AVANT-PROPOS

La mission d'information sur « le développement d'une filière de biocarburants, carburants synthétiques durables et hydrogène vert », demandée par le groupe Union Centriste (UC) dans le cadre de son droit de tirage annuel, s'inscrit dans la perspective de l'examen à venir du projet de loi quinquennale sur l'énergie et le climat, qui déterminera les futures programmation pluriannuelle de l'énergie et stratégie nationale bas-carbone.

La décarbonation de l'économie constitue un enjeu majeur pour lutter contre les dérèglements climatiques, mais aussi pour regagner en souveraineté énergétique, dans un contexte marqué par la guerre en Ukraine et par une forte concurrence internationale dans le domaine des technologies vertes.

En pleine cohérence avec les engagements pris dans le cadre de l'Accord de Paris, la France et l'Union européenne ont affiché l'objectif ambitieux d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 et de réduire de 55 %, d'ici à 2030, les émissions domestiques nettes de gaz à effet de serre (émissions après déduction des absorptions) par rapport aux niveaux de 1990.

Dans ce cadre, le secteur des transports, sur lequel se concentre ce rapport, nécessite une attention particulière et des actions fortes. Premier contributeur aux émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France, il en représentait à lui seul 30 % en 2021 et il s'agit du seul secteur à avoir vu ses émissions augmenter depuis 1990.

Les biocarburants, les carburants synthétiques durables et l'hydrogène vert sont appelés à jouer un rôle important dans la décarbonation de ce secteur, quoique variable suivant les filières considérées, certaines s'orientant désormais vers l'électrification directe. Agir sur d'autres leviers - comme l'efficacité énergétique, le report modal ou une modération des usages - sera nécessaire, mais il est certain que la transition vers une économie des transports décarbonée ne pourra pas se faire sans ces carburants et vecteurs énergétiques durables.

Cela appelle des choix. Il est temps d'agir, de fixer un cadre clair, une stratégie d'ensemble, tout en préservant une agilité face aux évolutions technologiques. Nous devons clarifier le cadre d'ensemble et simplifier notre vision, accompagner nos compatriotes, nos PME-PMI, ETI...

La transition écologique est aujourd'hui trop souvent un facteur de stress, elle doit devenir un élément de construction partagée assurant une confiance dans l'avenir. Nous essayons d'apporter de ce point de vue une contribution (modeste) à cette construction.

Trois points majeurs sont à souligner.

D'abord, la décarbonation des transports fera appel à des quantités importantes de biomasse et d'électricité, bien supérieures à ce qui avait été anticipé auparavant. Une action résolue pour augmenter les capacités de production d'énergie de notre pays est donc nécessaire, faute de quoi il n'aura le choix qu'entre la sobriété contrainte ou le passage d'une dépendance énergétique à une autre, via des importations massives. Une telle orientation requiert également une politique foncière adaptée, ce qui suppose des choix clairs.

Ensuite, cette transition aura un coût significatif, qu'il convient d'accompagner pour éviter de mettre en péril certains pans de notre économie ou de laisser certains de nos concitoyens au bord du chemin de cette transition verte. Nous devons le faire dans le cadre de nos capacités budgétaires contraintes, donc là aussi choisir, accompagner des filières qui devront devenir matures, réorienter les financements et en réévaluer le besoin.

Enfin, la maturité des technologies considérées diffère et l'intérêt des différentes solutions technologiques pourrait varier d'ici à 2050. Cela suppose de l'agilité, mais n'interdit pas des choix. Le surplace est aussi un risque.

La France, grâce notamment à son mix électrique décarboné, à la qualité de son écosystème de recherche-développement et celle de ses industries, dispose d'atouts considérables. La prise en compte de ces atouts par l'Union européenne et la préservation des intérêts de notre industrie sont des enjeux majeurs.

Le rapport de la mission présente ces différents enjeux, en analysant les avantages et les limites des différentes technologies ainsi que les orientations des filières de transport qui se dessinent, pour proposer une stratégie volontariste de développement des filières de biocarburants, de carburants synthétiques durables et d'hydrogène vert, articulée autour d'un triptyque : « impulser, accompagner, simplifier ».

« Impulser », car même si tous les choix ne peuvent être faits dès maintenant, un besoin de clarification des orientations apparaît.

« Accompagner », car des filières nécessitent une transition adaptée et nos compatriotes ont le sentiment d'être confrontés à des injonctions contradictoires et à un coût toujours plus élevé de la décarbonation de leur quotidien (logement, transports....). Compte tenu des effets potentiels du nouveau cadre européen, l'évolution des prix des carburants et son acceptabilité sociale sont une source de préoccupation pour la mission.

« Simplifier », car si la France et l'Union européenne ont pris des longueurs d'avance, la lourdeur des procédures, la taxation plutôt que l'incitation, pèsent sur notre capacité à nous adapter.

Pour la mission, la vision planificatrice de l'État doit également mieux se conjuguer avec les initiatives, les besoins et les contraintes des collectivités territoriales, qui jouent un rôle majeur dans le déploiement opérationnel des politiques publiques de décarbonation. Planifier est utile, mais cela reste une démarche macroéconomique soumise à de nombreuses variables.

Si un cadre global et une vue d'ensemble permettent d'éprouver les faisabilités, notamment quant à la capacité de mobiliser la biomasse ou de produire de l'énergie, mieux apprécier les dynamiques technologiques à l'oeuvre dans les start-up ou sur les territoires serait un apport considérable.

Sur ces différents points, nous livrons des propositions. Compte tenu de la complexité des enjeux et du temps imparti, ce rapport n'est pas un point d'aboutissement, mais plutôt une étape dans la réflexion du Sénat en vue de l'examen, prévu à l'automne, du projet de loi quinquennale sur l'énergie et le climat et du projet de loi de finances pour 2024.

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