AVANT-PROPOS

Il en est de la formation des policiers et gendarmes comme de l'éducation nationale. On s'accorde facilement à penser que toute difficulté, tout incident découle de ses manques, que toute solution passe sa rénovation ou tout au moins par sa modification voire par le fait de la compléter. Il faut donc se garder d'ériger la formation en totem, en bouc émissaire ou en passe partout des difficultés que pose l'intervention des forces de sécurité. À l'inverse sous-estimer l'importance des enjeux de formation serait une erreur.

Sommes-nous capables de former un nombre historique de jeunes recrues pour qu'elles puissent assurer rapidement les fonctions de sécurité et d'enquête qui sont attendues d'elles tout en garantissant le respect des libertés et la qualité des relations avec les citoyens qui fondent, en République, la confiance dans nos forces de sécurité ? Pouvons-nous assurer la formation continue des personnels constamment accaparés par leurs missions ? Alors même que la délinquance et la criminalité augmentent et tendent à s'uniformiser sur le territoire et que l'on ne cesse de comparer l'action de la police et celle de la gendarmerie (souvent au détriment de la première), est-il légitime de conserver des formations initiales et continues distinctes pour les deux forces de sécurité ?

C'est pour répondre à ces interrogations que la commission des lois a créé en son sein une mission d'information confiée à deux co-rapporteurs, représentants de la majorité et de la minorité sénatoriale, respectivement Catherine Di Folco et Maryse Carrère.

Les travaux des rapporteurs ont commencé après la remise en cause par un ministre de l'intérieur d'une technique d'interpellation jugée dangereuse et dont il est apparu qu'elle était encore pratiquée par la police nationale alors qu'elle avait été abandonnée par la gendarmerie nationale. Si l'influence médiatique des débats d'outre-Atlantique n'a pas contribué à apaiser ou à clarifier les débats, la technique dite « de l'étranglement » est aujourd'hui abandonnée. Plus récemment, lors de la finale de la Ligue des Champions de 2022, c'est le recours au gaz lacrymogènes par la gendarmerie mobile pour évacuer les abords du Stade de France qui a été particulièrement critiqué par les observateurs étrangers. Lors de leur déplacement au centre national des forces de gendarmerie de Saint-Astier, ce cas a été cité comme exemple de retour d'expérience (RETEX) destiné à interroger les techniques d'intervention et donc les formations proposées et dispensées par les deux forces de sécurité intérieure.

La formation est ainsi, nécessairement, constamment interrogée et en perpétuelle évolution, que ce soit pour faire face aux évolutions de la délinquance et de la criminalité, du maintien de l'ordre ou de la procédure et du droit pénal, ou encore aux évolutions de la société et aux attentes des populations.

Les huit dernières années ont vu un bouleversement de la politique en matière de sécurité intérieure du fait, initialement, principalement, de la menace terroriste mais aussi, des exigences nouvelles en matière de maintien de l'ordre et de la crise migratoire.

Parallèlement, au sein de la police nationale la formation a fait l'objet de réformes destinées à faire face à ces nouveaux enjeux. Mais elles ont paradoxalement abouti à isoler la gestion de la formation du reste de la police nationale. Le dernier en date des projets, aux contours encore très incertains, celui de l'Académie de police, est indépendant de la réforme territoriale de la police nationale. Il n'est donc pas conçu sur le modèle des filières comme le seront sans doute à l'avenir tous les métiers de la police nationale.

C'est parce que la formation est toujours au coeur des débats mais tend systématiquement à être marginalisée en pratique qu'il convient de déterminer les buts qu'on lui assigne et les moyens qu'on lui attribue pour y parvenir 1 ( * ) .

Telle a été l'ambition des rapporteurs tout au long de leurs travaux, qui ont mêlé auditions au Sénat et déplacements dans plusieurs centres de formation de la police et de la gendarmerie nationales, en essayant de déterminer les bonnes pratiques et les voies d'amélioration des deux forces, qui à ce jour conçoivent trop leur offre de formation de manière exclusive et singulière, alors qu'elles gagneraient une synergie évidente dans une plus grande mutualisation, dans le respect de leur caractère propre, qu'il ne s'agit aucunement de remettre en question.

« Pour des raisons à la fois historiques et tenant à la nature de l'activité policière, la culture de la formation n'a commencé que tardivement à se propager dans la police nationale » 2 ( * ) . De fait, la critique concernant la formation des gardiens de la paix et de sous-officiers de gendarmerie a été récurrente, pour ne pas dire constante, depuis la fin du XIXème siècle. C'est pour y répondre qu'au début du XXème siècle s'est stabilisé le choix d'un recrutement par concours suivi d'une période de formation en école.

I. L'APPAREIL DE FORMATION : UN EFFORT INDISPENSABLE DE MISE À NIVEAU

A. UNE CAPACITÉ INSUFFISANTE

Le système de formation initiale de la police et de la gendarmerie nationale souffre d'un sous-dimensionnement chronique. La capacité d'accueil des élèves a souffert des réductions d'infrastructures décidées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Dix ans après la fin de la RGPP, l'augmentation quasi constante du nombre de recrues n'a pas permis de montée en niveau des locaux et équipements à la hauteur des besoins, tout en accroissant la pression sur les formateurs.

1. Une augmentation continue des recrutements depuis 2013
a) Une réponse à la menace terroriste puis à la pression migratoire

En 2015, le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve estimait que les effectifs des services de police et des unités de gendarmerie avaient « connu une contraction de plus de 13.000 emplois entre 2007 et 2012 ». Trois plans de renfort des effectifs furent mis en oeuvre cette même année 3 ( * ) , dont deux en lien avec les attentats subis par la France en janvier et en novembre.

En février 2017, le rapport de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de l'administration sur l'évolution des effectifs de la police et de la gendarmerie nationale indiquait que ces plans aboutiraient à la création de 8 200 emplois temps pleins travaillés fin 2017 4 ( * ) . Il indiquait que pour faire face à l'urgence du recrutement au sein des services spécialisés (renseignement, police judiciaire, immigration), ceux-ci avaient été recrutés majoritairement parmi les fonctionnaires expérimentés, eux-mêmes remplacés dans leurs services d'origine par des personnels en sortie d'écoles.

Sur la période 2013-2016, une part importante des nouveaux recrutements a concerné des adjoints de sécurité (ADS) de la police nationale (36 % en moyenne des emplois créés) et des gendarmes-adjoints volontaires (GAV - 60 % des emplois créés). Le rapport souligne qu'« en pratique, les ADS et GAV - dont la durée de formation est de 3 mois environ - ont constitué une part significative des effectifs recrutés par la police et par la gendarmerie en raison, d'une part, de la souplesse que permet leur sélection, en comparaison de l'organisation plus contraignante des concours et, d'autre part, de la capacité plus forte d'ajustement qu'ils procurent aux directions des ressources humaines qui cherchent à réaliser intégralement leur schéma d'emplois en fin d'année . »

b) Le « plan 10 000 » et la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur

La politique de recrutement amorcée en 2013 se poursuit depuis dix ans. La première phase de recrutement a conduit à un pic en 2016, suivi d'une nouvelle montée depuis 2021.

Le dernier quinquennat a été marqué par le discours du Président de la République aux forces de sécurité intérieure, le 18 octobre 2017, qui annonçait la création de 10 000 emplois supplémentaires pour les forces de sécurité : 7 500 pour la police nationale et 2 500 pour la gendarmerie nationale, sur la période 2017-2022. Ce « plan 10 000 » reposait sur la volonté de renforcer les effectifs en matière de lutte contre le terrorisme, de renseignement et aux frontières. Surtout, il était fondé sur une nouvelle orientation, la création d'une police de sécurité du quotidien, avec la création de 826 emplois supplémentaires en vue de renforcer la lutte contre la délinquance quotidienne et le rapprochement de la police de la population.

Le nouveau quinquennat a entraîné une relance des recrutements. Le 6 septembre 2022, la Première ministre Élisabeth Borne a annoncé la création de 8 500 postes de policiers et gendarmes d'ici à 2027, projet intégré à la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur 5 ( * ) .

La loi de finances pour 2023 prévoit ainsi la création nette dans les schémas d'emploi de 2 857 emplois dans les deux forces (1 334 équivalents temps plein travaillé dans la police nationale (ETPT) équivalant à 1 907 emplois et 814 ETPT dans la gendarmerie nationale équivalant à 950 emplois).

Ces emplois supplémentaires se traduiront essentiellement par une augmentation des effectifs des corps d'encadrement et d'application de la police nationale et des sous-officiers de gendarmerie.

L'un des points saillants du nouveau projet est la création sur cinq ans de 200 nouvelles brigades de gendarmerie. En 2023, 312 effectifs seraient dédiés à la création de ces nouvelles brigades, ce qui devrait permettre la création effective d'une trentaine d'entre elles.

Les effectifs supplémentaires se traduiront également par une amélioration des capacités d'intervention et de maintien de l'ordre en vue des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. La Lopmi prévoit ainsi la création de onze nouvelles unités de force mobile, parmi lesquelles sept escadrons de gendarmerie mobile (quatre en 2023 et trois en 2024) et quatre compagnies de CRS sur le modèle de la CRS 8 (dont trois en 2023 à Nantes, Chassieu et Marseille et une en 2024 à Montauban). Les pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG) devraient également être densifiés.

En parallèle de ces créations d'effectifs, la présence sur la voie publique serait renforcée par la poursuite de la substitution des personnels à vocation opérationnelle par des personnels civils ou des corps militaires de soutien (objectif de 400 substitutions dans la gendarmerie et de 500 substitutions dans la police en 2023), et une montée en puissance des réserves opérationnelles de la police (8,4 millions d'euros supplémentaires en 2023) et de la gendarmerie (14 millions d'euros supplémentaires en 2023).

Sources : DCRFPN et DGGN .

2. Un nombre de places et un accès aux équipements inadaptés
a) Un rattrapage inachevé depuis la fin de la révision générale des politiques publiques (RGPP)

En pratique, la capacité d'accueil des écoles de police et de gendarmerie restreint les possibilités de recrutement dans ces deux corps. Dans le cadre de son suivi budgétaire de la mission Sécurité, le rapporteur pour avis de la commission des lois, Henri Leroy, a souligné les difficultés croissantes rencontrées par l'exécutif pour respecter un plan de recrutement trop ambitieux dans le cadre du « plan 10 000 » 6 ( * ) .

Ces difficultés sont aggravées par la réduction du nombre des infrastructures de formation engagée entre 2009 et 2011 .

Dans le cadre de la RGPP, la gendarmerie a en effet fermé dès le 1 er septembre 2009 quatre de ses huit écoles de sous-officiers ou de gendarmes adjoints volontaires, à Montargis, Libourne, Châtellerault et Le Mans. Ces établissements étaient historiquement des écoles préparatoires de gendarmerie, réunies avec les centres d'instruction de gendarmerie dans la catégorie des « écoles des sous-officiers de gendarmerie » en 1984.

Afin de conduire la « rationalisation de son réseau de formation 7 ( * ) », la police nationale a pour sa part fermé huit centres de formation et quatre écoles (Vannes, Marseille, Chatel-Guyon, Fos-sur-Mer) et procédé à la recomposition ou à la transformation d'autres établissements.

Ainsi, à l'issue de la RGPP, le rapport des inspections précité relève que le réseau de formation des gardiens de la paix disposait fin 2015 de 5 040 places réparties entre formation initiale et formation continue 8 ( * ) . Or, depuis 2014, le nombre annuel d'entrées dans la police nationale n'a jamais été inférieur à 6 000.

b) Une double pression sur l'infrastructure de formation : l'allongement de la durée de la formation initiale en école et l'augmentation des recrutements

Au regard des besoins de formation, la remontée de la capacité de formation a été progressive. Elle a reposé sur des augmentations de places, grâce à la création de nouvelles places en école ainsi qu'à la réaffectation et à l'ouverture de nouvelles écoles. Pour la gendarmerie, l'école de Dijon a ainsi été créée le 1 er septembre 2016, portant à cinq le nombre d'établissements actuellement capables d'accueillir les élèves gendarmes (hors corps de soutien technique et administratif) en métropole.

Source : DGGN

Source : https://www.devenirpolicier.fr

La police nationale dispose pour sa part aujourd'hui de 12 structures de formation initiale pour les gardiens de la paix, notamment par la réaffectation à la formation initiale du centre régional de formation de Draveil qui, créé en tant qu'école nationale de police en 1995, avait été de 2010 à 2016 affecté uniquement à la formation continue.

Mais la gestion des besoins de formation s'est d'abord faite en agissant sur la formation elle-même, d'abord en enchaînant les promotions à flux tendu, avec un rythme de deux par an, voire parfois plus, au sein des écoles, un simple week-end séparant le départ d'une promotion de l'entrée de la suivante. À court terme, le recrutement de personnels en formation courte a également été privilégié, tandis que les temps de formation ont été fortement écourtés. Le rapport des inspections relevait que pour permettre les recrutements de la période 2012-2016, une adaptation de la scolarité avait dû être mise en place, marquée par une réduction du temps de formation théorique de 1,5 à 2 mois (selon les concours, interne ou externe) dans la police, et de 1 à 3 mois dans la gendarmerie.

Sur la durée totale de 24 mois de la formation initiale des gardiens de la paix, le choix avait été fait en 2017, dans la cadre du « plan 10 000 », de réduire le temps de formation en école de 12 à 8 mois. Ce choix était lié à la volonté de renforcer la formation en stage et donc au sein des équipes. Mais il découlait également de la difficulté à organiser la scolarité en école. Critiquée comme n'offrant pas un bagage suffisant aux jeunes recrues, cette formation en école « rapetissée » , selon le mot du ministre de l'intérieur, a été abandonnée après cinq ans de mise en oeuvre . Depuis mai 2022, la période de formation en école a été à nouveau portée à 12 mois pour les élèves gardiens de la paix.

Le temps de formation en école des sous-officiers de gendarmerie, qui était également de 8 mois sur 12 mois au total, sera lui aussi porté à 12 mois d'ici 2025.

Ce choix est cohérent avec les exigences en matière de contenu de la formation, mais il intervient au moment même où une nouvelle vague des recrutements renforce la pression sur l'appareil de formation.

A l'occasion de son discours de clôture du Beauvau de la Sécurité 9 ( * ) , le président de la République faisait le constat qu'entre la réussite au concours de gardien de la paix et l'intégration d'une école, le temps d'attente était d'un à deux ans. Malgré l'objectif fixé alors par le chef de l'État d'un délai maximal de six mois, les conditions de pression sur les écoles et les exigences renforcées en matière de temps de formation n'ont pas permis de réduction significative pour l'ensemble des écoles. Cette situation entraîne nécessairement la perte d'une partie des candidats recrutés, au moins pour ceux qui ne sont pas déjà intégrés à la police en tant que cadet de la République ou policier adjoint. Les rapporteurs considèrent que si l'objectif premier doit rester la réduction du temps avant l'intégration en école, il est nécessaire de prévoir un accompagnement des lauréats du concours de gardien de la paix non entre intégrés.

Proposition : Assurer un lien voire un accompagnement des élèves policiers en attente d'incorporation.

La question se pose de manière un peu différente pour la gendarmerie qui connaît une mise en oeuvre progressive de l'augmentation du temps en école. La durée de la scolarité évoluera progressivement afin d'intégrer les enseignements supplémentaires : depuis le 1 er septembre 2022, la scolarité des élèves-gendarmes issus du secteur civil a été portée à 9 mois au lieu de 8 mois.

Néanmoins, cette augmentation n'a pu se faire à court terme que par transfert de temps disponible . La scolarité des élèves anciens gendarmes-adjoints a été temporairement réduite 7 mois en tirant profit de leur formation initiale de 3 mois et de l'expérience acquise ; leur durée de stage d'application en unité avant la nomination au grade de gendarme a parallèlement été allongée de deux mois. Sur la période 2023-2027, la gendarmerie prévoit d'intégrer l'allongement des durées de formation liée à l'augmentation des recrutements en accroissant le nombre de compagnies d'instruction susceptibles d'être accueillies dans les écoles et en augmentant le nombre de formateurs. Trois compagnies sur les douze envisagées seront créées pour accueillir des élèves dès 2023/2024 dans les écoles de Châteaulin, Rochefort et Fontainebleau. Ceci implique des travaux, notamment pour l'hébergement des élèves. Ils seront pris en charge dans le cadre d'une enveloppe de 85 millions d'euros prévue en autorisations d'engagement sur la période 2022-2028.

A la nécessité de former des élèves s'ajoute celle de former la réserve opérationnelle . La création de la réserve opérationnelle de la police nationale, sur le modèle de celle de la gendarmerie nationale, a été l'une des perspectives offertes pour le renforcement des effectifs depuis le Beauvau de la Sécurité. Le renforcement du budget alloué aux deux réserves opérationnelles voté dans le cadre de la loi de finances pour 2013 doit permettre leur montée en puissance : les objectifs annoncés sont de porter la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale à 50 000 réservistes (contre 30 000 réservistes environ actuellement) et la réserve opérationnelle de la police nationale à 30 000 réservistes (6 000 environ actuellement). Dans la gendarmerie nationale, mais surtout la police, il est nécessaire de former ces réservistes auxquels des tâches extrêmement diverses sont susceptibles d'être confiées. Il s'agit là d'une pression nouvelle sur l'appareil de formation.

Des travaux permettant l'augmentation des capacités d'accueil des établissements sont donc nécessaires. Il apparaît cependant qu'aucune nouvelle création d'école n'est prévue, et ce alors même que le besoin d'un nouvel établissement au moins est établi pour la police nationale en Ile-de-France.

Parallèlement, la création de nouvelles capacités d'accueil pose deux questions : l'entretien de bâtiments parfois vétustes , et la disponibilité d'infrastructures essentielles à la formation , au premier rang desquelles les stands de tir .

S'agissant de la police nationale, les déplacements effectués par les rapporteurs ont montré deux situations très différentes, à l'école nationale de police de Roubaix et au centre de formation régional de Draveil. Les rapporteurs ont pu constater la qualité de l'infrastructure de l'école de Roubaix, premier bâtiment conçu dès l'origine comme une école de police, qui dispose d'équipements, d'hébergements et de salles d'enseignement modernes et adaptés. Le site de Draveil, présenté comme « très dégradé » par la Cour des comptes dans son rapport de février 2022 sur la formation des policiers, nécessite en revanche une mise à niveau. Outre le manque d'un stand de tir, les besoins d'hébergement et de salles de cours ne sont pas suffisamment couverts. Les bâtiments hébergeant les élèves servent également pour les mises en situation, une polyvalence intéressante mais insatisfaisante du point de vue de la qualité des infrastructures. L'ensemble des bâtiments de l'école, dont le corps principal, nécessitent des rénovations. L'un des bâtiments nécessite des travaux de désamiantage. Les travaux sont constants, mais d'ampleur insuffisante en raison de la nécessité de préserver l'usage et par manque de moyens. Les travaux, estimés en 2020 à 13,7 millions d'euros pour une première mise à niveau du centre, mais à minima à 25 millions pour la mise aux normes et la construction de nouveaux bâtiments, n'avaient pas été actés au moment du déplacement des rapporteurs.

La Cour des comptes dans son rapport précité relevait le « sous-investissement dans les travaux d'entretien et d'aménagement » dans l'ensemble des infrastructures. Elle indiquait que « les travaux d'aménagement ont été fléchés sur des projets prioritaires touchant à la sécurité des personnes et des biens, au détriment des travaux liés au maintien en condition du bâti, ou tout du moins au ralentissement de sa dégradation, qui ne sont traités qu'en cas d'urgence. Les arbitrages budgétaires ont conduit à ce que les besoins recensés par les structures sur les travaux d'aménagement soient de plus en plus nombreux à ne pas être satisfaits ». Elle notait par ailleurs que le défaut de renouvellement des équipements, lié aux contraintes budgétaires devenait problématique notamment en matière d'hébergement.

Malgré la programmation budgétaire prévue par la Lopmi, il apparaît que les contraintes budgétaires ne sont pas totalement levées . En réponse aux questions des rapporteurs, la direction générale de la police nationale (DGPN) affirme que : « Des efforts notables sur le plan budgétaire et logistique sont à concéder pour satisfaire à la cible des incorporations . » Elle indique qu'« il est primordial de mener à bien les travaux déjà engagés et d'obtenir les crédits nécessaires à la réalisation de travaux indispensables ».

Le manque de moyens bloque toutes les étapes de l'entretien des bâtiments. La Cour des comptes note ainsi qu'il a fallu attendre plusieurs années pour pouvoir financer la réalisation d'études pour l'installation d'un centre de tir à Draveil ; études qui ne se sont pas traduites par la construction de cet équipement, dont la nécessité est pourtant évidente. Le passage du temps et la dégradation des équipements, ou d'au moins une partie d'entre eux, nourrissent l'élaboration de projets alternatifs, comme l'idée d'une cession du site de Draveil pour financer la construction d'une nouvelle école en Ile-de-France. L'étude et l'existence de ces projets, pour lesquels les arbitrages sont rendus difficilement, contribuent à retarder les décisions d'investissement dans les équipements existants au-delà de l'entretien urgent.

Pour pallier le manque d'équipement propres ou, s'agissant des 36 stands de tirs d'Ile-de-France, « souvent indisponibles en raison de la fréquence d'opérations de maintenance », les rapporteurs se sont penchés sur les perspectives de mutualisation d'équipements et sur la possibilité de garantir l'accès des policiers et gendarmes aux infrastructures privées ou construites pour la formation des policiers municipaux.

Une instruction tripartite (police, gendarmerie, secrétariat général du ministère de l'Intérieur) du 26 octobre 2017, relative à la mutualisation et au suivi technique des infrastructures de tir utilisées par les forces de sécurité intérieure, prévoit déjà que les forces de sécurité intérieure doivent pouvoir bénéficier de l'accès aux stands de tir d'organismes privés (clubs ou sociétés de tir) ou publics (police municipales, collectivités territoriales, établissements publics), dès lors que la configuration de ces installations offre les conditions de sécurité requises. L'utilisation de ces installations nécessite la passation d'une convention locale autorisant et encadrant l'utilisation de ces installations qui devra être, le cas échéant, subordonnée à un processus d'agrément technique préalable.

La mise en oeuvre de cette instruction s'avère cependant difficile sur le terrain. La DGPN indique que si, en théorie, un nombre non négligeable de stands de tir peuvent être utilisés par les forces de sécurité, cette utilisation est limitée par les munitions qui peuvent être utilisées sur les stands ciblés, par leur distance par rapport au service d'origine du service de police concerné ou par les créneaux restant disponibles.

Propositions : Établir un programme triennal d'acquisition d'équipements mis à disposition des élèves, de rénovation des bâtiments et de construction pour les écoles de police et de gendarmerie avec un financement fléché à partir du programme budgétaire voté dans le cadre de la Lopmi.

Mettre aux normes le site du Centre régional de formation de Draveil.

Créer une nouvelle école de police en Ile-de-France.


* 1 Au regard de la multiplicité des enjeux de la formation, les rapporteurs ont choisi de se concentrer sur les formations généralistes (hors police scientifique et corps de soutien) au sein des deux forces.

* 2 Pierre Antonmattei, « La formation des policiers », Pouvoirs, 2002/3, n° 102.

* 3 Il s'agit du plan de lutte anti-terroriste après les attentats de janvier, du plan de lutte contre l'immigration clandestine à l'automne et, enfin, du pacte de sécurité après les attentats de novembre.

* 4 « Évolution des effectifs de la police et de la gendarmerie nationales », février 2017.

* 5 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023.

* 6 Dans son avis numéro 146 Tome XIII sur le programme Sécurités du Projet de loi de finances pour 2020, le rapporteur notait l'« appauvrissement inquiétant des viviers de recrutement » des forces de sécurité.

* 7 Bilan de la RGPP et conditions de réussite d'une nouvelle politique de réforme de l'Etat, inspections (IGA, IGF, IGAS), Septembre 2012

* 8 « Évolution des effectifs de la police et de la gendarmerie nationales », février 2017

* 9 Discours de clôture à l'École Nationale de Police de Roubaix, le 14 septembre 2021

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