N° 706

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juin 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur les prêts garantis par l'État : mieux comprendre les risques pour le budget de l'État,

Par M. Jérôme BASCHER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

L'ESSENTIEL

Au terme d'une crise sanitaire à rallonge et dans un contexte marqué par les perturbations économiques liées au conflit russo-ukrainien, non prévues au moment de la mise en place des prêts garantis par l'État (PGE), se pose la question de leur impact budgétaire réel. Ce dispositif, peut-être le plus emblématique de la réponse économique à la covid-19, est fondé sur un système ingénieux car indolore, au moins temporairement, pour les finances publiques : l'État est sollicité uniquement au moment de l'appel en garantie.

À l'heure où 9 % des TPE-PME expriment des craintes quant à leur capacité à rembourser les PGE1(*), vient donc l'heure du bilan. M. Jérôme Bascher, rapporteur spécial des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État », a présenté le 7 juin les conclusions de son contrôle budgétaire.

 

Proportion de TPE-PME craignant de ne pouvoir rembourser leur PGE en mai 2023

I. LES PGE : UN DISPOSITIF CONÇU DANS L'URGENCE MAIS ADAPTÉ POUR PRÉSERVER LES INTÉRÊTS DE L'ÉTAT ET DES ENTREPRISES

A. UN SATISFECIT FACE À LA RÉACTIVITÉ ET LA CAPACITÉ D'ADAPTATION DES POUVOIRS PUBLICS DANS LA MISE EN oeUVRE DES PGE

Les PGE, annoncés par le Président de la République dès son allocution du 16 mars 2020, ont été mis en place en l'espace d'une dizaine de jours. Il faut à cet égard saluer le rôle de la direction générale du Trésor, à la manoeuvre dans la conception du dispositif voté par le Parlement à l'article 6 de la loi de finances rectificative du 23 mars 2020 et mis en application par un arrêté du même jour, et qui a dans le même temps participé aux négociations avec la Commission européenne concernant le cadre temporaire mis en place le 19 mars 2020, notamment pour rallonger la durée des prêts garantis de cinq à six ans. Il convient de souligner cette réactivité pour concevoir un dispositif globalement équilibré.

Celui-ci avait toutefois été conçu pour une crise d'un trimestre. Pour tenir compte de l'évolution de l'épidémie et de ses conséquences économiques, il a fallu adapter le dispositif, avec sept modifications législatives et 15 modifications d'ordre réglementaire. Les PGE, initialement conçus pour durer jusqu'au 31 décembre 2020, ont ainsi été prolongés jusqu'au 30 juin 2022 pour les PGE « classiques », et au 31 décembre 2023 pour les PGE « Résilience ».

Les initiatives prises pour contenir le risque de non-remboursement des PGE et mieux détecter les entreprises en difficulté (cf infra) doivent être saluées. Elles se situent dans la droite ligne des recommandations préconisées par le rapporteur général de la commission des finances, M. Jean-François Husson, dans son rapport de mai 2021 sur le sujet2(*).

B. UNE PRÉSERVATION DES INTÉRÊTS DE L'ÉTAT ET DES ENTREPRISES AUX DIFFÉRENTES ÉTAPES DU PRÊT

La phase d'octroi a essentiellement reposé sur les banques. Avec une quotité garantie par l'État comprise, selon la taille de l'entreprise, entre 70 et 90 % du montant du prêt (capital, intérêt et accessoire) et un délai de carence de deux mois à compter de son octroi, celles-ci ont supporté une partie du risque de crédit, ce qui les a dissuadées de prêter à des entreprises non viables. Ainsi, parmi les entreprises enregistrées dans le système de cotation de la Banque de France, celles qui étaient en « très bonne santé » financière (cote de crédit comprise entre 1+ et 3+) ont contracté des montants de PGE beaucoup plus importants, avec 37 milliards d'euros, que celles souffrant d'une santé financière plus dégradée (de 5 à P), avec 10 milliards d'euros. De même, les entreprises « zombies » n'ont pas concentré plus de 4 % du total des PGE octroyés.

· Au 31 janvier 2023, 143,8 milliards d'euros de PGE avaient été octroyés.

Lors de la phase d'octroi, Bpifrance - dont les relations avec les banques sont régies, sur le sujet des PGE, par un acte d'adhésion - a été chargée de vérifier le respect des conditions d'éligibilité des entreprises et de plafonnement du montant des prêts en fonction du chiffre d'affaires. Elle a, pour cela, mis en place une plateforme, et a rénové son système informatique de façon à pouvoir vérifier l'ensemble des informations communiquées par les banques via un gabarit de fichier normalisé. En cas de modification du prêt (remboursement anticipé, restructuration...), les banques devaient aussi communiquer les données à Bpifrance pour lui permettre de suivre au mieux le dispositif. Elles ne se sont pas toujours acquittées de leur tâche, ce qui a donné lieu à un travail supplémentaire de sollicitation de la part de Bpifrance. Cette structure n'a pourtant pas encore été compensée pour l'ensemble des dépenses qu'elle a engagées. En effet, une telle compensation avait été exclue lors de la création du dispositif pour des raisons d'appels d'offre, et le défraiement prévu depuis3(*) a été conditionné à la signature, encore en attente, de la convention de gestion du PGE entre Bpifrance et le Trésor.

La phase d'amortissement n'implique normalement que les banques et les entreprises. Pour laisser une certaine marge de manoeuvre à ces dernières, un différé d'amortissement d'un an avait été initialement prévu, et complété en janvier 2021 par la possibilité de bénéficier d'un différé d'un an supplémentaire, toujours dans la limite d'une durée de prêt de six ans.

Par ailleurs, des facilités ont ultérieurement été aménagées pour les entreprises en difficulté, rendant possible la prolongation du prêt au-delà de six ans avec l'accord de la Commission européenne : le juge peut décider le report ou d'échelonnement de deux ans des sommes dues (le prêt dure donc huit ans), une restructuration amiable sous l'égide du juge et des procédures judiciaires peuvent aussi conduire à la prolongation du PGE sans limitation de durée (dans les faits, les plans se limitent à dix ans), et le recours à la médiation du crédit pour les PGE inférieurs à 50 000 euros peut donner lieu à un étalement du prêt jusqu'à quatre années supplémentaires.

· Au 31 janvier 2023, 50,7 milliards d'euros avaient été remboursés, et le capital restant dû s'élevait à 93,1 milliards d'euros.

Enfin, en cas d'événement de crédit, la banque peut effectuer un appel en garantie. Celui-ci est en général séquencé en un versement provisionnel - où l'État n'accorde qu'une partie du montant de l'indemnisation - et un versement final, intervenant une fois toutes les diligences de recouvrement possibles, amiables ou judiciaires, utilisées. Ces demandes d'indemnisation donnent encore lieu à un contrôle documentaire par Bpifrance. À cette occasion, si le montant indemnisable constaté lors d'une indemnisation finale est supérieur au montant du versement provisionnel net effectué, la différence entre les deux montants est payée au prêteur. Dans le cas contraire, il reverse le trop-perçu à Bpifrance, qui le reverse à l'État. Ainsi, le budget de l'État n'est que progressivement mobilisé dans le cadre de ce processus.

· Au 31 janvier 2023, 1,83 milliard d'euros avaient été appelés en garantie

Principaux chiffres au 31 janvier 2023

 
 
 
 

Montant de PGE octroyé

Montant remboursé

Capital restant dû

Montant appelé en garantie

Source : tableau de bord des PGE, site du ministère de l'économie et des finances

La perte nette pour l'État se compose donc de la perte brute liée à l'appel en garantie, diminuée du trop-perçu, mais surtout de la commission versée à l'État - et comprise dans le taux du prêt - en échange de sa garantie. Ainsi, jusqu'en 2022, l'État était bénéficiaire mais il devrait être perdant à partir de 2023.

II. UN RISQUE BUDGÉTAIRE MAÎTRISÉ MAIS QUI POURRAIT ÊTRE RÉDUIT PAR UNE AMÉLIORATION DE L'ACCOMPAGNEMENT ET DE LA DÉTECTION DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

A. SI LE RISQUE BUDGÉTAIRE EST MAÎTRISÉ, DES POINTS DE VIGILANCE DEMEURENT SUR LES PETITES ENTREPRISES ET CERTAINS SECTEURS

Les différentes estimations réalisées depuis la mise en oeuvre des PGE ont anticipé des pertes nettes comprises entre 1,4 et 5,3 milliards d'euros. La plus optimiste date de janvier 2022 ; depuis, la dégradation de la situation macroéconomique associée notamment au conflit russo-ukrainien a entraîné une hausse des pertes nettes anticipées, qui ne devraient toutefois pas dépasser 3,6 milliards d'euros sur la durée du dispositif en 2030.

Estimation des pertes nettes de l'État associées au PGE

(en millions d'euros)

Source : direction générale du Trésor, d'après les estimations de la Banque de France

En effet, malgré la remontée des taux et l'inflation, en particulier sur les prix de l'énergie qui constituent une part significative des coûts de production, les entreprises parviennent à afficher des taux de marge élevés - 33,5 % au deuxième trimestre 2023. Ainsi, le nombre de défaillances d'entreprises, s'il augmente, demeure mesuré : fin avril 2023, il s'élevait à 46 183 sur 12 mois, là où il atteignait 51 145 en 2019, niveau déjà particulièrement bas. Si l'endettement des entreprises françaises demeure élevé, les indicateurs relatifs aux restes à recouvrer par les Urssaf indiquent aussi une bonne santé financière des entreprises.

Toutefois, des points de vigilance existent : le niveau de défaillances des TPE (hors microentreprises) et des PME (ETI exclues), s'il demeure raisonnable, a significativement augmenté par rapport à 2019 alors que ces types d'entreprises concentrent l'essentiel des PGE et du capital restant dû. La proportion de TPE-PME craignant de ne pouvoir rembourser leur PGE est ainsi passée de 7 à 9 % entre février 2023 et mai 2023 - retrouvant ainsi son niveau d'avril 2022.

Les secteurs de l'hébergement-restauration et de l'industrie manufacturière doivent faire l'objet d'une attention particulière du point de vue du risque PGE, puisque, tout en présentant des niveaux de défaillance en augmentation massive entre avril 2022 et mars 2023 (+ 83 % et + 69,6 % en cumulé sur un an), ils affichent respectivement un capital restant dû de 8 milliards d'euros et 11,4 milliards d'euros. Si les diverses mesures de soutien sectorielles - hors PGE, les aides aux entreprises du secteur du tourisme ont représenté 31,8 milliards d'euros en 2020 et 2021 - ont pu, incidemment, préserver le budget de l'État d'éventuels appels en garantie, il paraît toutefois hors de propos d'envisager l'introduction de telles mesures budgétaires et ciblées par secteur dans ce seul et unique but.

Enfin, dans la mesure où 72 % des encours des PGE ont des échéances finales sur 2026, il est possible de s'attendre à une vague d'appels en garantie cette année-là et ce d'autant plus qu'une loi d'écoulement impliquant une concentration des risques sur la fin de la durée du dispositif est d'ores et déjà observée.

B. UN ACCOMPAGNEMENT ET UNE DÉTECTION QUI POURRAIENT ENCORE ÊTRE AMÉLIORÉS

L'accompagnement des entreprises en difficulté, déjà assuré notamment par le réseau des commissaires aux restructuration et à la prévention des difficultés des entreprises (CRP), les commissions des chefs de services financiers (CCSF) - qui peuvent accorder aux entreprises en difficulté des délais de paiement pour leurs dettes fiscales et sociales - et les comités départementaux d'examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI), a été renforcé. La troisième loi de finances rectificative pour 2020 a ainsi permis d'élargir l'éventail des aménagements offerts par les Urssaf aux entreprises, tandis qu'étaient créés, en juin 2021, les conseillers départementaux de sortie de crise, chargés d'orienter l'entreprise vers l'interlocuteur le plus adapté à sa situation.

Par ailleurs, un dispositif de repérage des entreprises en difficulté sur la base de leurs données, Signaux Faibles - « start-up d'État » dépendant de la direction générale des entreprises - se déploie progressivement sur le territoire de façon à faciliter le travail d'accompagnement offert aux entreprises en difficulté par les agents des directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS). Il s'est renforcé en 2021 grâce à la fusion avec un projet concurrent mené par la direction générale des finances publiques.

Des marges d'amélioration subsistent pourtant : communiquer davantage autour de l'existence de ces dispositifs d'accompagnement, encore trop souvent méconnus par les entreprises et, dans ce cadre, désamorcer les craintes associées au recours à la médiation du crédit, pourraient conduire quelques milliers d'entreprises à les solliciter au lieu de faire faillite. Par ailleurs, et même si l'impact budgétaire en serait sans doute plus faible, il conviendrait, à terme, d'élargir les missions de Signaux Faibles aux entreprises de moins de dix salariés, actuellement exclues du dispositif.

III. UNE MEILLEURE INFORMATION DU PARLEMENT AISÉMENT ATTEIGNABLE

A. AUGMENTER LE RYTHME DES ESTIMATIONS POUR MIEUX PERCEVOIR L'ÉVOLUTION DU RISQUE

La Banque de France réalise deux fois par an une estimation de pertes liées aux PGE pour le compte de la direction générale du Trésor. Pour cela, elle conçoit un modèle basé sur les cotations de crédit des entreprises4(*) (cotation FIBEN), qui constituent un moyen fiable d'estimer une probabilité de défaut à un horizon compris entre un et trois ans. Certaines hypothèses sous-jacentes, ou « scénario de référence », de ce modèle sont définies par la direction générale du Trésor. À partir de juillet 2022, il a ainsi été décidé de calquer le rythme de défaillances attendues sur la période 2022-2028 sur celui observé entre 2009 et 2015.

Ce travail est effectué grâce aux fichiers envoyés par Bpifrance, ce qui pose un problème de contemporanéité par rapport aux phénomènes décrits par les données, antérieurs d'au moins quatre mois à l'estimation. Raccourcir les délais dans lesquels Bpifrance - qu'il paraît d'autant plus nécessaire de compenser - produit ses fichiers et élaborer les estimations sur une base trimestrielle serait ainsi utile, y compris pour corriger les montants en fin d'examen du PLF. La transmission de ces estimations au Parlement, ainsi que l'introduction de précisions concernant l'évolution du capital restant dû par cote de crédit dans les documents budgétaires, lui permettrait de mieux appréhender le risque budgétaire associé aux PGE.

B. RENDRE LES ESTIMATIONS COHÉRENTES ENTRE ELLES

Si les estimations de la Banque de France demeurent robustes, deux faiblesses apparaissent. D'une part, si l'on comprend la nécessité d'arrêter un scénario de référence qui soit le plus vraisemblable possible, rien n'indique a priori que la tendance des défaillances sur la période 2022-2028 suivra précisément celle de 2009-2015. Les divergences (crise de demande après 2008 versus crise d'offre à partir de 2022) impliqueraient probablement une déformation de la trajectoire des défaillances pour les cinq prochaines années par rapport à la période 2009-2015, sans compter une possible concentration des remboursements - et donc des appels en garantie - sur la fin de la période. D'autre part, il demeure étrange que les modélisations élaborées par la Banque de France ne se fondent pas sur les éléments de prévision et les estimations macroéconomiques utilisées par le Gouvernement pour effectuer le cadrage économique et financier de la loi de finances : le contraire serait plus cohérent.

Enfin, la certification des comptes 2022 menée par la Cour des comptes a permis d'identifier un dernier sujet : dans les comptes de l'État, les engagements hors bilan dus aux PGE sont évalués à 81 milliards d'euros (dont 5 milliards de provision pour risques) alors que la Banque de France, pour réaliser ses dernières estimations, s'était fondée sur un encours garanti restant de 90 milliards d'euros. Le fichier Bpifrance transmis à l'administration pour déterminer les estimations d'engagement hors bilan renseignerait en effet, en cas d'anomalie sur un montant de capital restant dû, un montant de 0, tandis que la Banque de France redresserait les données pour réaliser ses estimations de pertes dues aux PGE. Au total, la qualité des estimations n'en paraît donc pas affectée, mais il semble indispensable de raccorder les données utilisées par la Banque de France pour élaborer ces estimations avec celles retenues par l'État pour calculer le montant des engagements hors bilan.

LES RECOMMANDATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Recommandation n° 1 (ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique - direction générale du Trésor) : intégrer les données sur le capital restant dû par cote de crédit, ainsi que leur évolution depuis la mise en place des PGE, dans les documents budgétaires relatifs au programme 114.

Recommandation n° 2 (ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique) : compenser rapidement et au juste niveau Bpifrance pour les dépenses engagées au titre du suivi et de la gestion des PGE pour le compte de l'État.

Recommandation n° 3 (Banque de France, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique - direction générale du Trésor) : passer d'un rythme semestriel à un rythme trimestriel pour les estimations de pertes nettes globales anticipées liées au PGE et les transmettre, aussitôt réalisées, au Parlement.

Recommandation n° 4 (ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique - direction générale des entreprises) : proposer aux chefs d'entreprise de TPE-PME des outils d'anticipation des charges à venir dans l'optique d'améliorer leurs connaissances financières.

Recommandation n° 5 (ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Banque de France) : communiquer davantage autour des dispositifs d'accompagnement financier et d'orientation proposés par la puissance publique et, dans ce cadre, désamorcer les craintes liées au recours à la médiation du crédit.

Recommandation n° 6 (ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique - direction générale des entreprises et direction générale des finances publiques) : dans une optique d' « aller-vers », renforcer le dispositif de détection précoce des difficultés des entreprises « Signaux Faibles » par son élargissement aux entreprises de moins de dix salariés, particulièrement fragiles.

Recommandation n° 7 (ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique - direction générale du Trésor, Banque de France) : fonder les estimations de pertes PGE sur les prévisions macroéconomiques du Gouvernement afin de permettre un réel bouclage du budget de l'État.

Recommandation n° 8 (ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Banque de France) : harmoniser les montants utilisés par la Banque de France pour effectuer les estimations de pertes nettes liées aux PGE et ceux utilisés par l'administration pour déterminer le montant des engagements hors bilan.

AVANT-PROPOS

Les prêts garantis par l'État (PGE) constituent peut-être le dispositif économique de soutien aux entreprises le plus emblématique de la crise sanitaire, articulant un niveau d'engagement massif de la part de l'État annoncé très tôt par le Président de la République - un plafond de 300 milliards d'euros - et un rôle prépondérant des banques dans l'octroi des prêts aux entreprises, supposant finalement une faible sollicitation financière de l'État.

Schématiquement, la garantie de l'État est appelée par la banque lorsqu'une entreprise à laquelle elle a octroyé un prêt ne parvient plus à la rembourser. Elle a permis de rassurer les banques et de faciliter leur soutien à l'économie dans une période d'extrême incertitude.

Deux ans après le rapport de la commission des finances sur la sortie des PGE5(*), dans la continuité duquel le rapporteur spécial a souhaité se placer, et trois ans après la mise en place du dispositif, vient l'heure du bilan.

Les PGE semblent en effet peu coûteux in fine pour l'État, étant donné le faible montant qui devrait être appelé en garantie en comparaison avec les montants octroyés. Toutefois, la capacité de remboursement des entreprises dépend de circonstances économiques évolutives, non prévues au moment du déploiement du dispositif - que l'on songe à la remontée de l'inflation et au conflit russo-ukrainien -, mais aussi des facilités éventuellement accordées aux entreprises en difficulté. Les conditions de remboursement sont-elles optimisées ? Les entreprises en difficulté sont-elles bien orientées ? Les risques de non remboursement sont-ils bien appréciés ? Le risque budgétaire qui lui est associé est-il élevé ? est-il bien estimé ?

Répondre à ces questions suppose d'abord de bien saisir l'articulation entre les différents acteurs aux différents stades de la procédure, de l'octroi du PGE à son remboursement, en passant par le potentiel appel en garantie, de comprendre leur rôle et d'apprécier les montants mis en jeu jusqu'ici - selon la taille de l'entreprise, le secteur ou encore la cotation de crédit - pour mieux apprécier les risques.

Il s'agit ensuite de peser les différents facteurs susceptibles d'avoir un impact sur les appels en garantie dans une démarche prospective. À quel point les circonstances macroéconomiques risquent-elles de peser sur les entreprises ? Leur situation financière, qui dépend notamment des marges et des dettes sociales accumulées, permet-elle aux entreprises de rembourser leurs prêts dans de bonnes conditions ? Certains secteurs économiques pourraient-ils être plus affectés que d'autres ? Par ailleurs, les entreprises en difficulté sont-elles bien accompagnées, bien détectées ? Ces questions, de portée naturellement très large, ne peuvent pas toujours appeler de recommandation - qui dépasserait la portée de la mission « Engagements financiers de l'État » - ni de trop longs développements, mais nécessitent toutefois d'être abordées.

Enfin, comment les pertes pour l'État sont-elles estimées ? Ce contrôle budgétaire procède notamment d'un double constat. D'une part, le second projet de loi de finances rectificative pour 2022 comportait une annulation de crédits à hauteur de deux milliards d'euros (sur 3,5 milliards d'euros) sur le programme 114 « Appels en garantie de l'État » : cette annulation résultait-elle de faiblesses dans l'estimation ? D'autre part, les crédits associés à ce programme pour 2023 par rapport à 2022 étaient en augmentation, alors même que le Gouvernement prévoyait une croissance à hauteur de 1 %, ce qui ne laissait pas d'interroger sur le bouclage économique du dispositif. Le rapporteur spécial a donc souhaité « soulever le capot » pour comprendre comment étaient effectuées ces estimations.

I. LES PRÊTS GARANTIS PAR L'ÉTAT : UN DISPOSITIF RÉGULIÈREMENT MODIFIÉ ET PARTICULIÈREMENT UTILISÉ, DONT LA MISE EN oeUVRE ET LE SUIVI REPOSENT SUR UNE RÉPARTITION CLAIRE DES RESPONSABILITÉS ENTRE ACTEURS

A. UN DISPOSITIF CONÇU DANS L'URGENCE MAIS RÉGULIÈREMENT PROLONGÉ ET ADAPTÉ

1. Un dispositif conçu dans l'urgence par la direction générale du Trésor, parallèlement à la négociation du cadre européen dans lequel il s'inscrit

Le dispositif des prêts garantis par l'État (PGE) a été conçu dans l'urgence. En effet, annoncés par le président de la République dans la limite de 300 milliards d'euros lors de son allocution du lundi 16 mars 2020, ils ont été instaurés par l'article 6 de la loi du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 20206(*), tandis que l'arrêté du même jour7(*) précisait le cadre réglementaire et le cahier des charges du dispositif.

Dans l'intervalle, la Commission européenne adoptait, le 19 mars 2020, un cadre temporaire des aides d'État susceptible d'autoriser la mise en place de semblables dispositifs8(*). Dans ce contexte, les PGE ont fait l'objet d'une notification des autorités françaises approuvée par la Commission européenne le 21 mars 2020. C'est sur la base de la section 3.2 du cadre temporaire, qui prévoyait la possibilité d'aides sous forme de garanties sur les prêts non plafonnés en montant mais disposant de taux plancher et dont la durée de remboursement était limitée à six ans, que le dispositif a été mis en place. Pour mémoire, ce cadre temporaire prévoyait également, en sa section 3.1, la possibilité de subventions ou prêts avantageux, plafonnés à 2,3 millions d'euros - utilisée par l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni. Le paragraphe 2. b) de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui autorise l'indemnisation de certaines entreprises à la condition de montrer le lien entre leurs difficultés et une catastrophe naturelle ou sanitaire, a été quant à lui utilisé par l'Allemagne pour compenser certaines fermetures administratives9(*).

La direction générale du Trésor a été chargée de la conception, de la gestion, du suivi du PGE, ainsi que de la tutelle de Bpifrance dans les missions relatives au PGE. En lien avec les banques et Bpifrance, compétente en matière de garantie sur les prêts, elle a conçu le dispositif validé par le Parlement en l'espace d'une dizaine de jours, pendant lesquels elle négociait en même temps avec la Commission européenne le contenu du cadre temporaire devant s'appliquer à l'ensemble des États membres. C'est d'ailleurs dans le cadre de cette négociation que la France a obtenu une prolongation de la durée de la garantie initialement prévue par la Commission de cinq à six ans la veille du dépôt du projet de loi de finances rectificative, soit le 17 mars 202010(*). Après avoir assuré la notification du dispositif à la Commission européenne11(*), la direction générale du Trésor est convenue avec Bpifrance d'un système de gabarit (ou template) permettant le suivi des différents prêts. Cette action a été engagée dans les deux mois ayant suivi l'entrée en vigueur de la loi et de l'arrêté - correspondant à la durée du délai de carence lors duquel aucun appel en garantie ne peut être effectué auprès de l'État.

Si le régime encadrant les PGE a dû faire, par la suite, l'objet de nombreux ajustements, il y a lieu de se féliciter du déploiement d'un dispositif aussi conséquent - et globalement bien pensé - en un si court laps de temps.

2. Une adaptation fréquente du dispositif jusqu'aux PGE « Résilience »

À l'origine conçu pour une durée d'un trimestre - équivalente à celle du premier confinement - le dispositif a fait l'objet de plusieurs adaptations et d'une reconduction fréquente, au même titre que le cadre temporaire européen des aides d'État, en raison de la prolongation de la crise sanitaire (second et troisième confinements à l'automne 2020 et au printemps 2021).

Au niveau européen, l'encadrement temporaire a connu six modifications et a été prolongé jusqu'au 30 juin 2022. Dans une communication du 12 mai 202212(*), la Commission européenne a indiqué qu'elle mettait fin à l'encadrement temporaire des aides d'État dit « Covid ». En parallèle, elle a adopté le 23 mars 2022 un nouvel encadrement temporaire de crise des aides d'État afin de soutenir l'économie dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine par la Russie13(*), modifié et assoupli le 20 juillet 202214(*) et le 28 octobre 202215(*), et prolongé le 9 mars 202316(*) « afin d'encourager des mesures de soutien dans les secteurs essentiels à la transition vers une économie à zéro émission nette ».

Au niveau législatif national, le dispositif encadrant les PGE, prévu pour couvrir l'octroi de prêts accordés entre le 16 mars 2020 et le 31 décembre 2020, a été modifié à sept reprises17(*), permettant finalement de couvrir des souscriptions de PGE effectuées jusqu'au 30 juin 2022 puis, jusqu'au 31 décembre 2023, de PGE « Résilience » aux conditions d'éligibilité plus restrictives pour pallier les perturbations économiques liées au conflit russo-ukrainien.

Au niveau réglementaire, l'arrêté du 23 mars 2020 a, quant à lui, été modifié à quinze reprises, pour tenir compte des prolongations introduites par les diverses lois de finances, préciser les conditions d'éligibilité et d'appel en garantie, créer des dispositifs spécifiques (PGE « aéro », PGE « saison » et PGE « Résilience »), ou encore aménager des possibilités de prolongation de la garantie au-delà de six ans (cf infra).

Les modifications législatives du régime du PGE

Le cadre législatif des PGE est déterminé par l'article 6 de la loi de finances rectificative n° 2020-289 du 23 mars 2020. Outre une modification de coordination, le régime encadrant les PGE a été modifié à sept reprises :

- l'article 16 de la loi de finances rectificative n° 2020-473 du 25 avril 2020 introduit une extension aux prêts accordés par des intermédiaires en financement participatif et une notification pour refus de consentement d'un prêt inférieur à 50 000 euros ;

- les articles 41 et 42 de la loi de finances rectificative n° 2020-935 du 30 juillet 2020 introduisent une notification pour refus d'instruction du prêt et étendent, à compter du 1er août 2020, la garantie à des lignes de financement ouvertes à des entreprises au titre des commandes qu'elles enregistrent mais n'ayant pas donné lieu à facturation (ci-après « garantie bis ») ;

- les articles 213 et 214 de la loi de finances n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 pour 2021 prolongent les PGE jusqu'au 30 juin 2021 - et reportent au 31 décembre 2021 la date d'échéance couverte par la « garantie bis » ;

- l'article 23 de la loi de finances rectificative n° 2021-953 du 19 juillet 2021 prolonge les PGE jusqu'au 31 décembre 2021 et précise que l'arrêté encadrant le régime des PGE doit déterminer les modalités d'indemnisation, le cas échéant à titre provisionnel, liées à la garantie, et que Bpifrance doit reverser à l'État tout éventuel trop-perçu par l'établissement prêteur dans le cadre de son indemnisation ;

- l'article 161 de la loi de finances n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 pour 2022 prolonge la possibilité de souscription des PGE jusqu'au 30 juin 2022, et prévoit la possibilité d'une compensation des missions de gestion et de suivi des PGE attribuées à Bpifrance, jusqu'alors expressément effectuées à titre gratuit ;

- l'article 23 de la loi de finances rectificative n° 2022-1157 du 16 août 2022 prolonge la possibilité de souscription des PGE jusqu'au 31 décembre 2022 et introduit la possibilité d'une souscription pour pallier les perturbations économiques liées au conflit russo-ukrainien - dans les faits, le PGE se transforme en PGE « Résilience », aux conditions d'accès plus restrictives ;

- l'article 147 de la loi de finances n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 pour 2023 prolonge le dispositif - qui se limite désormais aux PGE « Résilience » - jusqu'au 31 décembre 2023.

B. UN DISPOSITIF PARTICULIÈREMENT SOLLICITÉ REPOSANT SUR UNE RÉPARTITION CLAIRE DES RESPONSABILITÉS À CHAQUE PHASE DU PRÊT

Le dispositif législatif et réglementaire a prévu une répartition des responsabilités entre différents acteurs, correspondant au séquençage du prêt : octroi, amortissement et, le cas échéant, appel de la garantie.

1. La phase d'octroi : une sélection par les banques des entreprises éligibles contrôlée par Bpifrance, pour un encours de 144 milliards d'euros
a) Des conditions assez larges d'éligibilité pour les entreprises

Juridiquement, la quasi-totalité des entreprises étaient éligibles, puisque seules les sociétés civiles immobilières (sauf exception) et les établissements de crédit ou sociétés de financement étaient exclus du dispositif.

De même, étaient exclues les entreprises qui, au 31 décembre 2019, faisaient l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ou de rétablissement professionnel s'agissant de personnes physiques, ou étaient en période d'observation d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, sauf à ce qu'un plan de sauvegarde ou de redressement ait été arrêté par un tribunal avant la date d'octroi du prêt18(*). Le but était d'empêcher l'octroi de prêts à des entreprises ayant périclité, les banques disposant par ailleurs du pouvoir d'appréciation dont elles font usage en temps normal pour accorder ou pas le prêt.

b) Une sélection par les banques, qui supportent une partie du risque, et un recours possible à la médiation du crédit en cas de refus

Les banques étaient partie intégrante du dispositif puisqu'il leur revenait d'octroyer les prêts garantis aux entreprises. L'État n'est pas intervenu dans la relation entre les banques et les entreprises.

Pour éviter un octroi indiscriminé, un partage du risque a été décidé entre l'État et les banques : la garantie de l'État ne pouvait porter que sur 70 à 90 % du montant du capital, intérêt et accessoire dus jusqu'à échéance du prêt - ce pourcentage dépendant de la taille de l'entreprise19(*). Par ailleurs, un délai de carence de deux mois à compter du décaissement du prêt a été institué, pendant lequel aucun événement de crédit ne pouvait entraîner l'appel de la garantie de l'État20(*). Pendant ce délai, le risque de crédit était donc entièrement supporté par les banques.

Les banques, supportant donc, pendant deux mois, la totalité puis, après ces deux mois, 10 à 30 % du risque de crédit, ont été par-là même incitées à sélectionner les dossiers de la même façon qu'en temps normal, sans privilégier de façon disproportionnée des entreprises non viables.

En cas de refus d'octroi de prêt par les banques, il était possible de recourir à la médiation du crédit aux entreprises. Cette structure de la Banque de France est intervenue sur 2,9 % des PGE, avec 14 147 saisines en 2020 essentiellement à la suite d'un refus initial d'octroi d'un PGE et provenant principalement des très petites entreprises - TPE (84,1 % des demandes) et des petites et moyennes entreprises - PME (15,3 %). Selon la Cour des comptes, le taux de réussite de la médiation a atteint 50,2 %21(*).

c) Le plafonnement des montants empruntables

Une fois franchies les barrières des conditions d'éligibilité et de la sélection par les banques, le montant du prêt était plafonné, au même titre que les taux servis sur les prêts.

Conformément à l'article 5 de l'arrêté du 23 mars 2020, les prêts accordés ne pouvaient pas dépasser 25 % du chiffre d'affaires 2019 ou, pour les entreprises créées à compter du 1er janvier 2019 et les entreprises innovantes22(*) respectivement la masse salariale estimée sur les deux premières années d'activité et deux fois la masse salariale 2019. Dans tous les cas, si le chiffre d'affaires pour 2019 n'est pas accessible, on se réfère alors à la dernière année pour laquelle il est disponible.

D'autres exceptions étaient prévues :

le montant du PGE « saison », introduit en juillet 2020 et destiné aux entreprises à l'activité saisonnière dans des secteurs liés au tourisme, à l'hôtellerie, la restauration, l'événementiel, le sport, les loisirs et la culture, ne pouvait dépasser les trois meilleurs mois du dernier exercice clos23(*) ;

le montant du PGE « aéro », introduit en septembre 2020 comme un complément de PGE et destiné aux entreprises du secteur aéronautique, ne pouvait dépasser la somme du plafond des 25 % de chiffre d'affaire et du montant correspondant à la valeur de deux années de stock pour les entreprises vendeuses, ou du montant correspondant à la valeur des stocks qu'elles prévoyaient d'acquérir d'ici au 31 décembre 2021 pour les entreprises acquéreuses24(*) ;

le montant du PGE « Résilience », introduit en avril 2022 et disponible jusqu'au 31 décembre 2023, cumulable avec le ou les PGE éventuellement obtenus - et dont le plafond d'emprunt représente 25 % du chiffre d'affaires - et destiné aux entreprises qui auto-certifient qu'elles subissent un impact fort des perturbations économiques engendrées par les conséquences de l'agression russe de l'Ukraine, ne peut dépasser 15 % du chiffre d'affaire annuel moyen au cours des trois dernières années25(*).

d) Le contrôle et le suivi de Bpifrance

Une fois que l'établissement de crédit avait accepté d'octroyer un PGE à une entreprise, cette dernière devait entrer en relation avec Bpifrance, avant de pouvoir effectivement débloquer le prêt.

Bpifrance s'est vu confier, en application de l'article 6 de la loi de finances rectificative du 23 mars 2020, au nom, pour le compte et sous le contrôle de l'État, la responsabilité du suivi de l'encours des PGE et des différentes tâches relatives à la gestion de la garantie de l'État sur cet encours. Le décret n°2020-838 du 1er juillet 202026(*) a précisé le contenu et les modalités de ce suivi et de ces tâches de gestion ainsi que leur contrôle par l'État.

Bpifrance a ainsi été chargée de contrôler le respect des règles encadrant l'octroi d'un PGE.

Cela est d'abord passé par la signature d'actes d'adhésions avec les banques : la relation contractuelle entre Bpifrance et les établissements bancaires participant au dispositif est régie par une convention bilatérale (« l'acte d'adhésion »), comportant des conditions générales précisant le cahier des charges attendu de la banque ainsi que les modalités d'appel en garantie le cas échéant (informations devant être transmises par la banque, délais d'indemnisation, etc.). Bpifrance a également mis en place un Comité d'Agrément des Banques à la Garantie du PGE (Comité mis en place pour les banques non agréées à la Garantie de Bpifrance).

Par ailleurs, Bpifrance a sécurisé l'octroi des PGE par les réseaux bancaires en créant une plateforme « token » destinée à faire respecter le plafonnement des PGE grâce à la saisie des informations (chiffre d'affaire et montant du PGE) par l'entrepreneur et à leurs validations par la banque.

La procédure d'octroi de la garantie comprend ainsi deux étapes.

Dans un premier temps, l'entrepreneur saisit sa demande de PGE sur la plateforme token, qui affiche le montant maximum de PGE au regard des informations saisies. La banque ou les banques qui souhaitent accorder le PGE à l'entreprise valident la demande de PGE de l'entreprise sur la plateforme, ce qui permet l'émission d'une attestation unique. La plateforme token PGE, en centralisant toutes les demandes de PGE, évite le risque de fraude qui serait lié à la présentation de demandes multiples de PGE faites par une même entreprise auprès de plusieurs banques.

Dans un second temps, la banque déclare via un gabarit de fichier normalisé la mise en place du PGE (c'est-à-dire son décaissement). C'est la première notification, c'est-à-dire l'envoi du fichier déclaratif par la banque, qui confère la garantie de l'État sur le PGE de la banque. Bpifrance assure à ce stade un premier examen des éventuelles erreurs techniques matérielles, par rapprochement entre les différents champs remplis par chaque établissement de crédit individuellement dans le fichier gabarit. Elle vérifie les caractéristiques du prêt et le respect du plafond du montant de PGE accordé. Les contrôles sont automatiques et peuvent générer des rejets. Charge ensuite à la banque de corriger sa déclaration avant d'adresser à Bpifrance un nouveau fichier corrigé. Une fois cette procédure aboutie, Bpifrance injecte le PGE dans son système informatique de suivi de l'encours garanti des prêts notifiés par les établissements intervenants.

Fichier « gabarit » à renseigner par les banques et à renvoyer à Bpifrance

Source : réponses de Bpifrance au questionnaire du rapporteur spécial

À chaque modification substantielle du PGE (par exemple en cas de transformation-amortissement ou de remboursement anticipé), les établissements de crédit doivent en avertir Bpifrance, qui procède à de nouveaux contrôles (cf infra).

Pour les entreprises dont le chiffre d'affaires dépassait 1,5 milliard d'euros ou dont le nombre de salariés est supérieur à 5 000 (on parle des PGE « GE », pour grande entreprise), la garantie est octroyée par arrêté ministériel27(*). En ce cas, c'est la direction générale du Trésor qui est responsable de l'instruction des demandes de PGE ainsi que du suivi de ces PGE tout au long de la vie de ces prêts, par exemple lorsqu'un réaménagement du prêt est envisagé.

e) L'octroi de 802 000 PGE à 685 000 bénéficiaires pour un montant total de 144 milliards d'euros concentré entre avril et juillet 2020 et bénéficiant principalement aux TPE et PME

Au total, au 31 janvier 2023, 801 610 PGE - incluant les PGE « Résilience » - avaient été accordés à 685 338 bénéficiaires28(*).

L'encours total octroyé s'élevait, ce même 31 janvier 2023, à 143,82 milliards d'euros, et est donc resté bien en-deçà du plafond d'encours de 300 milliards d'euros prévu par le II de l'article 6 de la loi de finances rectificative du 23 mars 2020. Un mois plus tôt, l'encours total s'élevait à 143,27 milliards d'euros, dont seulement 488,15 millions de PGE « Résilience », ce qui illustre le relatif insuccès de ce nouveau dispositif.

La médiane du montant de PGE rapporté au chiffre d'affaires est située autour de 15 %29(*), bien en-dessous du plafond autorisé. Une note de la direction générale du Trésor de mars 202230(*) faisait état d'un chiffre de 16,6 %, et rapportait que seules 38 % des entreprises ayant eu recours à un PGE ont obtenu un prêt représentant plus de 20 % de leur chiffre d'affaires. Ainsi les entreprises semblent ne pas avoir recouru de manière inconsidérée aux PGE. N'ayant pu empêcher un alourdissement significatif de leur endettement31(*), elles ont toutefois évité que la part due aux PGE soit excessive.

On constate que l'essentiel de ces montants ont été octroyés immédiatement à la suite de la mise en oeuvre du dispositif, puisque 70 % des prêts ont été accordés entre avril et juillet 2020. En forte baisse par la suite, le montant de PGE octroyés connaît toutefois un léger rebond au moment du second confinement, à la fin de l'année 2020, avant de diminuer par la suite. Dernier mois d'octroi possible du PGE classique, correspondant au début du déploiement du PGE « Résilience », juin 2022 a enfin connu un léger pic dans les octrois de PGE, diminuant par la suite.

Ventilation mensuelle de l'attribution des encours de PGE
entre mars 2020 et décembre 2022

(en euros)

Source : réponses de la Banque de France au questionnaire du rapporteur

Les données collectées par Bpifrance permettent de déterminer la répartition des PGE entre les entreprises selon leur taille, leur secteur, leur localisation géographique et leur cote de crédit.

Elles permettent d'identifier un profil type : les principaux bénéficiaires du dispositif ont été les TPE et PME, appartenant aux secteurs de la construction, du commerce et de la réparation automobile ou de l'hébergement-restauration, et localisés plutôt en Île-de-France32(*). Les entreprises disposant d'une cote de crédit ayant souscrit des PGE - ce qui représente un quart d'entre elles -, sont concentrées dans des cotes allant de « forte » à « assez faible ». Ces données donnent toutefois à voir une réalité légèrement différente s'agissant des encours, qui sont plus utiles pour apprécier l'impact budgétaire potentiel des PGE souscrits : l'industrie manufacturière est plus présente, et la majorité des montants souscrits sont le fait d'entreprises dont la cote de crédit est meilleure.

Le dispositif a essentiellement bénéficié aux TPE et PME, puisqu'au 31 janvier 2023, elles représentaient respectivement 81 % et 14 % des bénéficiaires de PGE, pour 47 % et 28 % des montants octroyés. Plus susceptibles de rencontrer des difficultés, elles ont en effet constitué les cibles du dispositif : bien que la garantie s'applique quelle que soit la taille de l'entreprise souscriptrice, le taux de défaillance diffère. Dans les faits, et malgré l'existence des PGE « Grandes entreprises », on peut donc considérer que la garantie, « outil qui sert surtout les petits », est « exclusivement dédiée aux PME »33(*).

Nombre de bénéficiaires des PGE et encours des PGE octroyés au 31 janvier 2023
par taille d'entreprise

Source : réponses du Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique de France

Au niveau sectoriel, ce sont les secteurs fragmentés de la construction, du commerce et de la réparation automobile et de l'hébergement-restauration qui ont concentré le plus grand nombre de PGE (plus de 100 000), tandis que ce sont l'industrie manufacturière, le commerce et la réparation automobile, les activités financières et d'assurance et les activités spécialisées scientifiques et techniques qui concentrent les montants les plus importants (entre 18 et 33 milliards d'euros). Parmi les PGE « GE » le secteur des transports a également concentré des montants particulièrement élevés, avec en mai 2020 le PGE d'Air France-KLM (4 milliards d'euros) et celui de CMA-CGM (1,5 milliard d'euros). Au sein de l'industrie manufacturière, les PGE accordés à Renault en septembre et décembre 2020 représentent également des montants significatifs (4 milliards d'euros).

Nombre et encours de PGE octroyés au 31 janvier 2023
selon les principaux secteurs

Source : commission des finances, réponses du ministère au questionnaire du rapporteur spécial

À un niveau plus granulaire, les cinq principaux secteurs économiques bénéficiaires du PGE, en nombre, sont la restauration traditionnelle (52 948 soit 19,02 % de l'ensemble des PGE), la coiffure (20 556, soit 6,6 %), la restauration rapide (20 134, soit 2,51 %), l'entretien et la réparation de véhicule léger (16 066, soit 2 %) et le conseil pour les affaires et autres conseils de gestion (15 823, soit 1,97 %)34(*).

Parmi les entreprises enregistrées dans le système de cotation de crédit de la Banque de France, on observe que celles qui ont bénéficié d'un PGE sont, majoritairement, les entreprises dont la cote est « forte + » (3) ou « intermédiaire + » (4-). Il a en effet été convenu entre le Gouvernement et les banques que celles-ci s'engageaient à accepter très largement les demandes de prêt pour toutes les entreprises notées jusqu'à 5+ inclus.

La répartition ne suit pas exactement une courbe gaussienne : les entreprises en mauvaise santé financière (cotées 5- à P) sont plus nombreuses à avoir contracté un PGE que celles qui se trouvent en bonne santé (1+ à 2), ce qui illustre surtout que les secondes n'ont pas eu besoin de contracter de PGE.

Le risque budgétaire est toutefois mesuré : les entreprises dont la santé financière est dégradée, si elles sont plus nombreuses (40 796 de 5 à P) que celles en meilleure santé (32 454 de 1+ à 3+) à avoir contracté un PGE, l'ont fait en sollicitant des montants globaux (10,47 milliards d'euros) moins importants que les entreprises en bonne santé (37,38 milliards d'euros).

Nombre de bénéficiaires et encours des PGE
selon la cote de crédit au moment de l'octroi

Note de lecture : les cotes de crédit, placées sur l'axe horizontal, vont de 1+ (« excellente ++ ») à P (« Défaillante »). À 3, la cote est encore « Forte + » ; elle devient « Assez faible » en 5-. La cote 0 indique l'entreprise n'est pas cotée : c'est le cas des entreprises dont le chiffre d'affaire est inférieur à 750 000 euros.

Source : réponses du ministère de l'économie au questionnaire du rapporteur spécial

Enfin, si l'on s'intéresse à la répartition territoriale des bénéficiaires au 31 janvier 2023, on observe une concentration importante en Île-de-France (139 787 bénéficiaires, soit 20,4 % du total, pour 52,1 milliards d'euros, soit 36,2 % du total). Elle est autant due au poids économique de la région qu'à la concentration de sièges sociaux en son sein. Une analyse du nombre de PGE distribués, par département, fait quant à elle apparaître que les cinq principaux départements bénéficiaires sont Paris (64 890, soit 8,09 % de l'ensemble des PGE), les Bouches-du-Rhône (29 255, soit 3,65 %), le Rhône (28 530, soit 3,56 %), la Gironde (27 268, soit 3,4 %) et les Alpes-Maritimes (23 237, soit 2,90 %).

Répartition régionale des PGE
(nombre de bénéficiaires et montants)

Source : tableau de bord du ministère de l'économie sur les PGE

2. La phase d'amortissement : des possibilités variées et suivies par Bpifrance, et un montant remboursé de 51 milliards d'euros début 2023
a) Des possibilités variées dans la limite d'une durée d'amortissement de six ans

Afin de laisser une respiration et une marge de manoeuvre suffisante aux entreprises souscriptrices, l'article 6 de la LFR du 23 mars 2020 et l'article 2 de l'arrêté du même jour prévoient un différé d'amortissement minimal de douze mois et une clause donnant à l'emprunteur la faculté, à l'issue de la première année, de les amortir sur une période additionnelle d'un, deux, trois, quatre ou cinq ans, selon son choix, étant entendu que la durée du prêt était limitée à six ans à compter de la date du premier décaissement du prêt.

Le Gouvernement a par ailleurs annoncé en janvier 2021 l'engagement des banques à accepter toute demande d'une année de différé supplémentaire - étant entendu qu'une année de différé donne tout de même lieu au paiement d'intérêts -, tout en maintenant une durée totale du prêt de six ans.

Ainsi, les entreprises souscriptrices ont décidé à partir d'avril 2021 leur mode de remboursement : ou bien un remboursement total du PGE à l'issue de la première année, ou bien un amortissement compris entre un et cinq ans, ou bien encore un différé d'amortissement accompagné d'un amortissement allant d'un à quatre ans.

Dans tous les cas, l'établissement de crédit a dû prévenir Bpifrance. Dans le cas d'une transformation en amortissement (TAMOR), le suivi se fait aussi par fichier via un gabarit dédié. De nouveaux contrôles sont alors effectués, les contrôles de correspondance visant à s'assurer que Bpifrance transforme en amortissement le bon PGE, et des contrôles du prêt amorti veillant notamment à ce que le PGE ne dépasse pas la durée totale de 72 mois.

Comme l'indique la Cour des comptes dans son rapport de juillet 2022 sur le sujet, la majorité des entreprises ayant souscrit un PGE en 2020 ont choisi de retarder au maximum les remboursements de PGE : plus de 50 % ont opté pour une année de différé supplémentaire, et plus des deux tiers ont choisi d'étaler leurs remboursements jusqu'en 2026.

Choix des entreprises sur les durées de remboursement des PGE

2026)

Source : Cour des comptes et Fédération bancaire française

C'est également en janvier 2021 que les taux servis ont été clairement définis à la suite d'engagements des banques.

Les petites et moyennes entreprises qui souhaitaient étaler le remboursement de leurs PGE ont ainsi bénéficié de taux bancaires compris entre 1 % et 2,5 % en fonction du nombre d'années de remboursement. Les banques se sont ainsi engagées à proposer une tarification maximale de 1 à 1,5 % pour des prêts remboursés d'ici 2022 ou 2023, et 2 à 2,5 % pour des prêts remboursés d'ici 2024 à 2026, coût de la garantie de l'État compris. Les taux d'intérêt sur les PGE « GE » n'ont pas fait l'objet du même encadrement.

La garantie était en effet accordée en échange du versement d'une commission - ou prime de garantie. Pour les PGE « de masse », celle-ci a été fixée à hauteur de 25 points de base la première année, puis, en cas de décision par l'emprunteur d'amortir le prêt sur une période additionnelle, la prime de garantie était fixée à 50 points de base pour la première et la deuxième année supplémentaire, et à 100 points de base pour la troisième, la quatrième et la cinquième année supplémentaire, le taux des primes étant doublé pour les PGE « GE »35(*).

b) En cas de difficultés, un étalement possible, y compris au-delà de la durée du prêt de six ans

En cas de difficultés de remboursement, plusieurs options de restructuration ou d'étalement du prêt sont possibles, certaines ayant été ajoutées au cours de la vie du PGE. Ces possibilités permettent non seulement de soulager les entreprises, mais aussi de diminuer le risque budgétaire que représente l'appel en garantie en cas d'événement de crédit.

Lors de la mise en place des PGE, le Gouvernement et les banques se sont entendus pour affirmer le principe de la non-accélération ou dénonciation d'autres lignes de financements préexistantes, concomitamment à la mise en place d'un PGE. Ces différentes procédures d'étalement visent à soulager temporairement la trésorerie d'entreprises n'étant pas en position de rembourser leur PGE selon l'échéancier prévu.

Par ailleurs, il est envisageable, pour l'entreprise, de revenir sur la durée d'amortissement qu'elle a déterminée avec la banque au terme de la, ou des années de différé, tout en conservant une durée du prêt limitée à six ans.

L'arrêté modificatif du 8 juillet 202136(*) a ensuite permis de maintenir la garantie de l'État au-delà de six ans sur les PGE restructurés dans le cadre d'une procédure amiable : la conciliation homologuée ou constatée par un juge37(*), ou la décision de report ou d'échelonnement par le juge, et dans la limite de deux ans, des sommes dues38(*) - induisant donc une durée du prêt de huit ans.

Le maintien de la garantie au-delà de six ans s'applique aussi dans le cas de procédures judiciaires : procédure de sauvegarde, de sauvegarde accélérée, de sauvegarde financière accélérée, de redressement judiciaire, de traitement de sortie de crise, de liquidation judiciaire ou de rétablissement professionnel, ou de l'une des procédures équivalentes ouvertes à l'étranger.

Au point 32 de sa communication du 28 janvier 2021, la Commission européenne avait en effet autorisé une dérogation à la durée des six ans, en cas de modulation de la durée, du prix ou de la couverture de garantie39(*). Elle a, sur ce fondement, autorisé le dispositif prévu par l'arrêté du 8 juillet 2021. Dans chacune des procédures visées, en effet, l'intermédiation du juge était une condition fixée par la Commission européenne pour veiller à ce que ces restructurations demandent un effort équilibré entre les créanciers et soient protectrices des intérêts de l'État garant40(*).

Les périodes d'observation liées à ces différentes procédures - un maximum de cinq mois pour la conciliation, par exemple - permettent une première respiration pour les entreprises en difficulté.

Puis, si le juge accepte d'homologuer ou de constater la conciliation, ou le décide dans le cadre d'une procédure judiciaire, la durée du prêt - et donc de la garantie - peut se prolonger pour une durée indéterminée au-delà de six ans. La restructuration des PGE n'est donc pas limitée par une durée maximale, dès lors qu'elle intervient dans le cadre d'une procédure de conciliation ou d'une procédure collective. Toutefois, les plans se limitent en général à dix ans en procédure collective : aller au-delà requiert l'accord de l'ensemble des créanciers, ce qui est difficile à obtenir41(*).

Ces procédures en tribunal de commerce ayant été considérées trop lourdes et trop coûteuses pour les TPE, ce dispositif a été complété par un accord de place conclu le 19 janvier 2022 et renouvelé jusqu'au 31 décembre 2023 entre le ministre de l'économie, la Fédération bancaire française, la Banque de France et l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM). Cet accord a créé une procédure similaire, dans laquelle le rôle de tiers est cette fois joué non pas par le juge mais par la médiation du crédit, et qui permet un étalement jusqu'à quatre années supplémentaires (soit dix années maximales de durée de vie théorique du prêt pour les PGE concernés) pour les PGE inférieurs à 50 000 euros. L'arrêté modificatif du 19 janvier 202242(*) a ainsi ajouté la procédure faisant intervenir la médiation du crédit à la liste de celles permettant le maintien de la garantie de l'État sur une durée supérieure à six ans.

Cet arrêté a également procédé à la clarification des modalités d'indemnisation dans le cas des restructurations complexes comportant un abandon partiel du PGE et/ou une conversion en actions de la créance.

Il y a lieu de se féliciter de ces évolutions, qui reprennent la recommandation n° 7 du rapport du Sénat de mai 2021 sur les prêts garantis par l'État43(*) : « maintenir, avec l'autorisation de la Commission européenne, la garantie de l'État en cas de restructuration d`endettement s'étendant au-delà de la limite de six ans prévue pour les PGE, afin d'inciter davantage à l'étalement des dettes d'une entreprise en difficulté ».

Toutefois, des progrès restent à accomplir : selon le médiateur national du crédit, la méconnaissance et les craintes entourant ces procédures font que 10 000 à 20 000 entreprises ne procèdent pas à une restructuration alors qu'elles en auraient besoin (cf infra)44(*).

Ainsi, les restructurations en procédure ont été plus nombreuses qu'en médiation du crédit : on compte 28 328 restructurations de PGE dites « en procédure » (chiffre incluant également les PGE ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire) entre juillet 2021 et janvier 2023 contre 671 restructurations de PGE via la médiation du crédit entre janvier 2022 et février 202345(*).

Dans chaque cas, Bpifrance assure un suivi des restructurations : en cas de restructuration du PGE au sein de la période des six ans, la déclaration se fait ici par téléchargement d'un fichier dans l'application de Bpifrance BEL (Banque en Ligne) Partenaire ou en masse comme pour la notification. Les contrôles sont donc automatiques et du même type que pour la transformation en amortissement (appariement avec le bon PGE et contrôle des caractéristiques du prêt pour la création de l'amortissement). Dans le cadre d'une restructuration contentieuse ou d'une indemnisation, la déclaration se fait aussi via BEL Partenaire, après avoir identifié le numéro siren sur lequel le partenaire souhaite faire sa déclaration, mais un contrôle de conformité est fait ici sur les informations déclarées (format de date, date d'évènement de crédit, montant du capital restant dû...).

c) Un montant remboursé de 50,7 milliards d'euros et un capital restant dû de 93,1 milliards d'euros au 31 janvier 2023

Au total, au 31 décembre 2022, 105 246 PGE avaient été entièrement remboursés. Une grande partie d'entre eux l'avaient été dès avril et mai 2021, aboutissant à un nombre de 80 458 PGE remboursés en 2021, tandis qu'on observait une hausse du nombre de PGE remboursés au deuxième trimestre 2022 (24 788 sur toute l'année 2022). Toujours au 31 décembre 2022, 695 304 PGE restaient à rembourser.

Nombre de PGE entièrement remboursés, par mois

Au 31 janvier 2023, le montant déjà remboursé atteignait 50,7 milliards d'euros, tandis que le capital restant dû s'élevait à 93,1 milliards d'euros - soit 64,8 % du montant octroyé - concentrés en majorité sur les PME et les TPE. Cet indicateur, et sa répartition entre les différents types d'entreprise, est l'un des plus intéressants pour apprécier le risque budgétaire associé aux PGE.

La concentration d'une part importante, mais pas majoritaire, sur les TPE (27,4 milliards d'euros), constitue un sujet de préoccupation étant donné la recrudescence des défaillances des entreprises de cette taille (cf infra). Elle ne saurait toutefois susciter d'inquiétude majeure.

Conditions de remboursement des PGE selon la taille de l'entreprise

(données au 31 janvier 2023)

Source : Réponses du ministère au questionnaire du rapporteur

Le capital restant dû (CRD) est concentré sur les cotes sans risque (1+ à 4+), mais on observe tout de même des niveaux élevés de CRD sur des cotes plus risquées : 11,53 milliards d'euros en 4-, 4,15 en 5- et 3,98 en 6, et 1,88 milliards d'euros en P.

Cette observation impose une certaine vigilance, d'autant que la Banque de France remarque une loi d'écoulement : les cotes les plus risquées représentent au fur et à mesure du temps une part plus importante des montants restant à rembourser (39 % fin novembre 2022 contre 27 % à la date d'octroi)46(*) (cf infra).

De ce point de vue, l'évolution de la répartition du CRD en fonction de la cote de crédit depuis la mise en place du dispositif, reposant sur des données facilement accessibles, pourrait utilement renseigner sur l'évolution du risque associé aux PGE pour le budget de l'État. En effet, une modification substantielle de cette répartition pourrait indiquer un accroissement ou une diminution des crédits à prévoir au sein du programme 114 « Appels en garantie de l'État ».

Ventilation du capital restant dû par cote de crédit

(données au 31 décembre 2022)

Source : commission des finances, Banque de France

Recommandation n° 1 : intégrer les données sur le capital restant dû par cote de crédit, ainsi que leur évolution depuis la mise en place des PGE, dans les documents budgétaires relatifs au programme 114.

Par ailleurs, la plus grande part du capital restant dû (69,2 milliards d'euros) provenait, au 31 décembre 2022, des PGE dont la durée d'amortissement est la plus longue (cinq ans) et dont la fin d'amortissement est prévue, pour la majorité d'entre eux, en 2026. Si le CRD des prêts dont l'échéance est en 2026 sera en partie remboursé les années précédentes, une vigilance particulière devra donc entourer cette année. L'intégration de l'évolution du CRD par cote de crédit dans les documents budgétaires permettrait, de ce point de vue, une meilleure appréhension du risque.

Ventilation du capital restant dû par durée d'amortissement

(données au 31 décembre 2022)

Source : Bpifrance et Banque de France

Les données sur le CRD par secteur constituent également une source utile pour apprécier l'exposition du budget de l'État au risque sectoriel.

Les secteurs qui doivent être suivis le plus particulièrement sont ceux de l'industrie manufacturière, du commerce et de la réparation d'automobile, des activités financières et d'assurance, des activités spécialisées scientifiques et techniques et de l'hébergement-restauration.

Les données de la Banque de France, qui indiquent une hausse généralisée des défaillances entre avril 2022 et avril 2023, sont préoccupantes pour le secteur de l'industrie (+ 69,6 %) et plus encore pour l'hébergement-restauration (+ 91,6 %)47(*), fragilisé par l'évolution des pratiques liées à la covid-19 mais aussi au télétravail48(*).

Compte tenu de leur poids respectif en termes de capital restant dû (11,4 milliards d'euros pour l'industrie et 8 milliards d'euros pour l'hébergement-restauration), une attention particulière doit être portée à ces secteurs qui manifestent une certaine fragilité.

Si les diverses mesures de soutien sectorielles - hors PGE, les aides aux entreprises du secteur du tourisme ont représenté 31,8 milliards d'euros en 2020 et 202149(*) - ont pu, incidemment, préserver le budget de l'État d'éventuels appels en garantie, il paraît toutefois hors de propos d'envisager l'introduction de telles mesures budgétaire et ciblées par secteur dans ce seul et unique but.

 

 

Remboursement

 

 

Proportion de PGE remboursée en intégralité

CRD en milliards d'euros (% du montant octroyé)

Proportion de PGE ayant choisi la durée maximale de remboursement

Part d'entreprise avec différé supplémentaire

           

Agriculture, sylviculture et pêche

 

13%

1,3 (68%)

69%

44%

Industries extractives

 

17%

0,1 (51,3%)

70%

49%

Industrie manufacturière

 

14%

11,4 (62,8%)

69%

51%

Production et distribution d'électricité, de gaz et de vapeur d'air conditionné

 

10%

0,1 (50,1%)

74%

57%

Production et distribution d'eau, assainissement, gestions déchets, dépollution

 

15%

0,3 (60,9%)

73%

51%

Construction

 

10%

8 (66,1%)

71%

46%

Commerce réparation d'automobiles et de motocycles

 

14%

20,3 (61,1%)

69%

52%

Transports et entreposage

 

13%

3,9 (71,4%)

65%

53%

Hébergement et restauration

 

13%

8 (74,7%)

72%

64%

Information et communication

 

9%

3,5 (71,1%)

75%

64%

Activités financières et d'assurance

 

15%

12,6 (62,4%)

68%

55%

Activités immobilières

 

12%

1,5 (70,6%)

74%

58%

Activités spécialisées scientifiques et techniques

 

13%

12,8 (64,7%)

70%

55%

Activités de services administratifs et de soutien

 

12%

3,8 (65,3%)

71%

56%

Administration publique

 

19%

0 (52,6%)

59%

38%

Enseignement

 

13%

0,8 (67,8%)

68%

53%

Santé humaine et action sociale

 

21%

1,8 (53,1%)

57%

39%

Arts, spectacles et activités récréatives

 

9%

1,9 (77,1%)

75%

65%

Autres activités de services

 

14%

1 (66,8%)

63%

51%

Activités des ménages en tant qu'employeurs

 

7%

0 (74,7%)

70%

52%

Activités extra-territoriales

 

0%

0 (80,9%)

100%

57%

APE non renseignée

 

11%

0 (74,5%)

71%

58%

           

Total

 

13%

93,1 (64,8%)

69%

53%

3. L'appel en garantie : un mécanisme par étapes à l'origine de versements représentant pour l'instant 1,83 milliard d'euros
a) Un mécanisme par étapes qui sépare les relations banque-entreprise et banque-État et ne sollicite que progressivement le budget de l'État

En cas de difficulté de remboursement de leurs PGE, les entreprises doivent, en premier lieu, contacter les établissements de crédit prêteurs, et envisager avec eux les modalités possibles permettant de faire face à ces difficultés.

Si, malgré ce dialogue, un événement de crédit survient (non-paiement de toute somme due au prêteur par l'emprunteur, restructuration du prêt sous l'égide du juge ou du médiateur du crédit ou engagement d'une procédure collective), le prêteur a ensuite le droit d'obtenir, au plus tard dans les 90 jours suivant la date de demande d'obtention, un versement provisionnel de Bpifrance50(*), dans les conditions prévues à l'article 9 des conditions générales de l'acte d'adhésion.

Le processus d'appel en Garantie du PGE diffère en cela de la garantie de Bpifrance qui, elle, n'intervient que lors du constat de la perte finale.

Le versement provisionnel correspond au montant calculé en appliquant à la quotité garantie du capital restant dû à la date de la demande de versement provisionnel51(*) un taux de 45 %52(*), si la demande de versement provisionnel est motivée par un premier impayé, ou de 90 %, si cette demande est motivée par un second impayé ou par tout autre événement de crédit53(*), étant entendu que le montant payable au titre d'un second versement provisionnel est diminué du montant payé au titre du premier. Il est ensuite procédé au solde définitif des comptes.

En cas d'événement de crédit, la banque prêteuse peut aussi obtenir une indemnisation finale, qui doit être versée dans les 90 jours après la demande par Bpifrance dans les conditions prévues à l'article 10 des conditions générales de l'acte d'adhésion. Celle-ci intervient une fois toutes les diligences de recouvrement possibles, amiables ou judiciaires, utilisées. Elle est donc conditionnée à la communication à Bpifrance de l'ensemble des documents relatifs aux démarches entreprises par la banque pour exercer les diligences qu'elle juge utile pour procéder au recouvrement de sa créance. Les sommes ainsi recouvrées viennent en déduction du montant indemnisable au titre de la garantie54(*).

Dans ce domaine, les banques disposent de leurs propres procédures de recouvrement par voie amiable comme par voie judiciaire, dans lesquelles ni l'État ni Bpifrance, qui ne sont pas parties aux contrats de PGE, n'ont vocation à intervenir. En cas de procédure collective, le recouvrement peut être assuré par l'adoption d'un plan de sauvegarde ou d'un plan de redressement. À défaut et en cas de liquidation, les actifs de la société peuvent permettre d'apurer une partie de la dette mais très rarement son intégralité. Si l'entreprise n'est pas en procédure collective, la solution envisageable en cas d'impayé repose avant tout sur une négociation amiable pouvant aboutir à une restructuration de gré à gré notamment. En cas d'échec, seule une assignation judiciaire semble opportune, sans certitude toutefois d'obtenir un remboursement55(*). Selon Bpifrance, il faut compter en moyenne 30 mois entre l'ouverture d'une liquidation judiciaire et l'obtention du certificat d'irrécouvrabilité qui permet à la banque de solder son dossier et de déclarer à Bpifrance les montants restants éventuellement récupérés.

Que ce soit à l'occasion d'une demande de versement provisionnel ou d'indemnisation finale, Bpifrance valide l'indemnisation, fait parvenir un fichier d'indemnisation à l'État, qui prend deux à trois semaines pour le traiter, et verse le montant sur le compte de Bpifrance, qui le reverse ensuite aux banques56(*).

Ces demandes d'indemnisation donnent lieu à un contrôle documentaire par Bpifrance. Ainsi, lors de la réception d'une demande de versement provisionnel ou d'une demande d'indemnisation finale, Bpifrance recueille de la part des banques les justifications et pièces prévues par les conditions générales de l'Acte d'adhésion. Elle procède systématiquement à ce recueil pour tous les PGE d'un montant supérieur à 500 000 euros, et se limite à un échantillon de PGE pour les montants inférieurs, sélectionnés par l'application d'une règle aléatoire agréée avec l'État et tenant compte des capacités de traitement dont Bpifrance dispose ainsi que d'un objectif de représentativité. Dans le cas où des contrôles de dossiers ou les systèmes de Bpifrance instruisant la gestion des dossiers PGE révèlent des incohérences, Bpifrance se réserve le droit d'incorporer les dossiers signalés dans la procédure d'échantillonnage.

Les règles d'échantillonnage

Bpifrance ne peut effectuer de contrôle systématique sur chaque demande d'indemnisation. Elle a donc mis en place une règle d'échantillonnage en fonction du nombre de PGE de la banque.

Pour les banques dont moins de 100 PGE font l'objet d'une demande d'indemnisation, les dix premières demandes sont échantillonnées et, à partir de la 11ème demande, un contrat sur 10 est échantillonné.

Pour les banques dont plus de 100 PGE font l'objet d'une telle demande, et lorsque les prêts sont inférieurs à 100 000 euros, un contrat sur 20 est échantillonné tandis que les 19 autres doivent être réglées automatiquement sans contrôle d'un juriste.

Pour les banques dont plus de 100 PGE font l'objet d'une telle demande, et lorsque les prêts sont compris entre 100 000 et 500 000 euros, un contrat sur 5 est échantillonné tandis que 4 autres demandes doivent être réglées automatiquement sans contrôle d'un juriste

Enfin, les demandes supérieures à 500 000 euros sont systématiquement contrôlées par les juristes.

Outre les dossiers échantillonnés ci-dessus, en cas d'incohérence et pour des dossiers non identifiables, Bpifrance réalise un contrôle sur pièce du dossier.

Source : réponses de Bpifrance au questionnaire du rapporteur spécial

Conformément au VI de l'article 6 de l'arrêté du 23 mars 2020, repris au 10.5 des conditions générales de l'acte d'adhésion, si le montant indemnisable constaté dans le cadre d'une indemnisation finale est supérieur au montant du versement provisionnel effectué, duquel sont retranchés les montants éventuellement reversés à l'État en cas de retour à meilleure fortune57(*), la différence entre ces deux montants est payée au prêteur dans les 90 jours suivant la réception de la demande d'indemnisation finale. Dans le cas contraire, le prêteur reverse le trop-perçu à Bpifrance - qui le reverse à l'État.

Selon Bpifrance, il faut compter, en moyenne, 30 mois entre l'ouverture d'une liquidation judiciaire et l'obtention du certificat d'irrécouvrabilité qui permet à la banque de solder son dossier et de déclarer à Bpifrance les montants restants éventuellement récupérés. La perte réelle de la banque, outre la part en capital du prêt, comporte également les intérêts et les frais et accessoires, ce qui détermine la perte globale de la banque permettant soit un versement du solde de l'indemnité à la banque soit le versement par la banque d'un remboursement sur l'acompte versé.

Ainsi, au terme de l'ensemble du processus d'appel en garantie, l'État peut récupérer un trop-perçu par la banque, ou devoir compléter son versement. Au stade de l'indemnisation finale, l'État peut devoir effectuer un versement complémentaire : si l'on prend le cas schématique où il a versé au titre du versement provisionnel 81 % (90 % x 90 %) du capital restant dû, et si le capital restant dû n'a pas varié, il doit alors verser les 9 % supplémentaires pour atteindre le niveau correct de la quotité garantie. L'État peut aussi se voir reverser un éventuel trop-perçu.

Au total, le budget de l'État n'est que progressivement engagé dans le cadre de ce processus, puisque différentes étapes interviennent avant le solde définitif des comptes. Ainsi, selon Bpifrance, au 31 décembre 2022, seuls 14 % des montants versés au titre de l'appel en garantie l'avaient été en « pertes finales » (223 millions sur 1,66 milliard d'euros à cette date). Une part importante des versements provisionnels déjà effectués (1,44 milliard d'euros) se traduira donc par des versements complémentaires, depuis et vers l'État. Selon les services du ministère de l'économie, en retenant une hypothèse de 90 % de taux de perte en cas de défaut (loss given default), les banques pourraient recouvrir 10 % des avances sur indemnisations, ce qui pourrait générer des flux, reversés à l'État (solde sur pertes finales) de l'ordre de 500 millions d'euros sur l'ensemble de la durée de vie du dispositif.

b) Des niveaux d'appels en garantie élevés à partir de la mi-2022 et concentrés sur les petites entreprises et certains secteurs

Le montant cumulé d'appel en garantie s'élevait à 1,83 milliard d'euros au 31 janvier 2023, soit 1,27 % du montant octroyé. Les données plus récentes de Bpifrance indiquent un montant d'indemnisations versées représentant un total cumulé de 2,117 milliards d'euros au 31 mars 2023. L'essentiel des indemnisations ont été versées au second semestre 2022.

Évolution des appels en garantie au titre des PGE

NB : indemnisations et moyenne : échelle de gauche, en millions d'euros ; cumul : échelle de droite, en milliards d'euros.

Source : réponse du ministère au questionnaire du rapporteur spécial

Si l'on décompose entre indemnisation provisionnelle et indemnisation finale, le résultat est similaire. N'ayant commencé à être versé qu'en novembre 2020, elles présentaient un niveau modéré sur cette année (11,5 millions d'euros) avant d'augmenter significativement en 2021 (299 millions d'euros). Après que les deux années de différé d'amortissement possible furent échues, le montant des avances a logiquement bondi en 2022 (1,13 milliard d'euros).

Montant des indemnisations sous forme d'avance et en perte finale

Note de lecture : lorsqu'un PGE fait l'objet d'une avance au titre de la garantie (premier versement) puis d'un second versement au titre de la perte finale, les deux versements sont comptabilisés comme « perte finale ». Tous les montants sont arrondis à l'euro le plus proche.

Source : réponses de la Banque de France au questionnaire du rapporteur spécial

Parmi les entreprises qui ont demandé un PGE, celles qui ont mis en jeu la garantie de l'État sont celles qui ont connu une dégradation de leur chiffre d'affaires plus importante pendant la crise sanitaire. En médiane, le chiffre d'affaires des entreprises en difficulté ayant mis en jeu la garantie de l'État a diminué de 18 % entre 2019 et 2020, contre 11 % pour les autres entreprises ayant demandé un PGE. Cette divergence s'est aggravée en 2021 : le taux de variation du chiffre d'affaires entre 2019 et 2021 est de - 21 % pour les entreprises en difficulté, contre seulement -2,4 % pour les autres58(*).

L'analyse indique qu'au 31 décembre 2022, quatre types d'événements de crédit représentaient à eux seuls 99 % du nombre des motifs de mise en jeu de la garantie : liquidation judiciaire, redressement judiciaire, déchéance du terme du crédit et sauvegarde. Les trois premiers (78 %) sont constitutifs d'une défaillance, ou cessation de paiement.

Appel en garantie des PGE selon le motif au 31 décembre 2022

Motif de l'appel en garantie

Nombre de dossiers

Montant du nominal

Montant garanti par l'État

Montant des appels en garantie

Premier impayé

3

234 000

210 600

115 020

Mauvais paiement des mensualités

       

Liquidation amiable

1

75 000

67 500

60 750

Liquidation judiciaire

14 503

781 470 045

703 323 040

564 837 227

Redressement judiciaire

5 043

628 756 662

565 880 996

493 810 050

Rétablissement professionnel

9

76 500

68 850

49 042

Sauvegarde

1 193

229 000 168

206 100 151

182 460 024

Déchéance du Terme du Crédit

5 943

281 613 345

253 452 011

218 134 598

Procédure de traitement des sorties de crise

26

2 314 361

2 082 925

1 804 811

Restructuration > 6 ans

8

240 000 000

216 000 000

202 244 966

Procédures collectives étrangères

1

50 000

45 000

38 835

Total

26 730

2 163 590 081

1 947 231 073

1 663 555 323

Source : réponses de Bpifrance au questionnaire du rapporteur spécial

Les données confirment aussi que la proportion d'entreprises en difficulté décroit avec la taille de l'entreprise. Les fragilités sont concentrées sur les PME et les TPE : ce sont elles qui subissent les plus hauts niveaux d'appel en garantie, en pourcentage du montant octroyé comme en montant absolu. Ainsi, au 31 janvier 2023, les PME et les TPE avaient respectivement appelé en garantie 850 millions et 890 millions d'euros, soit 1,26 % et 2,22 % du montant octroyé. De même, si à ce jour le montant du PGE moyen « de masse » (hors PGE « GE ») est de 150 000 euros, le montant moyen d'un PGE entrant en mise en jeu est de 83 000 euros59(*).

Montants appelés en garantie au titre des PGE selon la taille de l'entreprise
au 31 janvier 2023

Taille de l'entreprise

Montant appelé en garantie, en milliards d'euros (% du montant octroyé)

Grandes entreprises (GE)

0 (0%)

Entreprises de taille intermédiaires (ETI)

0,08 (0,44%)

Petites et Moyennes Entreprises (PME)

0,85 (1,26%)

Très Petites Entreprises (TPE)

0,89 (2,22%)

Autres

0,01 (0,54%)

Total

1,83 (1,27%)

Source : commission des finances, réponses du ministère au questionnaire du rapporteur spécial

L'examen de la situation non pas du point de vue du montant, mais du point de vue des entreprises en difficulté elles-mêmes et du nombre de PGE souscrits faisant l'objet d'un appel en garantie indique également une forte représentation des microentreprises60(*). Ainsi, selon la Banque de France, à fin décembre 2022, parmi les entreprises qui ont bénéficié d'un PGE, 3,2% des entreprises ont mis en jeu la garantie de l'État, soit 22 074 entreprises dont 19 262 microentreprises. Plus significatif, 2,7 % des PGE souscrits par les microentreprises ont fait l'objet d'une mise en jeu de la garantie de l'État, ce qui est deux fois supérieur à la moyenne globale (1,4%)61(*). Les microentreprises qui ont souscrit un PGE apparaissent donc comme une catégorie fragile qui devrait faire l'objet de la plus grande attention en termes d'accompagnement et de détection.

Les indemnisations versées sont hétérogènes selon les secteurs d'activité. Au 31 janvier 2023, le montant appelé en garantie du secteur de la construction atteignait 3,35 % du montant octroyé ; de même, le secteur représente en volume le plus gros montant d'appels en garantie, avec 410 millions d'euros. Il était suivi du secteur du commerce et de la réparation d'automobiles et de motocycles (340 millions d'euros), du secteur activités spécialisées scientifiques et techniques (250 millions d'euros) et industrie manufacturière (240 millions d'euros).

Montant appelé en garantie au titre des PGE selon le secteur,
au 31 janvier 2023

Source : commission des finances, réponses du ministère au questionnaire du rapporteur spécial

Si l'on s'intéresse à la répartition des montants appelés en garantie en fonction de la cote de crédit, on peut aussi voir une concentration sur les entreprises notées entre 4 et 6- (670 millions d'euros), cohérente avec leur santé financière et la concentration des PGE en faveur de ces entreprises. Les entreprises notées 1+ à 4+ n'ont appelé que 50 millions d'euros en garantie, tandis que les entreprises notées 7, 8 ou P ont appelé 540 millions d'euros en garantie. Le montant des appels en garantie des entreprises hors du système de cotation s'élève quant à lui à 570 millions d'euros62(*).

On n'observe pas de forte divergence entre les régions. La Corse comptabilise le moins de PGE menacés, avec 0,8 % des PGE octroyés en difficulté de remboursement. Les régions Occitanie et Hauts-de-France, en comptabilisent le plus, avec respectivement 2,2 % et 2 %. Au niveau départemental et en termes de montant, c'est toutefois Paris qui concentre le plus haut montant d'avances, avec 136,5 millions d'euros - ce qui est logique compte-tenu du niveau de PGE octroyés - suivi d'assez loin par le département du Nord, avec 74,4 millions d'euros versés à titre d'avance.

S'il est trop tôt pour mesurer l'impact des différentes possibilités offertes aux banques et aux entreprises en termes d'étalement de remboursement, de facilitation des restructurations et de médiation, ces différents niveaux de souplesse doivent permettre de moduler plus aisément la charge de remboursement pesant sur les entreprises, en fonction de leur situation. Selon Bpifrance, cela pourrait avoir, au moins dans un premier temps, une incidence positive sur les défaillances des entreprises en permettant à ces dernières de trouver des solutions pour assumer le remboursement des PGE.

Par ailleurs, il convient de noter que les conditions d'éligibilité au dispositif ainsi que le partage des risques avec les banques - les services du ministère de l'économie parlent d'un « alignement d'intérêt entre les banques et l'État » - ont permis de contenir le risque de non-remboursement des PGE et donc le risque budgétaire pour l'État. Outre la fraction non garantie et le délai de carence, il faut ici mentionner l'interdiction faite aux banques de prendre d'autres suretés ou garanties sur le même prêt, ce qui revient à augmenter l'exposition résiduelle en valeur absolue pour les banques.

4. Un contrôle et un suivi statistique de l'ensemble du processus assuré par Bpifrance et la Banque de France, sous l'autorité de la direction générale du Trésor mais non compensé

Le suivi statistique et économétrique du processus est placé sous la responsabilité de la direction générale du Trésor, lequel permet d'alimenter les prévisions budgétaires relatives aux estimations de coût pour les finances publiques et d'informer le public sur l'évolution du dispositif.

Concrètement, c'est Bpifrance qui assure le travail de suivi statistique et de contrôle pour le compte de l'État, sur la base des données enregistrées au moment des contrôles effectués à l'occasion de la notification du PGE, d'une transformation en amortissement, d'une restructuration ou d'un appel en garantie. Ces données sont mises à jour et transmises chaque mois à la direction générale du Trésor et à la Banque de France63(*).

Si l'article 161 de la loi de finances n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 pour 2022 a prévu la possibilité d'une compensation des missions de gestion et de suivi des PGE attribuées à Bpifrance, jusqu'alors expressément effectuées à titre gratuit64(*), Bpifrance n'a encore perçu aucun règlement de la part de l'État. En effet, le défraiement est lié à la signature de la convention de gestion du PGE, convention qui prévoit une indemnisation sur la base des dépenses démontrées, pour laquelle Bpifrance attend que l'État valide le dernier projet. Ainsi, une lettre de la direction générale du Trésor du 30 juillet 2020 définit le cadre de gestion par intérim des PGE par Bpifrance en attendant la signature de la convention de gestion des PGE entre Bpifrance et l'État.

Il s'agit pourtant d'un travail lourd puisque le stock des PGE sous gestion s'élève à plus de 800 000 dossiers. À cette fin, Bpifrance a dû mettre en place un canal sécurisé avec les banques afin d'assurer le traitement de l'ensemble des déclarations relatives aux évènements de gestion du PGE. L'enjeu était de centraliser dans l'outil informatique de Bpifrance l'ensemble des informations relatives aux 800 000 PGE.

Bien qu'une grande partie des actes de gestion soient automatisés, certaines opérations ne peuvent l'être. C'est notamment le cas de la régularisation des dossiers en anomalies à la suite d'erreurs de déclarations et des travaux de fiabilisation du stock des PGE par banque avant de régulariser les PGE non déclarés à Bpifrance (phase de transformation en amortissement). De même, les banques ne déclarent pas toujours les remboursements anticipés ni n'effectuent une déclaration d'amortissement, ce qui impose de la part de Bpifrance une proactivité particulière auprès des banques.

Par ailleurs, les évolutions intervenues concernant le PGE (création d'un nouveau produit type PGE Résilience, prolongation du dispositif, création ou modification d'une règle de gestion) ont impliqué des évolutions informatiques importantes, avec un calendrier de déploiement rarement ajusté avec la mise en oeuvre de l'évolution du produit.

Enfin, le contrôle effectué par Bpifrance sur les prêts est assez lourd.

Compte tenu de l'ampleur des missions effectuées par Bpifrance pour le compte de l'État dans le suivi et la gestion des PGE, il importerait de la compenser rapidement, et au juste niveau.

Recommandation n° 2 : compenser rapidement et au juste niveau Bpifrance pour les dépenses engagées au titre du suivi et de la gestion des PGE pour le compte de l'État.

Une fois par mois, Bpifrance alimente en données la Banque de France. Cette dernière effectue à cette occasion un contrôle de qualité des données. En cas d'incohérences sur ces données, la Banque de France demande à tenir une réunion avec Bpifrance et la direction générale du Trésor pour leur proposer un redressement, qui est mis en oeuvre en cas d'accord du Trésor.

Il faut noter à cet égard un retard de deux mois sur les chiffres étudiés par la Banque de France qui, par exemple, a reçu en février 2023 le fichier en date de décembre 2022.

Dans ce cadre, la direction des entreprises de la Banque de France produit mensuellement deux suivis : l'un porte sur les octrois de PGE au niveau national et par département, selon la cote, la taille d'entreprise et le secteur, donnant lieu à la publication d'un tableau de bord PGE sur le site du ministère de l'économie - avec un retard de trois mois -, l'autre sur les encours et les remboursements des PGE par cote de crédit, par taille d'entreprise, par secteur d'activité et par région65(*). En outre, des suivis ad hoc destinés à d'autres ministères peuvent être produits ponctuellement à la demande de la direction générale du Trésor.

Par ailleurs, la direction des entreprises de la Banque de France agit comme prestataire technique réalisant deux fois par an des estimations de pertes potentielles pour l'État sur la base d'hypothèses fournies par la direction générale du Trésor (cf infra).

II. LES CONSÉQUENCES DES PGE SUR LE BUDGET DE L'ÉTAT SONT PAR DÉFINITION NÉGATIVES, MAIS NE SUSCITENT PAS D'INQUIÉTUDES

A. UN IMPACT PAR DÉFINITION NÉGATIF À TERME, AVEC UN POINT DE VIGILANCE PARTICULIER SUR L'ANNÉE 2026

1. Un impact actuellement positif du fait des commissions versées à l'État et modérément négatif à terme

La garantie de l'État s'accompagne du versement de commissions à l'État par les banques. Deux commissions sont versées : l'une est payable dès que le prêt est contracté, l'autre au moment du choix d'amortissement. Ces commissions sont prélevées par Bpifrance, qui les reverse à l'État. Elles constituent des recettes non fiscales de l'État et relèvent des « divers produits de la rémunération de la garantie de l'État »66(*).

Ces commissions représentaient 277 millions d'euros en 2020, 1,774 milliard d'euros en 2021 et 564 millions d'euros en 202267(*), soit un total, au 31 décembre 2022, de 2,615 milliards d'euros.

Selon Bpifrance, l'ensemble des commissions de toutes les entreprises (PGE « GE » et PGE « masse ») représentaient fin mars 2023 2,775 milliards d'euros.

Les montants appelés en garantie se seraient élevés à 5,1 millions en 2020, 187 millions d'euros en 202168(*) et 1,372 milliard d'euros en 202269(*). Selon Bpifrance, 2,117 milliards d'euros d'indemnisations avaient été versées fin mars, dont une partie relève d'avances provisionnelles qui seront peut-être partiellement remboursées à terme. Les décaissements anticipés pour l'année 2023 au titre du PLF 2023 s'élèveraient à 1,895 milliard d'euros70(*), mais pourraient dépasser les deux milliards d'euros71(*).

Au 31 mars 2023, les PGE généraient donc un gain budgétaire de près de 600 millions d'euros.

Ce gain tend toutefois naturellement à se réduire au fil du temps, puisque le versement des commissions à l'État est concentré en première partie de la vie du dispositif, tandis que le versement des indemnisations intervient plutôt en seconde partie.

Ainsi, sur la durée de vie du dispositif, l'impact sur les finances publiques serait négatif. Comme le relève la Cour des comptes dans son rapport de juillet 2022 sur le sujet, « la fixation d'une prime de garantie ne visait pas à équilibrer les coûts liés à ce dispositif d'urgence, mais à compenser partiellement le coût pour l'État des défauts futurs anticipés. Le niveau de cette prime est d'ailleurs inférieur aux taux de défaut classiquement observés, bien qu'il soit globalement en ligne avec les taux de commission appliqués par Bpifrance sur d'autres dispositifs de garantie. »

Après des taux de pertes attendus de 5,25 % au 31 décembre 2020 et de 3,8 % en août 2021, ainsi que des pertes nettes associées de respectivement 5,25 milliards d'euros et 2,5 milliards d'euros72(*), les estimations de la direction générale du Trésor et de la Banque de France étaient particulièrement optimistes en janvier 2022 : sur la base d'un encours de 150 milliards d'euros, elles prévoyaient un taux de perte brute de 3,1 % et, conséquemment, une perte brute anticipée de 4,6 milliards d'euros. Compte tenu d'un niveau de commissions attendu de 3,2 milliards d'euros, la perte nette anticipée pour l'État s'élevait à 1,4 milliard d'euros sur la durée du dispositif.

Ces estimations ont toutefois été révisées, notamment pour tenir compte des conséquences du conflit russo-ukrainien.

Ainsi, les estimations réalisées pour le projet de loi de finances 2023 par la Banque de France et la direction générale du Trésor indiquent un niveau de pertes brutes totales supérieures aux estimations précédentes de 6,5 milliards d'euros, correspondant à une sinistralité d'un niveau de 4,5 %.

L'estimation la plus récente en comptabilité de caisse confirme cette tendance, avec une perte brute (avances sur indemnisation + solde sur pertes finales) de 6,5 milliards d'euros sur l'ensemble de la durée de vie du dispositif. Le niveau des primes versées devant se stabiliser à 2,9 milliards d'euros - aucune prime n'est plus attendue à partir de 2024 -, le niveau de perte nette globale pour le budget de l'État devrait s'élever à 3,6 milliards d'euros, ce qui représente donc un montant plus important que prévu fin 2020, sans que l'on puisse toutefois parler ici d'un quelconque dérapage.

Selon cette estimation, l'année 2023 devrait être la plus « gourmande » en appels en garantie, donnant lieu à des versements provisionnels de 2,08 milliards d'euros - compensés par un retour de trop perçu de 87 millions d'euros - et à l'origine d'une perte nette de 1,7 milliard d'euros.

Estimation des pertes nettes dues au PGE pour l'État,
par année jusqu'en 2030

(en millions d'euros)

 

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

Total

Avances sur indemnisation

-5

-187

-1 356

-2 076

-1 571

-1 057

-534

-159

-47

-6

-1

-6 999

Solde sur pertes finales

0

0

10

87

154

116

78

40

12

4

0

501

Primes

277

1 774

564

285

0

0

0

0

0

0

0

2 900

Pertes nettes

272

1 587

-783

-1 704

-1 417

-941

-456

-119

-36

-2

-1

-3 598

Source : réponses du ministère de l'économie

Compte tenu de la disponibilité des données, produites selon un rythme mensuel, et de leur non-contemporanéité - celles-ci reflétant une situation ancienne d'au moins trois mois - il pourrait être envisagé de réaliser plus fréquemment des estimations des pertes nettes attendues sur le PGE.

Recommandation n° 3 : passer d'un rythme semestriel à un rythme trimestriel pour les estimations de pertes nettes globales anticipées liées au PGE et les transmettre, aussitôt réalisées, au Parlement

2. Une attention qui devra se concentrer sur l'année 2026 et les années suivantes en raison d'une loi d'écoulement qui concentre les risques sur la fin de la durée du dispositif.

Comme indiqué précédemment, à ce jour la très grande majorité des appels en garantie est liée à des versements provisionnels à titre d'avance. Le recouvrement potentiel d'une partie de la créance par la banque n'intervient qu'à la fin du processus d'indemnisation lors de la demande de versement final. À ce moment, la banque peut indiquer à Bpifrance qu'il y a un trop-perçu d'indemnisation à reverser à l'État.

Or la majorité des encours des PGE ont des échéances finales sur l'année 2026 (72 % des encours)73(*). En effet, les entreprises ont en grande majorité opté pour la formule de transformation en amortissement sur cinq ans dont un an de différé.

À la différence de l'estimation reproduite ci-avant, Bpifrance prévoit ainsi deux vagues principales d'appels en garantie : la première, associée au début de la mise en amortissement des PGE, a débuté, et irait de la période 2022 au premier trimestre 2023. Elle s'observe dans les données de l'évolution dans le temps des montants appelés en garantie, et est liée à la difficulté pour certaines entreprises d'honorer cette dette. Elle concerne essentiellement des montants moyens assez bas, donc des entreprises de petite taille : comme indiqué précédemment, le montant moyen d'un PGE entrant en mise en jeu est de 83 000 euros, contre 150 000 euros en moyenne pour les PGE de masse.

La deuxième vague pourrait avoir lieu à la fin des périodes d'amortissement sur les PGE in fine74(*) et sur les PGE restructurés (restructuration saine jusqu'à 6 ans) soit à l'horizon 2026. Certaines nuances doivent toutefois être apportées : on compte peu de PGE in fine (0,67 % des PGE basculés en amortissement75(*)), ce qui démontre une approche plutôt prudente de la place bancaire. En revanche, en ce qui concerne les dossiers restructurés, la remontée d'informations de la part des banques n'a commencé qu'à partir du mois de décembre 2022, ce qui est encore insuffisant pour en tirer une information qualitative.

Au-delà de 2026, il restera à suivre le déroulé du solde des dossiers ayant suivi une restructuration contentieuse, ces derniers auront pu faire selon les demandes des banques l'objet de versements provisionnels.

Par ailleurs, une loi d'écoulement est observée, qui conduit à concentrer les risques sur la fin de la durée du dispositif plutôt que sur le début.

Remboursement et appels en garantie au titre des PGE : une loi d'écoulement

L'évolution de la répartition du capital restant dû (CRD) par cote de crédit au fil du temps permet d'illustrer cette « loi » d'écoulement ». Il est possible d'agréger les cotes de crédit en trois catégories de risque: les cotes qui reflètent un risque de crédit faible, appelées « éligibles » car elles permettent de sélectionner les créances privées que les banques commerciales peuvent apporter en collatéral aux opérations de politique monétaire (dans la nouvelle échelle de cotation les cotes 1+ à 4+, dans l'ancienne échelle de cotation les cotes 3++ à 4) ; les cotes qui reflètent un risque de crédit substantiel, appelées « non éligibles » (dans la nouvelle échelle de cotation les cotes 4 à P, dans l'ancienne échelle de cotation les cotes 5+ à P) ; les entreprises non cotées (entreprises cotées 0 ou inconnues dans le système de notation).

Il s'opère bien un phénomène de loi d'écoulement puisque les cotes non éligibles, les plus risquées, représentent au fur et à mesure du temps une part plus importante des montants restant à rembourser : 39 % à fin novembre 2022 contre 27 % à la date d'octroi. Cette évolution est due, d'une part, aux dégradations de cotes issues des entreprises éligibles au moment de l'octroi devenues non éligibles à la date de suivi et des entreprises non cotées devenues non éligibles suite à un indicent et, d'autre part, au fait que les entreprises éligibles remboursent leurs PGE plus rapidement que les entreprises non éligibles.

Source : réponses de la Banque de France au questionnaire du rapporteur spécial

Ce phénomène de loi d'écoulement est certes pris en compte par la Banque de France dans ses estimations, mais appelle à une vigilance accrue à horizon 2026. Par ailleurs, compte de l'incertitude entourant le reversement éventuel d'un trop-perçu à l'État ou d'un complément des versements provisionnels dans le cadre de l'indemnisation finale, l'attention devra donc se concentrer sur les années 2026 et les suivantes. Pour cela, un suivi plus fin des pertes nettes estimées devra être effectué (voir recommandation précédente).

B. UN IMPACT BUDGÉTAIRE ET DES APPELS EN GARANTIE AFFECTÉS PAR PLUSIEURS FACTEURS, QUI NE SUSCITENT PAS D'INQUIÉTUDE DANS L'ENSEMBLE

Le risque budgétaire associé au PGE dépend de nombreux facteurs, non seulement économiques - du niveau « macro » au niveau « micro » - mais aussi plus exogènes (qualité de l'accompagnement, de la détection des entreprises en difficultés...). De façon moins marquée, la qualité du recouvrement effectué par les banques auprès des entreprises est également un facteur à prendre en compte.

1. Des facteurs proprement économiques, qui vont de l'état de la conjoncture à la qualité de la gestion de l'entreprise

Les facteurs macroéconomiques, méso-économiques et microéconomiques, ainsi que ceux liés à la taille de l'entreprise, interagissent et influent sur la capacité des entreprises à rembourser l'ensemble de leurs prêts, y compris les PGE. Selon l'orientation de ces facteurs, les entreprises auront plus ou moins de mal à rembourser leurs prêts, et l'État devra plus ou moins intervenir en garantie.

La conjoncture macroéconomique, en pesant tant du côté de l'offre (coût des intrants, etc.) que de la demande (la consommation des ménages français constitue l'un des débouchés des entreprises) affecte par définition la santé des entreprises et influe donc sur le nombre d'entreprises en difficulté et sur le nombre de défaillances, ce qui a également un impact sur les montants appelés en garantie.

Actuellement, le contexte macroéconomique est caractérisé par des tensions sur les coûts de production (approvisionnements, énergie), une remontée des taux et un ralentissement de l'activité. Il peut peser sur la situation financière des entreprises, déjà affectée par un niveau d'endettement élevé, et donc sur leurs capacités de remboursement.

L'activité est en ralentissement depuis début 2022. Fin 2022, la croissance trimestrielle s'est tassée mais est restée positive (+0,1 %) ; elle resterait faible aux premier et deuxième trimestres 2023 (respectivement +0,1 % et +0,2 %)76(*).

Dans le contexte actuel de remontée de l'inflation et de hausse des taux d'intérêt, on observe d'après les premières estimations une forte capacité des entreprises, en moyenne, à préserver leurs marges. En 2022, le taux de marge des sociétés non financières s'élevait à 32,0 % (contre 31,5 % en moyenne en 2018). Il augmenterait en 2023, avec un taux de 33,2 % au premier trimestre et de 33,5 % au deuxième trimestre, essentiellement en raison de la baisse des salaires réels et de la nouvelle réduction des impôts de production77(*) introduite en loi de finances pour 2023. Au troisième trimestre 2022, la hausse de la valeur de la production totale imputable aux prix (161 milliards d'euros) était supérieure à celle des consommations intermédiaires (108 milliards d'euros)78(*). Ainsi, en moyenne, les producteurs ont pu transmettre la hausse de leur coût de production à leurs prix de vente. L'Insee estimait toutefois début 2023 que les prix des consommations intermédiaires augmenteraient, au premier semestre 2023, plus rapidement que les prix de production, ce qui finirait pas peser sur le taux de marge des entreprises.

Ainsi, malgré une conjoncture macroéconomique relativement tendue, la situation financière des entreprises paraît encore relativement favorable.

Un point de vigilance doit toutefois être souligné concernant l'endettement des entreprises qui, s'il a diminué en proportion du PIB depuis la crise sanitaire - passant de 86 % à 81 % entre 2020 et 2021 -, demeure le plus élevé de la zone euro. Ce niveau élevé d'endettement pourrait se traduire par une recrudescence des faillites à l'avenir.

Toutefois, le nombre de défaillances d'entreprises, s'il augmente depuis la sortie de la crise sanitaire, demeure encore légèrement inférieur à son niveau de 2019, qui était déjà très bas.

En hausse depuis novembre 2021 en raison notamment de la fin progressive des aides publiques mises en place lors de la crise sanitaire, le nombre de défaillances s'établissait, fin avril 2023, à 46 183 sur 12 mois, contre 31 400 en avril 2022 (+ 47 %). Ce chiffre demeure toutefois inférieur au nombre de défaillances observées avant la crise sanitaire - 51 145 sur l'année 2019. Le nombre mensuel de défaillances se rapproche toutefois de celui observé en 2019 : 4 797 en janvier 2023 contre 5 189 en janvier 2019, 4 294 en février 2023 contre 4 559 en février 2019, 5 339 en mars 2023 contre 4 820 en mars 2019, mais 3 641 en avril 2023 contre 4 360 en avril 201979(*).

Malgré cette tendance à la hausse, le nombre absolu de défaillances est donc encore particulièrement bas, notamment si l'on la rapporte à la démographie des entreprises : les créations se sont envolées, dépassant un million en 2021 et 2022.

Le rapporteur spécial s'est également inquiété de la trésorerie des entreprises et de l'impact de la dette sociale sur celle-ci.

Les indicateurs des restes à recouvrer sur chaque exercice ainsi que leurs taux, rapportant ces montants aux cotisations dues pour l'année, permettent ainsi de saisir la santé des entreprises. Cumulés, et après prise en compte des paiements et des différents mouvements d'annulation, on en déduit le stock de dettes des cotisants ou de créances pour l'Urssaf.

Les taux de restes à recouvrer de l'exercice courant pour les entreprises privées étaient faibles et orientés à la baisse avant la crise. Du fait des reports consentis, ils ont fortement augmenté en 2020 et se réduisent depuis. Fin 2022, ce taux se rapprochait de celui prévalant fin 2019 tout en restant légèrement supérieur (1,19 % contre 0,86 %, après 2,11 % en 2021 et 4,50 % en 2020). Début 2023, ces taux semblent encore s'améliorer80(*).

Par ailleurs, l'observation des restes à recouvrer courants des entreprises privées fait ressortir un certain retour à la normale, tandis que la reprise du recouvrement s'est traduite par des taux de respect des plans d'apurement des dettes accumulées satisfaisants pendant la crise sanitaire. Le stock de restes à recouvrer à fin 2022 s'établissait ainsi à 18,5 milliards d'euros pour les entreprises privées (à comparer aux 13 milliards d'euros de fin 2019, 22,2 milliards d'euros fin 2020 et 21 milliards d'euros fin 2021). Il baisse ainsi de 11,7 % par rapport à 2021 et est supérieur de 43 % par rapport à fin 2019. Rapporté au niveau des cotisations dues, cela représente un taux de créances de 5,9 %. Ce taux, relativement stable entre 2016 et 2019 (entre 4,5 % et 4,7 %) a augmenté avec la crise sanitaire pour atteindre 8,5 % en 2020. Il est donc encore supérieur au niveau de 2019 de 1,4 %.

Au total, on observe une relative capacité des entreprises à répercuter les coûts de production dans leur prix de vente et, en tout état de cause, à préserver leur marge. Par ailleurs, alors qu'on aurait pu s'attendre à plus forte dégradation de la situation des entreprises avec le ralentissement économique, le nombre de défaillances demeure faible - bien que rattrapant progressivement le niveau de 2019. Le recul des taux de restes à recouvrer constitue également le signe d'une certaine résorption des difficultés financières des entreprises liées à leur dette sociale. De ce point de vue, et même si le niveau d'endettement des sociétés non financières demeure élevé, il ne paraît donc pas falloir s'inquiéter outre mesure des capacités de remboursement des PGE.

La taille des entreprises ainsi que la situation de certains secteurs est également un facteur à prendre en compte pour apprécier le risque budgétaire lié aux PGE.

Une vigilance toute particulière s'impose encore, à cet égard, pour les très petites entreprises, les petites entreprises et les moyennes entreprises, qui représentent un risque significatif de défaillance. Ainsi, si le nombre de défaillances de l'ensemble des PME en mars 2023 (cumul sur 12 mois) est inférieur de 10,8 % à celui observé en 2019, c'est seulement en raison du niveau plus faible de défaillance des microentreprises, qui est passé de 48 747 à 42 218 (-13,4 %). Le nombre de défaillances a, au contraire, significativement augmenté pour les très petites entreprises (+42,2 %), les petites entreprises (+50,6 %) et les moyennes entreprises (+31,6 %). À noter ici que si les défaillances des microentreprises ont chuté, en montant, 2,7 % des PGE souscrits par celles-ci font l'objet d'une mise en jeu de la garantie de l'État.

Ces données sont conformes avec les observations fournies par Bpifrance, selon lesquelles les perspectives pour 2023 sur les TPE-PME, en termes d'activité et de rentabilité sont incertaines, dans un contexte où la facture énergétique devrait croître relativement à 2022.

Ainsi, d'après l'enquête PME de janvier 2023 de Bpifrance81(*), les TPE-PME se montrent plus pessimistes quant à leur activité en 2023. Le solde d'opinion sur les perspectives d'activité chute à +6 %, nettement en-dessous de sa moyenne de long terme (+17). Le solde d'opinion sur la situation future de trésorerie, à -15 %, a perdu trois points sur le deuxième semestre 2022, et 12 points sur un an, soit un niveau nettement sous sa moyenne de long terme (-4). 24 % des TPE-PME s'attendent en outre à une baisse de leur rentabilité en 2023 (contre 12 % l'année précédente pour 2022).

Toutefois, d'après le baromètre Bpifrance de mai 202382(*), seules 39 % des TPE-PME anticipent une dégradation de leur marge nette cette année, soit 9 points de moins qu'en février. Il convient ici de préciser que les TPE-PME qui rencontrent des difficultés d'approvisionnement sont plus nombreuses à anticiper une baisse de leur marge que celles qui n'en rencontrent pas (43 % contre 30 %).

De même, partant d'un niveau particulièrement élevé fin 2021, le niveau de trésorerie des TPE-PME s'est dégradé avant de s'améliorer légèrement. En mai 2023, l'indicateur relatif à la situation actuelle de trésorerie des TPE-PME s'établit à un niveau légèrement supérieur à la moyenne historique, à -13 points contre -14 points sur 2017-2022.

Source : Bpifrance Le Lab - Rexecode : Baromètre TPE-PME mai 2023

L'attention doit d'autant plus se concentrer sur les petites et moyennes entreprises que, en matière de dette sociale, le taux de créances et cotisations dues décroît avec la taille de l'entreprise. Ainsi, en 2022, le taux de créances est près de quatre fois plus élevé dans les entreprises de moins de dix salariés que la moyenne. Il dépasse 22 % dans les entreprises de moins de dix salariés tandis que dans les entreprises de plus de 500 salariés, le taux est inférieur à 2 %. Les premières, sur lesquelles il est collecté 13 % des cotisations, portent 48 % des restes à recouvrer. Les parts pour les secondes sont respectivement de 39 % et 11 %. Entre 2019 et 2022 le taux de créances des entreprises de moins de 10 salariés augmente de quatre points (contre 1,3 point en moyenne sur l'ensemble du secteur privé)83(*).

L'ensemble de ces données indique que, si la situation des TPE et PME, qui concentrent plus de 70 % des montants octroyés de PGE, ne peut encore être considérée comme problématique, elle pourrait le devenir. En effet, le pourcentage de TPE et PME qui disent craindre de ne pas pouvoir rembourser leur PGE est passé de 7 % à 9 % entre février 2023 et mai 2023, selon le baromètre Bpifrance Le Lab - Rexecode. Il s'agit d'un taux en augmentation, mais qui ne s'éloigne pas de la moyenne observée ces derniers mois - et à prendre avec précaution compte tenu du faible nombre de répondants dans ces enquêtes trimestrielles.

Les nombreuses aides attribuées à ces entreprises pour contenir le coût des factures d'électricité et de gaz (bouclier tarifaire pour les entreprises de moins de 10 salariés, guichet d'aide au paiement des factures de gaz et d'électricité pour les TPE et PME, etc.) devraient toutefois permettre en partie de contenir les difficultés nées de la crise énergétique à l'oeuvre depuis 2022.

Comme indiqué précédemment, la situation particulière d'un secteur va aussi affecter la capacité des entreprises qui en font partie à rembourser leur PGE.

Il faut à cet égard relever la situation dégradée des secteurs de la construction et l'information-communication, avec un pourcentage de PGE ayant engagé la garantie de l'État (3,5 % et 1,7 % des PGE) en montant supérieur à la moyenne (1,4 %)84(*). L'information-communication est d'ailleurs le seul secteur où les défaillances ont augmenté en mars 2023 (en cumulé sur 12 mois) par rapport à 2019 (+4,6 %). Le secteur de l'industrie est également proche de sa situation de 2019 en termes de défaillances (-0,3 %).

La situation du secteur de l'hébergement-restauration est également préoccupante, ce pourquoi le rapporteur spécial a souhaité entendre ses principaux représentants. Ainsi, sur un an, le nombre de défaillances augmente le plus rapidement dans l'hébergement-restauration (+83 %, prenant le nombre cumulé de défaillances entre avril 2022 et mars 2023 par rapport à la même période il y a un an). Dans l'industrie, le nombre de défaillances augmente également rapidement par rapport à l'année précédente (+69,6 %). Dans ces secteurs, ainsi que dans celui du commerce, les TPE-PME sont les plus pessimistes quant à l'évolution future de leur situation de trésorerie : le solde d'opinion sur la trésorerie pour les six prochains mois atteint -22, contre -9 en moyenne sur 2000-2021 dans le tourisme (hébergement-restauration), -19 (contre -3) dans l'industrie, et -20 (contre -5) dans le commerce85(*).

À ce titre, fin 2022, 10 % des TPE-PME du tourisme craignaient de ne pas être en mesure de rembourser leur PGE (contre 5 % dans l'ensemble) et 6 % dans l'Industrie. Cette part s'élevait à seulement 3 % pour les transports et les services. Pour les autres secteurs, la part des TPE-PME craignant de ne pas pouvoir rembourser le PGE était similaire à la moyenne d'ensemble.

Les données des Urssaf permettent de constater, dans le même temps, qu'en 2022, les restes à recouvrer demeuraient élevés dans les secteurs du bâtiment (19,9 %, + 3,2 % par rapport à 2019), de l'hébergement et de la restauration (12,2 %, + 2,1 %), dans le secteur des transports (10,7 %) où il a doublé par rapport à 2019 et dans la métallurgie (7,6 %, + 2,2 %)86(*).

Au total, il est possible de s'attendre à des montants d'appel en garantie plus importants qu'ailleurs dans les secteurs de l'hébergement-restauration et de l'industrie, où le capital restant dû s'élevait respectivement à 8 milliards d'euros et à 11,4 milliards d'euros au 31 janvier 2023, ainsi que dans le secteur des transports, où le capital restant dû s'élevait à la même date à 20,3 milliards d'euros.

Enfin, la situation particulière de l'entreprise au moment où elle a contracté son prêt, la qualité de sa gestion et la capacité de son dirigeant à anticiper un plan de financement cohérent et viable prenant en compte l'ensemble des charges à venir, constituent des facteurs importants influant sur la capacité de remboursement des PGE et, inversement, sur les appels en garantie des banques auprès de l'État.

D'une part, une entreprise dans une situation financière dégradée au moment de la contraction d'un PGE aura plus de mal à le rembourser, car il viendra alourdir un endettement déjà important. C'est l'une des raisons pour lesquelles l'octroi du prêt a été confié aux banques, qui ont une bonne connaissance de la situation financière de leurs clients. Toutefois, le Gouvernement, en obtenant des banques le principe du prix coûtant pour les PGE, combiné à l'engagement d'accepter très largement les demandes de prêt pour toutes les entreprises notées jusqu'à 5+ inclus87(*), pouvait conduire certaines entreprises non viables à contracter des PGE.

Cependant, comme le signale la Cour des comptes dans son rapport de juillet 2022, la part des entreprises « zombies »88(*) parmi les bénéficiaires serait limitée à moins de 2,5 % des emprunteurs. Selon ce rapport, l'essentiel des entreprises bénéficiaires des PGE étaient donc initialement viables. Selon le rapport final du comité de suivi et d'évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l'épidémie de covid-19 (« comité Coeuré »), ces entreprises « zombies » ne concentreraient que 3,4 % du total des PGE octroyés. Par ailleurs, les montants alloués aux entreprises « zombies » via le PGE ont été inférieurs à leur poids dans l'économie.

D'autre part, la qualité de la gestion de l'entreprise par son dirigeant et sa capacité à anticiper un plan de financement cohérent et viable prenant en compte l'ensemble des charges à venir est également un facteur décisif.

De nombreuses auditions ont, à cet égard, mis en évidence que de nombreux chefs d'entreprises anticipent mal les difficultés et attendent le dernier moment pour y réagir et pour se tourner vers des structures d'accompagnement, y compris la médiation du crédit dans le cadre d'une restructuration de PGE.

Recommandation n° 4 : proposer aux chefs d'entreprise de TPE-PME des outils d'anticipation des charges à venir dans l'optique d'améliorer leurs connaissances financières

2. Des facteurs « extérieurs », liés au repérage et à l'accompagnement des entreprises en difficulté 

Certains facteurs extérieurs influent également sur la faculté des entreprises à rembourser leur PGE, et à déclencher - ou non - l'appel en garantie. On pense en particulier au soutien et à l'accompagnement des entreprises en difficulté, ainsi qu'à leur repérage.

Des structures et des dispositifs existent déjà.

Tout d'abord, les Urssaf peuvent mettre en place des délais de paiement à la demande des entreprises et sous réserve du paiement préalable des parts salariales. En outre, lorsque la commission des chefs des services financiers (CCSF) est saisie, elle peut consentir des remises de dettes, dans les conditions de l'article L. 626-6 du code de commerce, si les créanciers privés ont également consenti à des abandons. La CCSF ouvre également la possibilité de mettre en place un délai dont la durée est adaptée à la capacité de remboursement de l'entreprise.

Par ailleurs, entre mars 2020 et la fin de l'année 2021, des reports de paiement de cotisations ont été prévus au bénéfice des employeurs de façon généralisée ou plus ciblée en tenant compte soit du secteur d'activité touché par la crise soit du secteur géographique. Afin de permettre plus facilement le paiement des cotisations reportées, l'article 65 de la troisième loi de finances rectificative pour 202089(*) a donné la possibilité aux Urssaf de mettre en place des plans d'apurement, plans qui exceptionnellement pouvaient intégrer des cotisations salariales.

Les possibilités ouvertes par l'article 65 de la troisième loi de finances rectificative pour 2020

Pour les employeurs de moins de 250 salariés, l'article 65 de la troisième LFR pour 2020 a donné la possibilité aux Urssaf d'envoyer de façon proactive des propositions d'échéanciers, lesquelles ont été adressées de façon automatisée aux employeurs avec une durée adaptée à leur situation économique et en rendant progressives les premières échéances de ces plans. Au 31 mars 2023, 557 569 plans avaient été proposés aux employeurs.

Pour les employeurs de 250 salariés et plus et ceux de moins de 250 salariés qui bénéficient du dispositif de versement en lieu unique (VLU), un accompagnement spécifique a été mis en place pour ces entreprises : dès juin 2020 il a été demandé aux Urssaf de prendre contact avec les grandes entreprises et les très grandes entreprises pour mettre en place des plans d'apurement. Au 31 mars 2023, 28 056 plans avaient été engagés pour ces employeurs.

Par ailleurs, des listes ont été régulièrement envoyées aux Urssaf afin qu'elles joignent les entreprises de moins de 250 salariés en versement en lieu unique (VLU PME) pour mettre en place des échéanciers si nécessaires. En outre, pour les employeurs bénéficiant d'ores et déjà d'un délai en cours avant la crise sanitaire et n'ayant pas de dettes postérieures, un dispositif de report des échéanciers de paiement en cours a été mis en place. En conséquence, ces plans ont été reportés sur octobre 2020. Au 31 mars 2023, 3 213 plans ont été reportés pour ces employeurs

Il n'est pas prévu de nouveaux reports de cotisations et contributions sociales. La reprise du recouvrement amiable et forcé s'est normalisée sur le premier trimestre 2023, il est encore trop tôt pour mesurer la nécessité de reconduire cette mesure de report.

Source : réponse de l'Urssaf caisse nationale au questionnaire du rapporteur spécial

Dans le cadre de la crise, de nombreuses propositions de diagnostics ont par ailleurs été offertes par les experts-comptables, les commissaires aux comptes, ainsi que les administrateurs et mandataires judiciaires.

D'autres possibilités d'accompagnement territorial existent : les comités départementaux d'examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI), qui accueillent et orientent les entreprises qui rencontrent des problèmes de financement, ou encore, plus récemment, les conseillers départementaux à la sortie de crise, mis en place dans le cadre du plan de soutien aux entreprises du 1er juin 2021, qui visent à orienter l'entreprise vers l'interlocuteur le plus adapté à sa situation.

Au niveau de l'État, il faut mentionner le rôle du comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) placé auprès du Trésor - mais bien identifié par les entreprises de plus de 400 salariés concernées -, le réseau des commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises (CRP) animé par la direction générale des entreprises (DGE), placés auprès des préfets de région, et constituant les points d'entrée pour les entreprises de moins de 400 salariés en difficulté, ou encore le délégué interministériel aux restructurations d'entreprise (DIRE) ayant pour rôle de coordonner l'action de ces différents services.

Le rôle de la Banque de France au niveau local est également important, avec un réseau de correspondants TPE-PME chargés d'écouter et d'orienter les entreprises, y compris celles en difficulté.

Les médiations locales du crédit ont joué et jouent un rôle en cas de refus d'octroi de PGE et, depuis janvier 2022, pour mener une restructuration sur un PGE.

La médiation du crédit : un accompagnement utile, mais méconnu et évité

Au cours de la première année de mise en place du dispositif de restructuration découlant de l'accord de place du 19 janvier 2022, la médiation du crédit n'aurait eu à connaître que de 700 dossiers, dont les deux tiers venaient des conseillers de sortie de crise.

Deux grandes raisons expliquent ce faible succès : une méconnaissance du dispositif et un motif psychologique concernant les conséquences d'une restructuration sur la cotation Banque de France - alors même qu'une majorité d'entreprises ne sont pas cotées. Au total, le potentiel de restructurations « perdues » - comprenant aussi les conciliations - est estimé par le médiateur national du crédit, M. Frédéric Visnovsky, à 10 000 à 20 000 entreprises.

Entendu par le rapporteur spécial, le médiateur appelle d'ailleurs les entreprises à se défaire de l'idée qu'une restructuration est pire qu'une faillite, et qu'il faudrait ne pas y recourir, d'autant que les conditions entourant le dispositif mis en place en janvier 2022 requièrent la confidentialité.

Source : audition de M. Frédéric Visnovsky, médiateur national du crédit, par le rapporteur spécial

Globalement, les possibilités d'accompagnement sont malheureusement mal connues des entreprises, ce qui induit un problème d'appariement entre les entreprises en difficulté et les dispositifs d'accompagnement disponibles.

Pour surmonter ce problème, un dispositif de repérage des entreprises en difficulté, Signaux Faibles - « start-up d'État » dépendant de la direction générale des entreprises - se déploie progressivement sur le territoire de façon à faciliter le travail d'accompagnement des agents des directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS). Ce dispositif, expérimenté localement en Bourgogne-Franche-Comté à partir de 2016, a commencé à se déployer en 2019 sur la base d'une convention cadre90(*). Il s'appuie sur les données accessibles concernant les entreprises (données Urssaf, données financières publiques et données sur le travail) pour permettre aux agents de repérer les entreprises en difficulté en amont, avant de se rendre sur le terrain. Le dispositif s'est enrichi en fusionnant en 2021 avec un projet concurrent mené depuis 2017 par la direction générale des finances publiques, permettant ainsi un accès aux données fiscales. Il a toutefois été précisé au rapporteur spécial, lors de l'audition de certains responsables de Signaux Faibles91(*), que la structure ne disposait de données que pour les entreprises de plus de dix salariés. Les autres constituent donc un point aveugle de la politique de détection des difficultés.

Le renforcement de la communication autour des dispositifs d'accompagnement proposés par la puissance publique, qui suppose en particulier de désamorcer les craintes liées au recours à la médiation du crédit - notamment dans le cadre d'une restructuration de PGE -, ainsi que l'élargissement des compétences de « Signaux Faibles » aux entreprises de moins de dix salariés paraissent ici constituer des moyens utiles pour éviter les appels en garantie qui peuvent l'être.

Recommandation n° 5 : communiquer davantage autour des dispositifs d'accompagnement financier et d'orientation proposés par la puissance publique et, dans ce cadre, désamorcer les craintes liées au recours à la médiation du crédit.

Recommandation n° 6 : dans une optique d' « aller-vers », renforcer le dispositif de détection précoce des difficultés des entreprises « Signaux Faibles » par un élargissement aux entreprises de moins de dix salariés, particulièrement fragiles.

3. Un impact sur le budget de l'État qui dépend aussi de l'efficacité des banques pour recouvrer les créances et éviter toute relégation du PGE dans le cadre d'une restructuration

Dans le cadre d'une indemnisation finale, et conformément à l'article 10.2 des conditions générales de l'acte d'adhésion, il appartient à la banque d'exercer les diligences qu'elle juge utiles en vue de procéder au recouvrement de sa créance. Elle doit informer Bpifrance de ses démarches et de l'état des recouvrements obtenus en communiquant ces éléments.

Un double processus est ici à l'oeuvre : la vérification, par Bpifrance, de l'existence de démarches engagées par la banque, ainsi que l'incitation de la banque à recouvrer la créance, en raison du fait qu'elle supporte une partie du risque associé au PGE.

Toutefois, la Cour des comptes, dans son rapport de juillet 2022, soulignait qu' « aucun mécanisme n'a été mis en place pour contrôler a priori que ces créances seront bien gérées comme les autres créances ordinaires non garanties ou que la banque ne privilégiera pas le remboursement d'autres crédits avant celui du PGE ».

Dans le cadre d'une restructuration engageant l'ensemble des créances de l'entreprise, il existe un risque de « juniorisation » du PGE, qui peut mener à rembourser prioritairement certaines créances et à renvoyer à un rang inférieur les PGE, voire à les abandonner.

Comme rappelé précédemment, dans le cadre de la restructuration d'une entreprise pouvant comprendre un PGE, l'enjeu est d'éviter ce risque. Normalement, un juge s'en assure : c'est l'une des raisons pour lesquelles le rallongement du PGE au-delà de six ans n'est accordé qu'en cas d'intervention d'un juge.

Par ailleurs, depuis 2022, le CIRI intervient - au-delà de son rôle reconnu juridiquement d'accompagnement des entreprises de plus de 400 salariés - pour veiller à ce que les restructurations ne donnent pas lieu à un abandon excessif de PGE. Certaines entreprises peuvent en effet être tentées de s'en remettre aux banques pour pratiquer des effacements de confort. Pour éviter une « juniorisation » du PGE, le CIRI est ainsi en lien avec la Place dans une démarche de compréhension et d'incitation. Ainsi, selon son secrétaire général, M. Pierre-Olivier Chotard, le CIRI n'intervient pas si les abandons de créance ne pèsent que sur l'État, mais les contacts entretenus avec la Place mettent les banques dans une situation de « jeu répété » où elles n'ont pas intérêt à abandonner ces créances puisqu'elles perdraient le statut de partenaire de confiance. Le passif est donc traité globalement, ce qui évite d'effacer uniquement le PGE, et la restructuration est opérée selon une règle de traitement équitable (pari passu) : les PGE sont traités comme des créances de même rang.

Les auditions menées par le rapporteur spécial ont donc été rassurantes et n'ont pas fait apparaître de difficultés particulières au sujet de la capacité des banques à recouvrer leurs créances et à éviter des abandons de PGE qui pèseraient de façon inéquitable sur les finances de l'État.

III. L'ESTIMATION DES PERTES LIÉES AUX APPELS EN GARANTIE : DES MODÈLES QUI DEVRAIENT DAVANTAGE INTÉGRER LES PRÉVISIONS MACROÉCONOMIQUES DU GOUVERNEMENT

L'impact budgétaire des appels en garantie au titre des PGE - qui dépend de l'ensemble des facteurs mentionnés ci-avant - est estimé par la Banque de France sur la durée du dispositif, grâce à un modèle simplifié. C'est sur la base de ces estimations que sont inscrits en loi de finances les montants évaluatifs associés aux crédits dédiés aux appels en garantie au titre des PGE, composant l'essentiel de l'action 03 « Financement des entreprises et industrie » du programme 114 de la mission « Engagements financiers de l'État ».

A. DES ESTIMATIONS RÉALISÉES PAR LA BANQUE DE FRANCE POUR LE COMPTE DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DU TRÉSOR EN UTILISANT LA COTATION DE CRÉDIT DES ENTREPRISES

1. La Banque de France, prestataire technique de la direction générale du Trésor pour une estimation retardée des pertes liées aux PGE

La direction générale du Trésor doit disposer d'estimations en juillet-août de l'année n pour le projet de loi de finances de l'année n+1.

La Banque de France, son prestataire technique, se base sur les hypothèses économiques définies par la direction générale du Trésor pour concevoir le modèle statistique d'estimation des pertes annuelles.

Pour l'instant, deux modélisations - fondées sur des hypothèses différentes - ayant donné lieu à une note méthodologique92(*) transmise à la direction du Trésor, ont été élaborées par la Banque de France. Cette phase de conception n'interdit pas le dialogue entre les deux institutions : si la Banque de France estime que les hypothèses du Trésor sont irréalistes, elle peut le faire savoir. Selon la Banque de France, celles actuellement retenues (cf infra) ne le sont pas.

La Banque de France réalise également les estimations de pertes sur la base de ce modèle. Celles-ci sont effectuées grâce au fichier de référence de Bpifrance contenant l'ensemble des données relatives aux PGE (identifiant de l'entreprise bénéficiaire, date d'octroi, montant du prêt, amortissements, schéma d'amortissement, etc.).

Les estimations conduites par la Banque de France sont réalisées tous les six mois, et se basent sur le capital restant dû pour chaque PGE. Elles tiennent donc compte des amortissements réalisés, mais aussi de la quotité garantie par l'État pour déterminer les avances sur indemnisations sur les années de vie restantes des PGE. Les estimations définissent également la perte en cas de défaut (loss given default) pour les banques, en cas de défaut d'une entreprise bénéficiaire d'un PGE. En effet, les établissements prêteurs peuvent recouvrer une partie de la perte en cas de liquidation de l'entreprise emprunteuse, mais avec une temporalité décalée. Cela peut générer des flux positifs pour l'État en cas de trop perçu par l'établissement prêteur ; ces flux (soldes sur pertes) sont pris en compte et viennent diminuer les pertes estimées pour l'État.

Comme cela a déjà été expliqué, les données utilisées, à la date de réception par la Banque de France, sont vieilles de deux mois. L'estimation elle-même est effectuée en plus d'un mois, pour une date d'arrêté à laquelle les données sont figées. Le temps nécessaire pour effectuer ce travail implique donc que la direction générale du Trésor reçoive ces estimations avec un retard de plus de trois mois après que les phénomènes décrits par les données se sont produits. Ainsi, l'estimation de perte communiquée au Trésor en janvier est faite à partir d'un fichier de novembre93(*), à partir de données qui accusent un retard de deux mois par rapport aux phénomènes décrits. De même, l'estimation transmise à la direction générale du Trésor en juillet-août pour préparer le PLF est faite d'après des données décrivant des phénomènes remontant à mars-avril.

Faute de crédits supplémentaires attribués à Bpifrance ou à la Banque de France, il paraît toutefois difficile de raccourcir ce temps de traitement de la donnée. Il paraît toutefois envisageable de doubler le nombre d'estimations réalisées, sur une base trimestrielle et non semestrielle comme aujourd'hui (cf supra).

2. Des estimations construites au moyen de deux « sous-modèles », l'un déterminant la probabilité de défaillance d'une entreprise et l'autre calculant le montant de pertes pour chaque entreprise

Le montant des pertes brutes PGE correspond à la somme des appels en garantie effectivement constatés depuis la mise en place du dispositif et de ceux estimés à partir de la date d'arrêté, et année par année, jusqu'à la fin du dispositif. Le taux de pertes brutes PGE estimé s'obtient alors en divisant la totalité des montants d'appels en garantie observés et estimés pour les années à venir par le montant total des encours accordés en cumulé jusqu'à la date d'arrêté.

L'estimation des pertes brutes PGE se décompose en deux « sous-modèles » complémentaires et séquentiels pour estimer le taux de pertes attendu sur la durée du dispositif : un modèle qui détermine la probabilité de défaillance de l'entreprise par sa cote de crédit et par année, et un modèle « ligne à ligne » qui calcule le montant de pertes pour chaque entreprise. Des hypothèses sur les pertes des banques en cas de défaut (Loss Given Default) forfaitaires et conservatrices doivent également être faites.

Le premier sous-modèle vise à estimer les modèles de défaillance sur l'horizon d'un certain nombre d'années. Il se fonde sur les données de la Banque de France relatives à la situation financière et au risque de défaut de chaque entreprise - la cotation FIBEN - et sur une matrice de transition.

La cotation FIBEN attribue à chaque entreprise évaluée une cote de crédit (une note), sur la base de l'analyse de sa situation financière, qui reflète la capacité des entreprises françaises à faire face à leurs engagements financiers, dans un horizon d'un à trois ans. Si les cotes FIBEN sont révisées chaque année lors de la parution des bilans comptables des entreprises, et se basent donc sur les bilans de l'année passée, il faut noter que celles-ci peuvent être revues en cours d'exercice comptable si une information extra-financière pertinente, comme un incident de paiement, apparaît. Ainsi, en cas d'événement important, comme un incident de paiement, la cote peut être dégradée en l'espace de dix jours.

La cotation FIBEN : un outil fiable qui permet d'estimer les probabilités de défaut mais qui ne concerne qu'une minorité d'entreprises

La cotation est une appréciation sur la capacité d'une entreprise à honorer ses engagements financiers à un horizon de un à trois ans.

Elle est attribuée à titre d'expert par des analystes financiers de la Banque de France. Elle repose sur une analyse quantitative issue des données contenues dans la base FIBEN, enrichie d'une analyse qualitative réalisée pour partie grâce à des entretiens de cotation. Ce sont ainsi environ 300 000 entreprises qui sont cotées chaque année et près de 40 000 entretiens de cotation qui sont conduits chaque année. Les cotations sont effectuées, pour une année donnée, sur le fondement du bilan de l'année précédente, ce qui n'empêche pas une modification en cours d'exercice en cas d'événement repéré par les agents de la Banque de France.

La fiabilité de la cotation FIBEN est encadrée au niveau européen, et doit respecter les standards définis par le règlement n°2016/1799 du 7 octobre 201694(*).La Banque de France est dotée du statut Organisme Externe d'Évaluation du Crédit (OEEC) attribué par l'Autorité Bancaire Européenne au titre de ce règlement. Cette reconnaissance permet aux banques commerciales d'utiliser la cotation Banque de France à des fins de détermination de leurs besoins en fonds propres réglementaires. L'attribution de ce statut certifie que la cotation de crédit de la Banque de France est un indicateur fiable, objectif et indépendant pour définir la probabilité de défaillance et d'incident de paiement. La performance de la cotation Banque de France est évaluée par la Direction des entreprises (Banque de France).

La probabilité de défaillance des entreprises par cote de crédit peut être définie comme la moyenne des taux de défaillance observées par cote de crédit sur une longue période, ici 2007-2017. C'est une approximation appliquée par l'Autorité Bancaire Européenne et par la recherche académique95(*) :

Probabilité de défaillance par cote
Estimées sur la période 2007-2017

Source : Banque de France

Lecture : Ces taux de défaillance sont affichés en fonction de l'ancienne échelle de cotation, celle en vigueur au début des PGE. La Banque de France a remplacé cette échelle par la Nouvelle Échelle de Cotation (NEC) au 8 janvier 2022.

La cotation n'est toutefois réservée qu'aux entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 750 000 euros. La Banque de France reçoit les informations relatives aux entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur, mais elle ne les exploite pas encore.

Source : réponses du ministère de l'économie et de la Banque de France au questionnaire du rapporteur spécial

Les estimations de pertes, réalisées deux fois par an (janvier et juillet), se basent à chaque fois sur les cotes FIBEN actualisées, ce qui est censé permettre une estimation fiable de la situation financière des entreprises emprunteuses et de leur risque de défaut.

À chacune des estimations successives des pertes nettes pour l'État au titre des PGE, la Banque de France met à jour dans son modèle les cotes de crédit de la population concernée par les PGE. Ainsi, lorsque la Banque de France calcule la probabilité de chaque entreprise de faire défaillance, elle se fonde sur la cote de crédit à la date de l'estimation, c'est-à-dire celle reflétant le plus précisément le risque de crédit actuel associé à l'entreprise. La Banque de France s'assure donc de prendre en compte l'évolution des profils de risques au sein de la population.

Afin de réaliser l'estimation des pertes sur la durée de vie restante des PGE, il est certes nécessaire de connaître l'état le plus récent des cotations FIBEN, mais également de faire évoluer les cotations sur les années restantes.

Cela est réalisé au moyen d'une matrice de transition des cotations, indiquant la probabilité qu'une entreprise passe d'une cotation à l'autre entre le début et la fin de l'année. Une matrice de transition à horizon un an est ainsi produite, permettant de d'obtenir, par multiplication par elle-même, d'autres matrices de transition à horizon plus lointain.

Toutefois, comme trois quarts des entreprises ne sont pas cotées dans le système FIBEN, la Banque de France a décidé d'attribuer la probabilité de défaillance des cotes 5+ à horizon N ans, pour estimer une probabilité de défaillance implicite moyenne à horizon un an. Les données sont cependant de plus en plus précises sur ces entreprises : il conviendrait d'accélérer le rythme pour exploiter ces données pour une meilleure estimation des pertes.

Sont ainsi estimées les pertes brutes potentielles sur la période de simulation.

Ce premier sous-modèle est combiné avec un deuxième, utilisé pour calculer la perte attendue selon les caractéristiques propres de l'entreprise. Il est construit sur la base de pertes brutes avérées et quasi-avérés - et de gains avérés et quasi-avérés - ainsi que de pertes brutes et gains potentiels, estimés sur la période de simulation - démarrant à partir du lendemain de la date d'arrêté.

Il est ensuite défini un paramètre « alpha », permettant de calibrer ce deuxième modèle - ce paramètre étant lui-même calibré d'après un scénario de référence correspondant au nombre de défaillances attendues sur la période de simulation à partir de la population d'entreprises cotées et endettées à la date d'arrêté. Ce paramètre permet d'effectuer une pondération entre deux matrices de transitions à horizon un an : la plus défavorable - élaborée sur la base de la matrice de transitions de l'année 2009 - et la plus favorable - élaborée sur celle de l'année 2017.

C'est ainsi que le phénomène de « loi d'écoulement » précédemment décrit est pris en compte grâce à l'actualisation des cotes de crédit, et l'utilisation de matrices stressées qui vont projeter année après année les pertes attendues.

B. DES MODÈLES INDÉPENDANTS DES SCENARII MACROÉCONOMIQUES DU GOUVERNEMENT

1. Des modèles dont l'amélioration peut expliquer la forte évolution des estimations pour 2022, ...

Une première modélisation a été demandée à l'été 2020 par la direction générale du Trésor à la Banque de France pour le projet de loi de finances pour 2021. Le scénario de référence permettant de calibrer le paramètre « alpha » était celui d'une période de crise de deux ans, infligeant un « stress » sur les cotations FIBEN pour les années 2021 et 2022, puis une période « hors crise », pour les années 2023 à 2026. Pour la première année de crise, la Banque de France a pris l'hypothèse d'un déclin du PIB de 9 % par rapport au niveau de 2019, décliné ensuite sectoriellement conformément aux évolutions observées en 2020 pour en déduire un impact sur les comptes des entreprises.

À l'issue de la première année du choc, il était appliqué, sur la répartition initiale du nombre de bénéficiaires des PGE par cotation un taux de défaillance lui-même « stressé », aboutissant à la construction d'une « matrice de transition stressée » appliquée aux entreprises toujours en vie à l'issue de la première année. Les paramètres relatifs au montant du PGE, à la quotité garantie ainsi qu'au capital restant dû étaient ensuite appliqués, de même que le « loss given default », estimé à 60 % de l'encours restant pour les grandes entreprises et les ETI et à 80 % pour les TPE et PME. La même procédure était appliquée pour la deuxième année de crise. De même pour les années « hors crise » mais sur la base d'une matrice de transition et de taux de défaillance observés en moyenne les cinq années précédant la crise.

L'estimation effectuée en août 2021 a été réalisée sur le même principe, avec trois périodes : la période écoulée (2020), les deux années de crise (2021 et 2022) et les trois années normales (2023 à 2026).

Pour l'estimation de janvier 2022, la période de crise a été réduite, sur la base d'une observation de la Cour des comptes, de deux ans à un an. En effet, les années de crises ont été moins intenses que prévu. La matrice de transition stressée n'était ainsi appliquée qu'une seule fois, comme les taux de défaut de crise. Cela explique la révision à la baisse de la provision qui a été faite en 202296(*).

Pour l'estimation effectuée en juillet 2022, permettant de déterminer les prévisions pour le PLF 2023, le scénario de déférence permettant de calibrer le paramètre « alpha » a connu une évolution significative. En effet, le choix qui fut fait fut de sortir du cadre binaire entre années de crise et années hors crise, pour estimer que, sur la période 2022-2028, la tendance de défaillance des entreprises sera semblable à celle observée sur la période 2009-2015. Ainsi, le scénario retenu considère que le nombre total de défaillances, rapporté à la population d'entreprises cotées, sera égal, sur les six prochaines années (période allant du 1er décembre 2022 au 30 novembre 2028), au nombre de défaillances observées entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2015. La période de retenue (2009-2015) correspond en effet à une période de dégradation de l'activité et de reprise lente, accompagnée de défaillances élevées et marquée par deux épisodes de crise (2009 et 2013).

En 2022 les défaillances d'entreprises ont fortement augmenté (plus de 41 000), mais restent environ 15 % inférieures à leur niveau de 2019 (au nombre de 51 500). Selon la direction générale du Trésor, malgré les chocs économiques, le scénario retenu conserve une marge de prudence puisque le nombre annuel moyen de défaillances sur la période 2009-2015 était de 61 900, soit 20 % plus élevé que le nombre annuel de défaillances de 2019.

Cette amélioration de la modélisation contribue à expliquer les fortes évolutions dans les crédits évalués pour l'année 2022 : entre janvier 2022 et août 2022, le montant d'appels en garanti estimé par la Banque de France pour 2022 a diminué de 300 millions d'euros - du fait aussi d'un nombre d'appels en garantie moindre qu'anticipé sur la première partie de l'année. L'annulation de crédits de 2,03 milliards d'euros intervenue sur le programme 114 en deuxième loi de finances rectificatives pour 202297(*), due pour l'essentiel à un niveau d'appels en garantie au titre des PGE moindre qu'anticipé - sur la base du calibrage précédent - en loi de finances initiale pour 2022, a achevé de confirmer cette tendance.

Évolution des estimations et exécution des appels en garantie au titre des PGE
et du programme 114 pour l'année 2022

 

Programme 114 (Appels en garantie)

Appels en garantie au titre des PGE

Loi de finances pour 2022

3,50 milliards d'euros

2,65 milliards d'euros

Estimation janvier 2022 (Banque de France)

-

2,31 milliards d'euros

Estimation août 2022 (Banque de France)

-

2,04 milliards d'euros

Seconde loi de finances rectificative (2022 révisé)

1,50 milliard d'euros

-

Loi de règlement pour 2022 (exécution)

1,51 milliard d'euros

1,37 milliard d'euros

Source : documents budgétaires ; rapport spécial de M. Jérôme Bascher sur la mission « Engagements financiers de l'État » pour le PLF 2023 (novembre 2022) ; rapport de la Cour des comptes sur les PGE (juillet 2022)

2. ... mais qui ont en commun de ne pas se fonder sur les scenarii macroéconomiques du Gouvernement

Une faiblesse demeure cependant : l'absence de bouclage entre le scénario macroéconomique du Gouvernement utilisé pour déterminer les recettes et les dépenses attendues pour l'année à venir d'une part, et les prévisions utilisées par la Banque de France pour construire son modèle d'autre part.

Par ailleurs, en l'absence de scénario des défaillances de référence établi en dehors de l'exercice d'estimation des pertes PGE, la direction générale du Trésor a établi un scénario pour les nécessités de l'exercice : celui consistant à répliquer sur la période 2023-2028 la tendance des défaillances enregistrée sur 2009-2015.

Si l'on comprend la nécessité d'arrêter un scénario de référence qui soit le plus vraisemblable possible, rien n'indique pourtant a priori que la tendance des défaillances sur la période 2023-2028 suivra précisément celle de 2009-2015. Il n'y a pas de raison particulière pour que les défaillances d'entreprises en sortie de crise sanitaire suivent la même trajectoire qu'en sortie de crise financière. Au demeurant, la crise de 2008-2009 était plutôt une crise de demande tandis que celle de 2020 a été une crise dont les répercussions ont particulièrement pesé sur l'offre - avec un fort soutien de l'État. Ces divergences impliqueraient probablement une déformation de la trajectoire des défaillances par rapport à la période 2009-2015. Par ailleurs, la concentration des remboursements, des difficultés qui pourraient les accompagner, et donc des potentiels appels en garantie sur la fin de la période n'est qu'imparfaitement prise en compte dans le scénario de référence.

Le Trésor le reconnaît lui-même : « l'évolution des défaillances à un tel horizon est nécessairement sujette à un degré d'incertitude élevé. L'évolution des défaillances dépendra de l'évolution de la conjoncture macroéconomique ; toute variable susceptible d'affecter les résultats des entreprises pouvant modifier le niveau de défaillances observé. La croissance de l'activité, le coût du financement des entreprises, l'inflation, les prix de l'énergie et des intrants des entreprises, les tensions sur les chaines d'approvisionnement, la disponibilité de la main d'oeuvre, les niveaux des salaires, le niveau de demande (intérieure et extérieure), constituent autant de facteurs susceptibles d'avoir un effet sur les niveaux de défaillances dans les années à venir98(*) ».

Pour autant, la modélisation des pertes pour l'État au titre des PGE ne permet pas d'isoler l'effet de chocs macroéconomiques spécifiques sur la trajectoire des appels en garantie. L'évaluation de l'effet du choc sur les prix de l'énergie en 2022 (et des dispositifs de soutien mis en place) sur la situation financière des entreprises constituerait par exemple un exercice de modélisation à part entière.

Ainsi, si le nouveau scénario de référence pourrait aboutir à des estimations plus fidèles que les précédentes, il demeure étrange - même si les prévisions macroéconomiques de la Banque de France peuvent être proches de celles de la direction générale du Trésor - que ces modélisations ne se fondent pas sur éléments de prévision et les estimations macroéconomiques du Gouvernement pour effectuer le cadrage économique et financier de la loi de finances.

Recommandation n° 7: fonder les estimations de pertes PGE sur les prévisions macroéconomiques du Gouvernement afin de permettre un réel bouclage du budget de l'État.

Enfin, la certification des comptes 2022 menée par la Cour des comptes99(*) a permis d'identifier un dernier sujet : dans les comptes de l'État, les engagements hors bilan dus aux PGE sont évalués à 81 milliards d'euros (dont 5 milliards de provision pour risques) alors que la Banque de France, pour réaliser ses dernières estimations, s'était fondée sur un encours garanti restant de 90 milliards d'euros. Le fichier Bpifrance transmis à l'administration pour déterminer les estimations d'engagement hors bilan renseignerait en effet, en cas d'anomalie sur un montant de capital restant dû, un montant de 0, tandis que la Banque de France redresserait les données pour réaliser ses estimations de pertes dues aux PGE. Au total, la qualité des estimations n'en paraît donc pas affectée, mais il semble indispensable de raccorder les données utilisées par la Banque de France pour élaborer ces estimations avec celles retenues par l'État pour calculer le montant des engagements hors bilan.

Recommandation n° 8 : harmoniser les montants utilisés par la Banque de France pour effectuer les estimations de pertes nettes liées aux PGE et ceux utilisés par l'administration pour déterminer le montant des engagements hors bilan.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 7 juin 2023 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de M. Jérôme Bascher, rapporteur spécial, sur les prêts garantis par l'État : mieux comprendre les risques pour le budget de l'État.

M. Claude Raynal, président. - En ce début d'après-midi, nous entendons Jérôme Bascher, rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'État », qui va nous présenter les conclusions de son contrôle budgétaire sur le risque associé aux prêts garantis par l'État (PGE).

M. Jérôme Bascher, rapporteur spécial. - Ce contrôle budgétaire s'inscrit dans la continuité des travaux de notre rapporteur général, en particulier son rapport sur la sortie des PGE de mai 2021. L'idée de mener un travail sur le sujet est née lors de l'examen du dernier projet de loi de finances : les estimations de pertes brutes liées aux PGE pour 2023, s'élevant à 1,9 milliard d'euros, ne paraissaient pas être en accord avec les prévisions économiques très optimistes du Gouvernement. Un autre point avait attiré mon attention : l'annulation, dans le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2022, de 2 milliards d'euros sur les 3,5 milliards initialement prévus sur le programme 114 « Appels en garantie » de la mission « Engagements financiers de l'État ».

Le dispositif des PGE est fondé sur un système ingénieux car indolore, au moins temporairement, pour les finances publiques : l'État est sollicité uniquement au moment de l'appel en garantie.

Alors que nous arrivons à mi-parcours - les PGE ont été créés en 2020, ils doivent, du moins pour ceux qui n'ont pas fait l'objet de restructuration, être remboursés au plus tard en 2026 - je tiens tout d'abord à accorder un satisfecit face à la réactivité et la capacité d'adaptation des pouvoirs publics dans la mise en oeuvre des PGE. Annoncés par le Président de la République dès son allocution du 16 mars 2020, ils ont en effet été mis en place en l'espace d'une dizaine de jours. Il faut à cet égard saluer le rôle de la direction générale du Trésor, à la manoeuvre dans la conception du dispositif voté par le Parlement à l'article 6 de la loi de finances rectificative du 23 mars 2020 et mis en application par un arrêté du même jour - on aimerait qu'une telle rapidité d'application des lois soit la norme. La Commission européenne avait mis en place un cadre temporaire le 19 mars 2020, permettant de déployer le dispositif des PGE.

Les PGE avaient été conçus pour une crise d'un trimestre. Pour tenir compte de l'évolution de l'épidémie et de ses conséquences économiques, il a fallu adapter le dispositif. Initialement censés durer jusqu'au 31 décembre 2020, les PGE ont ainsi été prolongés jusqu'au 30 juin 2022 pour les PGE « classiques », et au 31 décembre 2023 pour les PGE « Résilience ». Ces derniers n'ont rencontré qu'un succès mitigé, suggérant une faible utilité du dispositif.

Les initiatives prises pour contenir le risque de non-remboursement des PGE et mieux détecter les entreprises en difficulté doivent aussi être saluées. Elles se situent dans la droite ligne des recommandations préconisées par notre rapporteur général il y a deux ans. J'y reviendrai.

Globalement, les PGE ont permis une préservation des intérêts de l'État et des entreprises aux différentes étapes du prêt. La phase d'octroi a essentiellement reposé sur les banques. Avec une quotité garantie par l'État comprise, selon la taille de l'entreprise, entre 70 et 90 % du montant du prêt et un délai de carence de deux mois à compter de son octroi, celles-ci ont supporté une partie du risque de crédit, ce qui les a dissuadées de prêter à des entreprises non viables. Lorsque les banques refusaient, il était possible de se tourner vers le médiateur du crédit mais, au moins, les prêts ont été accordés dans de bonnes conditions. Les entreprises « zombies » n'ont pas concentré plus de 4 % du total des PGE octroyés.

Lors de la phase d'octroi, Bpifrance - dont les relations avec les banques sont régies, sur le sujet des PGE, par un acte d'adhésion - a été chargée de vérifier le respect des conditions d'éligibilité des entreprises et de plafonnement du montant des prêts en fonction du chiffre d'affaires. Cela a bien fonctionné, avec la mise en place d'une plateforme, et un gabarit de fichier normalisé, dans le cadre d'un système informatique rénové.

Je veux ici aussi saluer le travail de cette structure, qui n'a pourtant pas encore été compensée pour l'ensemble des dépenses qu'elle a engagées. En effet, une telle compensation avait été exclue lors de la création du dispositif pour des raisons d'appels d'offre, et le défraiement prévu depuis a été conditionné à la signature, encore en attente, de la convention de gestion du PGE entre Bpifrance et le Trésor. L'État a « oublié » de payer ; il convient de compenser rapidement et au juste niveau Bpifrance pour les dépenses engagées au titre du suivi et de la gestion des PGE pour le compte de l'État. C'est l'objet de la recommandation n° 2.

Ces prêts sont ensuite amortis. Pour laisser une certaine marge de manoeuvre aux entreprises, un différé d'amortissement d'un an avait été initialement prévu, et complété en janvier 2021 par la possibilité de bénéficier d'un différé d'un an supplémentaire, toujours dans la limite d'une durée de prêt de six ans. De nombreuses entreprises ont demandé ces prêts sans les utiliser. Beaucoup ont pioché dans leur trésorerie, en sachant qu'elles avaient par ailleurs le PGE. Cela leur permet de se préserver une soupape, avec un prêt dont le taux d'intérêt est plus faible que les taux actuels.

Par ailleurs, des facilités ont ultérieurement été aménagées pour les entreprises en difficulté, rendant possible la prolongation du prêt au-delà de six ans avec l'accord de la Commission européenne : le juge peut décider le report ou l'échelonnement de deux ans des sommes dues (le prêt dure donc huit ans), une restructuration amiable sous l'égide du juge et des procédures judiciaires peuvent aussi conduire à la prolongation du PGE sans limitation de durée (dans les faits, les plans se limitent à dix ans), et le recours à la médiation du crédit pour les PGE inférieurs à 50 000 euros peut donner lieu à un étalement du prêt jusqu'à quatre années supplémentaires.

Ces dispositions ne sont pas sans rappeler la recommandation n° 7 du rapport « Husson » sur les PGE : « maintenir, avec l'autorisation de la Commission européenne, la garantie de l'État en cas de restructuration d'endettement s'étendant au-delà de la limite de six ans prévue pour les PGE, afin d'inciter davantage à l'étalement des dettes d'une entreprise en difficulté ».

Au 31 janvier 2023, 143,8 milliards d'euros de PGE avaient été octroyés ; 50,7 milliards d'euros avaient été remboursés, et le capital restant dû s'élevait à 93,1 milliards d'euros.

Enfin, en cas d'événement de crédit, la banque peut effectuer un appel en garantie. Celui-ci est en général séquencé en un versement provisionnel - où l'État n'accorde qu'une partie du montant de l'indemnisation - et un versement final, intervenant une fois toutes les diligences de recouvrement possibles, amiables ou judiciaires, utilisées. Ces demandes d'indemnisation donnent encore lieu à un contrôle documentaire par Bpifrance. À cette occasion, si le montant indemnisable constaté lors d'une indemnisation finale est supérieur au montant du versement provisionnel net effectué, la différence entre les deux montants est payée au prêteur. Dans le cas contraire, il reverse le trop-perçu à Bpifrance, qui le reverse à l'État. C'est un système un peu compliqué, et dont la traçabilité n'est encore pas totalement assurée. Ainsi, le budget de l'État n'est que progressivement mobilisé dans le cadre de ce processus.

Au 31 janvier 2023, 1,83 milliard d'euros avait été appelé en garantie au titre des PGE, mais ce montant ne représente qu'une perte brute, qui ne suffit pas à apprécier l'impact budgétaire des PGE. La perte nette pour l'État se compose en effet de la perte brute liée à l'appel en garantie, diminuée du trop-perçu, mais surtout de la commission versée à l'État - et comprise dans le taux du prêt - en échange de sa garantie. Jusqu'à aujourd'hui, cette commission était légèrement supérieure à la perte brute : ainsi, jusqu'en 2022, l'État était bénéficiaire net, mais il devrait être perdant à partir de 2023.

Si le risque budgétaire est maîtrisé, des points de vigilance demeurent sur les petites entreprises et certains secteurs. Les différentes estimations réalisées depuis la mise en oeuvre des PGE ont anticipé des pertes nettes comprises entre 1,4 et 5,3 milliards d'euros. La plus optimiste date de janvier 2022 ; depuis, la dégradation de la situation macroéconomique associée notamment au conflit russo-ukrainien a entraîné une hausse des pertes nettes anticipées, qui ne devraient toutefois pas dépasser 3,6 milliards d'euros sur la durée du dispositif en 2030, ce qui demeure limité.

En effet, malgré la remontée des taux et l'inflation, en particulier sur les prix de l'énergie qui constituent une part significative des coûts de production, les entreprises parviennent à afficher des taux de marge élevés - 33,5 % au deuxième trimestre 2023. Ainsi, le nombre de défaillances d'entreprises, s'il augmente, demeure mesuré : fin avril 2023, il s'élevait à 46 000 sur 12 mois, soit 5 000 de moins que sur l'année 2019, où le niveau était déjà particulièrement bas. Si l'endettement des entreprises françaises demeure élevé, les indicateurs relatifs aux restes à recouvrer par les Unions de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) indiquent aussi une santé financière des entreprises rassurante. Cela dit, il faut noter que l'augmentation des défaillances est peu cohérente avec les prévisions macroéconomiques optimistes du Gouvernement annoncées en PLF 2023.

Toutefois, des points de vigilance existent : le niveau de défaillances des TPE (hors microentreprises) et des PME (ETI exclues), s'il demeure raisonnable, a significativement augmenté par rapport à 2019 alors que ces types d'entreprises concentrent l'essentiel des PGE et du capital restant dû. Les très petites entreprises, surtout celles de moins de dix salariés, sont très mal suivies et se trouvent souvent en difficulté. Parmi les nombreuses entreprises qui ferment aujourd'hui dans le domaine de l'habillement, ce sont souvent les toutes petites entreprises qui sont concernées. La proportion de TPE-PME craignant de ne pouvoir rembourser leur PGE est ainsi passée de 7 à 9 % entre février 2023 et mai 2023 - retrouvant ainsi son niveau d'avril 2022.

Les secteurs de l'hébergement-restauration, de l'industrie manufacturière et dans une moindre mesure le secteur du bâtiment doivent faire l'objet d'une attention particulière du point de vue du risque PGE.

Enfin, dans la mesure où 72 % des encours des PGE ont des échéances finales sur 2026, il est possible de s'attendre à une vague d'appels en garantie cette année-là.

L'accompagnement des entreprises en difficulté a été renforcé dans le cadre de la crise sanitaire. Si nous ne sommes pas tout à fait dans les clous de la recommandation n° 3 du rapport Husson, qui préconisait de transformer le CODEFI en comité partenarial de financement des entreprises en sortie de crise, on s'en rapproche ! Seul bémol : les Urssaf ne sont pas encore vraiment dans la boucle. Elles décident parfois le recouvrement de créances reportées, mais cela se fait sans réelle discussion avec les autres services de l'État sur le territoire, ce qui met en difficulté certaines petites entreprises.

Par ailleurs, un dispositif de repérage des entreprises en difficulté sur la base de leurs données, Signaux Faibles - « start-up d'État » constituée d'une dizaine de data scientists - se déploie progressivement sur le territoire de façon à faciliter le travail d'accompagnement offert aux entreprises en difficulté par les agents publics. Même si l'impact budgétaire en serait sans doute faible, il conviendrait, à terme, d'élargir les missions de Signaux Faibles pour leur permettre de s'intéresser aux petites entreprises.

La Banque de France réalise deux fois par an une estimation des pertes liées aux PGE pour le compte de la direction générale du Trésor. Elle pourrait le faire désormais sur base trimestrielle. La transmission de ces estimations au Parlement, ainsi que l'introduction de précisions concernant l'évolution du capital restant dû par cote de crédit dans les documents budgétaires, lui permettrait de mieux appréhender le risque budgétaire associé aux PGE. Il s'agit de mes recommandations n° 1 et n° 3.

La transmission des estimations au Parlement ainsi que l'obtention de précisions sur l'évolution du capital restant dû permettraient de mieux appréhender le risque associé aux PGE, c'est l'objet des première et troisième recommandations.

Les estimations de la Banque de France sont robustes. Toutefois, certaines hypothèses sous-jacentes, ou « scénario de référence », de ce modèle sont définies par la direction générale du Trésor : à partir de juillet 2022, il a ainsi été décidé de calquer le rythme de défaillances attendues sur la période 2022-2028 sur celui observé entre 2009 et 2015. On comprend la nécessité d'arrêter un scenario de référence vraisemblable mais rien n'indique a priori que la tendance des défaillances sur la période 2022-2028 sera en adéquation avec les estimations formulées sur la base des chiffres de la période 2009-2015. Il y a là un problème de modélisation et un problème d'actualisation des données, car le contexte économique a beaucoup changé par rapport à la période 2009-2015.

Au surplus, comme les remboursements sont consacrés aux PGE et aux Urssaf, les modélisations élaborées par la Banque de France pourraient s'avérer insuffisantes, mais il est trop tôt pour l'affirmer.

Enfin, la certification des comptes 2022 menée par la Cour des comptes a permis d'identifier un dernier sujet : dans les comptes de l'État, les engagements hors bilan dus aux PGE sont évalués à 81 milliards d'euros (dont 5 milliards de provision pour risques) alors que la Banque de France, pour réaliser ses dernières estimations, s'était fondée sur un encours garanti restant de 90 milliards d'euros. 9 milliards d'écart, ça fait beaucoup...

Le fichier Bpifrance transmis à l'administration pour déterminer les estimations d'engagement hors bilan renseignerait en effet, en cas d'anomalie sur un montant de capital restant dû, un montant de 0, tandis que la Banque de France redresserait les données pour réaliser ses estimations de pertes dues aux PGE. Il y a un souci d'harmonisation des données. Cela fait tout de même trois ans, donc il est temps de remédier. Certes, la qualité des estimations n'en paraît pas fondamentalement affectée, mais il semble indispensable de raccorder les données utilisées par la Banque de France pour élaborer ces estimations avec celles retenues par l'État pour calculer le montant des engagements hors bilan : c'est ma huitième recommandation.

Au total, les PGE constituent un dispositif, qui été construit dans des délais très restreints, mais qui a plutôt permis d'atteindre les objectifs. Les recommandations du Rapporteur général, dans son rapport de mai 2021 ont été, il faut le souligner, plutôt suivies d'effet.

Les résultats de ce contrôle sont plutôt rassurants. Le risque budgétaire n'est pas démesuré pour l'État : 3,6 milliards d'euros sur un encours d'environ 144 milliards d'euros, on est sur un ratio assez classique finalement.

Le risque pourrait toutefois être encore réduit grâce à un meilleur repérage et un meilleur accompagnement des entreprises en difficulté - notamment les plus petites. Si je récapitule, c'est un bon dispositif mais on peut faire mieux sur l'information du Parlement, pour lui permettre d'appréhender correctement l'évolution du risque, et sur la cohérence des données prises en compte par les différents organismes.

M. Claude Raynal, président. - Merci pour cette présentation optimiste, on aurait pu craindre davantage encore que 3,6 milliards d'euros de pertes.

M. Jean-François HUSSON, rapporteur général. - Au regard de l'analyse qui est faite, il semble que nos précautions étaient justifiées et qu'elles ont finalement permis à nos craintes de ne pas se traduire concrètement, c'est tant mieux. Si les choses restent en l'état, les PGE auront permis un retournement efficace de conjoncture. Les taux d'intérêt assez élevés que nous connaissons en ce moment ont plutôt incité les entreprises à s'appuyer sur les conditions d'emprunt relativement avantageuses que l'État leur garantissait, donc elles se sont bien approprié le dispositif et cela a eu un impact économique positif, mais il faut maintenant souhaiter qu'elles ne fassent pas comme l'État, en vivant un peu sous perfusion, et que leur retour aux conditions normales du marché s'opère rapidement.

L'État, au final, a bien protégé ses intérêts. Nous émettions des doutes lorsque le Gouverneur de la Banque de France, au moins à deux reprises, a minimisé le risque d'un défaut massif de remboursement. Force est de constater que ça n'a pas eu lieu. Il faudra maintenant voir l'étendue des dégâts de la crise, à terme, sur le tissu économique et le nombre de défaillances d'entreprises, mais c'est un autre sujet. Sur le seul aspect budgétaire et sur la question des finances publiques, le dispositif a en tout cas bien joué son rôle. En revanche, j'en tire la conclusion que lorsque nous mettons en place des mesures d'accompagnement des entreprises qui supposent l'intervention de plusieurs acteurs institutionnels, on peut faire mieux quant à leur articulation. Les Urssaf restent trop en vase clos alors qu'elles devraient davantage inscrire leur action dans un écosystème institutionnel qui demande une bonne fluidité entre tous les intervenants.

M. Marc Laménie. - Le capital restant dû, à savoir 93 milliards d'euros, ce n'est pas négligeable. Quelles seront les modalités d'accompagnement des entreprises en difficulté, en particulier des petites entreprises, pour rembourser ?

M. Arnaud Bazin. - Le remboursement des prêts se fait-il systématiquement in fine ou y a-t-il des remboursements intermédiaires ? Il a été question d'amortissement à un moment, donc je souhaiterais que notre rapporteur puisse clarifier ce point.

Par ailleurs, si j'ai bien saisi, certaines entreprises ont rempli le contrat d'emprunt mais n'ont pas forcément sollicité le décaissement des sommes. A-t-on une idée du volume que représente ce cas de figure et, le cas échéant, cette somme s'ajoute-t-elle aux 89 milliards, d'autant que des décaissements peuvent encore être sollicités jusqu'à la fin de l'année, voire même des contrats ?

Sur le fond, se pose aujourd'hui la question de l'évaluation du dispositif. On voit certes qu'il y a eu moins de faillites qu'attendu mais comment peut-on apprécier le fait que c'est ce dispositif en particulier qui aurait réellement permis d'éviter le pire en cette période de crise ? Certaines entreprises ont en effet cherché à bénéficier du mécanisme par simple précaution mais ne s'en sont pas servi. Enfin, dans le prolongement du dernier point évoqué par le Rapporteur général, au vu du succès rencontré par le dispositif, existe-t-il une tentation de pérenniser certains aspects du mécanisme, pour les conserver hors période de crise, par exemple lorsque des tensions sectorielles apparaissent ?

M. Vincent Capo-Canellas. - Comme Arnaud Bazin, je m'interroge sur les leçons que l'on peut tirer pour l'avenir de ce type d'outils, que ce soit en période de crise d'un autre type, ou de manière durable. Faut-il imaginer un dispositif pérennisé et le cas échéant, reformaté ? Est-ce comme cela qu'il faut interpréter les conclusions positives du rapporteur ?

Sans aller jusqu'à parler d'effet d'aubaine, notre rapporteur a souligné qu'il existait des entreprises ayant sans doute arbitré en faveur de ce prêt en se disant que c'était moins compliqué que de négocier avec une banque et surtout que le taux consenti était fort avantageux en période d'inflation, alors qu'elles n'étaient pas particulièrement frappées par la crise. Ces entreprises sont enclines à solliciter la prorogation du dispositif. Est-on en mesure d'évaluer la part des entreprises concernées par cette situation ? Y aurait-il un intérêt pour l'État à être plus strict dans l'accès au PGE en le réservant désormais aux entreprises en ayant réellement besoin, et cela vous semble-t-il techniquement faisable ?

M. Michel Canévet. - Parmi les mesures analogues prises par le Gouvernement pour permettre aux entreprises de franchir cette période difficile, figurait également l'octroi de délais concernant les règlements fiscaux auprès des directions départementales et générale des finances publiques (DDFiP et DGFiP) et les règlements sociaux auprès de l'Urssaf. Un certain nombre de signaux sur ce point montrent que tous les risques ne sont pas écartés pour les entreprises. Notre rapporteur dispose-t-il d'éléments à ce sujet ?

M. Claude Raynal, président. - J'ai vu passer des propositions du Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) concernant le non remboursement des PGE dans le cadre de règlement d'entreprises. Cela constitue un mauvais signal : si le CIRI pousse à ne pas rembourser le PGE parce que l'entreprise se porte mal, et que cela permettrait de relancer le secteur, je crains que cela crée des disparités entre les entreprises. Je pense en particulier aux TPE, on a tous en tête l'exemple des boulangers en ce moment, qui ont des difficultés pour rembourser et qui pourraient être tentés de s'appuyer sur les arguments du CIRI pour ne pas rembourser. Je crains un effet boule de neige. Est-ce que le rapporteur dispose d'informations sur l'ampleur et sur la réalité ou non de ce phénomène, et sur les positions officielles sur le sujet?

M. Jérôme Bascher, rapporteur spécial. - Pour répondre au rapporteur général, mais aussi à M. Bazin, certaines entreprises déposent leur bilan avant d'être défaillantes, ce qui n'est parfois pas indiqué dans les statistiques générales. Ce sujet a été évoqué avec le médiateur du crédit, Frédéric Visnovsky. Il faut y prendre garde. La croissance n'est pas là et les entreprises cessent leurs activités pour faire autre chose.

M. Laménie, en cas de défaillance, on demande une restructuration du prêt, soit amiable, soit judiciaire, soit en ayant recours à la médiation du crédit. La dette peut être étalée sur une durée allant jusqu'à quatre années supplémentaires. Aujourd'hui, c'est l'hôtellerie-restauration et l'industrie manufacturière qui rencontrent le plus de problèmes. Le capital restant dû y est respectivement de 8 et 11,4 milliards d'euros.

M. Bazin, il y a certes des prêts in fine, mais principalement des prêts à amortissement. L'État ne peut pas revenir sur les contrats, qui sont souscrits entre l'entreprise et une banque. Le mécanisme fonctionne plutôt bien.

S'agissant des décaissements, il n'y a pas de données parce que la banque dit que le prêt a été octroyé, mais pas la somme qui a été décaissée.

Au Royaume-Uni, le prêt est garanti à 100 %, ce qui a pu encourager les établissements de crédit à être moins regardants dans l'octroi des prêts. Il vaut mieux partager les risques, comme ce qui a été fait en France : la banque connaît le client et peut évaluer les risques.

M. Canévet, les DDFiP et l'Urssaf ne se parlent pas, c'est un vrai problème sur lequel les entreprises m'ont alerté.

M. le Président, le CIRI considère que la dette relative au PGE ne doit pas être « juniorisée », c'est-à-dire qu'elle doit bien être honorée. Il faut éviter l'effet de contagion. C'est en tout cas une question que j'ai posée au CIRI, qui dit faire attention au problème.

M. Claude Raynal, président. - Je connais une entreprise dont les PGE ont été divisés par deux.

M. Jérôme Bascher. - Cela suppose normalement que les autres prêts le soient aussi.

M. Claude Raynal, président. - Je m'inquiète en tout cas à ce sujet. Des petites entreprises se demandent pourquoi une entreprise relativement grosse peut bénéficier de ce type de mesure. Il serait bon que le CIRI définisse une position claire.

La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et a autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cour des comptes

- Mme Mathilde LIGNOT-LELOUP, conseillère maître ;

- Mme Lorraine AEBERHARDT, conseillère référendaire.

Direction générale du Trésor (DGT)

- M. Sébastien RASPILLER, chef du service du financement de l'économie (SFE) ;

- M. Pierre CHABROL, sous-directeur du financement des entreprises et du marché financier (FINENT) ;

- M. Clément ROBERT, chef du bureau du financement et du développement des entreprises (FINENT2) ;

- M. Antoine BERGEROT, chef du bureau des affaires bancaires (BANCFIN1) ;

- Mme Hind BENITTO, adjointe au chef du bureau des financements directs (FININTER2) ;

- M. Benjamin HADJIBEYLI, adjoint au chef du bureau du pôle d'analyse économique du secteur financier - stabilité financière (PAESF).

Direction générale du Trésor (DGT) et Direction générale des entreprises (DGE)

- M. Pierre-Olivier CHOTARD, secrétaire général du comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) et sous-directeur adjoint en charge du financement des entreprises et du marché financier (FINENT) (DGT) ;

- M. Benjamin NEFUSSI, sous-directeur de la prospective, des études et de l'évaluation économique (DGE) ;

- M. Thibaud CAZANAVE, chargé de mission au sein de la sous-direction de la prospective, des études et de l'évaluation économique ;

- M. Emmanuel LEMAUX, adjoint au chef de la mission de restructuration des entreprises.

Banque de France

- Mme Émilie QUEMA, directrice des entreprises ;

- Mme Loriane PY, adjointe au chef du service de l'Observatoire des Entreprises ;

- M. Benjamin BUREAU, économiste à l'Observatoire des Entreprises ;

- M. Frédéric VISNOVSKY, médiateur national du crédit.

Bpifrance

- M. Bertrand FONTAINE, directeur de la garantie ;

- M. Philippe MUTRICY, directeur de l'évaluation, des études et de la prospective ;

- M. Baptiste THORNARY, responsable du pôle Évaluation-conjoncture-macroéconomie ;

- M. Jean-Baptiste MARIN-LAMELLET, directeur des relations institutionnelles.

Fédération bancaire française

- Mme Maya ATIG, directrice générale ;

- M. David VERFAILLIE, chargé de mission Financement des entreprises ;

- M. Maxime DURIER, chargé des relations institutionnelles.

Économistes

- M. Denis FERRAND, directeur de Rexecode ;

- Mme Anne ÉPAULARD, conseillère à France Stratégie.

Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf)

- M. Emmanuel DELLACHERIE, directeur de la réglementation, du recouvrement et du contrôle ;

- M. Alain GUBIAN, directeur des statistiques, des études et de la prévision.

Table ronde de représentants du secteur de l'hôtellerie

Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie (UMIH)

- M. Éric ABIHSSIRA, vice-président confédéral ;

- M. Vincent DOLLÉ, directeur des affaires économiques, fiscales et des nouvelles technologies.

Groupement National des Indépendants (GNI)

Groupement des Hôtelleries et Restaurations de France (GHR)

- M. Franck TROUET, délégué général du GHR ;

- M. Laurent FRÉCHET, président des restaurateurs et président du GNI.

Signaux Faibles

- Mme Élodie QUEZEL, intrapreneuse et directrice opérationnelle ;

- M. Christophe NINUCCI, chef technique.


* 1 Ce chiffre provient du baromètre trimestriel de Bpifrance et Rexecode de mai 2023. S'il est en hausse de 2 points par rapport au trimestre précédent, il est identique à celui d'avril 2022. Il doit être interprété avec précaution, puisqu'il se fonde sur une enquête menée auprès d'un nombre limité d'entreprises (400 à 500).

* 2 « Comment réussir la sortie des prêts garantis par l'État (PGE) ? ». Rapport d'information n° 583 (2020-2021) de M. Jean-François HUSSON, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, déposé le 12 mai 2021.

* 3 Article 161 de la loi de finances n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 pour 2022.

* 4 Comme celles-ci ne s'appliquent qu'aux entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 750 000 euros - soit un quart des entreprises ayant contracté un PGE - la Banque de France attribue une cote prudente et conservatrice (5+) aux entreprises non cotées.

* 5 Rapport d'information n° 583 (2020-2021) fait au nom de la commission des finances sur les prêts garantis par l'État par M. Jean-François HUSSON, rapporteur général, déposé le 12 mai 2021.

* 6 Loi de finances n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 7 Arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l'État aux établissements de crédit et sociétés de financement en application de l'article 6 de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 8 Communication de la Commission 2020/C 91 I/01 - Encadrement temporaire des mesures d'aide d'État visant à soutenir l'économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19.

* 9 Le rapport public thématique de la Cour des comptes publié en juillet 2022 « Les prêts garantis par l'État. Une réponse efficace à la crise, un suivi nécessaire » détaille l'emploi des différents dispositifs par les principaux pays européens.

* 10 Audition de la direction générale du Trésor par le rapporteur.

* 11 Ainsi que celle des modifications successives du régime d'aide.

* 12 Communiqué de presse de la Commission européenne, Aides d'État: la Commission supprimera progressivement l'encadrement temporaire des aides d'État COVID.

* 13 Communication de la Commission européenne, Encadrement temporaire de crise pour les mesures d'aide d'État visant à soutenir l'économie à la suite de l'agression de la Russie contre l'Ukraine.

* 14 Communication de la Commission, modification de l'encadrement temporaire de crise pour les mesures visant à soutenir l'économie à la suite de l'agression de la Russie contre l'Ukraine.

* 15 Communication de la Commission, Encadrement temporaire de crise pour les mesures d'aide d'État visant à soutenir l'économie à la suite de l'agression de la Russie contre l'Ukraine.

* 16 Communication de la Commission, Encadrement temporaire de crise et de transition pour les mesures d'aide d'État visant à soutenir l'économie à la suite de l'agression de la Russie contre l'Ukraine.

* 17 Et huit si l'on compte la coordination due à la modification du nom de Bpifrance à l'article 3 de l'ordonnance n° 2020-739 du 17 juin 2020.

* 18 Article 3 de l'arrêté du 23 mars 2023.

* 19 L'article 6 de l'arrêté du 23 mars 2020 prévoit un pourcentage de 90 % pour les entreprises employant moins de 5 000 salariés réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 1,5 milliard d'euros, de 80 % pour les autres entreprises réalisant un chiffre d'affaire inférieur à 5 milliards d'euros, et 70 % pour les autres entreprises.

* 20 Article 6 de l'arrêté du 23 mars 2020.

* 21 Rapport de la Cour des comptes précité.

* 22 Arrêté du 13 juillet 2020 portant modification de l'arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l'État aux établissements de crédit et sociétés de financement en application de l'article 6 de la loi n° 2020-289 de finances rectificative pour 2020.

* 23 Idem.

* 24 Arrêté du 15 septembre 2020 portant modification de l'arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l'État aux établissements de crédit et sociétés de financement en application de l'article 6 de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 25 Arrêtés du 7 avril 2022, du 19 septembre 2022 et du 30 décembre 2022 portant modification de l'arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l'État aux établissements de crédit et sociétés de financement en application de l'article 6 de la loi n° 2020-289 de finances rectificative pour 2020.

* 26 Décret n° 2020-838 du 1er juillet 2020 précisant les modalités de contrôle par l'État de la mise en oeuvre par la société anonyme Bpifrance des dispositions de l'article 6 de la loi n° 2020-289 modifiée du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 27 V de l'article 6 de la loi de finances rectificative n° 2020-289 du 23 mars 2020.

* 28 Les données mentionnées ici sont issues du tableau de bord sur les PGE mis en ligne sur le site du ministère de l'économie et des réponses du ministère, de la Banque de France et de Bpifrance au questionnaire du rapporteur spécial.

* 29 Audition de Bpifrance par le rapporteur spécial.

* 30 «  Analyse des prêts garantis par l'État à fin 2021 », Trésor-Éco n° 303, mars 2022.

* 31 Selon les données de la Banque de France, l'endettement des sociétés non financières a certes significativement augmenté en 2020 en passant de 73 % à 86 % du PIB, mais il recule progressivement depuis 2021 pour se situer aujourd'hui autour de 81 % du PIB.

* 32 Cette donnée reflète certes le poids économique de la région, mais aussi le nombre de sièges sociaux qui s'y trouvent et offre donc une vision biaisée de la réalité.

* 33 Bertrand Fontaine, directeur de la garantie de Bpifrance, lors de son audition par le rapporteur spécial.

* 34 Réponses de Bpifrance au questionnaire du rapporteur spécial.

* 35 Article 7 de l'arrêté du 23 mars 2023.

* 36 Arrêté du 8 juillet 2021 portant modification de l'arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l'État aux établissements de crédit et sociétés de financement en application de l'article 6 de la loi n° 2020-289 de finances rectificative pour 2020. Il se combine avec l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification du livre VI du code de commerce, qui vient préciser le contenu de la conciliation et modifier les dispositions relatives aux procédures collectives.

* 37 Articles L. 611-4 et suivants du code de commerce.

* 38 Article 1345-3 du code civil.

* 39 Communication de la Commission 2021/C 34/06. Cinquième modification de l'encadrement temporaire des mesures d'aide d'État visant à soutenir l'économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19 et modification de l'annexe de la communication de la Commission aux États membres concernant l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à l'assurance-crédit à l'exportation à court terme

* 40 Réponses du ministère au questionnaire du rapporteur spécial.

* 41 Réponses de la direction générale des entreprises.

* 42 Arrêté du 19 janvier 2022 portant modification de l'arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l'État aux établissements de crédit et sociétés de financement en application de l'article 6 de la loi n° 2020-289 de finances rectificative pour 2020.

* 43 Rapport d'information n° 583 (2020-2021) de M. Jean-François HUSSON, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, déposé le 12 mai 2021.

* 44 Audition de M. Frédéric Visnovsky, Médiateur national du crédit.

* 45 Données communiquées par le ministère de l'économie.

* 46 Réponses de la Banque de France au questionnaire du rapporteur spécial.

* 47 Banque de France, Suivi mensuel des défaillances, avril 2023.

* 48 Audition de MM. Franck Trouet, délégué général du Groupement des hôtelleries et restaurations de France (GHR), Laurent Fréchet, président de la branche nationale des restaurateurs du Groupement national des indépendants, Éric Abihssira, vice-président confédéral de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH) et Vincent Dollé, directeur des affaires économiques, fiscales et des nouvelles technologies de l'UMIH.

* 49 Le soutien au tourisme durant la crise sanitaire. Un secteur préservé, une transformation à peine engagée. Cour des comptes, Rapport public thématique, février 2023.

* 50 VI de l'article 6 de l'arrêté du 23 mars 2020.

* 51 Correspondant donc à 70 à 90 % du capital restant dû.

* 52 L'article 9 des conditions générales de l'acte d'adhésion se réfère ici à l'article 161 du Règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement et modifiant le règlement (UE) n° 648/2012 - ou « Capital Requirements Regulation » -, relative aux pertes en cas de défaut (ou LGD, pour loss given default).

* 53 Dans ce cas, et si l'on prend pour exemple une quotité garantie de 90 %, cela correspond à un versement de 81 % (90 % x 90 %) du capital restant dû.

* 54 Article 10 des conditions générales de l'acte d'adhésion.

* 55 Réponses de Bpifrance au questionnaire du rapporteur spécial.

* 56 Audition de Bpifrance.

* 57 Le VI bis de l'article 6 de l'arrêté du 23 mars 2020 prévoit que la banque est tenue de reverser (procédure dite « d'écrêtement ») à l'État annuellement le solde, lorsqu'il est positif, des recouvrements effectués au cours de l'année écoulée, ce qui limite le risque opérationnel pour l'État.

* 58 Réponses de la Banque de France au questionnaire du rapporteur spécial.

* 59 Données communiquées par Bpifrance.

* 60 Ces entreprises emploient moins de 10 salariés et ont un chiffre d'affaire inférieur à 2 millions d'euros.

* 61 Réponses de la Banque de France au questionnaire du rapporteur spécial.

* 62 Données au 31 janvier 2023.

* 63 Article 2 du décret n° 2020-838 du 1er juillet 2020.

* 64 Cette gratuité constituait, au moment de la mise en oeuvre du dispositif, la condition pour éviter de recourir à un appel d'offres pour le suivi et la gestion des PGE.

* 65 Ce sont ces données qui, pour la plupart, ont servi pour l'élaboration du présent rapport.

* 66 Ligne d'exécution 260407 dans la loi de règlement depuis celle pour 2021.

* 67 Données issues de l'estimation des pertes par la Banque de France en date de janvier 2023, transmises par la direction générale du Trésor.

* 68 Idem.

* 69 Rapport annuel de performance annexé à la loi de règlement 2022.

* 70 Projet annuel de performance de la mission « Engagements financiers de l'État », projet de loi de finances 2023.

* 71 Données issues de l'estimation des pertes par la Banque de France en date de janvier 2023, transmises par la direction générale du Trésor.

* 72 « Garanties accordées par l'État pendant la pandémie : estimation du risque pesant sur les finances publiques françaises », Haut Conseil des Finances Publiques, note n° 2022-2, juillet 2022, Pascal Helvaser et Axelle Lacan.

* 73 Données communiquées par Bpifrance.

* 74 Pour le remboursement d'un prêt « in fine », le capital se rembourse en une seule fois, à échéance du prêt.

* 75 Données communiquées par Bpifrance.

* 76 « La croissance résiste, l'inflation aussi ». Note de conjoncture de l'Insee, mars 2023.

* 77 « La croissance résiste, l'inflation aussi ». Note de conjoncture de l'Insee, mars 2023.

* 78 « Refroidissement ». Note de conjoncture de l'Insee, décembre 2022.

* 79 Suivi mensuel des défaillances, avril 2023. Banque de France.

* 80 Réponses de l'Urssaf caisse nationale au questionnaire du rapporteur spécial.

* 81 « Les PME expriment des doutes pour 2023 ». 76ème enquête de conjoncture semestrielle auprès des PME, Bpifrance - Le Lab, janvier 2023.

* 82 Trésorerie, investissement et croissance des PME/TPE, mai 2023. Bpifrance -Le Lab - Rexecode.

* 83 Réponses de l'Urssaf caisse nationale au questionnaire du rapporteur spécial.

* 84 Données communiquées par la Banque de France.

* 85 « Focus sectoriel », 76ème enquête de conjoncture semestrielle auprès des PME, Bpifrance - Le Lab, janvier 2023.

* 86 Réponses de l'Urssaf caisse nationale au questionnaire du rapporteur spécial.

* 87 Ce qui vise à empêcher que les banques puissent anti-sélectionner les mauvais risques tout en maintenant un barème progressif (avec la maturité du prêt et donc incitatif à l'optimisation de la durée d'emprunt).

* 88 Définie dans le rapport comme une entreprise d'au moins dix ans d'âge, non rentable et fortement endettée, dont le résultat opérationnel est insuffisant pour couvrir sa charge d'intérêt pendant au moins trois ans.

* 89 Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificatives pour 2020.

* 90 Cette convention en date du 3 avril 2019 associait cinq partenaires publics : direction générale des entreprises, délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, ACOSS, direction interministérielle du numérique et Banque de France.

* 91 Audition de Mme Elodie Quezel, directrice opérationnelle, et M. Christophe Ninucci, chef technique.

* 92 La dernière note méthodologique, conçue par la direction des entreprises de la Banque de France, date du 19 août 2022.

* 93 Audition de la Banque de France par le rapporteur spécial.

* 94 Règlement d'exécution (UE) 2016/1799 de la Commission du 7 octobre 2016 définissant des normes techniques d'exécution relatives à la mise en correspondance des
évaluations de crédit établies par les organismes externes d'évaluation du crédit pour le risque de
crédit en vertu de l'article 136, paragraphe 1, et de l'article 136, paragraphe 3, du règlement (UE)
no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil
.

* 95 Voir François Coppens, Fernando Gonzalez et Gerhard Winkler, « The performance of credit rating systems in the assessment of collateral used in Eurosystem monetary policy operations », Banque centrale européenne, Occasional Paper Series, No 65, Juillet 2007.

* 96 Voir « Garanties accordées par l'État pendant la pandémie : estimation du risque pesant sur les finances publiques françaises », Haut Conseil des Finances Publiques, note n° 2022-2, juillet 2022, Pascal Helvaser et Axelle Lacan.

* 97 Loi n° 2022-1499 du 1er décembre 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 98 Réponses du ministère de l'économie au questionnaire du rapporteur spécial.

* 99 Certification des comptes de l'État, exercice 2022. Cour des comptes, avril 2023.

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