D. LE MAINTIEN DES FEMMES DANS L'EMPLOI : DES ATTENTES PLUTÔT SATISFAITES

1. Le retour des femmes vers l'emploi a globalement été encouragé
a) L'emploi des mères

 L'étude d'impact de la loi du 4 août 2014 établissait que la durée du CCLA « renfor[çait] le risque d'éloignement du marché du travail d'autant plus [que] 70 % des allocataires [allaient] jusqu'au terme réglementaire de la prestation ». Il était donc envisagé un retour anticipé des mères à l'emploi en retenant que 60 % des mères sortant plus tôt du dispositif reprendraient une activité professionnelle.

Les rapporteurs constatent que les rapports de l'Igas et du HCFEA ont jugé plutôt sévèrement les résultats de la réforme sur ce plan. Ces derniers notaient que le taux global d'emploi des mères d'enfants de moins de trois ans avait légèrement baissé. Entre 2015 et 2017, la part des mères ayant au moins un enfant de moins de trois ans au chômage a augmenté de 2 points, ce qui laisse suggérer, selon le Haut Conseil, que la réforme de la PreParE « aurait pu avoir pour effet, non pas d'augmenter le taux d'emploi des mères concernées (...), mais se serait davantage traduit par une baisse de celles se déclarant en congé parental et une augmentation de femmes se déclarant au chômage »52(*). La mission de l'Igas pointait néanmoins qu'en décourageant les mères de prendre un congé parental à temps plein, la réforme a augmenté la proportion de mères prenant un congé à temps partiel, maintenant alors une partie des mères dans l'emploi53(*).

 Des travaux plus récents suggèrent que le bilan de la réforme sur le retour des mères vers l'emploi serait plus satisfaisant qu'initialement évalué. La Cour des comptes, tout en pointant « un soutien à l'emploi des femmes en-deçà des attentes », souligne que le taux d'emploi des femmes a progressé de 65 % en 2014 à 68 % en 202054(*).

L'étude précitée publiée par France Stratégie et le HCFEA, met en lumière que le raccourcissement de la durée d'indemnisation du congé parental a augmenté la probabilité pour les mères d'occuper un emploi, non seulement au cours de la troisième année de leur enfant (+ 20 points de pourcentage), ce qui était assez attendu, mais aussi sur les trois années suivantes (+ 3,4 points de pourcentage). Les auteurs montrent ainsi que la réforme a pu avoir un effet de moyen terme sur l'activité professionnelle des mères en incitant certaines, « qui n'auraient pas repris d'emploi après trois ans de congé parental indemnisé, à [en reprendre un] quand ce congé ne dure que deux ans »55(*).

L'étude précitée de la Drees corrobore ces résultats en constatant que les mères de jeunes enfants - ayant déjà travaillé - sont plus nombreuses à occuper un emploi à temps complet en 2018 qu'en 2014 (+ 9 points). Concomitamment, les arrêts d'activité (- 6 points) et le recours au temps partiel (- 2 points) diminuent56(*).

Situation professionnelle des mères de jeunes enfants* ayant déjà travaillé
selon qu'elles bénéficient ou non d'une prestation de congé parental

* Mères ayant au moins deux enfants dont un âgé de moins de trois ans

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les données de la Drees

b) L'effet de la réforme sur les revenus des mères

L'effet de la réforme sur les revenus des mères est plus nuancé. D'une part, le HCFEA montre que la baisse des montants de prestations perçues sous l'effet de la réforme n'a eu d'incidence sur les revenus des mères ayant deux enfants que pour les foyers appartenant aux parts supérieures de la distribution de revenus (à compter du troisième quartile de revenus). En revanche, la réduction de durée de versement aurait induit des pertes de revenus pour toutes les mères entre les deux ans et l'entrée à l'école de l'enfant.

Cette analyse est cependant infirmée par l'étude précitée de l'OFCE qui suggère que la réforme a permis de réduire les écarts de revenus entre parents dans l'ensemble de la population. Grégory Verdugo explique ainsi dans sa contribution aux rapporteurs : « nos résultats suggèrent que [l'objectif de retour à l'emploi] a été atteint pour les parents d'enfants de rang 2 et plus, sans que la réduction du congé parental appauvrisse la population affectée. En conséquence, les écarts salariaux entre les pères et les mères d'un second enfant, qui se creusent considérablement après la naissance d'un enfant, se sont réduits après la réforme pour cette population ». Alors que la troisième année après la réforme était marquée d'une chute de 6 % des revenus des mères, après la réforme, le revenu des mères retrouve la troisième année son niveau antérieur à la naissance. Il faut bien sûr y voir l'effet de la reprise d'emploi de certaines mères mais aussi, de manière plus marginale, de l'augmentation du montant moyen des allocations chômage versées aux mères - qui passe de 600 euros à 840 euros57(*).

Selon la publication de France Stratégie et du HCFEA de 2023, « le retour plus précoce en emploi de ces mères s'est traduit par une augmentation, au cours de la troisième année suivant la naissance, de leur expérience professionnelle d'environ 2,3 mois et de leurs revenus de 4 500 euros »58(*). Toutefois, ainsi que le soulignent les auteurs, les hausses de revenus mises en avant par ces travaux ne tiennent pas compte des frais de garde de l'enfant induits par la reprise d'emploi de la mère. L'augmentation nette des revenus des ménages est donc probablement inférieure.

2. Des situations toutefois disparates selon le profil des bénéficiaires

Si la réduction de la durée d'indemnisation a produit des résultats positifs sur l'emploi des mères, l'effet de la réforme diffère selon la catégorie socio-professionnelle des mères. L'étude précitée de 2023 établit que ce sont surtout les mères aux revenus les plus faibles qui ont davantage été encouragées à retourner en emploi la troisième année après la naissance de leur enfant59(*). En revanche, la suppression de toute indemnisation de leur troisième année de congé parental n'est pas une incitation suffisante pour encourager les mères des deux quartiles les mieux rémunérés à reprendre une activité professionnelle. La Drees observe également que les mères cadres ou exerçant une profession intermédiaire interrompent leur activité dans les mêmes proportions en 2018 qu'en 2014.

En outre, au chapitre des effets contrastés de la réforme, la direction de la sécurité sociale note par exemple que « les mères les plus exposées à la pauvreté ne travaillent pas plus souvent à temps complet en 2018 qu'en 2014 ». De même, les chiffres de la Drees font ressortir entre 2014 et 2018 une hausse de 4 points des mères ayant déjà travaillé dorénavant sans PreParE et sans emploi et dont certaines ont dû, par conséquent, se tourner vers d'autres prestations (allocations chômage, RSA...). Le taux de pauvreté des mères de plusieurs enfants, dont un âgé de moins de 3 ans, a augmenté de 2014 à 2018 de 1,3 point, alors qu'il est demeuré stable pour l'ensemble de la population.


* 52 HCFEA, rapport précité (2019), p. 159.

* 53 Igas, rapport précité (2019), p. 44.

* 54 Il convient de rappeler que le taux d'emploi global de la population s'est accru durant ces années.

* 55 M. Guergoat-Lariviere, M. Narcy et F. Sari, rapport précité (2023), p. 129.

* 56 Drees, « Les bénéficiaires des prestations liées au congé parental : Profils et évolutions après la réforme de 2014 », Les dossiers de la Drees, n° 91, janvier 2022.

* 57 H. Périvier, G. Verdugo, article précité, p. 12.

* 58 M. Guergoat-Lariviere, M. Narcy et F. Sari, p. 97.

* 59 Ibid., p. 101.