B. L'IMPOSSIBLE INVENTAIRE DES NORMES IMPOSÉES AUX COLLECTIVITÉS LOCALES

Si la grande majorité des élus s'accordent à dire que la multiplication des normes de l'État emporte des conséquences importantes sur les finances locales, dans le contexte budgétaire contraint que chacun connaît, il est difficile d'objectiver la situation. A l'heure actuelle, aucun thermomètre ne permet de mesurer la fièvre normative.

1. 400.000 normes, mythe ou réalité ?

En premier lieu, la mission a constaté qu'il est impossible d'identifier le nombre de normes applicables aux collectivités locales et leur évolution dans le temps. Le nombre de 400 000 normes, parfois avancé, ne repose sur aucun recensement rigoureux. En effet, ni le Secrétariat général du Gouvernement ni la direction générale des collectivités locales ne disposent d'outils permettant de fournir le nombre de normes applicables, entendues comme des prescriptions que les collectivités doivent respecter.

2. L'évolution du volume des codes : un indicateur de suivi de l'inflation normative ?

À défaut de disposer d'un chiffre incontestable de normes applicables aux élus, l'évolution de certains codes fournit des indications pertinentes sur l'inflation normative.

S'agissant du code général des collectivités territoriales (CGCT), il a triplé de volume entre 2002 et 2023, même si cette évolution s'explique en partie par la mise en oeuvre des principes de différenciation territoriale et par le développement des transferts de compétences, comme l'a souligné, lors de son audition, Mme Dominique FAURE, ministre en charge des collectivités territoriales.

Quant au code de l'urbanisme, il est passé de près de 185 000 mots au 1er janvier 2012 à environ 265 000 mots au 1er janvier 2023, soit une progression de quelque 44 %.

Évolution du nombre de mots dans le CGCT et le code de l'urbanisme

Source : Sénat à partir des données fournies par le SGG

Si le CGCT et le code de l'urbanisme sont les plus couramment cités par les élus, d'autres codes régissent l'activité des collectivités territoriales, parmi lesquels le code de l'environnement, le code de l'action sociale et des familles et le code de la santé publique. Ces trois codes subissent également une progression inquiétante depuis 20 ans.

Évolution du nombre de mots dans le code de l'environnement

Date

1er janvier 2002

1er janvier 2022

Évolution

Nombre de mots

1 006

6 576

x 5,5


Évolution du nombre de mots dans le code de l'action sociale et des familles

Date

1er janvier 2002

1er janvier 2022

Évolution

Nombre de mots

590

3 571

x 6,1

Évolution du nombre de mots dans le code de la santé publique

Date

1er janvier 2002

1er janvier 2022

Évolution

Nombre de mots

4 931

12 380

x 2,5

Source : Sénat à partir des données fournies par le SGG

Lors des États généraux de la simplification, Claire DEMUNCK, rédactrice en chef de l'Actualité juridique des collectivités territoriales (AJCT), a souligné que même les juristes des collectivités étaient dans l'incapacité à maitriser ces codes devenus « obèses » au fil des ans.

3. Le ressenti des élus

Au-delà de la difficulté d'objectiver parfaitement la réalité de l'inflation normative, il est intéressant de rendre compte du ressenti des élus. Il s'avère qu'à l'occasion de la consultation menée par le Sénat auprès des élus locaux (janvier 2023), les répondants ont fait part d'un sentiment préoccupant : en effet, 80 % d'entre eux estiment que la complexité des normes s'est aggravée depuis 2020.

Source : consultation auprès des élus locaux (Sénat / janvier 2023)

Il faut relever que la moitié des élus qui ont répondu à la consultation appartient à des communes de moins de 1000 habitants. Le chiffre de 80 %, particulièrement élevé, confirme ce qui a été indiqué à la rapporteure lors des auditions : ce sont surtout les petites communes qui souffrent de la prolifération des normes.