TROISIÈME PARTIE
UNE RÉFORME INDISPENSABLE DU MODÈLE DE FINANCEMENT DE LA MOBILITÉ DU QUOTIDIEN

I. AMÉLIORER LA PERFORMANCE ÉCONOMIQUE DES TRANSPORTS DU QUOTIDIEN ET MOBILISER EN PRIORITÉ DES RESSOURCES EXISTANTES

A. AMÉLIORER LA PERFORMANCE ÉCONOMIQUE DES TRANSPORTS DU QUOTIDIEN

1. Les opérateurs de transports et les gestionnaires d'infrastructures doivent réaliser des gains de performance
a) Des économies à réaliser du côté des opérateurs de transport comme des gestionnaires d'infrastructures

Comme présenté supra, au regard des exemples étrangers, et tout particulièrement s'agissant des services ferroviaires conventionnés, d'importantes marges de productivité existent tant du côté de l'opérateur historique que du gestionnaire d'infrastructure.

Les rapporteurs avaient déjà dressé ce constat dans leur rapport de mars 2022 sur les perspectives financières de la SNCF. Pour que l'opérateur historique de transport ferroviaire et le gestionnaire d'infrastructure gagnent en productivité, ils appelaient notamment le groupe SNCF à conduire une véritable « révolution culturelle ».

Les différentes entités du groupe SNCF doivent ainsi poursuivre la rationalisation de leurs effectifs afin de se rapprocher des standards de compétitivité de leurs homologues européens. Des situations de sureffectifs perdurent, notamment dans les ateliers de maintenance, ce qui pourrait être l'une des raisons du coût élevé de celle-ci sur les services ferroviaires conventionnés en France comparativement à la situation observée chez nos voisins européens (voir supra).

Pour gagner en compétitivité, la SNCF doit aussi développer avec davantage de volontarisme la rémunération au mérite et l'intéressement. Elle doit également se saisir pleinement des nouvelles opportunités que lui offre l'article L.2101-6 du code de transports modifié par la loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire en termes de décentralisation de la négociation collective au sein du groupe et par là d'optimisation de son organisation du travail et d'adaptation de celle-ci aux réalités de chaque société et de chaque métier. À ce stade, la SNCF n'a toujours pas suivi cette voie et l'accord collectif sur l'organisation du temps de travail signé le 14 juin 2016 continue d'être applicable à l'ensemble du personnel de la SNCF. Or, les règles issues de l'accord sur le temps de travail de 2016 sont particulièrement handicapantes pour la compétitivité de SNCF voyageurs et de SNCF Réseau. Il en résulte une organisation du travail trop rigide et inefficiente. Selon la Cour des comptes93(*), cet accord, duquel résulte « une organisation du travail inadaptée aux métiers », entraine une perte de productivité substantielle. Ce constat est tout particulièrement prononcé s'agissant des services TER opérés par SNCF Voyageurs qui souffrent d'un déficit de compétitivité exacerbé du fait de cet accord et d'une organisation du temps de travail largement sous-optimale. La Cour des comptes estime le surcoût lié à cet accord pour la SNCF à 200 millions d'euros par an94(*).

Les multiples accords locaux, plus favorables encore que l'accord de groupe sur le temps de travail, constituent un autre héritage qui entrave la compétitivité de l'opérateur ferroviaire historique. Leur coût annuel est estimé à environ 100 millions d'euros. Pour gagner en productivité, il est indispensable que la SNCF dénonce les derniers accords locaux existants.

Un autre levier de performance significatif de l'opérateur historique de transport ferroviaire et du gestionnaire d'infrastructures relève du degré de polyvalence de ses agents. En effet, comparativement aux standards d'opérateurs de transport et de gestionnaires d'infrastructure ferroviaire comparables, le groupe SNCF se distingue par une faible polyvalence de ses personnels. En 2019, la Cour des comptes95(*) notait que le défaut de polyvalence des personnels de la SNCF était « source de rigidité » et un « point faible majeur pour le groupe public ferroviaire ». Ce manque de polyvalence est particulièrement marqué chez SNCF Réseau. Aussi, les rapporteurs spéciaux réaffirment-ils que la polyvalence des agents du groupe SNCF, tout particulièrement chez SNCF Réseau, gagnerait à être très sensiblement renforcée. D'après la Cour des comptes96(*), les économies à attendre de mesures volontaristes tendant à développer la polyvalence des agents du groupe SNCF pourraient être de l'ordre de 350 millions d'euros par an.

De manière générale dans le domaine des transports il apparaît que les perspectives de gains de performance vont cependant être entravées par un phénomène de déficit d'attractivité des métiers du secteur, notamment s'agissant des personnels de conduite. Cette situation suppose en effet des revalorisations salariales souvent significatives.

Dans leur rapport d'information précité, les rapporteurs ont formulé une série de recommandations visant à améliorer significativement la performance de SNCF Réseau. Ils tiennent également à rappeler que des gisements importants de gains d'efficience résident dans le déploiement des programmes de modernisation du réseau ferré, à savoir la commande centralisée du réseau (CCR) et l'ERTMS. Or, de façon incompréhensible, ces projets ne sont toujours ni financés ni réellement programmés en France alors qu'ils ont déjà été déployés chez la plupart de nos voisins. Le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI) présenté au mois de février 202397(*) a confirmé les analyses faites dès le début de l'année 2022 par les rapporteurs sur cette question et appelé à dégager des financements pour déployer ces deux programmes majeurs à horizon 2042. Le 24 février dernier, lors de la présentation d'un plan ferroviaire de 100 milliards d'euros, la Première ministre a confirmé cette nécessité. Cependant, les rapporteurs regrettent que les modalités de financement de ces programmes n'aient toujours pas été précisées.

b) L'ouverture à la concurrence des services ferroviaires conventionnés pourrait se traduire par des économies de 20 à 30 %

Le processus d'ouverture à la concurrence des services de TER est désormais engagé. En effet, à compter du 25 décembre 2023, les régions seront dans l'obligation de désigner les opérateurs de ces services par la voie d'un appel d'offres concurrentiel. Certaines d'entre-elles ont déjà anticipé cette échéance. Les perspectives d'économies liées à ce processus sont particulièrement significatives et le résultat des premiers appels d'offre semble confirmer le potentiel de performance attaché à la mise en concurrence des services conventionnés de transport ferroviaire de voyageurs (voir supra).

La baisse des coûts d'exploitation résultant de l'émergence d'un marché concurrentiel en France pourrait se situer entre 20 % et 30 % à horizon d'une décennie environ. Cette perspective s'appuie sur les exemples de pays européens qui ont déjà ouvert leurs marchés. Ainsi, selon l'ART, en Allemagne et en Suède, deux pays qui ont ouvert à la concurrence les transports ferroviaires conventionnés régionaux dès les années 1990 et 2000, les coûts d'exploitation en train-kilomètre ont-ils été diminués dans ces mêmes proportions.

En outre, toujours d'après l'ART, dans les différents pays européens qui l'ont déjà mise en oeuvre, l'ouverture à la concurrence sur les services ferroviaires conventionnés a permis de réduire les concours publics versés au titre de ces activités dans une fourchette allant de 10 % à 43 %. Les perspectives d'économies à moyen terme pour les AOM régionales françaises sont ainsi loin d'être négligeables.

Les modèles allemands et suédois sont évocateurs. En Allemagne, après l'ouverture à la concurrence, l'offre de services conventionnés a progressé de 19 % entre 2000 et 2019. Le transport régional de passagers à lui seul a progressé de 8 % entre 2006 et 2018. Dans le même temps, la fréquentation des trains régionaux a augmenté deux fois plus vite qu'en France (+ 19% contre + 10 %). En parallèle, le coût de roulage des trains régionaux allemands est de 30 % inférieur à celui des TER. Entre 1990 et 2012, le trafic a progressé de 50 % en Suède.

Évolution de l'offre et de la demande de services conventionnés en Allemagne depuis la libéralisation du marché (2000-2019)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par l'Autorité de régulation des transports (ART)

L'Autorité de régulation des transports (ART) constate que le degré d'ouverture des marchés ferroviaires européen est corrélé au volume de l'offre ferroviaire. En ce qui concerne l'offre de transports conventionnés, et en se basant sur les derniers chiffres publiés par l'IRG-Rail, l'ART note ainsi que celle-ci, nettement plus élevée qu'en France, progresse dans les pays qui ont libéralisé leur marché de longue date (en Allemagne ou au Royaume-Uni) alors qu'elle stagne (en Espagne ou en Belgique) ou régresse (en France) dans les autres. L'ART constate le même phénomène concernant l'évolution de la fréquentation des trains. Ainsi, depuis 2010, la fréquentation des services conventionnés progresse en moyenne de 2,5 % et 2,6 % par an en Allemagne ou au Royaume-Uni contre seulement 0,5 % par an en France.

Dans le même temps, entre 2002 et 2018, les contributions publiques au service ferroviaire régional de passagers ont diminué de 34 % en Allemagne quand, sur la même période, elles progressaient de 92 % en France. L'ouverture à la concurrence, à travers les gains de productivité qu'elle suscite, rendra structurellement le modèle du TER économiquement plus viable et moins dépendant des subventions publiques.

Évolution des concours publics aux activités de transport ferroviaire conventionnées en Allemagne (2005-2019)

Source : Autorité de régulation des transports (ART)

À court terme, le processus d'ouverture à la concurrence des TER peut cependant occasionner des surcoûts et des phénomènes de désoptimisation pour les AOM régionales. Ces phénomènes s'expliquent principalement par la nécessité de recruter de nouvelles compétences pour rédiger les cahiers des charges et piloter les procédures d'appel d'offres ainsi que par le besoin d'investir dans de nouveaux ateliers de maintenance.

Sur ce second point il apparaît en effet que, le coût de la maintenance étant un facteur clé dans les leviers de performance susceptibles d'être générés par la mise en concurrence, il s'avère nécessaire de ne pas rendre les opérateurs concurrents de SNCF Voyageurs dépendants des ateliers de maintenance centralisés gérés par l'opérateur de transport historique. En effet, aujourd'hui, la maintenance du matériel roulant des TER est entièrement gérée par SNCF Voyageurs qui refacture aux AOM régionales son coût, pour des charges qui représentent en moyenne de l'ordre d'un quart des rémunérations prévues dans les conventions. Les actifs relatifs à cette activité, les installations comme les équipements, appartiennent à SNCF Voyageurs dont les équipes assurent la réalisation des opérations de maintenance. La nécessaire remise à plat de l'organisation de la maintenance que suppose l'ouverture à la concurrence peut ainsi conduire au morcellement et à la désoptimisation économique de cette activité.

Face aux surcoûts susceptibles d'être générés à court terme par le processus d'ouverture à la concurrence, les AOM régionales ont tout intérêt à développer leur coopération à travers des initiatives visant à mutualiser leurs moyens. Ces coopérations peuvent notamment se traduire par la mise en oeuvre de systèmes d'utilisation partagée d'installations de maintenance dont elles auraient acquis la propriété. Elles peuvent aussi conduire à la constitution de sociétés communes dédiées à la gestion de leurs flottes de matériel roulant, des sociétés qui peuvent avoir des missions à la fois de centrale d'achat mais aussi de pôle d'expertise pour une gestion industrialisée et optimisée de l'activité de maintenance. Les mutualisations entre régions peuvent aussi concerner les procédures d'appel d'offres afin de réduire les surcoûts propres à chaque région générés par l'enjeu de montée en compétence sur ce domaine extrêmement technique.

Recommandation n° 1 : réaliser des gains de productivité, renforcés par les processus d'ouverture à la concurrence.

2. Les réseaux de transport pourraient être optimisés

D'après la DGITM, le schéma français de financement public de l'exploitation des mobilités du quotidien présente les caractéristiques suivantes :

- la voiture représente encore près de 90 % des kilomètres du quotidien et mobilise 21 % des dépenses publiques affectées aux mobilités ;

- les transports publics urbains y compris Transilien représentent 8 % des kilomètres parcourus pour 60 % de la dépense publique ;

- le TER représente 3 % des kilomètres parcourus pour 20 % de la dépenses publique.

Les coûts de production des transports collectifs urbains (TCU), en particulier des lignes de bus ont significativement augmenté ces dernières années en raison notamment de l'extension des réseaux dans les couronnes des agglomérations. D'après les études de l'économiste Jean Coldefy, ce phénomène aurait entraîné, sur le périmètre des transports publics urbains, un doublement du déficit public moyen par voyage entre 1999 et 2017.

À ce titre, le rapport de la mission Duron précité recommandait notamment de rationaliser les réseaux de bus pour en augmenter la vitesse de circulation moyenne, en particulier en espaçant davantage les arrêts en centre-ville, constatant que cet espacement était bien souvent inférieur à 300 mètres. D'après la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT), à Paris les bus circulaient en moyenne à 14 km / h il y a 15 ans contre seulement 9,5 km / h aujourd'hui.

La vitesse commerciale est l'élément clé de la performance économique des réseaux de transport collectif. C'est elle qui permet d'en réduire les coûts de production et, par voie de conséquence, le déficit public qu'ils génèrent. Elle peut également être augmentée par des reconfigurations des réseaux ainsi que par des opérations de partage de voirie à travers des voies de circulation réservées, des priorités aux feux ou encore des aménagements de carrefours.

L'optimisation des réseaux de transports collectifs doit nécessairement passer par leur meilleure articulation. La complémentarité entre les différentes solutions de transport du quotidien n'est pas encore suffisamment exploitée. L'intermodalité doit être développée pour systématiser, dès que les configurations locales le permettent, les logiques de rabattement vers les réseaux de transport collectifs lourds. En effet, le principe de rabattement est générateur d'un cercle vertueux économique susceptible de se répercuter sur l'ensemble du système des mobilités du quotidien, d'une part en augmentant la fréquentation, et donc la performance économique, des lignes de transports lourds, et d'autre part en rendant plus efficients les services de mobilité plus légers, tels que les réseaux de bus.

La rationalisation du modèle économique des solutions de mobilité du quotidien passe également par l'incorporation des dernières innovations relatives à la révolution numérique des transports et en particulier tout ce qui relève des principes dit du « Maas » (pour mobility as a service). À ce titre, l'observatoire du Maas déployé par le Cerema, référence les systèmes d'information multimodale publics ou privés en France, et recense les fonctionnalités et les services de mobilité innovants susceptibles d'optimiser les solutions de transport du quotidien.

Le modèle Maas

La mobilité servicielle, ou MaaS (Mobility as a Service) est devenue incontournable dans un monde ou les citoyens, très équipés en smartphones et autres objets connectés souhaitent des solutions performantes pour leurs déplacements. Les voyageurs veulent ainsi disposer d'une offre de services de mobilité personnalisée, souple et instantanée. Les transports collectifs ne peuvent plus être pensés comme une contrainte et ils doivent s'intégrer à tous les modes individuels et partagés de mobilité pour garder leur place de colonne vertébrale des déplacements dans une logique de service à la fois de bout en bout (de l'information voyageur a l'achat et l'utilisation d'un titre de transport) et de porte-à-porte. L'enjeu est majeur afin de lutter contre la congestion des grandes métropoles en facilitant la transition entre les modes de déplacement avant et après l'usage des transports collectifs et en visant un usage optimal des infrastructures de transport en temps réel grâce au digital. De plus, le MaaS, via les informations et recommandations de trajet peut contribuer à un meilleur équilibre d'usage entre la voiture individuelle et des solutions de déplacements partagées ou collectives. Il existe donc une demande sociale identifiée, qui permet désormais de considérer les déplacements comme des services aux personnes, et ne doit plus être pensée par le prisme unique du véhicule, de l'infrastructure ou de l'ouvrage d'art.

L'essor sans précédent du numérique offre la possibilité de concrétiser ce changement dans le rôle des transports collectifs, via le service MaaS qui peut être vu comme un Service Numérique Multimodal (SNM). Il vise à offrir aux voyageurs un accès personnalisé, instantané et intégré à l'ensemble des offres de mobilité sur un territoire donné. Le MaaS doit permettre d'apporter aux clients via une plateforme numérique un outil intégré de planification, de paiement et d'information voyageurs favorisant le passage d'un mode de déplacement à un autre, dans une vision intégrée de bout en bout, articulant les modes traditionnels et les nouvelles offres de mobilité.

Il se situe dans la continuité de ce qu'ont déjà mis à disposition des acteurs comme Google, Citymapper, Uber, qui s'efforcent d'intégrer dans une même application l'information des moyens de déplacement à disposition et le temps de trajet associé. D'autres acteurs spécialisés comme Whim ont déjà lancé un service MaaS depuis plusieurs années, le marché du MaaS étant source de diversité et d'innovation. SNCF, RATP, IDFM avec son application renommée IDF Mobilités avancent également dans cet objectif. L'ergonomie de ces applications et leur évolutivité permettant de garantir une excellente expérience utilisateur sont clés pour faire la différence et convaincre les voyageurs de les adopter.

Ces différentes initiatives et offres sont des étapes intermédiaires vers le service MaaS complètement intégré afin de répondre pleinement aux attentes des voyageurs.

Source : rapport de l'Institut Montaigne « mobilités en Île-de-France, un ticket pour l'avenir », juin 2022

Source : Cerema

La digitalisation et les innovations en matière de transports revêtent également un potentiel à exploiter afin d'optimiser l'équilibre financier de solutions de mobilités adaptées aux zones peu denses mais dont l'équation économique est souvent difficile à trouver, notamment s'agissant des services de transport à la demande (TAD).

D'autres mesures telles que la coordination des horaires des établissements scolaires ou une meilleure mobilisation, pour d'autres usagers que les élèves, des lignes de transport scolaire qui irriguent largement le territoire national semblent également susceptibles d'améliorer la performance économique des systèmes de mobilité du quotidien déployés par les AOM.

3. Concentrer le développement de l'offre sur les gisements de reports modal en privilégiant les solutions économiquement les plus efficientes

Le bon usage des deniers public exige une optimisation tant économique que climatique du choc d'offre que les AOM entendent légitimement déployer. Aussi, les efforts de développement de l'offre doivent-ils être concentrés sur les principaux gisements de report modal, au premier rang desquels le raccordement des périphéries aux agglomérations, et mobiliser les options les plus efficientes sur les plans économique et environnemental.

Pour y parvenir, il est nécessaire que chaque opération soit précédée d'une évaluation préalable rigoureuse fondée sur le concept du coût de la tonne de CO2 évitée afin de systématiquement privilégier les solutions à forte baisse d'émissions et à faible coût. Car en effet, les coûts d'investissement et d'exploitation s'avèrent très variables d'une solution de mobilité à l'autre.

S'agissant des tramways, le coût d'infrastructures est élevé et s'établit en moyenne entre 15 et 30 millions d'euros au kilomètre en intégrant les dépenses liées aux nécessaires aménagements urbains environnants. Le coût de fonctionnement d'un réseau de tramways est plus élevé que celui d'un réseau de bus et, dans la plupart des cas, la plus grande capacité des tramways ne suffit pas à compenser ce différentiel, rendant le plus souvent la solution des lignes de bus plus performante.

Les réseaux de métros sont le mode qui présente les coûts d'infrastructure les plus élevés : en moyenne plus de 60 millions d'euros par kilomètre de ligne. Les coûts d'exploitation des métros peuvent désormais être significativement limités par l'automatisation.

Pour les cars ou les bus à haut niveau de service, le coût d'infrastructure est beaucoup plus faible. Il se limite parfois à l'aménagement de dépôts. Un aménagement qui peut cependant s'avérer plus coûteux pour des flottes mixtes composées de motorisations utilisant différents types d'énergie (diesel, GNV, électrique, hydrogène, etc.). S'agissant des cars express, l'enjeu principal, pour leur assurer une vitesse de circulation suffisante, paramètre clé de l'efficience économique et de l'attractivité de ce type de solutions, est d'éviter les phénomènes de congestion en entrée d'agglomération. Pour cela, les voies réservées, parfois sur des parties limitées du parcours, donnent des résultats probants. À minima, les priorités aux feux sont également un moyen efficace d'augmenter leur vitesse de circulation et de rendre leur modèle économique plus efficient. En tenant compte des aménagements de voierie nécessaires le coût d'investissement pour un réseau de bus à haut niveau de service (BHNS) est en moyenne de 6 à 8 millions d'euros par kilomètre.

Comparaison des dépenses d'exploitation moyennes
par mode de transport

(en euros / passager-km)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les travaux de Jean Coldefy

C'est parfois en se décentrant d'une logique parfois qualifiée de « tout-ferroviaire » et souvent spontanément privilégiée que les solutions les plus efficientes d'un point de vue économique mais également environnemental se dessinent pour parvenir à raccorder les agglomérations à leurs périphéries. Ces solutions doivent nécessairement s'envisager dans une logique intermodale propice à articuler de façon fluide l'ensemble des modes de déplacement. À ce titre les parkings relais à l'entrée des agglomérations et autres pôles d'échanges multimodaux (PEM) sont déterminants, notamment pour favoriser le rabattement vers les réseaux de transport collectif lourd.

Le car express à haute fréquence semble constituer une solution particulièrement adaptée à l'enjeu du raccordement des agglomérations à leurs zones périurbaines et périphériques. Ce service se révèle plus efficient encore lorsqu'il se combine avec l'utilisation de voies réservées sur les grands axes routiers d'accès aux agglomérations et de systèmes de priorités de circulation. Ce type de voies réservées peut être organisé à moindre coût sur les bandes d'arrêt d'urgence des autoroutes. Un référentiel technique régulièrement mis à jour par le Cerema présente à ce titre, à l'attention des collectivités, les dernières mises à jour règlementaires et les procédures d'aménagements de voies réservées aux services réguliers de transports collectifs sur les voies structurantes d'agglomérations (VRTC)98(*).

De tels services ont été mis en place en Île-de-France, sur l'aire urbaine grenobloise ou encore entre Aix-en-Provence et Marseille. Les services de cars express fonctionnant à Madrid sont souvent cités en exemple pour leur succès. Leur performance repose en grande partie sur la qualité des stations d'interconnexions avec les autres modes de transports lourds qui limite très significativement la rupture de charge et donc les pertes de temps pour l'usager.

De nombreuses études récentes font le constat de la performance économique et climatique des cars express et en recommandent le développement. L'évaluation réalisée en 2020 par le conseil scientifique du ministère des transports99(*) sur ces systèmes a mis en évidence leur pertinence et la hausse de fréquentation significative qu'ils ont générée. L'efficience économique et environnementale du car express semble particulièrement prononcée. En raisonnant en euros par tonne de CO2 évitée Jean Coldefy estime par exemple que son efficience est en moyenne sept fois supérieure à celle du TER. Il considère qu'en moyenne 100 euros investis dans des lignes de cars express permettent d'économiser une tonne de CO2. Une étude de 2021 réalisée par la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT) et Régions de France100(*) a également dressé le constat de la pertinence économique des services de cars express, une analyse également partagée par le rapport précité d'avril 2023 concernant le développement des lignes de cars express en Île-de-France.

Recommandation n° 2 : concentrer les développements de l'offre sur les principaux gisements de report modal en privilégiant les solutions économiquement les plus efficientes.

Le rapport du COI de décembre 2022 promeut lui aussi le développement
de nouvelles lignes de cars express

Le rapport du COI de décembre 2022 va dans le même sens en proposant notamment de privilégier à l'avenir le développement de « lignes de car express, s'appuyant sur des voies réservées dans les points de congestion, permettant le report modal d'un nombre d'usagers significatif pour un coût inférieur et un déploiement beaucoup plus rapide qu'une ligne ferroviaire ».

Il souligne d'ailleurs que les nouvelles offres de car express « ne nécessitent pas toujours des voies réservées dédiées et peuvent souvent être lancées sans attendre des travaux lourds ». Il ajoute que « la mise en place de voies réservées, ouvertes à différents types d'usages et modes partagés peut s'envisager dans un second temps, en identifiant les points de congestion, afin de garantir des temps de parcours plus fiables et efficaces et ainsi obtenir des gains de performance et de capacité par rapport à la voiture individuelle ».

Le COI précise dans l'annexe de son rapport que « pour que ce type de service soit attractif, il est nécessaire de proposer une offre avec un bon niveau de service, tant en termes de fréquence que de vitesse commerciale par rapport au véhicule particulier ».

Il constate que les projets de cars express « procurent en général un bon bilan socio-économique car leur coût de réalisation kilométrique est modeste (par exemple comparé au mode ferroviaire) s'il n'y a pas ouvrage d'art majeur à réaliser ou modifier, et un déficit d'exploitation pour la collectivité qui peut être très modéré, selon les modalités de tarification, si le service est attractif ».

Il ajoute enfin que « ce type d'offre est également plus facilement modulable car reposant principalement sur des infrastructures existantes ».

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport du COI de décembre 2022

4. Développer la coopération entre AOM

Dans une perspective de mieux articuler et de rendre complémentaires l'ensemble des offres de mobilité du quotidien, afin que se dessine progressivement un véritable maillage cohérent sans superpositions ni doublons, la LOM a introduit plusieurs dispositifs visant à développer la coopération entre AOM.

L'association des usagers et des employeurs à la politique des mobilités
des AOM via le comité des partenaires

La LOM a instauré un comité des partenaires, défini à l'article L1231-5 du code des transports, qui doit être créé par les AOM qui doivent fixer elles-mêmes sa composition et ses modalités de fonctionnement. Il a vocation à associer à minima des représentants des usagers ou des habitants ainsi que des employeurs à la politique de mobilité déployée dans chaque territoire. Le code des transports prévoit que « les AOM consultent le comité des partenaires au moins une fois par an et avant toute évolution substantielle de l'offre de mobilité, de la politique tarifaire ainsi que sur la qualité des services et l'information des usagers mise en place » mais aussi pour « tout projet de mobilité structurant ». Les AOM sont aussi tenues de consulter le comité avant toute décision d'instauration ou d'évolution du taux du VM.

Source : commission des finances du Sénat

Pour promouvoir la coopération entre AOM, la LOM a notamment prévu que le territoire national soit divisé en « bassins de mobilité », des espaces qui ont vocation à constituer l'échelle pertinente de l'organisation des mobilités du quotidien. Ce cadre doit permettre d'assurer la cohérence et les complémentarités des politiques de transport et des réseaux déployés par les AOM. Il est défini au septième alinéa de l'article L1215-1 du code des transports relatif au rôle de chef de file des régions en matière d'action commune des AOM. C'est ainsi à la région qu'il revient de délimiter ce cadre déterminant pour la mise en cohérence des mobilités du quotidien dans les territoires.

Les bassins de mobilité

Un bassin de mobilité est l'échelle locale sur laquelle les mobilités quotidiennes s'organisent. Son territoire regroupe un ou plusieurs EPCI à fiscalité propre, généralement autour d'un pôle d'attractivité (une grande agglomération par exemple). À noter que sauf accord formel de son assemblée délibérante, le territoire d'un EPCI à fiscalité propre ne peut être découpé entre plusieurs bassins de mobilité.

Concrètement, le bassin de mobilité est le périmètre sur lequel est élaboré :

- Le contrat opérationnel de mobilité,

- Le plan d'action commun en matière de mobilité solidaire piloté par la Région et le Département

La délimitation du bassin de mobilité revient à la Région. Son périmètre pourra varier d'un territoire à l'autre, en fonction des spécificités locales (nombre de pôles d'attractivité ou de centres urbains, territoires plus ou moins rurales, ...). C'est une approche souple. Rien n'interdit à un EPCI d'appartenir à plusieurs bassins de mobilité même s'il peut paraître plus lisible d'avoir des périmètres de bassin de mobilité exclusif et que certains EPCI soient associés à plusieurs contrats opérationnels.

Si les spécificités locales le justifient (importance des mobilités inter-régionales), un bassin de mobilité inter-régional (qui recoupe plusieurs régions) pourra être défini. Les régions concernées doivent alors en valider le périmètre (délibération sur la cartographie).

Source : site internet de France mobilités (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires)

Les contrats opérationnels de mobilité, également créés par la LOM, doivent être conclus à l'échelle de chaque bassin de mobilité. Si la région pilote leur définition, ils sont conclus avec un très large ensemble de parties prenantes, à savoir : les AOM du territoire, les syndicats mixtes « SRU », les départements ainsi que les gestionnaires de gares de voyageurs ou de pôles d'échanges multimodaux (PEM).

L'article L1215-2 du code des transports prévoit que « le contrat définit les modalités de l'action commune des autorités organisatrices de la mobilité ainsi que les modalités de la coordination avec les gestionnaires de voirie et d'infrastructures pour créer et organiser des conditions favorables au développement des mobilités ». Ces contrats doivent avoir une dimension pluriannuelle et déterminer « les résultats attendus et les indicateurs de suivi ».

La vocation des contrats opérationnels de mobilité

Le contrat opérationnel de mobilité' définit :

- Les modalités de l'action commune des AOM et de la région, concernant les différentes formes de mobilité' et d'intermodalité', la répartition des points de vente physiques, la création, l'aménagement et le fonctionnement des pôles d'échanges multimodaux et des aires de mobilité', les modalités de gestion des situations dégradées ;

- Les modalités de soutien à la conception et à la mise en place d'infrastructures de transports ou de services de mobilité' par les AOM ;

- Les modalités de la coordination avec les gestionnaires de voirie et d'infrastructures pour créer et organiser des conditions favorables au développement des mobilités.

De ce point de vue, il s'agit d'un outil approprie' pour développer une offre structurante de mobilité' pour assurer une meilleure accessibilité' des zones périurbaines et rurales aux zones d'emploi et de services et faciliter la mise en place d'une offre de proximité' bien coordonnée.

S'agissant des projets structurants, il sera pertinent de planifier dans ce cadre les projets de cars express, de voies réservées, le maillage des pôles d'échanges. Le développement de services express métropolitains (ferroviaires) constituera également pour certains territoires un projet structurant nécessitant une bonne articulation entre région et métropole comme à` Bordeaux et à Strasbourg, pour ne citer que deux projets déjà` avances.

Source : rapport sur le modèle économique des transports collectifs de Philippe Duron, juillet 2021

Notamment en raison des conséquences de la crise sanitaire, la concrétisation des dispositifs de coopération prévus par la LOM a pris du retard. Alors que la création des bassins de mobilité est désormais presque achevée, très peu de contrats opérationnels de mobilité ont été conclus. Pour assurer la cohérence du paysage de la mobilité du quotidien en France et pour en rendre plus efficiente l'organisation, il est indispensable de promouvoir l'achèvement de ces dispositifs et, en premier lieu, la conclusion rapide de contrats opérationnels dans l'ensemble des bassins de mobilité.

Comme le proposait le rapport de la mission Duron en 2021, il semble ainsi pertinent d'inciter les AOM à mettre pleinement en oeuvre les dispositifs de coopération prévus par la LOM. L'État devrait le faire en conditionnant certaines de ses dotations, comme par exemple la DSIL à l'intégration des projets concernés dans le cadre d'un contrat opérationnel de mobilité. A minima, la circulaire relative à la DSIL pourrait inviter les préfets à tenir compte de ce critère.

Pour renforcer la cohérence de l'organisation des mobilités sur un territoire, mais également à des fins de péréquation et pour offrir de nouvelles perspectives en matière de développement de services de mobilité en zones peu denses, la concentration des AOM, lorsque les configurations locales le justifient, doit être privilégiée. Cette concentration qui, dans l'idéal, a tout intérêt à être réalisée à l'échelle du bassin de mobilité, peut concrètement prendre la forme d'un syndicat mixte de transport dit « SRU » qui peut instaurer un taux de versement mobilité (VM) additionnel101(*) dans une limite de 0,5 %.

Ces AOM parfois qualifiées de « XXL » sont susceptibles de permettre une meilleure articulation des offres de transport en leur sein et de résoudre, par des dispositifs de péréquation horizontale, les problèmes des zones blanches, souvent rurales, dans lesquelles, faute de financement, les services de mobilité du quotidien sont souvent inexistants.

Le modèle du syndicat des mobilités Pays Basque-Adour, dont les rapporteurs ont pu entendre le directeur général des services, est à ce titre très intéressant. Cette AOM s'étend sur un ressort territorial de 161 communes, 3 000 km² et 335 000 habitants. Hors IDFM, c'est la première AOM de France en nombre de communes et la troisième en superficie. « L'AOM XXL » que constitue ce syndicat très étendu lui a permis de développer une forme de péréquation locale entre les zones rurales et des zones plus urbanisées et mieux dotées en termes d'activité économique et de potentiel fiscal. En effet, si le ratio recettes commerciales sur dépenses d'exploitation s'élève en moyenne à 13 %, il atteint des taux de couverture approchant les 20 % sur les zones les plus urbanisées du littoral et se limite à environ 10 % dans le Pays Basque intérieur rural. Grâce à cette forme de péréquation horizontale organisée à l'échelle de l'AOM, des services de mobilité ont pu être déployés dans les zones peu denses du Pays Basque intérieur. Sans celle-ci, et si le paysage des AOM était resté éclaté, ce type de services n'aurait pas pu voir le jour.

L'une des perspectives les plus prometteuses, les plus décisives en termes de qualité de service rendu aux usagers et les plus incitatives au report modal en termes de coopération des AOM renvoie à la simplification et à l'harmonisation de la billettique grâce aux opportunités offertes par les dernières innovations technologiques. L'enjeu principal associé à cette démarche est de simplifier le parcours des usagers en leur permettant d'effectuer l'ensemble de leurs déplacements « sans couture ».

Sur ce plan, la France accuse un retard certain sur d'autres pays européens tels que les Pays-Bas qui, il y a de cela déjà plus de 12 ans (en 2011), ont développé un système billettique unique et interopérable à l'échelle nationale qui fait figure de modèle en Europe et dans le monde. Le système OV-Chipkaart, développé par l'industriel français Thalès, est ainsi utilisable sur l'ensemble de l'offre de transports, quel que soit l'opérateur et le mode de mobilité (train, bus, tram, métro, ferry, location de vélos ou de voitures en autopartage, etc.). Le voyageur passe sa carte magnétique devant un lecteur à chaque entrée et sortie du réseau et à chaque correspondance, permettant de calculer le tarif de son trajet.

Plus récemment, en 2021, l'Autriche a également développé un billet unique à l'échelle nationale, le « ticket climat ». De son côté, l'Allemagne a mis en oeuvre à partir du mois de mai 2023 un billet unique à 49 euros par mois à l'échelle nationale baptisé Deutschlandticket (voir supra).

Le ministre délégué aux transports, Clément Beaune a annoncé en février dernier son intention de développer en France, d'ici deux ans, un dispositif de billet unique sur le modèle du système mis en oeuvre aux Pays-Bas. La tâche s'annonce colossale car, pour atteindre cet objectif, il est nécessaire que les systèmes billettiques des différents réseaux et systèmes de réservation de l'ensemble des modes de mobilités soient interopérables et ouverts. Toutefois cette évolution est absolument nécessaire et il convient de définir rapidement, dans le cadre d'une concertation approfondie avec les AOM et les représentants des usagers des transports, les spécifications techniques de la solution choisie ainsi qu'un calendrier réaliste de son déploiement.

Recommandation n° 3 : développer la coopération entre AOM, en incitant à leur regroupement, idéalement à l'échelle du bassin de mobilité, dans un double objectif d'efficacité organisationnelle et de péréquation horizontale, et en déployant un dispositif de billet unique.

5. Optimiser la lutte contre la fraude

Tous modes de transports collectifs confondus, y compris les services qui ne relèvent pas des AOM, l'UTP estime le coût annuel de la fraude à environ 600 millions d'euros dont notamment 270 millions d'euros au détriment d'IDFM (dont 30 millions pour l'activité Transilien), contre seulement 160 millions d'euros il y a cinq ans, ou encore 90 millions d'euros pour les TER.

En 2016, la loi dite « Savary »102(*) a instauré une série de dispositifs destinés à améliorer les outils de la lutte contre la fraude.

Mesures législatives contenues dans la loi « Savary » et la LOM visant à renforcer les outils de la lutte contre la fraude dans les transports publics

Les apports de la loi « Savary » :

En termes de fiabilisation du recueil des données personnelles :

- l'obligation de justifier de son identité : les passagers des transports routiers, ferroviaires ou guidés doivent être en mesure de justifier leur identité en cas de fraude et doivent pour cela être porteurs d'un document en attestant (article L2241-10 du code des transports) ;

- des titres de transport nominatifs : les entreprises de transports routiers, ferroviaires ou guidés peuvent subordonner le voyage de leurs passagers à la détention d'un billet de transport nominatif qui oblige le passager à présenter un document d'identité lors du contrôle de la concordance entre l'identité du passager et celle mentionnée sur le titre de transport (article L2241-11 du code des transports) ;

- le droit de communication des données entre les exploitants et les administrations publiques : la loi instaure un droit de communication des données (état civil et adresse du contrevenant) des administrations publiques (Direction générale des finances publiques -DGFIP-, organismes de sécurité sociale) vers les exploitants de transports publics afin de fiabiliser le relevé d'identité et partant, d'améliorer le recouvrement des amendes (article L2241-2-1 du code des transports).

En termes de renforcement du dispositif répressif :

- le délit de fraude d'habitude : le nombre de contraventions exigées pour caractériser l'habitude est abaissé de dix à cinq, ce qui constitue une intensification de la répression pénale contre les actes constitutifs de fraude (article L2242-6 du code des transports) ;

- la répression des mutuelles de fraudeurs : il est interdit d'ouvrir ou d'annoncer publiquement des souscriptions ayant pour objet d'indemniser une transaction prévue à l'article 529-3 du code de procédure pénale (paiement de l'indemnité forfaitaire en cas de commission de contraventions) sous peine de six mois d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, ou de l'une de ces deux peines seulement (article 40 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse);

- la pénalisation du signalement de la présence de contrôleurs : le fait de diffuser tout message de nature à signaler la présence de contrôleurs ou d'agents de sécurité employés ou missionnés par un exploitant de transport public de voyageurs est puni de deux mois emprisonnement et de 3 750 € d'amende (article L2242-10 du code des transports) ;

- l'intensification de la répression du délit de déclaration intentionnelle d'une fausse adresse ou d'une fausse identité (ajout d'une peine d'emprisonnement) : est puni de 3 750 € d'amende et de deux mois d'emprisonnement le fait de déclarer intentionnellement une fausse adresse ou une fausse identité auprès des agents de contrôle (article L2242-5 du code des transports) ;

- la capacité pour les agents de police municipale de constater des infractions à la police et à la sûreté du transport afin notamment d'intensifier les moyens de lutte contre la fraude (article L511-1 du code de la sécurité intérieure);

- un renforcement des prérogatives des agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP à travers l'exercice des fonctions en dispense du port de la tenue. La possibilité pour les agents de la SUGE et du GPSR d'être dispensés du port de la tenue est élargie afin de renforcer l'efficacité des opérations de constatations d'infractions (articles R2251-31 à R2251-34 du code des transports).

Les apports de la LOM :

La LOM a renforcé l'outil pénal en allongeant de 2 à 3 mois le délai pendant lequel l'opérateur peut obtenir le versement d'une transaction de la part du contrevenant (article 115 de la LOM).

Source : réponses de la DGITM au questionnaire de rapporteurs

Par les dispositions législatives prévues à son article 18, la loi « Savary » entendait notamment remédier au manque de fiabilité des adresses communiquées par les contrevenants au moment des contrôles. Ainsi, a-t-elle instauré, à l'article L2241-2-1 du code des transports, un dispositif qui prévoit la possibilité pour les agents de l'opérateur de transport chargés du recouvrement de se voir communiquer par l'intermédiaire d'une personne morale unique des informations (« des renseignements, strictement limités aux nom, prénoms, date et lieu de naissance des contrevenants, ainsi qu'à l'adresse de leur domicile ») issues de fichiers d'administrations publiques et d'organismes de sécurité sociale et permettant de fiabiliser les informations recueillies auprès des contrevenants.

Article L2241-2-1 du code des transports

Pour fiabiliser les données relatives à l'identité et à l'adresse du contrevenant recueillies lors de la constatation des contraventions mentionnées à l'article 529-3 du code de procédure pénale, les agents de l'exploitant du service de transport chargés du recouvrement des sommes dues au titre de la transaction mentionnée à l'article 529-4 du même code peuvent obtenir communication auprès des administrations publiques et des organismes de sécurité sociale, sans que le secret professionnel puisse leur être opposé, des renseignements, strictement limités aux nom, prénoms, date et lieu de naissance des contrevenants, ainsi qu'à l'adresse de leur domicile. Ils sont tenus au secret professionnel.

Les renseignements transmis ne peuvent être utilisés que dans le cadre de la procédure prévue aux articles 529-3 à 529-5 dudit code, en vue de permettre le recouvrement des sommes dues au titre de la transaction pénale ou de l'amende forfaitaire majorée. Ils ne peuvent être communiqués à d'autres tiers que ceux chargés de recouvrer ces sommes ou à l'autorité judiciaire qui est informée des cas d'usurpation d'identité détectés à l'occasion de ces échanges d'information.

Les demandes des exploitants et les renseignements communiqués en réponse sont transmis par l'intermédiaire d'une personne morale unique, commune aux exploitants. Les agents de cette personne morale unique susceptibles d'avoir accès à ces renseignements, dont le nombre maximal est fixé par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et des ministres chargés des finances et des transports, sont spécialement désignés et habilités à cet effet par la personne morale. Ils sont tenus au secret professionnel.

Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Source : code des transports

Les modalités d'application des dispositions prévues à l'article L2241-2-1 doivent être déterminées par un décret en Conseil d'État. Or, depuis maintenant plus de sept ans, le décret en question n'a toujours pas été publié et la disposition n'a toujours pas trouvée à s'appliquer.

La difficulté rencontrée par le Gouvernement tient à la définition de la personne morale unique chargée de communiquer les informations issues des fichiers de l'administration aux opérateurs de transports. Deux projets de décret, visant à confier cette mission à une entité privée créée à l'initiative de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP), présentés par la DGFIP puis par la DGITM n'ont pas pu passer le filtre du Conseil d'État. Le premier a dû être retiré à la suite des remarques de la CNIL et le deuxième a fait l'objet d'un avis défavorable du Conseil d'État fondé sur l'impossibilité de désigner sans mise en concurrence l'organisme en question. Parmi les principaux points bloquants, figurait l'absence de base légale pour désigner l'entité souhaitée car le dispositif conçu comprenait de la sous-traitance, ce que ne permet pas la loi.

La recherche d'une solution alternative via la désignation d'une entité publique n'a toujours pas abouti. Aussi, la DGITM a assuré aux rapporteurs que le Gouvernement envisageait « dans les meilleurs délais » la désignation d'une entité dans le respect du cadre posé par la loi, c'est-à-dire sans recours à la sous-traitance, et des règles régissant la commande publique.

Alors que l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) évalue à un potentiel de 300 millions d'euros par an les sommes complémentaires qui pourraient être collectées grâce à l'amélioration de la lutte contre la fraude dont ce dispositif constitue la clé de voute, il est urgent que le Gouvernement prenne enfin ce décret tant attendu et désigne la personne morale unique qui sera chargée de mettre en oeuvre les dispositions législatives que le Parlement a adopté il y a déjà plus de sept ans.

Recommandation n° 4 : lutter plus efficacement contre la fraude, notamment en mettant en oeuvre les dispositions de la loi Savary.


* 93 Dans un rapport de 2019 sur la gestion des ressources humaines de la SNCF.

* 94 Elle en conclue que le levier de l'organisation du travail à la SNCF est porteur « d'importants gisements de gains de productivité ». Cet accord offre en effet des conditions d'activité très avantageuses au personnel relativement à ce qui peut être pratiqué dans d'autres pays. À titre d'exemple, un agent roulant de la Deutsche Bahn réalise plus de 230 jours de service par an contre 211 pour un agent français.

* 95 Dans son rapport précité sur la gestion des ressources humaines de la SNCF.

* 96 Dans son rapport précité de 2019 sur la gestion des ressources humaines de la SNCF.

* 97 Investir plus et mieux dans les mobilités pour réussir leur transition, COI, décembre 2022.

* 98 La dernière version de ce guide intitulé « voies structurantes d'agglomération, aménagement des voies réservées aux véhicules de transport en commun » date du mois de mars 2023.

* 99 Retours d'expérience Cars Express, comité scientifique France Mobilités, août 2020.

* 100 Analyse comparée des tarifications régionales de l'offre de transport interurbaine, 2021.

* 101 Le syndicat mixte SRU peut prélever un versement mobilité additionnel (VMA) dans une aire urbaine d'au moins 50 000 habitants et dans les communes multipolarisées des grandes aires urbaines, au sens de l'INSEE, dès lors que ce syndicat inclut au moins la principale autorité compétente pour l'organisation de la mobilité. Ce taux ne peut pas dépasser 0,5 %.

* 102 La loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.

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