II. LA FORMATION INITIALE ET L'ENTRÉE DANS LA CARRIÈRE : NE PAS SACRIFIER LA QUALITÉ À LA QUANTITÉ

Les voies d'accès à la police et la gendarmerie nationales sont marquées par la volonté de favoriser le recrutement de jeunes n'ayant pas nécessairement acquis un diplôme. C'est le cas pour les policiers adjoints et les gendarmes-adjoints volontaires, qui ont pour vocation d'exercer des missions opérationnelles en appui des gardiens de la paix et sous-officiers de gendarmerie, tout en étant accompagnés pour la préparation des concours.

La vocation sociale du recrutement dans la police nationale est également visible au travers du dispositif des cadets de la République, recrutés sur dossier avant des épreuves psychologiques et sportives, qui à l'issue de leur formation deviennent policiers adjoints. Les cadets en gendarmerie constituent davantage pour leur part un processus de découverte ou d'engagement au sein du service national universel qu'une formation à vocation de recrutement.

Les cadets de la République et policiers-adjoints, les gendarmes-adjoints volontaires, constituent une base d'augmentation des recrutements permettant de disposer rapidement d'un apport en personnels tout en favorisant le passage des concours. Plusieurs difficultés se posent néanmoins et il convient de prévenir tout risque futur d'une dégradation de la qualité professionnelle des forces de sécurité intérieure.

A. LA BAISSE DU NIVEAU DES ÉLÈVES

L'augmentation des recrutements a conduit, selon l'avis général, à une baisse du niveau des élèves . Le constat dressé devant les rapporteurs par les formateurs de la police nationale a été assez sévère. Que ce soit en termes d'aptitudes physiques, de connaissances de base ou de savoir être, le niveau des élèves leur paraît insuffisant. La massification du recrutement a non seulement conduit à intégrer des personnes dont les connaissances sont inadaptées mais aussi dont les motivations sont faibles et, en conséquence, l'implication limitée. Parfois même une hostilité à la police nationale s'exprime chez des élèves, pouvant conduire à une dégradation nette de l'ambiance et de la capacité d'acquisition des savoirs par une promotion.

Les formateurs de la police nationale ont insisté sur la difficulté à rompre les contrats des policiers adjoints dont le niveau est insuffisant ou l'attitude inadéquate. Il semble en être de même, sauf pour les cas les plus extrêmes, pour les élèves gardiens de la paix. Si une régulation se fait naturellement par l'abandon des élèves les moins motivés ou en rupture avec l'institution, cette situation n'est pas satisfaisante. Elle tend à faire primer l'objectif numérique du recrutement sur sa qualité.

Cette difficulté existe pour les deux forces, elle a notamment été signalée aux rapporteurs lors de leur visite à l'école de gendarmerie de Chaumont, mais est particulièrement marquée pour la police nationale. Ceci tient notamment aux objectifs assignés par chacune des deux forces à leur formation initiale et à la capacité qu'a développée la gendarmerie nationale de créer une culture commune à tous ses membres .

L'article 2 de l'arrêté du 23 mai 2016 fixant les conditions de déroulement de la période de formation initiale des militaires engagés en qualité d'élèves gendarmes dispose que « les objectifs de la formation initiale sont de forger l'identité de sous-officier de gendarmerie et de faire acquérir les connaissances et les compétences fondamentales du métier ». L'arrêté du 24 juin 2020 portant organisation de la formation statutaire et de l'évaluation des gardiens de la paix dispose pour sa part que « la formation statutaire des gardiens de la paix prépare l'élève puis le stagiaire à acquérir les compétences et aptitudes professionnelles et personnelles, nécessaires à l'exercice des missions énoncées à l'article 2 du décret du 23 décembre 2004 susvisé, en particulier dans le poste occupé à compter de la première affectation ».

La capacité de la gendarmerie à forger une identité repose sur l'intégration de deux notions, la « militarité » et la « rusticité » qui s'expriment positivement par la mise en place d'une formation militaire et négativement par la mise à l'écart des élèves ne parvenant pas à remplir ces critères. Les rapporteurs ont pu constater l'importance que revêt l'identité de la gendarmerie, la perception de son histoire et de ses missions qu'ont les élèves sous-officiers et officiers. Il était marquant de constater l'absence d'équivalence des deux forces aux yeux des élèves, le choix de la gendarmerie apparaissant toujours comme un choix d'adhésion.

Comme l'a souligné le commandement de l'école de Chaumont caractère militaire de la formation est en pratique un moyen de mesurer la motivation des élèves. Elle permet notamment de marquer la rupture en la vie civile et ses libertés et le statut de représentant de l'ordre. Très concrètement, les élèves sont ainsi tenus de masquer les tatouages qu'ils peuvent avoir sur les bras ou qui pourraient être visibles lorsqu'ils sont en uniforme. L'importance de la formation initiale strictement militaire, commune avec les forces armées, a également été mise en avant. Les rapporteurs partagent pleinement l'importance de la conservation du caractère militaire de la gendarmerie et de ces formations.

La spécificité militaire de la gendarmerie ne doit pas occulter un point commun à développer dans la formation initiale des policiers et gendarmes, la multiplicité des tâches qui leurs sont confiés. Chargée de couvrir 96 % du territoire national, la gendarmerie a intégré comme un élément de l'identité de sous-officiers la capacité de conduire l'ensemble des missions de sécurité. La notion de pluridisciplinarité est ainsi au coeur de la formation des gendarmes. Le besoin pour les gardiens de la paix d'exercer des missions multiples est incontestable. Leur formation initiale le prend en compte et la DGPN indique à juste titre que « les retours d'expérience ont démontré que la formation initiale des gardiens de la paix répond pleinement aux missions validées par le DGPN et l'ensemble des directeurs centraux ». Cependant les missions sont plus conçues comme une juxtaposition que comme une polyvalence tenant à la nature même des fonctions. Une évolution de l'approche pourrait être envisagée afin de renforcer l'intégration de l'ensemble des missions.

Proposition : Faciliter l'exclusion des élèves policiers et gendarmes dont l'attitude est incompatible avec les attentes.

Proposition : Favoriser la pluridisciplinarité des gardiens de la paix sur le modèle de la gendarmerie.

Proposition : Valoriser l'appartenance collective la police nationale au-delà des spécificités métier.

Proposition : Préserver la militarité de la gendarmerie par le maintien des formations initiales et continue communes avec les forces armées.

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