux spécificités de la prise en charge de ce risque les opérations de réassurance réalisées par la Caisse centrale de réassurance et effectuées avec la garantie de l'Etat, prévues à la section II du chapitre Ier du titre III du livre IV du code des assurances ;

5° En adaptant éventuellement le financement de la garantie contre les catastrophes naturelles prévu à l'article L. 125-2 du même code, afin de couvrir les indemnisations résultant des nouvelles conditions d'éligibilité et de prise en charge des dommages causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse ou à la réhydratation des sols ;

6° En définissant les modalités de contrôle et les sanctions permettant d'assurer l'effectivité des dispositions prises sur le fondement de l'ordonnance prévue au présent I ;

7° En prenant toute mesure permettant d'assurer la cohérence entre les dispositions prises sur le fondement de l'ordonnance prévue au présent I et d'autres dispositions législatives ;

8° En adaptant les dispositions prises sur le fondement de l'ordonnance prévue au présent I et, le cas échéant, celles qu'elles modifient aux caractéristiques des collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, et en étendant ces dispositions, le cas échéant avec les adaptations nécessaires, aux Terres australes et antarctiques françaises et, en tant qu'elles relèvent des compétences de l'État, à Wallis-et-Futuna.

Source : légifrance

Alors que la période de l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance s'achevait le 21 février 2023, l'ordonnance a été présentée en Conseil des ministres le mercredi 8 février 2023 13 ( * ) . Il convient de souligner que le Gouvernement devait remettre au Parlement un rapport six mois après la promulgation de la loi n° 2021-1837 du 28 décembre 2021 relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles, notamment pour éclairer la représentation nationale sur les enjeux de ce risque. Le rapporteur regrette que ce rapport n'ait pas été remis au Parlement à la date de clôture de ses travaux.

L 'ordonnance ne prévoit ni de sortir le risque RGA du régime CatNat, ni de bouleverser en profondeur la logique de sa prise en charge .

Sans que ce soit prévu au niveau législatif dans l'ordonnance en elle-même, le Gouvernement a pris l'engagement de modifier les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour le risque RGA par voie réglementaire . Il s'agirait notamment, pour le critère météorologique qui concentre les critiques, de passer d'une période de retour cinquantennale à une période plus courte, par exemple décennale.

Comme évoqué supra , le rapporteur rappelle l'absolue nécessité , en l'absence d'une réforme d'ampleur de la prise en charge du risque RGA, d'améliorer de façon très significative la précision du critère météorologique . D'autres ajustements, tels que l'éligibilité automatique des territoires de communes limitrophes d'une commune elle-même reconnue en état de catastrophe naturelle, devraient également être mis en oeuvre par voie réglementaire.

Le projet d'ordonnance permet de reconnaître l'état de catastrophe naturelle en raison d'une succession d'épisodes de sécheresse d'une ampleur inférieure au seuil du critère météorologique. Cette évolution , susceptible de mieux prendre en compte la cinétique longue et progressive du phénomène de RGA, va dans le bon sens et devrait améliorer les conditions de prise en charge du risque . Le texte de l'ordonnance prévoit ainsi qu'une « succession anormale d'événements de sécheresse d'ampleur significative ». Les conditions de cette prise en compte doivent, là encore, être précisées par voie réglementaire, l'administration étudiant notamment le scénario d'une succession d'au moins trois sécheresses d'ampleur moyenne sur une période de cinq années.

L'ordonnance prévoit aussi d' encadrer l'activité des experts d'assurance , à travers notamment une certaine homogénéisation des rapports d'expertise et un dispositif de sanctions. Compte tenu du taux de dossiers classés sans suite par les experts d'assurance et des incompréhensions et contentieux que leur intervention génère, cet effort de régulation apparaît bienvenu.


* 13 L'ordonnance n° 2023-78 du 8 février 2023 relative à la prise en charge des conséquences des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page