N° 830

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 juillet 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur les modes de financement des autorités organisatrices de la mobilité (AOM),

Par MM. Hervé MAUREY et Stéphane SAUTAREL,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

ESSENTIEL

Sous la présidence de M. Claude Raynal, la commission des finances a examiné, le mardi 4 juillet 2023, la communication de MM. Hervé Maurey et Stéphane Sautarel, rapporteurs de la mission d'information sur le financement des autorités organisatrices de la mobilité (AOM).

Au coeur des préoccupations de nos concitoyens, les mobilités du quotidien vont devoir faire face à des défis multiples qui induisent un développement massif de l'offre. Ce nécessaire choc pose la question du modèle de financement actuel.

I. UN MUR DE PLUS DE 100 MILLIARDS D'EUROS D'ICI 2030

A. LES DÉPENSES DES AOM VONT AUGMENTER MASSIVEMENT

Les dépenses de fonctionnement et d'investissement de l'ensemble du périmètre des AOM dépassent les 35 milliards d'euros par an. En raison des défis multiples auxquels vont être confrontées les AOM dans les prochaines années, ce montant sera amené à augmenter considérablement.

1. Les impératifs de la transition écologique

Les impératifs de la transition écologique supposent un véritable choc d'offre de transport public du quotidien qui doit se concentrer sur l'enjeu de la décennie en matière de report modal et de réduction des gaz à effet de serre (GES) : le raccordement des agglomérations à leurs espaces périurbains et périphériques.

Ce gisement de décarbonation est particulièrement puissant puisque les déplacements entre les métropoles et leurs périphéries représenteraient 7 % du total des émissions de CO2 en France. Pour relever ce défi, il faudra multiplier par 3 ou 4 l'offre de mobilité collective dans ces territoires afin de réduire de 30 % les flux automobiles entrant dans les métropoles.

L'atteinte de nos engagements climatiques passe également par le verdissement des flottes de bus et de cars. Alors que le coût d'acquisition de bus électrique ou à hydrogène est respectivement deux fois et trois fois plus élevé que celui de leurs homologues diesel, cela suppose des efforts d'investissements considérables des AOM. Par ailleurs, des négociations européennes, dans le cadre desquelles, de façon incompréhensible, la position du Gouvernement français tend à sacrifier les AOM, pourraient aboutir à une interdiction des achats de bus urbains à motorisation thermique, y compris au GNV1(*), dès 2030. Une telle perspective aurait des conséquences très lourdes sur les dépenses d'investissement des AOM dans les années à venir.

2. L'enjeu d'équité territoriale

Si les impératifs environnementaux seront au coeur du choc d'offre de mobilité qui se dessine, l'équité territoriale doit demeurer une priorité des pouvoirs publics. Or, force est de constater qu'aujourd'hui, les zones peu denses constituent le véritable point faible des transports du quotidien. Alors que les habitants de ces zones se trouvent contraints d'utiliser leur voiture individuelle, et sont très dépendants des prix des carburants, le développement de l'offre de transport ne peut laisser les zones rurales sur le « bas-côté ».

3. La rénovation des réseaux existants

Dans les années à venir, la rénovation de réseaux de transports collectifs en site propre (TCSP) existants, notamment les réseaux de tramways inaugurés avant les années 2000, occasionnera aussi d'importantes dépenses d'investissements pour les AOM.

4. Le développement des services express régionaux métropolitains (SERM)

Les projets de SERM annoncés par le Président de la République, dont les coûts d'investissements devraient s'établir entre 15 et 20 milliards d'euros, se traduiront également par de nouvelles dépenses d'exploitation non évaluées à ce jour.

5. Le retour de l'inflation

Enfin, la crise inflationniste, notamment dans ses dimensions énergétique et salariale, continuera à se traduire par des charges nouvelles pour les AOM.

B. AOM LOCALES ET RÉGIONALES : UN CHOC D'OFFRE À 60 MILLIARDS D'EUROS

1. 25 à 28 milliards d'euros d'augmentation des dépenses de fonctionnement jusqu'en 2030

a) AOM locales : entre 15 et 18 milliards d'euros

Pour que la France atteigne ses engagements en matière climatique, l'offre de transports en commun du quotidien doit progresser de 20 à 25 % d'ici 2030. En raison notamment de l'ampleur des charges de personnel et des dépenses d'énergie dans la composition des coûts des transports collectifs2(*), l'accroissement de l'offre se traduit par une augmentation quasi proportionnelle des coûts de production. Aussi, un développement de l'offre de transport de 20 à 25 % d'ici 2030 entraînerait vraisemblablement une augmentation en volume des dépenses de fonctionnement des AOM locales dans une proportion équivalente à l'horizon de la fin de la décennie. À cette augmentation des dépenses de fonctionnement en volume, il convient, pour obtenir leur évolution en valeur, d'ajouter l'effet de l'inflation prévisionnelle3(*).

Selon ces hypothèses, l'augmentation des dépenses de fonctionnement prévisionnelles des AOM locales cumulée jusqu'en 2030 pourrait se situer entre 15,6 et 18,1 milliards d'euros.

Augmentation prévisionnelle des dépenses de fonctionnement des AOM locales (2023-2030)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

b) AOM régionales : plus de 10 milliards d'euros

Les services TER occupent une place essentielle dans le choc d'offre attendu dans les prochaines années. Cependant, l'ouverture à la concurrence qui commence à se déployer en France permet d'envisager des gains de performance de 20 à 30 %. Aussi, le nécessaire développement de l'offre de 20 à 25 % pourrait s'opérer à coût constant. Cependant, la prise en compte des prévisions d'inflation et les augmentations de péages ferroviaires pourraient conduire à une augmentation cumulée des dépenses de fonctionnement de l'activité TER de 6 milliards d'euros jusqu'en 2030.

Dans le même temps, et sur la même période, la hausse des dépenses prévisionnelles de fonctionnement relatives aux transports interurbains et au transport scolaire pourrait se traduire par une augmentation de 5 milliards d'euros, soit un total de 11 milliards d'euros.

Augmentation prévisionnelle des dépenses de fonctionnement
des AOM régionales (2023-2030)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

2. Au moins 30 milliards d'euros d'investissements d'ici 2030

En additionnant le développement de nouveaux TCSP et la rénovation des réseaux anciens, les investissements dans les projets de RER métropolitains ou le renouvellement du matériel roulant, en particulier pour verdir les flottes de bus, le total des dépenses d'investissements en matière de transports collectifs urbains (TCU)4(*) pourrait, d'après les estimations du GART, atteindre 30 milliards d'euros jusqu'en 20305(*).

C. IDFM : 50 MILLIARDS D'EUROS DE NOUVELLES DÉPENSES JUSQU'EN 2030

Les investissements prévisionnels d'Ile-de-France Mobilités (IDFM) se chiffrent à près de 30 milliards d'euros6(*) d'ici 2030 tandis que ses dépenses de fonctionnement devraient augmenter, en cumul, de presque 20 milliards d'euros jusqu'en 2030. À terme, les dépenses d'exploitation des nouvelles lignes du Grand Paris express devraient s'élever à environ 1 milliard d'euros par an.

II. UN MODÈLE DE FINANCEMENT INADAPTÉ

A. LE FINANCEMENT DES AOM LOCALES N'EST PLUS ASSURÉ

1. Un triptyque de financement sous tension

Couverture des dépenses7(*) des AOM locales en 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses du GART au questionnaire des rapporteurs

Aujourd'hui, le financement des AOM locales repose sur un triptyque de sources de financement. Spécificité française, le versement mobilité (VM) acquitté par les entreprises représente à lui seul près de la moitié des ressources des AOM locales.

Les contributions des collectivités, principalement versées sous forme de subventions d'équilibre, représentent aujourd'hui plus du tiers des ressources totales des AOM et elles pèsent fortement sur les budgets locaux.

En France, la part des recettes commerciales dans le financement des transports collectifs urbains (TCU) est plus basse que chez la plupart de nos voisins européens. Au cours des dernières décennies, cette part a fortement diminué, passant d'environ 70 % en 1975 à 50 % en 1995 pour se situer aujourd'hui sous les 20 %. Cependant, pour stimuler le report modal et progresser sur la voie de la transition écologique des transports, le nécessaire choc d'offre doit se combiner avec un choc tarifaire et, durant cette phase décisive, les tarifs modérés pratiqués en France sont un atout à ne pas remettre en question.

Répartition des ressources des AOM locales8(*) (2000-2020)

Source : commission des finances, d'après les réponses du GART au questionnaire des rapporteurs

Alors qu'à la différence de nombre de nos partenaires européens l'État s'est très largement désengagé du financement des transports collectifs urbains (TCU), les crises récentes l'ont contraint à venir en aide aux AOM, essentiellement sous la forme d'avances remboursables (650 millions d'euros pour les AOM locales et 2 milliards d'euros pour IDFM) et, plus marginalement par des subventions en réponse d'une part à la crise sanitaire (80 millions d'euros pour les AOM locales et 425 millions d'euros pour IDFM) et d'autre part à la crise inflationniste (100 millions d'euros pour les AOM locales et les AOM régionales et 200 millions d'euros pour IDFM). Le choix de recourir à des avances a conduit à alourdir l'endettement des AOM et leur remboursement contraint fortement leurs capacités d'investissements à un moment où elles ont pour mission de développer massivement leur offre.

2. Un besoin de financement de 8,5 à 11 milliards d'euros en fonctionnement des AOM locales d'ici 2030

Au regard de l'augmentation prévisionnelle des dépenses de fonctionnement des AOM locales, en tenant compte de la dynamique naturelle du versement mobilité (VM), et en prenant l'hypothèse d'une stagnation à leur niveau actuel des recettes commerciales et des contributions versées par les collectivités, le besoin de financement généré par la dynamique des dépenses de fonctionnement des AOM locales et cumulé jusqu'en 2030 pourrait se situer 8,59(*) et 11 milliards d'euros10(*).

Besoin de financement prévisionnel annuel des AOM locales en fonctionnement11(*) (2023-2030)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

B. DES OUBLIÉS DU MODÈLE DE FINANCEMENT DES AOM

1. L'hypothèse d'une interdiction des bus à motorisation thermique dès 2030 viendrait compliquer encore davantage le financement des investissements

Aujourd'hui, les AOM financent principalement leurs dépenses d'investissements par l'emprunt mais également au moyen de subventions des collectivités et d'une part de versement mobilité. L'État contribue également au financement des infrastructures des AOM, principalement via les appels à projet TCSP de l'agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT-France).

Alors que les négociations européennes actuelles sur le verdissement des flottes de bus urbains font peser une véritable épée de Damoclès sur les perspectives financières des AOM, le Gouvernement ne leur apporte aucun soutien. Au contraire, ce dernier défend la proposition de la Commission européenne visant à interdire dès 2030 l'achat de bus à motorisation thermique, y compris les véhicules fonctionnant au gaz naturel véhicule (GNV). Sur ce sujet, contrairement à son homologue allemand, le Gouvernement français abandonne les AOM à leur sort sur le plan financier puisqu'aucune aide sérieuse n'est envisagée.

2. Les zones peu denses assignées à résidence

En 2019, lorsque la loi d'orientation des mobilités (LOM) a réorganisé la gouvernance de la mobilité du quotidien, en particulier en donnant la possibilité aux communautés de communes de se saisir des compétences d'AOM, le Sénat avait regretté l'absence de financement de cette réforme. Il avait alors voté l'affectation de ressources destinées à ces nouvelles AOM pour leur donner les moyens de développer et de faire fonctionner de véritables services de mobilité de proximité adaptés aux zones rurales. Ce dispositif n'avait pas été retenu par l'Assemblée Nationale. Les craintes exprimées par le Sénat se sont malheureusement vérifiées en pratique et, faute de financements, les zones rurales restent les grandes oubliées du développement des transports du quotidien.

3. Les régions ne disposent d'aucune ressource spécifique pour combler un besoin de financement de 11 milliards d'euros

Contrairement aux intercommunalités, les régions ne disposent d'aucune ressource spécifique pour l'exercice de leur compétence d'AOM régionale ou d'AOM locale, alors même que celles-ci pourraient faire face à des besoins de financement en fonctionnement d'environ 11 milliards d'euros d'ici 2030. Si leurs recettes de fonctionnement devraient connaître une certaine progression du fait de la dynamique de la TVA, leur panier de ressources, reposant notamment sur une fiscalité de la route appelée à diminuer, manque de cohérence avec leurs compétences en matière de transports collectifs

4. Le financement des RER métropolitains : éviter l'erreur du Grand Paris Express

Alors que les premiers tours de tables s'organisent pour déterminer les financements nécessaires aux services express régionaux métropolitains (SERM), déjà de premières inquiétudes émergent, notamment quant à la participation de l'État à des projets qui ont pourtant été affichés comme une priorité par le Président de la République. Les rapporteurs craignent que ces SERM se transforment en un nouvel effet d'annonce du Gouvernement dont le financement sera assumé par les collectivités.

C. IDFM : UNE IMPASSE FINANCIÈRE DE PRÈS DE 10 MILLIARDS D'EUROS D'ICI 2030

Plusieurs rapports récents ainsi que les débats qui ont eu lieu lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023 ont objectivé l'impasse financière dans laquelle se trouve IDFM. Cette impasse, qui a une nouvelle fois été confirmée par un rapport d'inspection du mois de mai 202312(*), provient notamment du fait que, de façon incompréhensible, et malgré l'engagement écrit du Premier ministre en 2020, les modalités du financement des dépenses d'exploitation des nouvelles lignes du Grand Paris Express n'ont toujours pas été décidées.

En tenant compte de la dynamique prévisionnelle du versement mobilité et des hypothèses de trafic les plus actualisées, le besoin de financement de l'AOM francilienne pourrait s'établir à environ 10 milliards d'euros cumulés d'ici 2030.

Besoin de financement prévisionnel d'IDFM (2024-2030)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses d'IDFM au questionnaire des rapporteurs et le rapport sur les perspectives d'IDFM de mai 2023

III. LA NÉCESSAIRE RÉFORME DU FINANCEMENT DES AOM

A. AMÉLIORER LA PERFORMANCE DES TRANSPORTS ET MOBILISER DES RESSOURCES EXISTANTES

1. Optimiser les coûts de production des transports du quotidien

Le choc d'offre que les AOM doivent déployer dans les années qui viennent aura un coût significatif qu'il convient de financer. Néanmoins, avant de réfléchir à réformer le modèle de financement actuel ou à affecter aux AOM de nouvelles ressources, il convient d'actionner tous les leviers susceptibles d'optimiser leurs dépenses.

Comme l'ont documenté les rapporteurs dans leur rapport de mars 2022 sur les perspectives financières de la SNCF, des leviers de performance doivent ainsi être mobilisés par les opérateurs de transport mais aussi par les gestionnaires d'infrastructures, au premier rang desquels SNCF Réseau. L'ouverture à la concurrence des transports ferroviaires conventionnés de voyageurs offre des perspectives supplémentaires d'économies significatives qui pourraient dépasser les 30 % d'après l'Autorité de régulation des transports (ART).

Il existe également des marges d'optimisation des réseaux de transport actuels. La clé de leur efficience réside dans la vitesse de circulation qui est notamment susceptible d'être augmentée par des opérations de partage de voirie. Il est également essentiel de se saisir de toutes les opportunités de la révolution numérique des transports notamment dans une logique de « Mass13(*) ».

Il convient d'optimiser le choc d'offre de la mobilité du quotidien, d'une part en le ciblant vers les principaux gisements de report modal, tout particulièrement le raccordement des agglomérations à leurs périphéries, et, d'autre part, en optant pour les solutions économiquement les plus efficientes, notamment les cars express, particulièrement intéressants si l'on raisonne en termes de coût de la tonne de CO2 évitée.

Enfin, il est essentiel que le Gouvernement applique pleinement et immédiatement les dispositions prévues à l'article L. 2241-2-1 du code des transports, introduites par la loi du 22 mars 2016 dite loi Savary14(*), pour permettre un saut qualitatif décisif dans la lutte contre la fraude avec un objectif, d'après l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP), de recouvrer jusqu'à 300 millions d'euros par an. Les rapporteurs s'étonnent qu'après plus de sept ans, le décret d'application nécessaire à la concrétisation de ces dispositions n'ait toujours pas été publié.

2. Flécher des ressources existantes vers les AOM

Aujourd'hui, le fonds vert ou les dispositifs de certificats d'économies d'énergie (CEE) sont très peu orientés vers le secteur des transports et ne bénéficient pas aux AOM. Des fonds issus de ces deux sources de financement, à hauteur de plusieurs milliards d'euros d'ici 2030 pourraient être affectés aux dépenses d'investissement de ces dernières.

B. L'ÉTAT DOIT RÉELLEMENT ÉRIGER LES MOBILITÉS DU QUOTIDIEN EN PRIORITÉ

Alors que contrairement à la situation qui prévaut ailleurs en Europe, et notamment du fait de l'existence du versement mobilité, l'État s'est largement désengagé du financement des transports du quotidien, il apparaît aujourd'hui incontournable, compte tenu des enjeux de transition écologique et des engagements pris par la France au niveau européen que la mobilité du quotidien soit vraiment érigée en priorité nationale. Cette priorisation doit être démontrée par l'affectation de dispositifs budgétaires à la hauteur des enjeux :

un allègement d'au moins 50 % du remboursement des avances accordées aux AOM dans le cadre de la crise sanitaire ;

- des dotations budgétaires de 700 millions d'euros jusqu'en 2030 en faveur des services de mobilité en zones peu denses ;

- une prise en charge du financement des opérations de régénération et de modernisation du réseau ferroviaire pour diminuer la charge des péages financés par les régions ;

- la création d'un fonds pour la transition écologique des transports du quotidien abondé par le produit de la mise aux enchères des quotas carbone revenant à l'État, en fléchant au moins 1 milliard d'euros au financement du verdissement des flottes de bus des AOM.

C. CONSOLIDER ET COMPLÉTER LE MODÈLE DE FINANCEMENT DES AOM

1. Le modèle de financement actuel des AOM doit être ajusté

Pour accompagner le financement du développement d'offres de mobilités nouvelles, et uniquement à cette stricte condition, les taux de versement mobilité devraient pouvoir être déplafonnés et zonés sur décision des acteurs locaux.

Pour apporter de nouveaux financements à la mobilité en zones rurales, il est également nécessaire d'ouvrir la possibilité aux AOM locales de lever du versement mobilité, y compris lorsqu'elles n'organisent pas de services réguliers de transport public.

Si les systèmes de tarification solidaire doivent être encouragés dans une logique d'équilibre entre le financement des AOM et la nécessité d'éviter les effets d'éviction par les prix pour les publics fragiles, leur financement doit être directement couvert par les collectivités au titre de leur politique sociale.

Pour contribuer à financer une part des nouveaux investissements d'infrastructures des AOM, le recours à des sociétés de projets alimentés par de la fiscalité locale, sur le modèle de la Société du Grand Paris (SGP) et conformément aux dispositions de l'article 4 de la LOM, doit être encouragé. Cette solution semble notamment adaptée au financement des SERM.

2. Dans un contexte de choc d'offre, de nouvelles ressources devront être mobilisées pour couvrir les besoins de financement

Parce que le modèle actuel ne permettra pas de répondre aux enjeux du choc d'offre en cours, il doit être complété par de nouveaux leviers de financements. Devraient ainsi être affectés au financement des besoins structurels de fonctionnement des collectivités :

une part d'accise sur les énergies (ancienne TICPE) répartie dans une logique de péréquation qui aura vocation à diminuer dans le temps au profit de la montée en puissance progressive d'une nouvelle contribution prélevée sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) ;

- une taxe sur les plus-values immobilières générées par les nouvelles offres de transports ;

- une taxe sur les livraisons liées au commerce en ligne ;

- une majoration de la taxe de séjour sur les hébergements « haut de gamme » ;

- enfin, pour financer une part des dépenses d'investissements engagées par les AOM en raison des impératifs climatiques, les rapporteurs proposent la création d'un grand emprunt destiné à financer la transition écologique des mobilités du quotidien.

Couverture des besoins de fonctionnement prévisionnels
des AOM locales

Besoin de financement prévisionnel en fonctionnement jusqu'en 2030

Solutions de financement à mobiliser

Montants cumulés prévisionnels de financement à prévoir jusqu'en 2030

Besoin de financement : 8,5 à 11 milliards d'euros

Hypothèses retenues :

- Augmentation des dépenses de fonctionnement en volume de 20 à 25 % ;

- Taux d'inflation prévus par le programme de stabilité 2023-2027 ;

- Dynamique prévisionnelle du VM à norme constante ;

- Maintien au niveau actuel des recettes commerciales et des contributions des collectivités territoriales.

Contribution sur les SCA

2 milliards d`euros

Nouvelles taxes et déplafonnement territorialisé des taux de VM

1,5 milliard d'euros

Affectation d'une part du produit des enchères de quotas carbone

1,3 milliard d'euros

Taxe de séjour hébergements « haut de gamme »

1,2 milliard d'euros

Allègement de 50 % du remboursement des avances « covid »

0,3 milliard d'euros

Recettes commerciales

La part des recettes commerciales dans le total des ressources devrait se maintenir grâce à la hausse de la fréquentation et au financement de la tarification solidaire par la politique sociale des collectivités

2,5 milliards d'euros

Gains de performance et optimisation de la lutte contre la fraude

Un potentiel de plusieurs centaines de millions d'euros sur la période

Accise sur les énergies (ex-TICPE) employée comme variable d'ajustement

Jusqu'à 2,2 milliards d'euros

Pour financer leurs dépenses d'investissement de 30 milliards d'euros d'ici 2030, les AOM pourront recourir à divers sources de financement : l'autofinancement, de nouveaux emprunts, de nouvelles dotations de l'État, notamment en faveur des zones rurales et du verdissement des flottes de bus, des appels à projet TCSP qui devront être prolongés et déployés plus régulièrement, des sociétés de projets prévues par l'article 4 de la LOM, le fonds vert (300 millions d'euros), les dispositifs CEE (jusqu'à 750 millions d'euros par an) ou encore le grand emprunt. Pour contribuer aux investissements nécessaires au choc d'offre des mobilités du quotidien, il conviendra également de saisir toutes les opportunités offertes par les financements européens.

Couverture des besoins de fonctionnement prévisionnels
des AOM régionales

Besoin de financement prévisionnel en fonctionnement jusqu'en 2030

Solutions de financement à mobiliser

Montants cumulés prévisionnels de financement à prévoir jusqu'en 2030

Besoin de financement : 11 milliards d'euros

Hypothèses retenues :

- Augmentation des dépenses de fonctionnement de transports collectifs interurbains et scolaires de 20 % ;

- Augmentation en volume de 20 % de l'offre TER à coût constant en raison des gains de performance liés à l'ouverture à la concurrence ;

- Augmentation des péages ferroviaires tels qu'ils ont été validé par l'Autorité de régulation des transports (ART) pour 2023-2026 puis selon la trajectoire prévue au contrat de performance de SNCF Réseau ;

- Taux d'inflation prévus par le programme de stabilité 2023-2027.

Diminution des péages ferroviaires

7,6 milliards d'euros

Dynamique des recettes de fonctionnement des régions15(*)

3,4 milliards d'euros

D. LA SITUATION D'IDFM EXIGE DES MESURES COMPLÉMENTAIRES

Si IDFM bénéficiera également de la réforme plus globale du mode de financement des AOM (affectation d'une part du rendement des enchères de quotas carbone, majoration de la taxe de séjour, allègement du remboursement des avances « covid » et création des nouvelles taxes), sa situation exige des réponses complémentaires particulières qui devraient prendre la forme :

- d'une hausse territorialisée des taux plafonds du versement mobilité strictement conditionnée à la mise en oeuvre d'une nouvelle offre de transports dont pourront bénéficier les employés des entreprises concernées ;

- d'une diminution de 140 millions d'euros de la redevance d'exploitation due à la SGP et du transfert des coûts de pré-exploitation du Grand Paris Express (GPE) à cette dernière.

Couverture des besoins de financement prévisionnels d'IDFM

Besoin de financement prévisionnel en fonctionnement jusqu'en 2030

Solutions de financement à mobiliser

Montants cumulés prévisionnels de financement à prévoir jusqu'en 2030

Besoin de financement : près de 10 milliards d'euros

Dynamique des recettes et dépenses à norme constante.

Diminution des péages ferroviaires

3,6 milliards d'euros

Nouvelles taxes et déplafonnement territorialisé des taux de VM

1,5 milliard d'euros

Affectation d'une part du produit des enchères de quotas carbone

1,3 milliard d'euros

Taxe de séjour hébergements « haut de gamme »

1,2 milliard d'euros

Allègement de 50 % du remboursement des avances « covid »

1 milliard d'euros

Mobilisation de la SGP

1 milliard d'euros

LISTE DES 20 RECOMMANDATIONS

Axe n° 1 : améliorer la performance économique des transports du quotidien

Recommandation n° 1 : réaliser des gains de productivité renforcés par les processus d'ouverture à la concurrence ;

Recommandation n° 2 : concentrer les développements de l'offre sur les principaux gisements de report modal et en privilégiant les solutions économiquement les plus efficientes ;

Recommandation n° 3 : développer la coopération entre autorités organisatrices de la mobilité (AOM), en incitant à leur regroupement, idéalement à l'échelle du bassin de mobilité, dans un double objectif d'efficacité organisationnelle et de péréquation horizontale, et en déployant un dispositif de billet unique ;

Recommandation n° 4 : lutter plus efficacement contre la fraude, notamment en mettant en oeuvre les dispositions de la loi Savary.

Axe n° 2 : mobiliser des sources de financement existantes

Recommandation n° 5 : allouer aux AOM des crédits du fonds vert et des financements issus des certificats d'économies d'énergie (CEE) ;

Recommandation n° 6 : cibler les aides à l'acquisition de véhicules propres vers les zones rurales.

Axe n° 3 : consacrer les moyens nationaux nécessaires pour faire de la mobilité du quotidien une véritable priorité

Recommandation n° 7 : alléger le coût du remboursement des avances accordées par l'État aux AOM dans le cadre de la crise sanitaire ;

Recommandation n° 8 : consacrer au moins 700 millions d'euros d'ici 2030 pour accompagner le développement de services de mobilité en zones peu denses ;

Recommandation n° 9 : aligner notre modèle de financement du réseau ferré sur celui de nos principaux partenaires européens en limitant les péages ferroviaires à la seule redevance de circulation, l'État devant prendre en charge les efforts de régénération et de modernisation des infrastructures ;

Recommandation n° 10 : créer un Fonds pour la transition écologique des transports du quotidien abondé par le produit de la mise en aux enchères des quotas carbone revenant à l'État, en fléchant au moins 1 milliard d'euros au financement du verdissement des flottes de bus des AOM.

Axe n° 4 : consolider le modèle de financement actuel des AOM locales

Recommandation n° 11 : renforcer le versement mobilité en tant que pilier du système de financement des transports du quotidien (i) en donnant aux AOM la faculté de moduler son taux par zone à l'intérieur de leur territoire, (ii) en leur permettant d'instituer une majoration de taux strictement conditionnée au développement d'une nouvelle offre de transport au financement de laquelle les usagers prendraient également toute leur part et (iii) en autorisant aux AOM qui n'organisent pas de service régulier de transport public de le lever sur leur territoire à un taux réduit ;

Recommandation n° 12 : développer des sociétés de projets alimentées par des taxes locales pour financer des opérations de développement de l'offre de transport, en particulier les services express régionaux métropolitains ;

Recommandation n° 13 : isoler le financement des dispositifs de tarification solidaire par des subventions des collectivités territoriales en le rattachant à la politique d'action sociale.

Axe n° 5 : instaurer de nouvelles sources de financement affectées aux AOM locales

Recommandation n° 14 : affecter aux AOM locales une part du rendement de l'accise sur les énergies (ex-TICPE) selon un principe de péréquation ;

Recommandation n° 15 : créer une nouvelle taxe sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes ;

Recommandation n° 16 : permettre aux AOM d'instituer une majoration des tarifs de la taxe de séjour pour les hébergements haut de gamme ;

Recommandation n° 17 : permettre aux AOM d'instituer une taxe locale sur les plus-values immobilières générées par les nouvelles offres de transport ;

Recommandation n° 18 : permettre aux AOM d'instituer une taxe locale sur les livraisons liées au e-commerce ;

Recommandation n° 19 : mobiliser l'épargne populaire à travers la création d'un grand emprunt dédié au financement des mobilités du quotidien.

Axe n° 6 : remettre à plat le modèle de financement d'Île-de-France Mobilités (IDFM) par la mobilisation de leviers complémentaires

Recommandation n° 20 : mobiliser des leviers complémentaires dans une logique de répartition équitable des efforts afin de résoudre l'équation financière d'IDFM :

- augmenter les taux plafonds de versement mobilité de manière territorialisée et strictement conditionnée au développement de nouvelles offres de transport ;

- réduire de moitié la redevance annuelle due par IDFM à la Société du Grand Paris et transférer à cette dernière les coûts de pré-exploitation du Grand Paris Express.

INTRODUCTION

Les transports du quotidien sont au coeur des préoccupations concrètes et immédiates de nos concitoyens, et notamment, en cette période de retour de l'inflation, en matière de pouvoir d'achat. Au-delà de cette dimension de proximité, dans la période de transition écologique actuelle, leur développement répond à des enjeux beaucoup plus larges et prospectifs de lutte contre les dérèglements climatiques et de respect des engagements de la France en la matière. Leur organisation suppose une approche transversale et doit être mise en cohérence avec d'autres politiques publiques, au premier rang desquelles les politiques d'urbanisme et du logement.

Les compétences et les missions exercées par les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) sont à la croisée de ces enjeux. Alors que leur premier rôle est d'offrir à nos concitoyens un service de qualité en matière de transport, c'est aussi à elles que revient la tâche exigeante de mener à bien la nécessaire transition écologique des mobilités quotidiennes, un élément absolument déterminant de la transition plus large des transports, principal secteur émetteur de gaz à effet de serre (GES) en France (30 % des émissions totales). Au-delà, les transports du quotidien doivent aussi se déployer dans une perspective d'équité territoriale et de justice sociale sans que des zones ou des individus soient laissés pour compte, comme c'est actuellement trop souvent le cas. Le nécessaire déploiement de solutions de mobilité collectives complémentaires pour accompagner la mise en oeuvre des zones à faibles émissions (ZFE) est un autre des nombreux éléments de contexte qui rendaient cette mission d'information indispensable16(*).

Mener à bien ces missions essentielles suppose d'importants moyens et ce, d'autant plus que, dans les années qui viennent, le respect des objectifs climatiques pour lesquels l'État a pris des engagements au niveau européen, implique de déployer un véritable choc d'offre des mobilités du quotidien. Ce choc d'offre, qui n'est plus une option, suppose, dans un premier temps, d'importantes dépenses d'investissements puis, dans un second temps, un accroissement conséquent des charges d'exploitation. Parce que les recettes tarifaires payées par les passagers ne couvrent en moyenne que moins de 20 % de ces dernières, de nouvelles solutions de financement structurelles devront nécessairement être dégagées.

Si tous les acteurs sont unanimes pour dresser ce constat et pour appeler à une refonte du modèle de financement des AOM, aucun à ce jour n'a encore été en mesure de proposer un nouveau système réellement opérationnel. Aussi, c'est avec une certaine humilité que les rapporteurs ont abordé leur mission.

En termes de constats, il est toutefois admis que pour que la France tienne ses engagements climatiques, l'offre de transports collectifs du quotidien devrait progresser d'au moins 20 à 25 % d'ici à 2030, entraînant pour les AOM un surcroît proportionnel de dépenses de fonctionnement. Cet indispensable investissement pourrait supposer un besoin de financement en fonctionnement cumulé total d'ici à 2030 de près de 30 milliards d'euros pour les AOM locales et régionales.

La situation d'Île-de-France Mobilités (IDFM) présente quant à elle certaines particularités et se caractérise par une impasse financière manifeste. L'État est tout sauf étranger à cette situation et il est absolument sidérant que l'on ait pu lancer un chantier à près de 40 milliards d'euros d'investissements tel que le Grand Paris Express (GPE) sans jamais déterminer le modèle de financement de son exploitation. Ce péché originel injustifiable explique en bonne partie pourquoi IDFM se retrouve aujourd'hui dos au mur. Le Gouvernement est d'autant plus responsable de cette situation que le Premier ministre lui-même, dans un courrier signé du 21 janvier 2020, avait reconnu que les dépenses d'exploitation générées par les nouvelles lignes « ne pouvaient pas être absorbées par le modèle de financement actuel d'IDFM » et que cela justifiait qu'au moins « une partie de ces coûts soit supportée par des financements supplémentaires ». Ce n'est pas la première fois que le Gouvernement est pris en flagrant délit de promesse non tenue dans le domaine du financement des transports. Cet engagement, pris il y a de cela plus de trois ans, ne s'est toujours pas matérialisé. Alors que de nouveaux investissements à hauteur de 20 milliards d'euros sont engagés pour déployer les projets de services express régionaux métropolitains (SERM), il convient de définir précisément et immédiatement les modalités de financement de l'exploitation de ces nouvelles offres afin de ne pas reproduire une telle erreur.

Outre le cas emblématique du GPE, concernant la mobilité du quotidien, les promesses non tenues du Gouvernement sont légions depuis quelques années. L'annonce faite dès 2017 d'ériger les transports du quotidien en priorité s'est largement dissipée, notamment lorsque de nouvelles lignes à grande vitesse (LGV) ont été lancées en 2021. Le désengagement de l'État est également patent s'agissant des investissements dans les lignes de desserte fine du territoire, faisant toujours plus peser le coût de leur régénération sur les régions. En matière de financement des mobilités, trop souvent le Gouvernement échoue à tenir ses promesses. La déception se révèle alors d'autant plus forte que, de façon récurrente, les prises de décisions sont maintes fois retardées, attisant ainsi les espoirs alors que, quasi systématiquement, « la montagne accouche d'une souris », le dernier exemple en date étant l'annonce de la participation financière de l'État aux volets transports des actuels contrats de plan État-Région (CPER) 2021-202717(*).

Sur le sujet des mobilités du quotidien, le Gouvernement a également failli à la promesse qu'il avait faite au moment de l'examen de la LOM et visant à permettre aux communautés de communes qui se saisiraient des compétences d'AOM de bénéficier de financements pour déployer des services de transports sur leurs territoires. Aujourd'hui, et malgré les votes en ce sens du Sénat, la réforme n'est toujours pas financée, la prise de compétences par les communautés de communes peine à se concrétiser dans les faits et les zones rurales restent désespérément en marge de la mobilité du quotidien.

Les annonces contradictoires et les positions incompréhensibles du Gouvernement au sujet des transports collectifs urbains (TCU) concernent aussi l'enjeu décisif du verdissement des flottes de bus. Alors que le Gouvernement défend au niveau européen une position contraire aux intérêts des AOM en promouvant une interdiction des bus thermiques dès 2030, il les laisse dans le même temps assumer seules le coût du renouvellement de leurs flottes.

Alors que la France pensait avoir trouvé « la martingale » avec la création du versement mobilité (VM) il apparaît évident aujourd'hui que le modèle de financement actuel des AOM locales comme d'IDFM ne permettra pas de répondre aux enjeux à venir de la mobilité du quotidien. La France se retrouve désormais à la croisée des chemins, le temps des effets d'annonce sans lendemain n'est plus de mise. Pour atteindre nos objectifs climatiques il est impératif d'ériger la mobilité du quotidien comme une véritable priorité nationale et de donner les moyens aux AOM de développer massivement leur offre. Faute de réforme de leur modèle de financement il est à craindre au contraire que le niveau d'offre devienne une variable d'ajustement et soit bridé au détriment de nos ambitions et de nos engagements environnementaux.

PREMIÈRE PARTIE
UN MUR DE PLUS DE 100 MILLIARDS D'EUROS DE DÉPENSES SE DRESSE DEVANT LES AOM D'ICI 2030

I. DES DÉPENSES QUI VONT INÉVITABLEMENT AUGMENTER

Aujourd'hui, d'après les données agrégées par le Groupement des autorités responsables de transport (GART) et comme l'illustre le graphique ci-dessous, le total des dépenses annuelles de l'ensemble des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) en France représente plus de 35 milliards d'euros.

Total des dépenses des AOM

(en milliards d'euros)

Source : réponses du Groupement des autorités responsables de transport (GART)18(*) au questionnaire des rapporteurs

Une série de déterminants décrits infra va immanquablement pousser à la hausse de ces dépenses dans les années à venir. Ces augmentations concerneront aussi bien les investissements que le fonctionnement.

Les autorités organisatrices de la mobilité (AOM)

En France, l'exercice de la compétence d'organisation des services de transports publics et de mobilité a pour l'essentiel été transféré aux collectivités territoriales et se structure autour de la notion d'autorité organisatrice de la mobilité (AOM). Sur le ressort territorial de chaque AOM, ces services peuvent être gérés directement en régie ou bien délégués à des opérateurs.

À l'origine, la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs (LOTI), avait structuré cette gouvernance autour des différents modes de transports, avec la création du service d'action régionale (qui deviendra le Transport express régional [TER]), tandis que l'organisation du transport routier non urbain et scolaire était confiée au département et celle du transport routier urbain au bloc communal.

La gouvernance des mobilités a ensuite beaucoup évolué depuis la deuxième moitié de la décennie 2010. Les lois n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM), et n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), ont prévu de confier aux régions, en plus de la compétence ferroviaire, celle du transport routier interurbain et scolaire (hors transport scolaire des élèves en situation de handicap qui continue de relever du département) et en étendant les compétences mobilité du bloc communal aux services de transport non urbain et de mobilité solidaire, active et partagée.

Depuis la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM), la gouvernance de la mobilité repose sur le couple région - intercommunalité :

- les régions, en leur qualité d'AOM régionales (articles L. 1231-3 et L. 1213-4 du code des transports), assument le rôle de chef de filât en matière de mobilité et compétentes sur leur territoire notamment pour la gestion de tout service d'intérêt régional, notamment les services TER et interurbains mais également tout service dépassant le ressort territoriale d'une AOM locale (transport à la demande, transport scolaire, mobilités actives, autopartage) ;

- les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), en leur qualité d'AOM locales (articles L. 1231-1 à L. 1231-2 du code des transports), sont compétentes pour tous les services de mobilité au sein de leur ressort territorial, notamment les services réguliers de transports publics urbains et non urbains, mais également ceux relatifs au transport scolaire, au transport à la demande, aux mobilités actives ou encore à l'autopartage. Les communautés d'agglomération, les communautés urbaines, les métropoles et la métropole de Lyon exercent obligatoirement la compétence. Celle-ci n'est en revanche pas obligatoire pour les communautés de communes qui, en application de la LOM, ont pu librement choisir de l'exercer ou non à compter du 1er juillet 2021 ou, à défaut, de laisser la région l'exercer sur leur territoire. Les syndicats mixtes et les pôles d'équilibre territorial et ruraux (PETR) peuvent également devenir AOM, suite à un transfert de cette compétence de la part de leurs membres.

En Île-de-France, la gouvernance des mobilités est atypique puisqu'un établissement public local, Île-de-France Mobilités (IDFM) assume le rôle d'AOM unique sur l'ensemble du territoire régional.

Enfin, il est à noter que l'État exerce lui-même un rôle d'AOM pour les lignes de trains d'équilibre du territoire (TET) dont il a conservé la responsabilité.

Source : commission des finances du Sénat

A. LES IMPÉRATIFS DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

1. Les périphéries des agglomérations représentent l'enjeu de la décennie en matière de report modal

Les transports représentent 30 % des émissions de gaz à effet de serre en France. Aussi, la transition écologique ne pourra-t-elle se réaliser sans une révolution des transports, et notamment des transports du quotidien. Alors que la voiture individuelle représente environ 16 % de ses émissions de CO2, pour tenir les engagements climatiques qu'elle a pris au niveau européen, la France doit augmenter d'au moins 20 à 25 % l'offre de transport collectif du quotidien d'ici 2030.

Si aujourd'hui le coeur des grandes agglomérations est souvent bien irrigué par des réseaux de transport en commun qui ont permis de réduire la part de la voiture individuelle dans les déplacements, d'importants gisements de report modal et donc, par voie de conséquence, de réduction des émissions de gaz à effets de serre (GES) résident dans le raccordement des périphéries aux agglomérations et des déplacements au sein même de ces périphéries ou des zones péri-urbaines. Aujourd'hui, l'accès aux agglomérations se réalise encore très majoritairement en voitures individuelles. Ce raccordement des périphéries par des services de transport en commun efficaces constitue aujourd'hui le principal angle mort de la transition écologique des transports du quotidien et le grand enjeu des prochaines années en termes de réduction des GES dans ce secteur.

Le potentiel de décarbonation lié à cet enjeu apparaît en effet absolument considérable. D'après les recherches de Jean Coldefy19(*), les déplacements entre les métropoles et leurs espaces périurbain et périphérique sont à la source des principales émissions de CO2 des mobilités et représenteraient 7 % des émissions totales en France. À titre d'exemple, ces émissions seraient 35 fois plus importantes que celles des villes-centres, beaucoup plus densément irriguées en réseau de transports en commun. La direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) confirme que les seuls flux centres-périphéries concentrent environ 50 % des émissions de CO2 relatives à la mobilité quotidienne des personnes20(*) alors que les villes-centres n'en représentent que 2 %. Cette situation s'explique par le fait que la part modale des transports en commun chute drastiquement de 27 % à 5 % entre les pôles d'agglomérations et leurs couronnes.

Pour relever le défi du raccordement des agglomérations à leurs zones périurbaines et périphériques, il serait nécessaire de multiplier par trois voire par quatre l'offre de mobilité partagée au sein de ces territoires. L'articulation des agglomérations avec leurs territoires périphériques par des moyens de mobilité adaptés et conçus dans une perspective intermodale pourrait permettre, d'après les estimations de la DGITM, de diminuer de 30 % les flux automobiles rentrant dans les métropoles.

Au-delà du levier de décarbonation majeur que constitue cette perspective, elle revêt également des enjeux d'équité territoriale et de justice sociale puisque les personnes concernées sont principalement des ménages modestes, contraints d'utiliser leur voiture pour se rendre sur leur lieu de travail.

Par ailleurs, pour ne pas être purement punitive, la mise en place des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) ne peut s'envisager sans un développement parallèle de l'offre de transports en commun. Ainsi, la création puis la montée en puissance progressive des ZFE-m constitue-t-elle également un facteur concourant à l'augmentation des dépenses d'investissement et de fonctionnement des AOM dans les années à venir.

Outre l'enjeu prioritaire des zones périphériques et périurbaines, le « choc d'offre » nécessaire pour que la France remplisse ses engagements en matière de lutte contre le changement climatique passera aussi, dans de nombreuses AOM de province, par l'extension de réseaux de métro, de tramway ou encore de bus à haut niveau de service (BHNS). Parmi les projets les plus significatifs, des opérations sont notamment en cours à Lyon, Marseille, Lille ou encore Toulouse.

Alors que les nouveaux développements de l'offre de transport du quotidien ne peuvent s'envisager autrement que dans une logique d'intermodalité permettant l'articulation la plus poussée possible des différents modes de déplacement, les acteurs du secteur font le constat que le nombre de parking relais est aujourd'hui très insuffisant. Une multiplication par deux voire par trois serait nécessaire. Le coût par place d'un parking relais se situe entre 5 000 et 25 000 euros selon leur nature (parking au sol, en silo, souterrain). Le même constat peut être dressé s'agissant des pôles d'échange multimodaux (PEM) ferroviaires mais également routiers dont les coûts s'établissent dans des fourchettes allant respectivement de 10 à 50 millions d'euros et de 5 à 6 millions d'euros.

2. Le verdissement des flottes de bus : les AOM abandonnées à l'aléa des négociations européennes

Alors que les AOM ont déjà engagé un coûteux mais nécessaire programme de verdissement de leurs flottes de bus, elles se trouvent actuellement soumises à « l'épée de Damoclès » des négociations européennes relatives au renforcement des normes de performance en matière d'émissions de CO2 pour les véhicules utilitaires lourds neufs qui visent à aboutir à une révision d'un règlement européen du 20 juin 201921(*). La proposition de révision dudit règlement, publiée par la Commission européenne le 14 février 2023, prévoit d'interdire dès 2030 la vente de bus urbains neufs à motorisation thermique, c'est-à-dire y compris les bus fonctionnant au gaz naturel véhicules (GNV). Une telle décision reviendrait à imposer aux AOM une révision en profondeur des programmes d'investissement dans le renouvellement de leurs flottes pour des surcoûts qui pourraient potentiellement dépasser les 6 milliards d'euros.

De manière incompréhensible, le Gouvernement français semble n'avoir fait que peu de cas de l'intérêt des AOM dans ces négociations et soutient la proposition actuelle. Aussi, le Groupement des autorités responsables de transport (GART), l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) et la Plateforme automobile (PFA) ont-ils interpellé la Première ministre dans un courrier du 9 juin dernier.

Dans cette lettre, ces trois organisations ont vivement alerté l'exécutif sur les conséquences financières extrêmement lourdes pour les AOM de la proposition actuelle de la Commission. Ils s'interrogent même ouvertement sur sa faisabilité technique et sur le risque qu'elle conduise les AOM françaises dans une impasse : « le rythme imposé par ce texte expose le transport public urbain à un risque majeur de vulnérabilité économique et soulève de très sérieuses interrogations quant à sa faisabilité, eu égard aux conséquences financières induites pour les autorités organisatrices et leurs réseaux de transport public urbain, mais aussi face aux exigences de déploiement des infrastructures de recharge qu'il impliquerait dans les territoires concernés dans des délais trop contraints ».

Ces trois organisations plaident pour un calendrier de transition ambitieux mais plus réaliste avec un objectif de 80 % de vente de bus urbains zéro émissions en 2030, 90 % en 2035 avant, par une clause de revoyure, de fixer un objectif, qui pourrait atteindre 100 %, en 2040.

Alors que 95 % de la flotte des plus de 26 000 bus resterait à convertir à des motorisations zéro émissions (électrique ou hydrogène), le coût d'acquisition d'un bus électrique de 12 mètres est deux fois plus élevé que celui de son homologue diesel et 74 % plus élevé que celui d'un bus GNV. Le prix d'achat d'un bus hydrogène est quant à lui trois fois plus élevé que celui d'un bus diesel.

Coût d'acquisition d'un bus de 12 mètres selon sa motorisation

(en euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses du GART au questionnaire des rapporteurs

Outre les coûts d'acquisition des bus, le verdissement des flottes des AOM implique également des investissements pour aménager les dépôts ainsi que des charges supplémentaires pour assurer la formation des personnels à la maintenance des nouveaux matériels.

De nombreuses AOM ont déjà lourdement investi pour renouveler leurs flottes avec des bus GNV. Elles ont aussi investi dans des stations d'avitaillement et des infrastructures de distribution. Ces investissements perdraient toute valeur d'ici 2030 si la réglementation européenne évoluait effectivement vers l'interdiction dès cette échéance de toutes les motorisations thermiques.

En 2021 déjà, le rapport de la « mission Duron »22(*) avait notamment mis en exergue la problématique particulière des AOM modestes qui disposaient d'une part importante de bus au GNV dans leur flotte. Il soulignait à ce titre : « il importe que celles qui ont fait le choix du biogaz et investi en conséquence ne soient pas contraintes d'y renoncer au profit de véhicules électriques ». La mission recommandait également au Gouvernement de « veiller à ce que ces réseaux de taille modeste puissent poursuivre, le cas échéant, le renouvellement de leur flotte avec la motorisation au biogaz ».

Au regard de la position défendue par la France dans le cadre des négociations européennes actuelles, force est de constater que le Gouvernement n'a tenu aucun compte de l'avertissement et de la recommandation de la mission Duron.

À l'enjeu financier pour les AOM s'ajoute une problématique de souveraineté dans la mesure où, aujourd'hui, la quasi-totalité des bus et des cars électriques sont produits et commercialisés par des constructeurs chinois. Là encore, le rapport Duron alertait dès 2021 sur ce risque en termes de souveraineté en soulignant qu'à court terme, seuls les constructeurs chinois étaient en mesure de répondre en nombre suffisant et à des prix compétitifs à une conversion à l'électrique des flottes de bus. La mission recommandait ainsi au Gouvernement « d'adapter, en lien avec l'Union européenne, le calendrier des obligations de verdissement des flottes de manière à laisser le temps aux filières de production européennes de s'organiser pour produire à hauteur de cette demande ».

Les rapporteurs s'étonnent que sur ce sujet essentiel du verdissement des flottes de bus, le Gouvernement semble ignorer aussi bien l'enjeu financier qu'il revêt pour les AOM que le risque qu'il emporte en termes de souveraineté industrielle.

B. LA NÉCESSAIRE ÉQUITÉ TERRITORIALE

À ce jour les zones rurales ou « peu denses » sont restées largement à l'écart du développement des services de mobilité du quotidien. Or, dans une perspective de décarbonation mais plus encore d'équité territoriale et de justice sociale, cette situation ne peut et ne doit perdurer. Dans les années à venir, ces zones doivent elles aussi recueillir leur part des bénéfices du nécessaire choc d'offre des transports du quotidien.

Comme l'illustre le graphique ci-après, en 2019, en nombre de déplacements, la part modale des transports en commun dans les territoires ruraux était extrêmement réduite alors que celle de la voiture individuelle atteignait 80 %, une proportion qui n'avait pas évolué au cours de la décennie précédente. La dépendance à la voiture individuelle n'est pas sans conséquence sur le pouvoir d'achat des ménages qui résident en zone rurale. Ainsi, en 2020, d'après le baromètre des mobilités du quotidien, le coût mensuel moyen des déplacements était-il 60 % plus élevé en zone rurale (141 euros) qu'en ville (90 euros).

Évolution des parts des modes de transport (en nombre de déplacements)
par tranche d'unités urbaines entre 2008 et 2019

Source : rapport d'information n° 313 au nom de la délégation sénatoriale à la prospective (1) sur les mobilités dans les espaces peu denses en 2040 : un défi à relever dès aujourd'hui, janvier 2021.

Pourtant, et comme avait pu le souligner un rapport d'information de la délégation sénatoriale à la prospective en 202123(*), « il n'y a pas de fatalité à ce que les espaces peu denses restent sans alternative au véhicule individuel et à l'autosolisme ». Certes les solutions de mobilité à mettre en oeuvre dans ces zones sont complexes, la détermination de leur modèle économique est souvent un défi et l'impératif d'intermodalité s'y trouve exacerbé. Cependant, s'il n'existe pas de « formule magique » et si chaque réponse doit être conçue sur mesure selon les configurations propres à chaque territoire, des solutions existent. Alors que les zones rurales supposent une logique de « cas par cas », de faire « dans la dentelle » et d'articuler étroitement différentes solutions de mobilité, la France a sans doute trop longtemps eu des difficultés à concevoir autre chose que des services réguliers de transport public, souvent inadaptés à la configuration de ces territoires.

Ainsi, d'après un rapport de l'Autorité de la qualité de services dans les transports (AQST) de 2019 sur la qualité de la desserte en transports publics réguliers depuis les zones rurales, la France serait, sur l'échantillon de pays étudiés, le pays dans lequel la qualité de la desserte programmée en transports en commun à partir des zones rurales est la moins bonne.

La mobilité en zones peu denses implique une combinaison complexe de solutions à adapter à chaque situation. Ces solutions peuvent le cas échéant associer cars express, covoiturage organisé, autopartage, transport à la demande (TAD), transport solidaire, utilisation des lignes régulières à vocation scolaire, mobilités actives, etc. Dans les zones rurales, une bonne part de la soutenabilité du modèle économique des solutions de mobilité réside dans leur complémentarité.

L'un des principaux enjeux de la mobilité en zones peu denses est de parvenir à connecter efficacement ces territoires avec les offres de transport en commun cadencées et plus lourdes déjà existantes, en réduisant au maximum le phénomène de rupture de charge. Ainsi, en zone rurale, l'objectif ne doit pas être de supprimer la voiture individuelle mais de réduire le nombre de kilomètres parcourus en voiture. Cette logique de rabattement est à privilégier en toutes circonstances et nécessite d'investir dans des pôles d'échanges multimodaux (PEM) et des parkings relais.

Concernant le développement de la mobilité active en zone rurale, et en particulier du vélo, il apparaît que, compte tenu du différentiel de vitesse entre les voitures et les vélos, les aménagements de voirie sécurisée sont encore plus indispensables et plus coûteux qu'en milieu urbain. La réalisation de tels investissements est incontournable pour stimuler un véritable décollage de la pratique du vélo en zone rurale.

C. LA RÉNOVATION DES RÉSEAUX EXISTANTS

Si les AOM sont confrontées à la nécessité de développer massivement l'offre existante pour répondre aux enjeux de la transition écologique des transports, elles doivent, en parallèle, rénover certains réseaux actuels vieillissant. Il s'agit en particulier des réseaux de transport collectif en site propre, notamment des réseaux de tramways qui arrivent à mi-vie24(*), pour certains inaugurés entre les années 1970 et 1990. La rénovation de leurs infrastructures comme de leur matériel roulant25(*) va induire des coûts d'investissement significatifs dans les années à venir.

D. 15 À 20 MILLIARDS D'EUROS D'INVESTISSEMENT POUR LES « RER MÉTROPOLITAINS »

En novembre 2022, au détour d'une vidéo sur Youtube et sans aucune concertation, le Président de la République a annoncé vouloir développer des « RER métropolitains » dans dix grandes métropoles.

Ce type de services s'inspire notamment de modèles étrangers tels que les réseaux de S-Bahn en Allemagne. Dans la proposition de loi relative aux services express régionaux métropolitains (SERM) adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale le 16 juin dernier, ces « RER métropolitains » sont rebaptisés SERM. L'article 1 de cette proposition de loi définit un SERM comme tout « projet de développement de services avant d'être un projet d'infrastructure prévoyant un choc d'offre s'appuyant sur des dessertes cadencées et articulées avec les autres offres de transports, notamment de transports publics urbains et périurbains ». Ces projets renvoient à des offres multimodales de transports collectifs publics s'appuyant principalement, mais pas exclusivement, sur une amélioration de la desserte ferroviaire, complétées notamment, le cas échéant, de lignes de cars express. Elles ont pour objectifs des dessertes plus fréquentes et plus fiables des zones périurbaines et le désenclavement des territoires mal reliés à la ville centre.

Le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) propose d'ailleurs d'en retenir une définition plus ramassée et ciblée sur la notion de cadencement : « un service express régional métropolitain est une offre ferroviaire destinée aux voyageurs offrant une fréquence à l'heure de pointe inférieure à 20 minutes et en heure creuse inférieure à 60 minutes ».

Il convient de préciser que le lancement de tels projets est bien antérieur à la déclaration du Président de la République. Le rapport du premier Conseil d'orientation des infrastructures (COI) en 2018 traitait déjà de la question et SNCF Réseau publiait en 2020 un schéma directeur consacré aux « étoiles ferroviaires et aux services express métropolitains ».

À ce jour, quatorze projets26(*) importants sont en cours d'étude ou de déploiement par phases pour certains, d'autres étant moins avancés. La majorité des projets en sont encore au stade des études d'opportunité. D'autres métropoles ou agglomérations susceptibles d'accueillir un SERM ont également été identifiées dans le schéma directeur de SNCF Réseau27(*).

Les projets de SERM

Source : rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI), décembre 2022

La mise en place des SERM nécessite souvent des travaux d'infrastructure28(*), le choc d'offre qu'ils supposent ne pouvant souvent se réaliser à réseau constant. Dans la plupart des cas, ces travaux viennent renforcer la capacité du réseau existant, sans création de nouvelles sections de ligne. Compte tenu de leur ampleur, les projets prévoient dans leur grande majorité une mise en oeuvre très progressive des investissements et des augmentations d'offres.

D'après les estimations les plus actualisées, le coût des investissements nécessaires pourrait se situer entre 15 et 20 milliards d'euros pour des projets qui doivent se déployer d'ici 2042. Au-delà des dépenses d'infrastructures, ces nouvelles offres nécessitent d'importants investissements dans l'acquisition de nouveaux matériels roulants mais également, après leur mise en service, des dépenses d'exploitation qu'il convient absolument et dès maintenant d'intégrer dans l'équation financière globale de ces projets. La somme cumulée de l'ensemble de ces dépenses nouvelles pourrait peser significativement sur l'équilibre financier des AOM dans les années et décennies à venir.

E. L'IMPACT DE LA CRISE INFLATIONISTE

Depuis l'automne 2021, la crise des prix de l'énergie a fortement affecté les économies européennes. Le secteur des transports est loin d'avoir été épargné. La hausse vertigineuse des prix du gaz et de l'électricité, en particulier en 2022, a conduit à pénaliser plus fortement encore les services de mobilité les plus vertueux, notamment ceux fonctionnant à l'électricité ou au biogaz. En 2021, le poste énergie représentait en moyenne 10 % du total des charges d'exploitation des réseaux de transport collectif.

Il est à noter que jusqu'en 2022, les AOM n'ont pas subi les hausses des prix dans toute leur ampleur car les opérateurs étaient souvent couverts par la maturité de leurs contrats de fourniture d'énergie. C'est en 2023 que l'effet de l'inflation des prix de l'énergie a commencé à réellement affecter l'équilibre économique des AOM et ce, malgré la baisse des prix de l'énergie plus forte et plus rapide qu'anticipée intervenue depuis la fin de l'année 2022. À titre d'exemple, en 2023, les charges relatives à l'électricité de traction des services Transilien ont augmenté de 136 %. Sur les réseaux de la régie des transports parisiens (RATP), les charges énergétiques ont doublé en 2023 après avoir déjà augmenté de 20 % en 2022.

En dépit de la forte diminution des prix de marché constatée en 2023, en particulier pour le gaz, les prix de l'électricité se maintiennent en France à des niveaux élevés et les risques de volatilité restent importants, notamment en raison des incertitudes concernant la disponibilité du parc nucléaire d'EDF lors de l'hiver 2023-2024.

La crise inflationniste affecte également fortement le secteur des mobilités du quotidien par le vecteur des revalorisations salariales. Ce vecteur est d'autant plus prononcé dans le domaine des transports en raison de problématiques d'attractivité et des difficultés à recruter sur des postes qui représentent la très grande majorité des charges de personnel des services de mobilité.

En effet, le secteur de la mobilité est actuellement confronté à des phénomènes de pénurie de conducteurs mais également d'agents de maintenance. Cette situation concerne aussi bien les services réguliers que les transports scolaires, les AOM de province comme IDFM. Pour soutenir l'attractivité des métiers de la mobilité, des revalorisations salariales significatives seront inévitables. Ces phénomènes affecteront nécessairement les coûts de production des services de transport des AOM puisque la masse salariale d'un réseau de transport urbain, qui est essentiellement composée de la rémunération des conducteurs, représente de 60 à 70 % de ses coûts totaux.

À titre d'exemple, en Île-de-France, la convention conclue entre IDFM et la RATP en 2020, dans un contexte de faible inflation, prévoit un plafonnement de l'indexation des charges salariales de l'opérateur à 1,5 %, soit un niveau très inférieur à l'inflation constatée depuis l'année dernière. Malgré ce plafonnement, la RATP n'a eu d'autre choix, pour des raisons d'attractivité et dans un contexte de pénurie de conducteurs, que d'accorder des revalorisations beaucoup plus significatives à ses personnels. Aujourd'hui la RATP a pris à sa charge les surcoûts occasionnés par ces revalorisations mais elle a demandé à IDFM de lever dès 2023 le plafonnement de l'indexation des charges de personnel prévu par la convention. Entre 2022 et 2024, la RATP évalue à 380 millions d'euros les charges supplémentaires qu'elle pourrait devoir assumer en raison du contexte d'inflation. En toute hypothèse, a minima à l'occasion de la conclusion de la nouvelle convention entre IDFM et la RATP à compter de 2025, le rebasage des charges de l'opérateur lié à l'inflation devrait entraîner un surcoût de 200 millions d'euros pour l'AOM francilienne.

S'agissant du secteur des transports en commun routiers, les augmentations des coûts salariaux, qui découlent de la situation d'inflation et du manque d'attractivité des métiers, ont été particulièrement fortes ces derniers mois. Ainsi, le Comité national routier signalait, dans une étude publiée en mars 2023, que les charges relatives au personnel de conduite avaient progressé de 16,6 % en un an suite à la négociation du dernier accord social.

Concernant les investissements des AOM, depuis les débuts de la crise inflationniste l'augmentation des index de travaux publics a souvent été supérieure à 20 %, entraînant dans son sillage le coût des chantiers d'infrastructures.

II. AOM LOCALES ET RÉGIONALES : UN CHOC D'OFFRE À 60 MILLIARDS D'EUROS

A. 25 À 28 MILLIARDS D'EUROS D'AUGMENTATION DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT JUSQU'EN 2030

1. AOM locales : 15 à 18 milliards d'euros d'augmentation des dépenses de fonctionnement jusqu'en 2030

Sur le périmètre des seules AOM locales, c'est-à-dire des transports collectifs urbains (TCU)29(*), l'enquête annuelle TCU réalisée conjointement par le GART, l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) et la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM), permet de disposer d'une vision rétrospective agrégée des dépenses de fonctionnement et d'investissement réalisées annuellement par les AOM. Les chiffres les plus à jour de cette étude remontent aujourd'hui à l'année 2020.

À l'orée de la crise, en 2019, le total des dépenses des AOM locales avait dépassé les 10 milliards d'euros. Ce total était composé à 75 % de dépenses de fonctionnement (7,5 milliards d'euros) et pour 25 % de dépenses d'investissement (2,5 milliards d'euros).

Dépenses de fonctionnement et d'investissement sur le périmètre
des transports collectifs urbains (TCU) entre 2016 et 2020

(en millions d'euros)

Source : réponses du Groupement des autorités responsables de transport (GART)30(*) au questionnaire des rapporteurs

Entre 2016 et 2019, une période de très faible inflation, les dépenses de fonctionnement (+ 3,4 %) comme les dépenses d'investissement (+ 84,9 %) des AOM étaient déjà orientées à la hausse et le total des dépenses avait progressé de plus de 16 %.

Pour que la France atteigne ses engagements en matière climatique, l'offre de transports en commun du quotidien doit progresser de 20 à 25 % d'ici 2030. Cet impératif a été confirmé aux rapporteurs par la DGITM. En raison notamment de l'ampleur des charges de personnel et des dépenses d'énergie dans la composition des coûts des transports collectifs (près de 70 %), l'accroissement de l'offre se traduit par une augmentation quasi proportionnelle des coûts de production. Aussi, un développement de l'offre de transport de 20 à 25 % d'ici 2030 entraînerait vraisemblablement une augmentation en volume des dépenses de fonctionnement des AOM locales dans une proportion équivalente à l'horizon de la fin de la décennie. À cette augmentation des dépenses de fonctionnement en volume, il convient, pour obtenir leur évolution en valeur, d'ajouter l'effet de l'inflation prévisionnelle31(*).

En prenant en compte ces hypothèses l'augmentation des dépenses de fonctionnement des AOM locales pourrait atteindre un montant cumulé de 15,632(*) à 18,133(*) milliards d'euros d'ici 2030.

Augmentation prévisionnelle des dépenses de fonctionnement
des AOM locales (2023-2030)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

2. AOM régionales : plus de 10 milliards d'euros de nouvelles dépenses de fonctionnement

Les dépenses de transports constituent le premier poste de dépense des régions : en 2021, celles-ci s'élevaient à 11 milliards d'euros (hors IDFM), soit le quart de leur budget total (24,8 %). Elles se décomposent en 7,6 milliards d'euros de dépenses de fonctionnement (29,3 % des dépenses de fonctionnement totales), dont 3,5 milliards d'euros au titre du transport ferroviaire et 3,5 milliards d'euros de dépenses d'investissement (25,3 % des dépenses d'investissement totales), dont 1,4 milliard d'euros au titre du transport ferroviaire34(*).

Ces dépenses, qui représentaient environ 6 milliards d'euros en 2011, ont fortement progressé, notamment à la faveur des compétences transférées aux régions en matière de mobilité : la compétence transport scolaire (hors élèves en situation de handicap) auparavant exercée par les départements depuis la loi « NOTRe » de 201535(*) et la reprise progressive à l'État d'une partie du réseau des trains d'équilibre du territoire (TET).

Évolution des dépenses de transport des régions (hors IDFM)
entre 2011 et 2021

(en milliards d'euros)

Source : Régions de France, Chiffres clés 2021

a) Le TER souffre du poids des péages et d'une performance insuffisante
(1) Le manque de performance de SNCF mobilités et de SNCF réseau

Avant le déclenchement de la crise sanitaire, en dehors de tout contexte inflationniste et sans que cela soit lié à une hausse des péages ou à un accroissement de l'offre de circulation, les charges d'exploitation des services de transport express régional (TER) avaient augmenté de près de 15 % (570 millions d'euros) entre 2015 et 2019.

Évolution des charges d'exploitation de l'activité TER (2015-2021)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la DGITM au questionnaire des rapporteurs

Alors que la crise sanitaire s'éloigne et du fait du contexte d'inflation, qui affecte tout particulièrement les dépenses d'énergie et la masse salariale, les charges d'exploitation de l'activité TER devraient connaître une très forte augmentation en 2023.

Comme les rapporteurs avaient déjà pu le souligner dans un rapport d'information de mars 2022 sur la situation financière de la SNCF36(*), les coûts unitaires de SNCF Voyageurs pour l'activité TER en France sont plus élevés que ceux constatés chez nos partenaires européens. Ce constat, toujours d'actualité, a été à nouveau confirmé aux rapporteurs par l'Autorité de régulation des transports (ART).

L'insuffisante productivité du matériel roulant des services conventionnés, tout particulièrement s'agissant du TER, en est l'une des causes. Le matériel roulant TER de SNCF Voyageurs roule nettement moins qu'ailleurs en Europe. Ainsi, en moyenne, en Allemagne, les flottes de TER roulent 150 000 kilomètres par an pour les trains diesel et 200 000 kilomètres par an pour les trains électriques contre seulement 90 000 kilomètres et 120 000 kilomètres par an en France. Cette problématique est un enjeu essentiel d'optimisation financière dans la mesure où l'acquisition de ce matériel roulant insuffisamment productif suppose des investissements lourds à la charge des AOM régionales.

L'une des explications de cette insuffisante productivité du matériel roulant de la SNCF tiendrait à une organisation sous-optimale de sa maintenance. En effet, la SNCF a fait le choix de privilégier une maintenance en atelier avec des ateliers de maintenance centralisés. Ce choix suppose de nombreux allers-retours vers et depuis ces ateliers durant lesquels les trains ne sont pas utilisés à des fins commerciales. Il apparaît d'ailleurs que les coûts de maintenance du matériel roulant en France sont nettement plus élevés que la moyenne européenne pour les TER. Ils s'élèvent à plus de 4 euros par train-kilomètre en France contre entre 1 et 2 euros en moyenne en Europe.

Par-delà le déficit de productivité de l'opérateur de transport historique SNCF Voyageurs, l'insuffisante performance du gestionnaire d'infrastructures, SNCF Réseau, affecte aussi très sensiblement, à travers le coût des péages, le modèle économique des TER.

En France, en ce qui concerne sa mission de gestion de la circulation des trains sur le réseau, la productivité du gestionnaire d'infrastructures a stagné depuis 20 ans alors qu'elle a progressé pour ses homologues, notamment suisse et allemand37(*). Ainsi, la circulation d'un train en France requière-t-elle 3 fois plus d'agents et 1,7 fois plus de capitaux qu'en moyenne pour ses homologues européens. Les travaux de l'économiste Florent Laroche ont démontré la stagnation de la productivité de SNCF Réseau tandis que, dans le même temps, ses homologues suisse et allemand amélioraient très sensiblement la leur. Alors qu'en 1996, le gestionnaire d'infrastructure français présentait une productivité équivalente à celle de son homologue suisse et supérieure à celle de son équivalent allemand, en 2018, sa productivité était inférieure de 33 % au premier et de 22 % au second.

Les coûts d'entretien, de maintenance et de renouvellement du réseau sont en France supérieurs aux standards et en augmentation. Dans un rapport de 2018 consacré à SNCF Réseau38(*), la Cour des comptes estimait ainsi que la maintenance d'un kilomètre de voie occupait 1,73 agent du gestionnaire d'infrastructure français contre 0,99 agent pour son homologue allemand39(*). Dans ce même rapport, la Cour des comptes précise que les dépenses d'entretien et de renouvellement du réseau ont augmenté de 17 % entre 2013 et 2017. Le coût moyen de renouvellement d'un kilomètre de voie du réseau structurant a augmenté de 20 % entre 2015 et 2020 alors qu'un objectif de progression de 6 % avait été fixé entre 2015 et 2021.

Dans leur rapport d'information précité, les rapporteurs ont formulé une série de recommandations visant à améliorer significativement la performance de SNCF Réseau. Ils tiennent également à rappeler que des gisements importants de gains d'efficience résident dans le déploiement des programmes de modernisation du réseau ferré, à savoir la commande centralisée du réseau (CCR) et l'ERTMS. Or, de façon incompréhensible, ces projets ne sont toujours ni financés ni réellement programmés en France alors qu'ils ont déjà été déployés chez la plupart de nos voisins. Le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI) présenté au mois de février 202340(*) a confirmé les analyses faites dès le début de l'année 2022 par les rapporteurs sur cette question et appelé à dégager des financements pour déployer ces deux programmes majeurs à horizon 2042. Le 24 février dernier, lors de la présentation d'un plan ferroviaire de 100 milliards d'euros, la Première ministre a confirmé cette nécessité. Cependant, les rapporteurs regrettent que les modalités de financement de ces programmes n'aient toujours pas été précisées.

(2) Les gains de performance attendus de l'ouverture à la concurrence

L'ouverture à la concurrence du TER permettra d'en améliorer sensiblement l'efficience économique. Les exemples étrangers démontrent qu'il doit en résulter d'une part un développement de l'offre de transport et d'autre part des gains de productivité. Les exemples allemands et suédois, dont l'ouverture à la concurrence sur les lignes régionales a débuté il y a plusieurs décennies, sont à cet égard évocateurs. Au regard de ces exemples étrangers, la baisse des coûts d'exploitation résultant de l'émergence d'un marché concurrentiel en France pourrait se situer entre 20 % et 30 %. En Allemagne, où la concurrence sur les transports régionaux existe depuis 25 ans, le coût de roulage des TER est inférieur de plus de 30 % à celui qui prévaut aujourd'hui en France. Les deux postes de coûts du modèle TER sur lesquels l'ouverture à la concurrence a le plus d'effets sont, d'après les premières analyses de l'ART, la masse salariale et la maintenance du matériel roulant.

À ce jour, sept régions41(*) ont engagé les procédures d'ouverture à la concurrence de leurs réseaux TER. La région Sud a été la première à aller au bout du processus. Elle a également été la première région en France à attribuer un lot TER42(*) à un opérateur alternatif, en l'occurrence Transdev. Sur la ligne concernée, le volume d'offre doit être doublé à coût de production constant. Le même jour, la région a attribué un autre lot43(*) à l'opérateur historique SNCF Voyageurs avec là encore un engagement de multiplier l'offre par 1,7 à coût constant.

Le premier appel d'offre de la région Hauts-de-France s'est quant à lui traduit par l'attribution des lignes de l'étoile d'Amiens à SNCF Voyageurs qui se serait engagée sur des gains de performance de plus de 20 % en diminuant le coût de roulage par train.km de 28 euros à 22 euros, soit en dessous de la moyenne européenne (26 euros).

(3) Les perspectives d'augmentation des péages dans les années à venir menacent la pérennité du modèle économique des services conventionnés de transport ferroviaire

Comme l'ensemble du secteur ferroviaire, l'activité TER est pénalisée par le niveau élevé des péages en France. Si l'État prend en charge la redevance d'accès des TER, les AOM régionales assument quant à elles les redevances de circulation et de marché.

Évolution des péages ferroviaires imputés à l'activité TER (2015-2021)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la DGITM au questionnaire des rapporteurs

Le contrat de performance de SNCF Réseau signé en avril 2022 prévoyait déjà une très forte augmentation du niveau des péages d'ici 2030 destinée à rétablir la situation financière structurellement dégradée du gestionnaire d'infrastructures. Il prévoyait notamment une augmentation des péages sur les services ferroviaires conventionnés, dont le TER, de 3,6 % par an sur la période 2023-2030.

Cette trajectoire, déjà extrêmement lourde, a même été réévaluée très sensiblement en raison du contexte d'inflation.

Ainsi, dans un avis du 23 février 202344(*), l'ART a-t-elle validé les augmentations de péages ferroviaires proposées par SNCF Réseau pour les années 2024 à 2026. Les augmentations moyennes des péages durant cette période doivent ainsi s'établir à + 8 % en 2024, + 6,2 % en 2025 et + 5 % en 2026.

Comparaison des évolutions, prévues au contrat de performance de SNCF Réseau et réellement appliquées, des péages imputés aux services ferroviaires conventionnés (2018-2026)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de l'ART au questionnaire des rapporteurs

L'ampleur des augmentations de péages actuellement prévues d'ici 2026 pourrait ainsi se traduire par des dépenses cumulées supérieures à 600 millions d'euros pour les AOM régionales.

b) Les régions pourraient devoir faire face à plus de 10 milliards d'euros de nouvelles dépenses de fonctionnement d'ici 2030

Les services TER occupent une place essentielle dans le choc d'offre attendu dans les prochaines années. Cependant, l'ouverture à la concurrence qui commence à se déployer en France permet d'envisager des gains de performance de 20 à 30 %. Aussi, le nécessaire développement de l'offre de 20 à 25 % pourrait s'opérer à coût constant. Cependant, la prise compte des prévisions d'inflation ainsi que des augmentations de péages ferroviaires pourraient conduire à une augmentation cumulée des dépenses de fonctionnement de l'activité TER de 6 milliards d'euros jusqu'en 2030.

Dans le même temps, et sur la même période, la hausse des dépenses prévisionnelles de fonctionnement relatives aux transports interurbains et au transport scolaire pourrait se traduire par une augmentation de 5 milliards d'euros, soit un total de 11 milliards d'euros.

Augmentation prévisionnelle des dépenses de fonctionnement
des AOM régionales (2023-2030)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

B. AU MOINS 30 MILLIARDS D'EUROS D'INVESTISSEMENT D'ICI 2030

D'après les données du GART, les AOM urbaines hors Île-de-France45(*) ont investi environ 25 milliards d'euros dans les mobilités du quotidien entre 2008 et 2022. L'effort à réaliser dans les années à venir sera significativement supérieur.

En additionnant le développement de nouveaux TCSP et la rénovation des réseaux anciens, les investissements dans les projets de services express régionaux métropolitains (SERM) ou encore le renouvellement du matériel roulant, en particulier pour verdir les flottes de bus, le total des dépenses d'investissement en matière de transports collectifs urbains (TCU) pourrait, d'après les premières estimations du GART, atteindre 30 milliards d'euros entre 2023 et 2030. Ces estimations doivent être affinées dans les semaines à venir par les remontées plus exhaustives d'une enquête actuellement conduite par le GART auprès de ses adhérents.

Concernant plus spécifiquement le développement de l'offre de TCSP, dans le cadre du 4ème appel à projet de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT-France) lancé en 2020 pour les AOM de province, les 162 projets retenus pour être cofinancés par l'État et qui, selon les cas, doivent être déployés d'ici 2032, représenteraient, d'après le GART, près de 10 milliards d'euros d'investissement. Le total des projets pour lesquels des cofinancements de l'État avaient été demandés par les AOM représentait même 11,5 milliards d'euros d'investissement. À ces investissements doivent également être ajoutées d'autres opérations qui bénéficient de cofinancement ad hoc en dehors des appels à projets TCSP de l'AFIT-France, comme par exemple les programmes associés au plan dit « Marseille en grand ».

S'agissant des AOM régionales, leur forte dynamique d'investissement dans le matériel roulant des TER se poursuit. Comme l'illustre le graphique ci-après, depuis 2017, les montants annuels de subventions d'investissements consenties par les AOM régionales au titre du matériel roulant des services TER sont orientés à la hausse.

Subventions d'investissements versées par les régions
au titre du matériel roulant des services TER (2015-2021)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la DGITM au questionnaire des rapporteurs

Les enjeux d'investissements dans le renouvellement du matériel roulant TER restent très prégnants même si la plupart des régions ont déjà largement renouvelé leurs parcs. Un plan ambitieux d'acquisition de matériel roulant avait en effet été engagé dans les années 2010 avec les programmes REGIOLIS et REGIO2N. Leurs livraisons se poursuivent actuellement. Les commandes de 418 rames REGIOLIS et de 356 rames REGIO2N, en cours de livraison représentent d'ores et déjà des montants d'investissements respectifs pour les régions de 3,8 milliards d'euros et de 5,5 milliards d'euros.

Cependant, une part significative du matériel roulant des régions, pour les acquisitions réalisées dans les années 2000, arrive désormais à mi-vie et doit être modernisée. Aussi, un nouveau programme d'investissements baptisé OPTER vient-il de débuter pour une durée de dix ans. Il représente à ce jour pour les AOM régionales des investissements de l'ordre de 2,3 milliards d'euros46(*).

Pour l'activité TER, à offre constante, les projections d'investissements les plus à jour47(*) en matière de matériel roulant pour la période 2026-2035 atteignent un total 3,6 milliards d'euros. Les perspectives de développement de l'offre, notamment dans le cadre de l'ouverture à la concurrence et des projets de services express régionaux métropolitains (SERM) conduiront nécessairement à des montants plus élevés encore.

Par ailleurs, notamment dans le cadre du processus d'ouverture à la concurrence, des investissements significatifs devront aussi être consentis par les AOM régionales pour déployer de nouveaux ateliers de maintenance des rames TER.

III. ILE-DE-FRANCE MOBILITÉS : 50 MILLIARDS D'EUROS DE NOUVELLES DÉPENSES JUSQU'EN 2030

A. 30 MILLIARDS D'EUROS D'INVESTISSEMENT PRÉVUS PAR IDFM D'ICI 2030

Entre 2015 et 2023, les dépenses réelles d'investissement d'Ile-de-France Mobilités (IDFM) auront presque quadruplé. Deux raisons expliquent cette évolution très significative :

- une première explication relève d'un simple effet de périmètre et tient à la prise en charge progressive48(*) à 100 % par IDFM des dépenses d'investissement alors qu'auparavant ces dépenses transitaient dans les contrats avec les opérateurs historiques qui facturaient à l'AOM francilienne un coût de rémunération du capital nettement plus élevé que les conditions de marché auxquelles elle pouvait elle-même prétendre ;

- une deuxième explication tient à la mise en oeuvre d'un programme d'investissement très ambitieux dans les transports en commun francilien à travers notamment le renouvellement de la flotte de bus49(*) et l'aménagement de leurs dépôts, le renouvellement et l'acquisition de nouvelles rames de RER, de trains, de métros et de tramways, la modernisation de la billettique ou encore un plan de mise en accessibilité des arrêts et des stations.

Évolution des dépenses d'investissement réelles d'IDFM (2015-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses d'IDFM au questionnaire des rapporteurs

S'agissant de la dimension prospective, d'ici 2033, le programme d'investissement prévisionnel d'IDFM prévoit des dépenses cumulées de 32 milliards d'euros dont près de 30 milliards d'euros devraient déjà être exécutées à horizon 2030.

Source : IDFM

Plus de 60 % de ce programme, soit 20 milliards d'euros concerne des investissements dans le matériel roulant. Ces 20 milliards d'euros se décomposent ainsi :

- 12,4 milliards d'euros consacrés à l'acquisition de trains et de RER ;

- 1,8 milliard d'euros affectés à l'achat de rames de métros hors Grand Paris Express (GPE) ;

- 3,3 milliards d'euros pour le renouvellement de la flotte de bus ;

- 1,8 milliard d'euros affectés à l'achat du matériel roulant nécessaire aux nouvelles lignes du GPE ;

- 0,4 milliard d'euros dédiés à l'acquisition de tramways.

Répartition du programme d'investissement d'IDFM dans le matériel roulant

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses d'IDFM au questionnaire des rapporteurs

S'agissant de la partie hors matériel roulant du programme d'investissement d'IDFM, 12,1 milliards d'euros doivent se répartir de la façon suivante :

- 2,1 milliards d'euros pour aménager les dépôts de bus dans le cadre du verdissement de la flotte ;

- 3,2 milliards d'euros destinés à moderniser les ateliers de maintenance de la SNCF ainsi qu'à d'autres projets d'investissements conduits avec cet opérateur ;

- 1,6 milliard d'euros consacrés à des infrastructures sous maîtrise d'ouvrage IDFM réalisées dans le cadre du CPER Île-de-France50(*) ;

- 4,3 milliards d'euros pour divers investissements liés à la qualité de service51(*).

Par ailleurs, en avril 2023 a été publié le rapport de la mission qui avait été diligentée par la Présidente d'IDFM pour réfléchir à l'avenir des cars express. Ce rapport sur le développement des lignes de cars express en Île-de-France52(*) recommande de lancer un vaste plan de développement de lignes de cars express53(*) à destination de la grande couronne pour un montant total d'investissements de un milliard d'euros sur dix ans et, à terme des dépenses d'exploitation annuelles de 100 millions d'euros.

B. PRÈS DE 20 MILLIARDS D'EUROS DE NOUVELLES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT JUSQU'EN 2030

L'augmentation très significative des dépenses d'exploitation d'IDFM à compter de 2020 s'explique en partie par un effet de périmètre tenant à l'évolution de la rémunération des opérateurs de transports partenaires d'IDFM, au premier rang desquels la RATP et SNCF Voyageurs. Lors du renouvellement des conventions qui la lient avec les opérateurs de transports54(*), IDFM a adopté le modèle de la régie intéressée. IDFM prélève dorénavant les recettes commerciales55(*) et, plutôt que de verser une subvention d'équilibre destinée à couvrir le différentiel entre les charges d'exploitation et les recettes tarifaires, elle s'acquitte désormais d'une contribution d'exploitation couvrant le prix de la prestation rendue par l'opérateur, dans des conditions fixées par la convention. IDFM estime cet effet de périmètre à environ 3 milliards d'euros entre 2020 et 2022 soit environ 75 % de la hausse cumulée constatée sur cette période (3,9 milliards d'euros).

Évolution des dépenses réelles de fonctionnement d'IDFM (2015-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses d'IDFM au questionnaire des rapporteurs

Le rapport conjoint de l'inspection générale des finances (IGF) et de l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) de mai 2023 sur les perspectives financières d'IDFM estime que les dépenses de fonctionnement d'IDFM pourraient augmenter de 60 % d'ici à 2035 (de 45 % hors frais financiers), année où elles pourraient atteindre 16 milliards d'euros.

Cette évolution s'expliquerait principalement, à 37 % par l'exploitation du réseau existant (+ 2,2 milliards d'euros par an à horizon 2035), à 16 % par l'exploitation du Grand Paris Express (+ 1 milliard d'euros par an), à 13 % par l'extension du réseau hors Grand Paris Express (+ 0,8 milliard d'euros par an) et à 25 % par le service de la dette (+ 1,5 milliard d'euros par an).

Évolution prévisionnelle des dépenses de fonctionnement d'IDFM (2022-2035)

(en millions d'euros)

Source : rapport sur les perspectives financières d'IDFM, mai 2023

À horizon 2030, les dépenses de fonctionnement d'IDFM franchiraient la barre des 14 milliards d'euros et jusqu'à cette date, leur augmentation cumulée pourrait dépasser les 18 milliards d'euros.

DEUXIÈME PARTIE
LE MODÈLE DE FINANCEMENT ACTUEL DES AOM
EST D'ORES ET DÉJÀ FRAGILE

I. LE MODÈLE DE FINANCEMENT DES AOM LOCALES NE PERMET PAS DE COUVRIR LEUR BESOIN DE FINANCEMENT À HORIZON 2030

A. UN TRIPTYQUE DE FINANCEMENT DONT L'ÉQUILIBRE EST SOUS TENSION

1. Le modèle français de financement des transports du quotidien repose fortement sur la contribution des entreprises
a) Une contribution des entreprises qui représente près de la moitié des ressources des AOM, reposant principalement sur le versement mobilité

En comparaison européenne, le modèle français de financement des transports du quotidien se caractérise par la forte participation des entreprises.

Celle-ci passe notamment par l'acquittement du versement mobilité (VM), un impôt assis sur la masse salariale des employeurs publics et privés de 11 salariés et plus que les AOM (hors régions) peuvent lever à condition d'organiser des services réguliers de transport public de personnes. Elles disposent à cet égard d'un pouvoir de taux encadré par la loi.

Le versement mobilité

Régi par les articles L. 2333-64 à L. 2333-75 du code général des collectivités territoriales pour la province et par les articles L. 2531-2 à L. 2531-11 du même code pour l'Île-de-France, le versement mobilité (VM) est assis sur la masse salariale des employeurs publics et privés de 11 salariés et plus (à l'exception des fondations et associations reconnues d'utilité publique à but non lucratif dont l'activité est de caractère social et des associations intermédiaires) situées dans le ressort territorial d'une AOM. L'instauration du versement et la fixation de son taux relèvent de l'AOM dans la limite des taux plafonds définis par la loi. Ces plafonds varient entre 0,5 % à 2 % pour la province, selon la population des AOM et la décision de réalisation d'infrastructures de TCSP, avec un bonus de 0,05 % pour les intercommunalités et un bonus de 0,20 % pour les communes touristiques. Pour l'Île-de-France, le taux plafond varie entre 1,6 % et 2,95 %selon les départements. Les AOM régionales et régions exerçant les compétences d'AOM locales ne perçoivent pas de VM.

Règles de plafonnement du taux du VM hors Île-de-France

En 2016, le seuil d'assujettissement au VM est passé de 10 à 11 salariés. Une compensation de la perte de recettes pour les AOM sous la forme de prélèvement sur les recettes (PSR) de l'État été prévue par l'article 15 de la loi n°2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, qui a été plafonné à 48 millions d'euros par an à compter de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

Source : commission des finances du Sénat

Le versement mobilité a été d'abord instauré pour la région parisienne sous le nom de « versement transport » en 1971 puis progressivement étendu aux agglomérations de province : le seuil démographique ouvrant droit à la perception de cet impôt a été progressivement abaissé jusqu'à être quasiment aboli56(*). Aussi, le nombre d'entités percevant le versement mobilité est passé de 7 en 1974 à 272 en 2023, dont 262 AOM et 10 communes non AOM57(*).

Le produit du versement mobilité perçu par les AOM (hors IDFM) est passé de 3,9 milliards d'euros en 2015 à 4,8 milliards d'euros en 2021. Après une baisse de 5,1 % en 2020 dans le contexte de la crise sanitaire liée au placement massif de salariés en position d'activité partielle (ouvrant doit à une indemnité non assujettie en remplacement du salaire) et aux mesures de reports de paiements, son produit est reparti à la hausse en 2021 (+ 8 %) dans un contexte de reprise économique. Entre 2015 et 2021, le produit du versement mobilité a connu une hausse de 23,1 %. Ce dynamisme fait du versement mobilité un pilier du système de financement des AOM.

Évolution du produit du versement mobilité (hors IDFM) depuis 2015

(en nombre d'entités, en milliards d'euros et en pourcentage)

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Écart 2021/2015

Nombre d'AOM avec VM

237

239

240

249

255

257

256

+ 19

Produit du VM

(en Md€)

3,9

4,1

4,3

4,4

4,6

4,4

4,8

+ 0,9 

Évolution (en %)

-

+ 4,11%

+ 4,21%

+ 2,58%

+ 5,70%

- 4,95%

+ 8,33%

+ 23,1%

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses du GART au questionnaire des rapporteurs

Il est à noter que son produit bénéficie pour moitié aux agglomérations de plus de 400 000 habitants et pour environ deux tiers aux 28 agglomérations disposant de transports collectifs en site propre (TCSP) lourds.

Répartition du produit du versement mobilité (hors IDFM) en 2021

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses du GART au questionnaire des rapporteurs

Surtout, le versement mobilité, et partant les entreprises, représente 43 % des 8,8 milliards d'euros de ressources des AOM en 2019 (année pré-crise sanitaire). Hors emprunt, cette part s'élève à 47 %. Elle a ainsi connu une hausse de 6 points par rapport à son niveau de 2000 (41 %).

Les ressources des AOM (hors IDFM) en 2019

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses du GART au questionnaire des rapporteurs

À cette contribution s'ajoute la prise en charge obligatoire par les employeurs, prévue par l'article L. 3261-2 du code du travail, d'une partie du prix des titres d'abonnement souscrits par leurs salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail accomplis au moyen de transports publics. D'après la DGITM, le coût du dispositif pour les employeurs est estimé à 1 milliard d'euros (passe Navigo inclus). Ce total est à rapporter aux près de 4 milliards d'euros de recettes commerciales perçues par les AOM et IDFM.

b) Les perspectives de hausse de la part des entreprises dans le « mix » se heurtent à plusieurs limites juridiques et politiques

Au plan juridique, compte tenu des règles légales de plafonnement du taux de versement mobilité, les marges de manoeuvre des AOM pour lever de nouvelles ressources par la voie de la contribution des entreprises sont limitées.

D'après les données transmises aux rapporteurs, 171 des 262 AOM levant le versement mobilité en 2023 appliqueraient déjà le taux plafond du régime de droit commun hors majorations.

Parmi celles-ci, 76 sont éligibles à une majoration au titre de la présence d'infrastructures de TCSP et, parmi ces 76 AOM, 44 appliquent le taux plafond pour l'ensemble des majorations auxquelles elles sont éligibles et ne disposent donc d'aucune marge de manoeuvre.

Parmi les 96 AOM n'ayant pas d'infrastructures de TCSP, 29 appliquent le taux plafond pour les majorations dont elles sont éligibles et n'ont donc aucune marge de manoeuvre à court terme, sauf à investir dans de telles infrastructures.

Ainsi, au bilan près de deux tiers des AOM n'ont pas de possibilité de relever le taux de droit commun, et près d'un tiers des AOM (73 sur 262) ne disposent plus d'aucune marge de manoeuvre.

Tableau de synthèse des marges de manoeuvre des AOM
sur le taux de versement mobilité

(en nombre d'entités)

AOM au taux plafond du régime général

171

Bonus TCSP actionné

76

Plafond TCSP

56

Plafond bonus communes touristiques

44

Marges bonus communes touristiques

6

Bonus communes touristiques non actionné

6

Marges sur le bonus TCSP

20

Bonus communes touristiques non actionné

20

Pas de Bonus TCSP

96

 

 

Plafond bonus communes touristiques

29

 

 

Marges bonus communes touristiques

8

 

 

Bonus communes touristiques non actionné

59

AOM disposant de marges sur les taux du régime général

91

           

Total AOM avec VM

262

           

En gras : AOM ne disposant pas de marge de manoeuvre sur le taux du versement mobilité

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses du GART au questionnaire des rapporteurs

Au plan politique, si le versement mobilité constitue aujourd'hui un pilier du modèle de financement des AOM et ne saurait être remis en cause, la perspective d'une augmentation de sa part dans le financement des transports du quotidien se heurte à certaines limites. Cet impôt est en effet considéré comme un « impôt de production », dans la mesure où il est assis sur un facteur de production (la masse salariale) quels que soient les bénéfices réalisés. Or, le poids de ces impôts, qui représentaient 4,5 % du PIB en France en 2021 contre 2,3 % en moyenne dans la zone euro58(*), a été identifié comme l'un des principaux facteurs pénalisant la compétitivité des entreprises françaises.

Il convient d'ailleurs de souligner que le versement mobilité constitue une singularité française qui ne trouve pas d'équivalent dans les pays européens comparables, où le financement des transports du quotidien repose sur les subventions publiques et les recettes commerciales.

2. Si les recettes commerciales représentent une part modérée du financement des AOM, les impératifs de transition écologique imposent de ne pas augmenter les tarifs des transports du quotidien
a) Un taux de contribution des usagers globalement modéré en comparaison européenne, même si d'importantes divergences de politiques tarifaires peuvent être constatées entre les AOM

En 2019, les recettes commerciales des réseaux de transports publics, qui traduisent la contribution des usagers au financement du système, s'élevaient à 1,5 milliard d'euros, soit 17 % des recettes totales hors emprunt (et 15 % emprunt inclus).

Au cours des dernières décennies, la part de ces ressources suit une tendance baissière, puisqu'elle s'élevait à 70 % en 1975, à 50 % en 1995 et encore à 21 % en 2000, qui s'explique à la fois par le dynamisme du versement mobilité et les politiques tarifaires décidées par les AOM (voir infra). Les tarifs moyens et en particulier celui des abonnements n'a en moyenne que faiblement évolué dans les années récentes (voir tableau ci-dessous).

Évolution des tarifs moyens dans les AOM de province

(en euros et en pourcentage)

 

Prix moyen 2017

Prix moyen 2021

Évolution 2021/2017

Titre unitaire

1,23

1,25

+ 2.2 %

Ticket extrait du carnet

0,97

1,03

+ 6,3 %

Abonnement mensuel

29,18

29,57

+ 1,4 %

Abonnement annuel

291,76

292,54

+ 0,3 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du GART au questionnaire des rapporteurs, fondées sur les enquêtes annuelles sur les transports urbains sur un échantillon constant de 182 réseaux en 2017 et 2021

Cette part globale masque cependant une certaine disparité dans les politiques tarifaires menées, qui relèvent de la libre administration des collectivités territoriales. Aussi, le ratio « R/D » rapportant les recettes tarifaires aux dépenses peut-il s'établir en 2019, dépenses d'investissement comprises, à 3 % à Lens et à 7 % à Rennes contre 32 % à Strasbourg et 24 % à Lyon, pour une moyenne nationale à 17 %.

Part des recettes tarifaires dans les dépenses des 20 plus grosses AOM
de province

(en milliers d'euros et en pourcentage)

AOM

Population 2019

Recettes tarifaires 2019

Dépenses 2019

Dépenses d'investissement 2019

Dépenses de fonctionnement 2019

R/D (investissement inclus)

R/D (exploitation seule)

Aix-Marseille

1 900 023

111 834

745 472

108 760

636 712

15%

18%

Lyon

1 547703

255 011

1 055 065

300 796

754 269

24%

34%

Lille

1 157 126

97 841

518 571

88 286

430 285

19%

23%

Toulouse

1 032875

102 230

599 912

101 926

497 986

17%

21%

Bordeaux

802 350

82 284

498 310

155 543

342 767

17%

24%

Nantes

658 356

74 255

289 747

71 756

217 991

26%

34%

Lens

650 770

4 845

186 410

81 943

104 467

3%

5%

Nice

543 556

45 949

429 943

205 807

224 136

11%

21%

Strasbourg

499 357

61 885

196 225

7 362

188 863

32%

33%

Rouen

497 180

31 233

257 609

48 563

209 046

12%

15%

Montpellier

478 548

45 344

222 817

27 479

195 338

20%

23%

Rennes

456 784

41 799

631 367

373 195

258 172

7%

16%

Grenoble

450 626

38 771

256 518

55 288

201 230

15%

19%

Toulon

440 926

18 528

103 072

10 630

92 442

18%

20%

Saint-Étienne

409 614

18 169

125 120

40 017

85 103

15%

21%

Valenciennes

354 253

13 348

124 221

8 009

116 212

11%

11%

Bayonne

330 282

5 511

102 889

62 128

40 761

5%

14%

Tours

310 527

25 258

102 522

3 565

98 957

25%

26%

Angers

303 142

17 277

123 469

43 130

80 339

14%

22%

Clermont-Ferrand

300 923

14 307

121 308

9 453

111 855

12%

13%

Reims

300 057

17 099

77 209

1 269

75 940

22%

23%

TOTAUX

8 944 377

1 122 778

6 767 776

1 804 905

4 962 871

17%

23%

R/D : recettes tarifaires / dépenses

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la DGITM au questionnaire des rapporteurs

Il convient de relever que le modèle français diffère à ce titre profondément de ceux des pays européens comparables. D'après les données communiquées aux rapporteurs dans le cadre de l'étude comparative internationale qu'ils ont commandée à la direction générale du Trésor, le taux de participation des usagers au financement des transports du quotidien s'élèverait à 60 % en Espagne et en Suisse, 50 % aux Pays-Bas, entre 40 % et 50 % en Allemagne, un peu plus de 30 % en Belgique et en Italie. La part de financement des usagers est également majoritaire au Royaume-Uni et atteint 73 % à Londres.

Contrairement à ce qu'on observe en France, la tendance des dernières années était d'ailleurs plutôt à une augmentation de la part des usagers (notamment en Allemagne, en Espagne ou en Suisse). En Suisse, le tarif moyen des billets de transport en commun a progressé de 40 % entre 1995 et 2018 alors que le revenu réel moyen n'augmentait que de 22 % sur la même période. Au Royaume-Uni, le prix des billets est indexé sur l'inflation. Dans ce contexte, la mise en place récente du Deutschlandticket à 49 euros par mois en Allemagne (voir encadré) doit aussi s'analyser au regard du niveau de participation des usagers pratiqué qui suscitait de vives polémiques.

Le Deutschlandticket

L'introduction du Deutschlandticket, mis en place par le gouvernement fédéral allemand au 1er mai 2023, représente une innovation tarifaire majeure. Il s'agit d'un ticket unique à un prix initial de 49 euros par mois, permettant d'utiliser l'ensemble des transports en commun (ÖSPV) et du transport ferroviaire de proximité (SPNV) sur le territoire allemand. Le prix sera réévalué chaque année, y compris dès 2024, pour compenser la hausse des coûts des infrastructures et de la main d'oeuvre liée à l'inflation. La mesure est chiffrée à 3 milliards d'euros par an, répartis à part égale entre l'État fédéral et l'ensemble des Länder. Ce montant est fixe, et c'est le prix du ticket qui sera la variable d'ajustement pour parvenir à l'équilibre en cas de hausse des coûts. Si un déficit est constaté pour l'année de lancement (2023), l'État et les Länder compenseront à part égale le surcoût. Le format retenu est celui d'un abonnement au format uniquement numérique (stocké dans une application ou sous forme de carte à puce), résiliable chaque mois.

Source : commission des finances du Sénat

Sous l'effet des baisses de fréquentation découlant des restrictions liées à la crise sanitaire, il est à noter que celles-ci ont encore connu, par rapport à l'année 2019, une baisse de plus 30 % en 2020 puis de 20 % en 2021. En 2022, cet écart devrait se réduire à 10 %. Compte tenu de l'essor de nouvelles habitudes de mobilité liées notamment au télétravail, un consensus se dégage parmi les acteurs auditionnés par les rapporteurs, pour prévoir une baisse structurelle de fréquentation de 10 % par rapport au niveau d'avant crise.

b) Le développement de politiques de gratuité qui ne sont pas exemptes de limites

La notion de « gratuité » renvoie au fait de ne pas faire payer l'usager pour le service rendu. Elle peut poursuivre, selon les cas avoir une visée sociale, écologique mais aussi économique (par exemple pour favoriser les commerces de centre-ville).

Différentes politiques de gratuité peuvent ainsi être observées :

- des réseaux intégralement gratuits : cette politique est pratiquée par 25 AOM (et 6 communes non AOM), au premier rang desquelles Niort (depuis 2017), Dunkerque (depuis 2018) ou encore Douai (depuis 2022) ;

- des réseaux gratuits sauf certains jours de la semaine (notamment le week-end) ou pour certains types de services (par exemple en préservant des services de transport scolaire de transport à la demande payants) : cette politique est pratiquée par 16 AOM, comme Amiens (gratuité le samedi depuis 2019), Nancy (gratuité le week-end depuis 2020) ;

- des réseaux gratuits sur une partie seulement du territoire de l'AOM, comme sur le réseau d'Aubagne (depuis 2009) sur le territoire de la Métropole Aix-Marseille-Provence, ou pour ses seuls ressortissants.

La gratuité peut également être mise en oeuvre en faveur de certains publics ciblés sur des critères sociaux (jeunes, personnes âgées, demandeurs d'emploi...), comme c'est le cas à Montpellier pour les personnes de moins de 18 ans et plus de 65 ans, avant la décision de mettre en oeuvre de la gratuité totale prévue à compter du 21 décembre 2023. Ces politiques ne sont cependant pas recensées par le GART, de sorte qu'il n'est pas possible d'évaluer à ce stade le nombre d'AOM concernées.

Ces politiques relèvent pleinement de la libre administration des collectivités territoriales et de choix de gestion locaux dans lesquels les rapporteurs n'entendent nullement interférer. Force est cependant de constater que celles-ci impliquent de faire supporter le financement des transports du quotidien par les contribuables, soit directement via le versement mobilité, soit indirectement via les budgets publics.

Aussi, ils considèrent qu'une certaine prudence doit guider le choix d'instituer la gratuité totale ou partielle, qui n'a de réelle efficacité en termes de report modal que lorsqu'un déficit avéré de demande est constaté. Là où elle est déjà importante au contraire, la gratuité peut au contraire favoriser la congestion dans les transports publics en centre-ville, où leur usage pourrait se substituer à la marche à pied ou à celui du vélo plutôt qu'à la voiture.

Selon la plupart des acteurs auditionnés par les rapporteurs et notamment la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT), la gratuité ne serait en réalité pas une priorité des usagers, qui lui préfèreraient une offre de service de qualité, régulière et fréquente.

c) Face à l'impératif de transition écologique et dans un contexte de tensions sur le pouvoir d'achat des ménages, une augmentation de la part des ressources commerciales n'est guère envisageable

La politique de tarification doit concilier trois objectifs à caractère parfois antagonistes :

- couvrir les coûts de production du service ;

- favoriser une politique de report modal et de fidélisation des usagers ;

- garantir la mobilité pour tous.

Cependant, au regard de l'importance décisive de la politique de report modal, condition essentielle de la transition écologique du pays, à plus forte raison dans le contexte inflationniste actuel qui affecte fortement le pouvoir d'achat des ménages, les rapporteurs considèrent que l'augmentation de la part des ressources commerciales dans le mix ne saurait constituer un objectif envisageable.

3. Les subventions versées par les collectivités territoriales ne sont pas sans conséquences sur leur équilibre financier

La participation des collectivités locales des AOM de province représentait 3 milliards d'euros en 2020. Leur part est relativement stable sur les vingt dernières années, passant de 32 % des recettes en 2000 à 35 % en 2020 (32 % emprunt inclus).

Elles concernent notamment :

- au niveau du secteur communal, la participation du budget principal au budget annexe transport, la participation des AOM au fonctionnement du syndicat mixte ou le financement du déficit d'exploitation lorsque l'AOM ne dispose pas de budget annexe transport ;

- les participations du département et/ou de la région pour les transports scolaires dans le cadre du transfert des charges relatif aux transports scolaires.

Une augmentation de la part des subventions des collectivités dans le mix de financement des AOM ne semble pas envisageable au regard des fortes contraintes et incertitudes qui pèsent sur les budgets locaux dans les années à venir.

La relative bonne situation financière des collectivités territoriales masque en effet d'importantes disparités et des situations de grandes difficultés.

Les collectivités territoriales sont sorties fragilisées de la crise sanitaire, qui a dans certains cas fortement affecté leurs ressources fiscales et, du fait des mesures de confinement, leurs ressources tarifaires. Pour certaines d'entre elles, l'impact est durable. Au 31 décembre 2021, en effet, on constatait que si le taux d'épargne brute avait globalement augmenté, plus de 40 % des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre se trouvaient dans une situation plus défavorable qu'en 201959(*).

Les charges des collectivités territoriales sont, depuis la fin de l'année 2021 et singulièrement depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022, fortement affectées par la crise inflationniste, mentionnée supra. Les niveaux d'inflation estimés pour 2022 (+ 5,2 %) et prévus pour 2023 (+ 4,7 %) n'ont en effet pas été observés depuis près de quarante ans.

L'Observatoire des finances et de la gestion publiques locales (OFGL) a ainsi mesuré que les achats et charges externes des collectivités territoriales ont progressé de 8,8 % en 2022, faisant suite à une hausse déjà importante en 2021 (+ 5,5 %). Les dépenses énergétiques ont été particulièrement sollicitées, avec une hausse de 27,3 %, et les renouvellements de contrats de fourniture d'énergie intervenus dans ce contexte ont notamment pu placer un grand nombre de collectivités dans de grandes difficultés. En particulier, les charges des communes liées aux transports ont connu une hausse de 28,2 % (après + 19 % en 2021). Les effets ne concernent pas uniquement les transports mais bien l'ensemble des services publics locaux : à titre d'exemple, la gestion des cantines scolaires est fortement affectée par la hausse des achats alimentaires (+ 10,8 % en 2022, après + 24,7 % en 2021)60(*). Par ailleurs les frais de personnels, notamment sous l'effet du relèvement du point d'indice de la fonction publique, ont progressé de 2,3 milliards d'euros sur la seule année 2022.

Dans ce contexte l'accompagnement de l'État n'a pas été à la hauteur des enjeux. En témoigne le caractère fortement restrictif des critères d'éligibilité au dispositif de « filet de sécurité énergie » adopté en loi de finances initiale pour 202361(*). Le critère fondé sur la perte d'épargne brute en 2023, qui doit être supérieure à 15 % et que le Sénat, non suivi sur ce point, avait supprimé en première lecture, exclut en effet d'emblée un grand nombre de collectivités territoriales alors que la totalité d'entre elles subissent de plein fouet les effets de l'inflation.

Il convient par ailleurs de relever que la perte de pouvoir fiscal provoquée par la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales à compter de 2021 et sa compensation, pour les intercommunalités, par le transfert d'une fraction de TVA conduit à limiter fortement la capacité des collectivités, en responsabilité, à décider d'augmenter leurs ressources fiscales.

4. La parenthèse des « aides de crise » allouées par l'État

En 2019, la contribution budgétaire de l'État au financement des AOM s'élevait à 164 millions d'euros, soit 2 % de leurs ressources hors emprunt (1 % emprunt inclus). Cette proportion est stable sur les dernières décennies. Jusqu'en 2020, ces financements de l'État concernaient les appels à projets (AAP) TCSP (voir infra).

En 2020, la part de l'État s'est toutefois élevée à 8 % (hors emprunt), du fait des aides mises en place pour soutenir les AOM face aux conséquences des crises sanitaire puis inflationnistes.

Évolution de la répartition des ressources des AOM locales (2000-2020)

(en pourcentage)

Plusieurs dispositifs ont ainsi été mis en place, d'abord pour faire face à la crise sanitaire.

L'article 21 de la troisième loi de finances rectificative pour 202062(*) a dans un premier temps institué un dispositif dit de « filet de sécurité » en faveur des communes et EPCI à fiscalité propre prenant la forme d'une dotation égale, a` la différence positive entre la moyenne des trois derniers exercices (recettes perçues entre 2017 et 2019) et les recettes effectivement perçues en 2020. Dans ce cadre, le versement mobilité n'a pas été compensé de façon isolée mais bien de manière globalisée avec les autres recettes fiscales, dont certaines ont été fortement dynamiques en 2020 (comme la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), limitant ainsi le niveau de la dotation. Ce dispositif a représenté un coût de 44 millions d'euros et bénéficié à seulement 58 EPCI à fiscalité propre.

Ce « filet de sécurité » a été fortement critiqué par le GART ainsi que par la « mission Duron » notamment car les modalités de calcul « globalisé » de la dotation sont moins favorables que celles utilisée pour IDFM, reposant sur les seules pertes de versement mobilité.

En revanche, les syndicats mixtes exerçant la compétence d'AOM ne disposant que du versement mobilité ont bénéficié d'un dispositif spécifique de compensation des pertes liées à cette recette, la dotation étant calculée selon le même principe. Il a représenté un coût de 29,4 millions d'euros, bénéficiant à 21 entités.

Ce dispositif a ensuite été reconduit en 2021 par la loi de finances initiale pour 202163(*). Le montant global versé aux EPCI à fiscalité propre a représenté un montant total de 23,5 millions d'euros, bénéficiant à 23 entités. Le dispositif spécifique aux AOM a quant à lui représenté un coût limité à 3,2 millions d'euros et bénéficié à 20 entités.

Au total, ce mécanisme s'est avéré défavorable à la grande majorité des AOM qui ne laissent pas la gestion de leur réseau de transport à un syndicat mixte. Pour ces dernières, selon le GART, la compensation des pertes subies n'a bénéficié qu'à 6% des 258 AOM avec versement mobilité et n'a couvert que 13 % des pertes réelles de VM, estimées à 200 millions d'euros.

La quatrième loi de finances rectificative pour 202064(*) a ensuite prévu un dispositif d'avances remboursables à taux zéro avec une durée de remboursement comprise entre 6 et 10 ans, destiné à couvrir les pertes de recettes commerciales et de versement mobilité.

Pour les AOM, demandant à bénéficier de la mesure, le montant de l'avance est égal à une perte estimée de 35 % des recettes commerciales et 8 % du versement mobilité' par rapport à 2019. Lorsque la compétence AOM est exercée par un syndicat, l'avance remboursable a été' déduite de la compensation reçue au titre du dispositif de garantie de recettes fiscales et domaniales prévu au titre du « filet de sécurité » mentionné supra. À l'initiative de la commission des finances du Sénat, une « clause de retour à meilleure fortune » avait été introduite : les AOM ne procèderont au remboursement des avances qu'à compter de l'année suivant celle où le montant du versement mobilité et des recettes tarifaires a été égal, pour chacune de ces recettes, à la moyenne des montants perçus entre 2017 et 2019.

En province, selon la direction générale des finances publiques (DGFIP), 86 AOM ont bénéficié dans ce cadre d'une avance remboursable pour un montant de 647,3 millions d'euros. Parmi elles, au 1er janvier 2023, 32 AOM ont débuté leur remboursement, 14 AOM ont lissé leur remboursement jusqu'à 2030 et 7 AOM ont déjà remboursé à leur initiative l'intégralité de l'avance.

Ensuite, dans le contexte de la crise inflationniste actuelle, outre le dispositif de « filet de sécurité énergie » évoqué supra qui concerne les collectivités territoriales dans leur ensemble et le dispositif d' « amortisseur électricité » ouvert aux collectivités comme aux entreprises et donc aux opérateurs de transport, une enveloppe de 100 millions d'euros de subventions a ensuite été ouverte en loi de finances initiale pour 202365(*).

Les AOM ont ainsi pu se porter candidates au dispositif jusqu'au 31 mai 2023. La DGITM a procédé à une instruction des dossiers en fonction des caractéristiques du réseau des AOM demandeuses. Deux sous-enveloppes sont ensuite prévues dans ce cadre66(*) :

- une première sous-enveloppe de 80 millions d'euros, sera répartie au prorata des kilomètres totaux déclarés par les AOM comme effectués en 2022 par des véhicules de transport en commun fonctionnant au gaz ou à l'électricité (y compris, donc, métro, tramway et trolleybus) ;

- une seconde sous-enveloppe de 20 millions d'euros sera répartie au prorata des kilomètres totaux déclarés par les AOM comme effectués en 2022 par des véhicules de transport en commun utilisant d'autres énergies (essentiellement le gazole), considérant que cet indicateur est représentatif des « autres dépenses ».

Chaque AOM ne pourra bénéficier que d'une des sous-enveloppes, celle qui lui est la plus favorable.

Ces modalités de répartition, qui conduisent à flécher en priorité l'aide sur les réseaux ayant engagé leur transition écologique, ont été négociées avec les associations d'élus.

Un arrêté, non publié à ce jour, doit lister l'ensemble des AOM bénéficiaires et les montants d'aide octroyés.

Synthèse des aides de crise mises en place par l'État ciblées sur les AOM locales ou susceptibles de leur bénéficier

Dispositif

Véhicule législatif

Cible

Nombre d'AOM locales bénéficiaires

Montants octroyés en faveur des AOM locales

(en millions d'euros)

« Filet de sécurité » Covid-19 (2020)

LFR-3 2020

Communes et EPCI à fiscalité propre

15

26

Syndicats mixtes exerçant la compétence AOM locale

21

29,4

« Filet de sécurité » Covid-19 (2021)

LFI 2021

Communes et EPCI à fiscalité propre

-

-

Syndicats mixtes exerçant la compétence AOM locale

20

3,2

Avances remboursables Covid-19

LFR 4 2020

AOM locales

86

647,3

« Filet de sécurité énergie »

LFI 2023

Toutes les collectivités territoriales et groupements

n.c.

n.c.

Amortisseur électricité

LFI 2023

Toutes les collectivités territoriales et leurs groupements et les entreprises

n.c.

n.c.

Aide exceptionnelle énergie

LFI 2023

AOM locales

n.c.

100

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de la DGITM, de la DGCL et du GART aux questionnaires des rapporteurs

Il conviendra de dresser un bilan rigoureux de l'efficacité de l'ensemble des aides de crise versées par l'État au regard des besoins des AOM, qui dans certains cas n'ont pris la forme que d'avances remboursables.

Les rapporteurs ne peuvent au demeurant que déplorer l'exclusion totale des AOM régionales de l'ensemble des dispositifs.

B. UN BESOIN DE 8,5 À 11 MILLIARDS D'EUROS POUR FINANCER LE FONCTIONNEMENT DES AOM LOCALES JUSQU'EN 2030

En prenant en considération des hypothèses d'augmentation en volume de l'offre de 20 à 25 % afin de respecter nos engagements climatiques et les prévisions d'inflation, l'augmentation cumulée des dépenses de fonctionnement des AOM locales d'ici 2030 pourrait se situer entre 15,6 et 18,1 milliards d'euros (voir supra).

Pour calculer une évolution nette des dépenses de fonctionnement des AOM locales, il convient également de tenir compte de la dynamique des recettes à norme constante. En intégrant la dynamique prévisionnelle du versement mobilité (VM), plus forte que l'inflation, et en prenant l'hypothèse d'une stagnation à leur niveau actuel des recettes commerciales et des contributions versées par les collectivités, l'augmentation nette des dépenses de fonctionnement des AOM locales cumulée d'ici 2030 et donc les nouveaux besoins à couvrir en termes de financement de l'exploitation sur la même période pourraient se situer entre 8,5 milliards d'euros67(*) et 11 milliards d'euros68(*).

Augmentation prévisionnelle, cumulées jusqu'en 2030, des dépenses
de fonctionnement des AOM locales nettes de la dynamique du VM à norme constante selon des hypothèses d'accroissement en volume des dépenses
de fonctionnement de 20 % ou de 25 %69(*) et d'une stagnation
des recettes commerciales et des contributions versées par les collectivités

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

En rythme annuel, à horizon 2030, ces dépenses de fonctionnement pourraient progressivement atteindre, selon les scénarios, de 1,9 milliard70(*) d'euros à 2,5 milliards d'euros71(*).

Augmentation prévisionnelle des dépenses de fonctionnement des AOM locales nettes de la dynamique du VM à norme constante dans une hypothèse d'augmentation en volume des dépenses de fonctionnement de 20 %72(*)
et d'une stagnation des recettes commerciales et des contributions
versées par les collectivités (2023-2030)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Augmentation prévisionnelle des dépenses de fonctionnement des AOM locales nettes de la dynamique du VM à norme constante dans une hypothèse d'augmentation en volume des dépenses de fonctionnement de 25 %73(*)
et d'une stagnation des recettes commerciales et des contributions
versées par les collectivités (2023-2030)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

II. LES OUBLIÉS DU MODÈLE DE FINANCEMENT DES AOM

A. LE FINANCEMENT DE L'INVESTISSEMENT EST ENTOURÉ DE PLUSIEURS INCERTITUDES

1. Les perspectives de financement de l'investissement par recours à l'emprunt des collectivités territoriales sont affectées d'incertitudes dans le contexte inflationniste actuel

Le financement des infrastructures des transports du quotidien repose fortement sur les emprunts des AOM. En 2020, le recours à l'emprunt représentait 706 millions d'euros, soit 7 % du total de leurs ressources.

Conformément à la « règle d'or » posée à l'article L. 1612-4 du code général des collectivités territoriales, ces emprunts ne peuvent servir qu'à financer les investissements, la section de fonctionnement devant être votée à l'équilibre.

Ce montant peut être rapporté au volume global des emprunts des communes et des EPCI à fiscalité propre (budgets principaux et annexes consolidés), qui représentait en cumulé 12 milliards d'euros en 202074(*).

Le financement par l'emprunt de l'investissement des collectivités territoriales est cependant affecté de fortes incertitudes dans le contexte inflationniste actuel.

Comme le souligne l'OFGL, la hausse forte et soudaine des taux d'intérêt qui a résulté de la sortie de la politique monétaire accommodante de la Banque centrale européenne (BCE) « a directement pesé sur le financement des collectivités locales, qui ont vu les propositions de conditions de taux augmenter fortement, impactant de fait le coût de la dette. Ce sujet, quasiment disparu des problématiques locales ces dernières années en raison de taux très faibles, refait ainsi son apparition. Selon l'observatoire de la dette Finance Active75(*), le taux d'intérêt moyen auquel les collectivités de son panel ont emprunté a fortement augmenté, passant de 0,62 % en 2021 à 2,07 % en 2022. À cet effet flux, s'ajoute un effet sur la part variable du stock, avec par exemple des indexations sur Euribor ou sur le Livret A. Au final, le taux moyen de l'encours de dette au 31 décembre (moyennes pondérées par les encours de dette des taux en vigueur) connait sa première hausse depuis 2011, passant de 1,72 % fin 2021 à 2,01 % fin 2022, toujours d'après la même étude ».

Si l'impact de ce phénomène est encore limité en 2022, du fait notamment de la part de l'encours restée à taux fixe, l'OFGL considère qu'il pourrait être nettement plus important dans les années à venir.

Ce constat est d'autant plus préoccupant que, toujours selon l'OFGL, les dépenses d'équipement sont particulièrement affectées par l'inflation, principalement du fait de l'évolution des coûts des matériaux et du niveau des salaires dans les secteurs de la construction et des travaux publics.

2. Les contributions de l'État au financement des infrastructures ont jusqu'ici été très limitées

Initiés en 2007 dans le cadre du Grenelle de l'environnement mis en oeuvre par l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT), les appels à projets (AAP) TSCP constituent, hors aides de crise, l'essentiel de la contribution de l'État au financement des AOM (1 % des ressources, emprunt compris). L'État s'était alors engagé à apporter une enveloppe de 2,5 milliards d'euros d'ici 2020 aux AOM pour le financement de leurs infrastructures de TCSP.

À ce jour, 4 appels à projets TCSP ont ainsi été lancés :

- le 1er AAP (2008) a prévu une enveloppe de 810 millions d'euros, permettant de financer 50 projets de TCSP portés par 36 AOM ;

- le 2ème AAP (2010) a prévu une enveloppe de 590 millions d'euros, permettant de financer 78 projets portés par 54 AOM ;

- le 3ème AAP (2013) a prévu une enveloppe de 450 millions d'euros, permettant de financer 99 projets portés par 70 AOM ;

- le 4ème AAP (2020) a prévu une enveloppe de 450 millions d'euros, finalement portée à 900 millions d'euros dans le cadre du plan de relance, permettant de financer 162 projets portés par 95 AOM.

Synthèse des appels à projets TCSP

 

Lancement - résultats

Montant
(en millions d'euros)

Lauréats

Nombre de projets subventionnés

1er AAP

2008-2009

800

36

50

2e AAP

2010-2011

592

54

78

3e AAP

2013-2014

450

70

99

4e AAP

2020-2021

900

95

162

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du GART au questionnaire des rapporteurs

Les deux premiers AAP ont principalement ciblé le financement de projets d'infrastructures de tramways de bus à haut niveau de service (BHNS) et, dans une moindre mesure, les liaisons maritimes. Ces objectifs continuent d'occuper une place prépondérante dans les deux AAP suivants, qui ont toutefois porté une attention accrue aux spécificités des zones urbaines et à la desserte des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), au développement de parcs à vélo et aux pôles d'échanges multimodaux (PEM) en zones peu denses.

Dans son rapport de synthèse relatif à la stratégie 2023-2042, le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) souligne le caractère de « levier incitatif déclencheur » des financements apportés par l'État dans le cadre des projets d'investissement des AOM, alors que « le développement des transports collectifs urbains représente (...) pour les collectivités une charge extrêmement lourde pour l'entretien et l'exploitation des services ». S'il juge qu'il reste « souhaitable que les usagers apportent une contribution la plus significative possible aux financements des dépenses courantes », il constate cependant que les AOM « ne peuvent pas toutes en l'état de leurs recettes faire face aux importantes dépenses d'investissement nécessaires ».

Le problème se pose également en matière de mobilités actives, le COI notant que « dans les pays où les efforts les plus importants ont été réalisés, cela ne s'est pas fait sans un appui de l'État central ou fédéral ».

Enfin, le COI relaye les critiques exprimées par le GART sur le cadencement de ces AAP, espacés d'un trop grand nombre d'années. Cette méthode conduirait en effet « à désigner lauréats des projets qui ne sont pas encore matures ce qui pose ensuite des difficultés de mobilisation des crédits ». Ce défaut de programmation des appels à projets peut amener certaines AOM à présenter des projets moins matures et qui peuvent évoluer entre la candidature et le subventionnement, voire qui sont susceptibles d'être abandonnés, au détriment de subventions qui auraient pu être octroyées aux autres projets présentés. Le GART soulève également une autre difficulté, qui réside dans la temporalité des projets dont le calendrier (études, décision politique ...) ne correspond pas toujours à celui de l'État. Il y a ainsi eu par le passé des projets qui n'ont pas pu bénéficier des financements AAP, telle que la troisième ligne de tramway de Saint-Etienne, décidée après le lancement de l'AAP.

Il est à cet égard significatif de constater la faible consommation des crédits octroyés aux lauréats dans le cadre des AAP TCSP : selon le COI, 770 millions d'euros d'autorisations d'engagement restent à consommer sur 2023-2027, et plus d'1,2 milliard d'euros de crédits de paiement restent à décaisser jusqu'en 2030, voire au-delà.

Le taux de projets annulés est également préoccupant : d'après les données transmises aux rapporteurs par l'AFIT, 19 % des projets sélectionnés au titre des AAP 1, 2 et 3 ont été annulés. En termes de montant, ces annulations correspondent à 7 % des investissements totaux prévus et à 7 % des subventions annoncées. Le coût global des travaux annulés s'élèvent à 1,2 milliard d'euros (tous financeurs confondus).

Pour être exhaustif, peuvent être évoquées les dotations d'investissement de l'État aux communes et EPCI « de droit commun » financées par les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » : la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Ces dispositifs permettent de financer des projets portés par les communes et leurs groupements, sur décision du préfet de département ou de région.

La DETR, la DSIL et la DSIL exceptionnelle

La dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) sont des dotations de l'État financées sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et destinées à subventionner des projets d'investissements portés par les communes et leurs groupements.

Régie par les articles L. 2334-32 à L. 2334-39 du code général des collectivités territoriales, la DETR est ciblée sur les communes et groupements ruraux répondant à des critères d'éligibilité fondés sur la population et la richesse fiscale en vue de la réalisation d'investissements, ainsi que de projets dans le domaine économique, social, environnemental, sportif et touristique ou favorisant le développement ou le maintien des services publics en milieu rural. Elle est attribuée sur décision du préfet de département. Dans chaque département, une commission d'élus locaux détermine chaque année les catégories d'opérations prioritaires et les taux minimum et maximum de subvention afférents. La commission est également consultée sur les projets pour lesquels le préfet envisage d'octroyer une subvention de plus de 100 000 euros. En loi de finances initiale pour 2023, une enveloppe d'autorisations d'engagement de 1 milliard d'euros est prévue au titre de cette dotation, soit un montant stable par rapport aux années précédentes

Régie par l'article L. 2334-42 du même code, la DSIL vise à soutenir des projets structurants portés par les communes et leurs groupements dans une série de domaines listés par la loi, parmi lesquels le développement d'infrastructures en faveur de la mobilité. En loi de finances initiale pour 2023, une enveloppe d'autorisations d'engagement de 570 millions d'euros est prévue au titre de cette dotation, soit un montant stable par rapport aux années précédentes. Dans le cadre du plan de relance, une enveloppe complémentaire de 1 milliard d'euros d'autorisations d'engagement a été ouverte par la troisième loi de finances rectificative pour 2020 pour financer une DSIL exceptionnelle fléchée sur trois orientations, parmi lesquelles la transition écologique.

Source : commission des finances du Sénat

D'après les données transmises par la DGCL, entre 2018 et 2022, et sans qu'ils ne ciblent spécifiquement les AOM, des projets d'investissement dans le domaine de la mobilité portés par des communes ou groupements ont bénéficié de 187,7 millions d'euros au titre de la DETR et de 397,2 millions d'euros au titre de la DSIL. La DSIL « exceptionnelle » a quant à elle permis de financer des projets dans le domaine de la mobilité en 2020 et 2021 à hauteur de 88,5 millions d'euros.

Au total, 673 millions d'euros de subventions ont ainsi pu être attribués sur la période 2018-2022 au titre de projets dans le domaine de la mobilité, ce qui ne représente toutefois que 7,1 % de l'enveloppe globale ouverte au titre de ces dotations sur cette période.

Synthèse des dotations d'investissement de l'État aux collectivités territoriales attribuées à des projets dans le domaine de la mobilité
sur 2018-2022

(en nombre de projets, en millions d'euros et en pourcentage)

 

Nombre de projets mobilité

Subventions octroyées

(en millions d'euros)

Part des subventions dans l'enveloppe globale 2018-2022

DETR

5 528

187,6

3,6 %

DSIL

2 011

397,2

12,4 %

DSIL exceptionnelle

461

88,5

8,8 %

TOTAL

8 000

673,3

7,1 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la DGCL au questionnaire des rapporteurs

3. Les investissements dans le matériel roulant : les AOM abandonnées à leur sort pour financer le verdissement des flottes de bus

Alors qu'une évolution de la législation européenne tendant à interdire les ventes de bus urbains neufs à motorisation thermique à horizon 2030 est annoncée, les AOM - qui n'ont bénéficié à cet égard d'aucun soutien de l'État dans le cadre des négociations communautaires (voir Première partie, I-A-2) - pourraient se trouver contraintes de financer un verdissement global de leur flotte à cette échéance.

Pour financer ces investissements, le GART a demandé, lors de son interpellation aux candidats à l'élection présidentielle 2022, que l'État soutienne les AOM, à hauteur de 2 milliards sur le quinquennat pour la conversion de l'ensemble de leurs parcs de véhicules vers des matériels à plus faibles émissions. Il relève à cet égard que, dans d'autres pays européens comme l'Allemagne, le Bund et les Länder participent très largement au financement du verdissement du parc.

Jusqu'ici, les dispositifs de soutien budgétaire à la transition des flottes de véhicules lourds n'ont que très marginalement concerné les AOM. L'AAP « écosystèmes de véhicules lourds électriques » 2022 géré par l'ADEME n'a bénéficié qu'à quatre AOM. Reconduit en 2023 et doté de 60 millions d'euros, cet AAP est concentré sur les camions et ne comporte aucun financement pour les bus urbains.

Il convient également de relever l'important rôle de prêteur de la Banque des territoires pour financer les investissements des collectivités territoriales dans le domaine des mobilités. Entre 2014 et 2022 en particulier, dans le cadre des dispositifs « Prêts croissance verte » puis « Mobi-prêts » cette direction de la Caisse des dépôts et consignations s'est engagée pour 2,5 milliards d'euros de prêts en faveur de projets liés aux transports, dont 279 millions d'euros au titre de projets de renouvellement du matériel roulant de transports en commun (bus, tramway, métro, TER).

Prêts de la Banque des territoires en faveur des projets portés par les collectivités territoriales dans le domaine des mobilités sur la période 2014-2022

(en millions d'euros et en nombre de projets)

Projets financés

Montants de contrats de prêts signés
(en millions d'euros)

Nombre de projets

Société du Grand Paris pour financer les infrastructures du Grand Paris

1 000

1

Infrastructures de transports en commun (Ferroviaires, Bus , Tramway, Métro, Téléphériques urbains)

613

69

Routes et voiries

337

410

Matériel roulant de transports en commun (Bus, Tramway, Métro, TER)

279

22

Pistes cyclables

80

64

Infrastructures portuaires

96

20

Pôles d'échange multimodaux, autopartage, covoiturage

34

23

Rénovation et renouvellement d'ouvrages d'art (ponts, tunnels,...)

24

14

Infrastructures de recharge (IRVE)

12

4

Infrastructures aéroportuaires

5

2

Source : commission des finances, d'après les données transmises aux rapporteurs par la Banque des territoires

Alors que ces aides restent marginales, la question des modalités de financement de ce nécessaire verdissement des flottes de bus reste posée au vu, d'une part, des contraintes qui pèsent sur l'endettement des collectivités territoriales, qui ne saurait être illimité dans le contexte actuel de hausse de taux et, d'autre part, de l'absence de visibilité actuelle sur le soutien budgétaire de l'État.

B. L'IMPASSE DU FINANCEMENT DE LA MOBILITÉ DANS LES ZONES RURALES

1. Des zones peu denses abandonnées en rase campagne malgré les alertes du Sénat

L'accès aux services de mobilité constitue une préoccupation majeure des habitants des territoires ruraux, comme l'a rappelé avec force le récent mouvement des Gilets jaunes. L'origine des protestations en octobre 2018 portait en effet sur l'augmentation de la composante carbone de la TICPE (dite « taxe carbone »), subie de plein fouet par les Français contraints d'utiliser leur voiture pour se rendre sur le lieu de travail sans que la dimension incitative de la taxe ne puisse produire le moindre effet, compte tenu de l'absence de modes de transport alternatifs, ni que le produit de cette taxe ne soit fléché sur des dépenses de transition écologique et de soutien au pouvoir d'achat des ménages affectés.

Selon une enquête de l'Observatoire Société et consommation réalisée en février 2019 auprès d'un échantillon représentatif de la population française, 43 % des personnes interrogées déclarent utiliser quotidiennement leur voiture et n'avoir pas accès à d'autres modes de transport et se trouveraient donc « prisonniers de la voiture »76(*). L'enquête a également permis de constater que la participation ou le soutien au mouvement était fortement corrélé à l'absence d'accès à un niveau suffisant à certains équipements, au premier rang desquels l'accès à l'offre de transports (voir graphique ci-dessous).

Note de lecture : 37 % des personnes interrogées déclaraient ne disposer « plutôt pas » ou « pas du tout » d'une offre de modes de transports suffisante. Cette proportion s'élève à 42 % parmi les personnes interrogées se déclarant par ailleurs Gilets jaunes

Source : Observatoire société et consommation, enquête réalisée auprès d'un échantillon de 4 000 personnes représentatif de la population française, février 2019

La loi d'orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 201977(*), dont l'examen au Parlement a débuté dans un contexte encore marqué par le mouvement des Gilets jaunes, a restructuré la gouvernance des mobilités en généralisant la compétence d'AOM à l'ensemble des territoires intercommunaux, dans le but de supprimer toute « zone blanche ».

Ainsi, hormis le cas particulier de la région Île-de-France, l'ensemble des intercommunalités « urbaines », soit les communautés d'agglomération, les communautés urbaines, les métropoles et la métropole de Lyon exercent obligatoirement la compétence d'AOM locale.

Les communautés de communes, intercommunalités souvent situées en zone rurale ou peu dense, n'ont en revanche pas l'obligation d'assurer le rôle d'AOM : à défaut, il revient obligatoirement à la région de l'exercer par substitution sur leur territoire. Les communautés de communes souhaitant exercer cette compétence ont eu jusqu'au 31 mars 2021 pour délibérer sur ce point, pour un transfert prenant effet au 1er juillet de la même année. Après cette date, une communauté de communes n'exerçant pas la compétence ne pourra reprendre celle-ci à la région que dans deux situations bien précises : en cas d'exercice de cette compétence dans le cadre d'un syndicat mixte dépassant son périmètre ainsi qu'en cas de fusion avec un autre EPCI à fiscalité propre ou de scission.

De la sorte, d'un point de vue strictement juridique, il n'existe désormais plus de portions du territoire national où la compétence d'AOM locale n'est pas exercée.

Sans ressources dédiées, l'exercice d'une compétence ne peut cependant qu'être théorique. Or, si la LOM a conforté le versement transport, renommé « versement mobilité », comme pilier du système de financement des AOM locales urbaines, elle a laissé en suspens la question du financement de l'exercice de la compétence en zone rurale.

En effet, la LOM a dans le même temps prévu de conditionner la faculté pour les AOM d'instituer le versement mobilité à la mise en place d'un service régulier de transport public. Or, compte tenu du coût très élevé de ces services en investissement comme en fonctionnement, avec la nécessité d'accueillir un nombre important d'usagers pour pouvoir bénéficier d'un niveau suffisant de recettes commerciales, l'organisation d'un tel service est extrêmement rare en zone rurale. Le développement de la mobilité dans ces zones peu denses répond en effet à des enjeux à la fois spécifiques et complexes, impliquant une combinaison de solutions pouvant reposer, en fonction des territoires, sur l'intermodalité, les cars express, le covoiturage, le vélo... (voir Première partie, I-B).

Lors de l'examen du projet de loi, le Sénat avait alerté sur cette contradiction entre les fins affichées et les moyens octroyés. Dans le souci de donner pleinement aux communautés de communes les moyens de s'emparer de la compétence, il était revenu sur la conditionnalité de l'institution du versement mobilité. Compte tenu de son assiette relativement faible en zone rurale, le Sénat a également entendu attribuer une fraction complémentaire de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) aux AOM. Ces dispositions, conditions sine qua non à un accord entre les chambres, n'ont cependant pas été retenues lors de l'adoption du texte en lecture définitive à l'Assemblée nationale.

La mise en oeuvre de la réforme a confirmé que les craintes du Sénat étaient fondées et que l'énoncé de l'exposé des motifs du projet de loi, selon lequel le Gouvernement « s'assurera, le cas échéant dans le cadre d'une prochaine loi de finances rectificative, que les autorités organisatrices de la mobilité qui n'organisent pas des services réguliers de transport public de personnes disposent des moyens adaptés aux autres services de la mobilité qu'elles organisent », n'était que pure spéculation et n'a sans surprise trouvé aucune traduction concrète à ce jour.

Cet engagement a été réitéré dans un courrier du Premier ministre Édouard Philippe adressé aux rapporteurs du projet de loi de l'Assemblée nationale et du Sénat le 8 juillet 2019, dans le cadre duquel il reconnaît « la nécessité de compenser les effets de cette réforme pour les communautés de communes qui développeront des “bouquets de services” s'appuyant par exemple sur le transport à la demande, le covoiturage, l'auto-panage ou la mobilité solidaire, plutôt que de se doter de services réguliers » (voir Annexe 1). Dans un second courrier du 10 juillet 2019, adressé aux présidents des commissions permanentes des deux assemblées compétentes en matière de transport ainsi qu'aux rapporteurs du projet de loi, la ministre chargée des transports, Élisabeth Borne, a également indiqué que le Gouvernement était disposé à examiner des « mécanismes financiers incitatifs au bénéfice des autorités organisatrices qui mettent en place des “bouquets de services” de mobilité » (voir Annexe 2). Ces deux courriers indiquent que ces dispositifs devaient trouver leur place dans le cadre de la réforme portant suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales à compter de 2021, qui prévoit la mise en place d'un schéma de compensation pour les collectivités territoriales impliquant notamment le transfert d'une fraction de TVA aux intercommunalités.

Pour autant, ces engagements sont restés lettre morte, et aucun dispositif spécifique de financement en faveur des communautés de communes AOM n'a été proposé par le Gouvernement au projet de loi de finances pour 2020, qui a porté cette réforme. L'argument, avancé par le Gouvernement, selon lequel la dynamique de la TVA pourra permettre le financement de cette nouvelle compétence n'est pas satisfaisant car ce transfert, dont l'unique objet est la compensation de la perte de taxe d'habitation, n'est en aucun cas fléché sur le financement des mobilités, comme peut l'être le versement mobilité. Aussi sa dynamique est-elle naturellement absorbée par la mise en oeuvre des autres compétences des communautés de communes, qui connaissent leur propre dynamique en termes de charges.

Faute de pouvoir la financer, près de la moitié des communautés de communes ont donc choisi de ne pas exercer la compétence d'AOM. Dans le détail, 456 communautés de communes ont pris la compétence mobilité au 1er juillet 2021, s'ajoutant aux 54 qui l'exerçaient déjà, tandis que 452 ont laissé à la région le soin de l'exercer. Il est à cet égard intéressant d'observer que les choix ont fortement varié en fonction des régions : les communautés de communes de la moitié nord du pays ont privilégié l'exercice de la compétence et celles de la moitié sud son transfert à la région.

L'exercice de la compétence AOM par les communautés de communes

Source : Cerema

Parmi celles ayant pris la compétence au 1er juillet 2021, seules 10 ont depuis institué le versement mobilité selon le GART. Une enquête conduite par Intercommunalités de France et portée à la connaissance des rapporteurs indique cependant que 80 à 90 communautés de communes envisagent de mettre en place un service de transport régulier et ainsi instituer le versement mobilité sur leur territoire dans les prochaines années.

2. Une aide de l'État au mieux résiduelle

Le fonctionnement des appels à projets de l'État constitue une nouvelle illustration de l'inadaptation du système de financement des AOM aux enjeux du développement de l'offre de mobilité dans les territoires ruraux.

Les trois premiers AAP, centrés sur les transports urbains (tramways, BHNS...) ont pour l'essentiel ignoré le sujet.

Le 4ème AAP, lancé en 2020, marque une prise de conscience en la matière : sur la période 2021-2025, 42 millions d'euros de subventions devraient en effet être alloués au financement de 64 projets de pôles d'échanges multimodaux (PEM), pour un objectif de 269,6 millions d'euros d'investissement global tous financeurs confondus. Cet effort, qui représente moins de 5 % de l'enveloppe globale, reste bien insuffisant, alors même que ce sont ces territoires qui, faute de pouvoir bénéficier de recettes de versement mobilité, ont le plus besoin d'un accompagnement de l'État.

Au total, sur l'ensemble des AAP, les intercommunalités de moins de 50 000 habitants n'ont représenté moins de 6 % des lauréats avec seulement 22 projets soutenus. À l'inverse, les AOM de plus de 150 000 habitants constituent plus de la moitié des lauréats.

Répartition par groupe de population des lauréats des AAP TCSP
depuis 2008

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de l'AFIT-F au questionnaire des rapporteurs

La disproportion est encore plus patente en termes de subventions annoncées puisqu'avec 37 millions d'euros octroyés, les intercommunalités de moins de 50 000 habitants ne représentent que 1,4 % de l'enveloppe globale, contre plus près des trois quarts pour les AOM de plus de 150 000 habitants.

Répartition par groupe de population des subventions annoncées
au titre des AAP TCSP depuis 2008

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de l'AFIT-F au questionnaire des rapporteurs

Plus encore, depuis 2008, seules 6 communautés de communes se sont vues octroyer une subvention, pour un montant total annoncé de 5,9 millions d'euros, soit 0,2 % de l'enveloppe globale.

Plus généralement, il apparaît que le système des appels à projets est structurellement plus favorable aux grosses collectivités, qui disposent de solides moyens humains et financiers d'ingénierie leur permettant de se conformer aux cahiers des charges de l'État (voir infra).

Dans le cadre de la démarche France Mobilités (voir encadré), des appels à manifestation d'intérêt (AMI) spécifiques aux zones rurales ont ainsi été lancés en faveur des zones rurales. Deux dispositifs sont principalement concernés :

-l'AMI Tenmod (territoires de nouvelles mobilités durables) porté par l'ADEME : depuis 2018, six éditions ont permis de financer 180 projets de mobilité pour un total de 13 millions d'euros de subventions ;

- l'AMI Avenir Montagne Mobilités porté par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) : deux éditions ont permis en 2022 de financer 100 projets pour 10 millions d'euros de subventions.

Ces dispositifs ponctuels ont cependant tous deux pris fin en 2022.

France mobilités

Lancée en 2018 à la suite des Assises nationales de la mobilité, la démarche « France mobilités » regroupe l'ensemble des acteurs impliqués dans le développement des mobilités : État et opérateurs (ADEME, Cerema, Agence nationale de la cohésion des territoires - ANCT...), collectivités territoriales, entreprises (opérateurs de transport, fonds d'investissements...), associations...

La démarche vise à répondre à trois objectifs : créer une communauté d'acteurs ; faciliter les expérimentations et le passage à plus grande échelle des solutions innovantes de mobilité ; déployer des solutions innovantes pour tous, particulièrement en zones rurales et périurbaines.

Source : commission des finances du Sénat

En dehors des AAP et AMI, les dotations d'investissement de l'État « de droit commun » contribuent également aux projets de mobilité en zone rurale. Comme indiqué supra, sur la période 2018-2022, ces projets n'ont toutefois bénéficié que de 3,6 % de l'enveloppe globale de la DETR, contre 12,4 % pour la DSIL, qui vise en principe des projets structurants portés par des collectivités de plus grande taille.

Il en va de même s'agissant du fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires, dit « fonds vert », institué par la loi de finances initiale pour 2023 et doté de 2 milliards d'euros en autorisations d'engagement. Si le dispositif comporte bien un volet consacré à la mobilité en zone rurale, et plus précisément au soutien de projets visant à favoriser le covoiturage, ces projets ne représentent qu'une part résiduelle des lauréats : à fin mars 2023, sur les 150 premiers lauréats, seuls 2 projets en faveur du covoiturage ont été retenus, pour un montant total de 130 430 euros78(*).

Le fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires,
dit « fonds vert »

Le fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires, dit fonds vert, a été doté de 2 milliards d'euros en LFI pour 2023. Ces crédits sont inscrits sur un nouveau programme de la mission « Écologie, mobilité et développement durables », le programme 380 « fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires ». Il a pour vocation d'aider financièrement les collectivités territoriales à accélérer leur transition écologique.

Le fonds doit financer trois types d'actions associant des mesures d'atténuation du changement climatique et d'adaptation à ses effets :

- le renforcement de la performance environnementale dans les territoires ;

- l'adaptation au changement climatique ;

- l'amélioration du cadre de vie.

Le fonds vert a vocation à répondre aux sept objectifs dits de « l'ambition verte » :

- bâtiments tertiaires : aide à la rénovation énergétique des bâtiments publics locaux pour réduire de 40 % des émissions de CO2 des bâtiments tertiaires d'ici 2030 ;

- espaces naturels : aide à la gestion des aires naturelles protégées pour 10 % des espaces naturels en protection forte ;

- neutralité carbone à horizon 2050 : aide à la création ou au développement des zones à faibles émissions, aide à la rénovation énergétique pour réduire les émissions de GES en 2030 de 55 % au niveau européen ;

- artificialisation des sols : aide au recyclage des friches et aide à la renaturation en ville pour diviser par deux le rythme d'artificialisation des sols à horizon 2031 ;

- déchets : aide au tri et à la valorisation des déchets pour réduire à moins de 50 % de déchets dangereux non inertes en 2025 et à seulement 10 % de déchets ménagers et assimilés en décharge en 2030 ;

- prévention des risques : aide à la prévention des risques inondation, effondrement glaciaire, cycloniques, incendies de forêt, recul du trait de côte ;

- points noirs de la trame verte et bleue : aide au rétablissement des continuités écologiques pour résorber des points noirs de la trame verte et bleue.

Le fonds vert se réparti entre quatorze chantiers :

- la rénovation énergétique des bâtiments publics locaux ;

- la rénovation des parcs luminaires d'éclairage public ;

- le soutien au tri à la source et la valorisation des biodéchets ;

- la protection des bâtiments contre les vents cycloniques ;

- les incendies et la végétation ;

- les milieux aquatiques et les inondations ;

- les collectivités en zone de montagne ;

- la renaturation des villes ;

- le recul du trait de côte ;

- la biodiversité ;

- le covoiturage ;

- le recyclage foncier.

La gestion du fonds est déconcentrée au niveau des préfets et se fait sans appel d'offre. À la fin du mois de mars, 5 948 dossiers de demande de financements avaient été déposés auprès des préfectures79(*).

Une circulaire du 14 décembre 2022 relative au déploiement du fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires est venue récapituler les mesures susceptibles d'être financées par le fonds vert et préciser les critères de sa répartition régionale.

Le programme 380 est coordonné par la Direction générale de l'Aménagement, du Logement et de la Nature (DGALN), en qualité de responsable de programme et en lien avec la direction générale de la prévention des risques (DGPR), la direction générale des infrastructures de transport et de mobilités (DGITM), la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), la direction générale des collectivités locales (DGCL) et le commissariat général au développement durable (CGDD).

Source : commission des finances du Sénat

3. Un besoin d'ingénierie accru par la complexité des solutions de mobilités adaptées aux zones peu denses

En plus de financements, les AOM en zone rurale ont besoin d'un accompagnement accru en matière d'ingénierie pour lancer leurs projets.

Les opérateurs de l'État - en particulier le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), l'ADEME et l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) - ont un rôle majeur à jouer.

Le Cerema développe notamment une importante offre d'accompagnement pour appuyer les AOM dans l'exercice de leurs compétences, qui passe notamment par la diffusion de guides, et en particulier une « Boîte à outils » sur la mise en oeuvre des services de mobilité dans les territoires peu denses80(*). L'opérateur a également piloté le déploiement d'un réseau de cellules régionales d'appui France Mobilités, à disposition de ces collectivités qui peuvent, sur simple sollicitation, obtenir des premiers conseils, une mise en relation, un renvoi vers des aides, des orientations sur un projet ou la transmission de guides et méthodes de références. Depuis leur création, ces cellules ont organisé plus de 90 évènements régionaux à destination des collectivités et répondu à plus de 800 sollicitations directes.

L'ADEME s'efforce également de déployer sur le territoire un réseau d'Ambassadeurs de la mobilité pour accompagner les collectivités. Dans ses réponses au questionnaire des rapporteurs, l'opérateur a néanmoins souligné que son budget ne lui permettait pas de massifier son offre d'accompagnement dans les territoires peu denses.

Concernant l'ANCT, l'AMI Avenir Montagne Mobilités évoqué supra, a pu apporter un soutien en ingénierie à des AOM situées en zone de montagne, confrontées à des enjeux de mobilité très spécifiques. Le montant des subventions octroyées dans ce cadre reste toutefois modeste (10 millions d'euros) à l'échelle du plan global « Avenir Montagne » (650 millions d'euros).

Cette aide à l'ingénierie est essentielle et doit être amplifiée, notamment à destination des communautés de communes nouvellement AOM, afin d'impulser une dynamique de projets au sein d'EPCI généralement peu outillés en matière de moyens humains et financiers.

C. LES RÉGIONS NE DISPOSENT D'AUCUNE RESSOURCE SPÉCIFIQUE POUR FAIRE FACE À LA HAUSSE À VENIR DE LEURS DÉPENSES DE TRANSPORT

Contrairement aux intercommunalités urbaines bénéficiant du versement mobilité, les régions ne disposent d'aucune ressource spécifique pour l'exercice de leur compétence d'AOM régionale ou, le cas échéant, d'AOM locale.

Les recettes commerciales ne peuvent suffire à absorber la hausse des coûts de production du TER, liés notamment à la dynamique des péages à SNCF Réseau (voir Première partie). En effet, alors même que celles-ci ont connu une progression de 18 % entre 2002 et 2019, leur taux de couverture du coût du TER est passée de 29,6 % à 26,3 % sur la même période. Compte tenu de la difficulté à augmenter les tarifs au regard de l'impératif de transition écologique, cette dégradation du ratio « R/D » a imposé aux régions de mobiliser davantage leurs budgets81(*).

Pourtant, les régions sont sorties fortement fragilisées de la crise sanitaire : à la fin de l'année 2022, leur épargne brute (6,2 milliards d'euros) demeure à un niveau inférieur de 3 % à celui de 2019 et quatre régions ont même enregistré une baisse d'épargne brute par rapport à 2021 (Corse, Nouvelle-Aquitaine, Hauts-de-France et Île-de-France)82(*). Il s'agit du seul échelon de collectivités à n'avoir bénéficié d'aucune aide de l'État pour faire face à la crise. Les paramètres retenus en LFI 2023 au titre du « filet de sécurité énergie » ne devraient pas non plus permettre aux régions d'y être éligibles, malgré le fort impact sur leur budget de la hausse des prix de l'énergie

Pour financer la hausse à venir de leurs dépenses de transports, les régions pourront en partie compter sur le dynamisme des fractions de TVA qui leur sont transférées par l'État, qui représentent à ce jour leur première ressource de fonctionnement (15,8 milliards d'euros en 2022), après s'être substituées à compter de 2018 à leur dotation globale de fonctionnement et à compter de 2021 à leurs recettes de CVAE.

Le panier de ressources des régions est mal adapté à leurs compétences d'AOM. En effet, la fraction de l'accise sur les énergies (ex-TICPE) qui leur est transférée (5,3 milliards d'euros en 2022) et le produit de la taxe sur les certificats d'immatriculation (1,8 milliard d'euros), soit des recettes issues de la route, représentent 24 % de leurs recettes de fonctionnement en 2022. Il en résulte que plus les régions développeront l'offre de transports collectifs et favoriseront le report modal plus, paradoxalement, ces ressources vont être amenées à se contracter.

D. LE FINANCEMENT DES RER MÉTROPOLITAINS : NE PAS REPRODUIRE L'ERREUR DU GRAND PARIS EXPRESS

Le modèle de financement des projets de RER métropolitains, qui représenteraient selon le COI un besoin total d'investissement estimé entre 15 et 20 milliards d'euros, dont 11 milliards d'euros pour la période 2023-2042 (voir Première partie) est à ce jour entièrement à construire.

L'une des incertitudes porte sur la part que doit prendre l'État, qui n'a fait l'objet d'aucune précision ni le 28 novembre 2022 lorsque le président de la République, en plein débat budgétaire, avait annoncé son ambition de développer un réseau de RER dans dix grandes agglomérations, ni le 24 février 2023 lorsque la Première ministre a annoncé le lancement d'un plan de 100 milliards d'euros pour le ferroviaire qui intègre notamment le développement de ces RER métropolitains dans les grandes agglomérations françaises.

Plusieurs options peuvent être envisagées en la matière. Le rapport du COI considère, dans le scénario central de son rapport relatif à la stratégie 2023-2042, que l'État devrait participer financièrement aux projets de RER métropolitains, dans le cadre de la prochaine génération de contrats de plan État-régions (CPER), à hauteur de 75 millions d'euros par an sur la période 2023-2027 puis à hauteur de 300 millions d'euros par an jusqu'en 2037. Le lancement d'un nouvel appel à projets TCSP dédié constitue une piste alternative ou complémentaire de financement de ces projets.

En tout état de cause, il est essentiel que les collectivités concernées puissent s'engager dans ces projets avec l'État sur une base claire, incluant dès avant le lancement des travaux un accord sur les modalités de financement de l'exploitation du réseau, afin de ne pas reproduire l'erreur du Grand Paris Express. L'absence d'anticipation des coûts de fonctionnement qu'il allait générer constitue en effet un défaut de conception majeur de ce projet, qui explique les difficultés auxquelles IDFM fait aujourd'hui face (voir Première partie).

III. ILE-DE-FRANCE MOBILITÉS : UNE IMPASSE FINANCIÈRE DE 10 MILLIARDS D'EUROS D'ICI 2030

A. UN MODÈLE DE FINANCEMENT ATYPIQUE ET SOUS TENSION

La progression importante des recettes réelles de fonctionnement d'IDFM à compter de 2020 est essentiellement due à la révision des modes de rémunération des opérateurs de transport (voir supra dans l'analyse de l'évolution des dépenses de fonctionnement) et au fait que progressivement, depuis 2020 et au fil du renouvellement des conventions, les recettes tarifaires sont désormais collectées par ces opérateurs puis reversées à IDFM qui les inscrit à son compte de résultat.

Source : IDFM

Si l'on retraite ce phénomène qui relève d'un simple effet de périmètre, il apparaît que les recettes d'exploitation globales d'IDFM ont évolué tel que l'illustre le graphique ci-après.

Évolution des recettes de fonctionnement d'IDFM (2018-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses d'IDFM et de la DGITM aux questionnaires des rapporteurs.

Entre 2018 et 2022, les recettes d'exploitation d'IDFM ont ainsi progressé de 7 %. Cette hausse est portée par la dynamique du versement mobilité (VM) dont le produit a augmenté de 18 % sur la même période. Dans le même temps, les contributions versées par les collectivités membres d'IDFM ne progressaient que de 4 %. Les recettes commerciales ont été fortement affectées en 2020 et dans une moindre mesure en 2021 par les conséquences de la crise sanitaire. En 2020 et en 2021, les recettes d'IDFM ont été complétées par des aides exceptionnelles, principalement sous la forme d'avances remboursables, versées par l'État.

En 2022, le financement du fonctionnement d'IDFM était assuré à un peu plus de 50 % par les recettes tirées du VM, à un peu plus de 30 % par les recettes commerciales payées par les usagers et, à un peu moins de 15 % par les contributions des collectivités territoriales membres de l'AOM francilienne.

Répartition des recettes de fonctionnement d'IDFM en 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses d'IDFM et de la DGITM aux questionnaires des rapporteurs

D'après les dernières estimations, et à législation et tarification constante, les recettes de fonctionnement de l'AOM francilienne pourraient augmenter de 17 % entre 2023 et 2030 pour dépasser les 13 milliards d'euros par an à cette date.

Évolution prévisionnelle des recettes de fonctionnement d'IDFM à horizon 2030

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

1. Un financement assuré à plus de 50 % par les entreprises

En 2022, les recettes issues du versement mobilité représentaient plus de la moitié du total des ressources d'exploitation d'IDFM.

Les trois taux de versement mobilité en Île-de-France

Les dispositions législatives de l'article L2531-4 du code général des collectivités territoriales (CGCT) déterminent les taux plafonds du VM en Île-de-France. Aujourd'hui, en conformité avec ces dispositions, trois taux distincts sont appliqués en fonction des territoires :

- un taux de 2,95 % pour Paris, les Hauts-de-Seine et, depuis 202183(*), pour la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne ;

- un taux de 2,01 % pour les communes de grande couronne les mieux desservies par le réseau de transports dont la liste, définie par un décret en Conseil d'État, figure à l'article R2531-6 du CGCT ;

- un taux de 1,6 % pour les autres communes de la région Île-de-France.

Source : commission des finances du Sénat

En Île-de-France comme ailleurs, le versement mobilité s'est révélé être une ressource à la fois essentielle au financement des AOM et également extrêmement dynamique. Entre 2010 et 2019, pourtant une période de faible inflation, le rendement du VM en Île-de-France progressait en moyenne de 5,4 % chaque année. Cette forte progression résulte d'une part du dynamisme de la masse salariale (l'assiette du VM) en Île-de-France (+ 3,1 % en moyenne annuelle entre 2010 et 2019) et, d'autre part des augmentations de taux décidées entre 2017 et 2021 dans le cadre d'un pacte de financement conclu en 2016 pour financer le passage au passe Navigo à tarif unique. Tous les taux de versement mobilité en Île-de-France ont été portés à leur plafond légal.

Il faut noter que le financement de la mobilité en Île-de-France par les entreprises ne se réduit pas au versement mobilité. Les entreprises franciliennes contribuent aussi significativement au financement d'IDFM à travers le remboursement partiel des abonnements de transport en commun de leurs salariés. Difficile à évaluer, cette participation pourrait représenter environ un milliard d'euros par an84(*).

D'après le scénario bas retenu par le rapport d'inspection de mai 2023 précité, la dynamique prévisionnelle du versement mobilité pourrait conduire à porter son rendement à environ 6,6 milliards d'euros en 2030 puis 8 milliards d'euros à horizon 2035, soit des augmentations respectives de 25 % et de 50 % par rapport à 2022 (5,3 milliards d'euros).

Évolution prévisionnelle des recettes de VM à horizon 2035

(en millions d'euros)

Source : rapport sur les perspectives financières d'IDFM, mai 2023

2. Des recettes commerciales modérées qui vont néanmoins augmenter de 300 millions d'euros par an en raison de la revalorisation des tarifs décidée en 2023

Les recettes tarifaires d'IDFM se sont élevées à 3,3 milliards d'euros en 2022, représentant environ 30 % du total des ressources de fonctionnement de l'AOM. Le récent rapport des inspections constate que les tarifs pratiqués en Île-de-France se situent à des niveaux inférieurs aux moyennes constatées dans d'autres grandes agglomérations internationales. Ce constat est renforcé si la comparaison porte sur l'abonnement mensuel dont la spécificité francilienne repose sur une tarification unique étendue à l'ensemble du territoire de l'AOM.

Comparaison du prix des abonnements mensuels de transports urbains
dans plusieurs métropoles européennes

(en euros)

Source : rapport sur les perspectives financières d'IDFM, mai 2023

Si l'on considère la part que représentent les recettes tarifaires dans le total des ressources d'IDFM, là encore, il apparaît que l'AOM francilienne se situe dans la moyenne basse des grandes métropoles. Cette part atteint par exemple 73 % à Londres et près de 50 % à New-York ou à Berlin85(*).

Si la part représentée par les usagers franciliens dans le financement d'IDFM est plus élevée que la moyenne nationale, cette comparaison doit être pondérée par le fait que l'offre de service y est également en moyenne très nettement supérieure.

Par ailleurs, si l'on raisonne en termes de coût public par voyage net de la participation des usagers86(*), IDFM se distingue des autres grandes métropoles par un déficit nettement supérieur qui se rapproche de celui constaté dans les agglomérations moyennes.

Comparaison du coût public par voyage selon les tailles d'agglomération
en France (2019)

(en euros par voyage)

Source : commission des finances, d'après les travaux de Jean Coldefy

Au cours de la période 2020-2022, les pertes de recettes tarifaires constatées par IDFM du fait de la crise se seraient élevées à environ 3,7 milliards d'euros87(*).

En 2023, après une période de gel des prix depuis 2017, les tarifs d'IDFM ont augmenté en moyenne de 12 % et le passe Navigo est passé de 75,20 euros à 84,10 euros par mois. Ces augmentations tarifaires doivent permettre une hausse des recettes tarifaires de 285 millions d'euros par an dès 2023.

En termes de perspectives d'évolution du volume de fréquentation, le rapport des inspections de mai 2023 est légèrement plus optimiste qu'IDFM et prévoit un retour du trafic à son niveau de 2019 en 2025 plutôt qu'en 2026. Il anticipe également un trafic à hauteur de 95 % de son niveau de 2019 dès 202388(*). À plus long terme, le rapport des inspections est également plus optimiste que les prévisions d'IDFM s'agissant des incidences du télétravail sur les recettes tarifaires.

Évolution prévisionnelle en volume des recettes tarifaires à horizon 2035

(en millions d'euros)

Source : rapport sur les perspectives financières d'IDFM, mai 2023

À partir de ces hypothèses, les recettes tarifaires perçues par IDFM pourraient augmenter d'environ 18 % entre 2023 et 2030 pour approcher les 4,5 milliards d'euros par an en fin de période contre 3,8 milliards d'euros en 2023 après l'augmentation tarifaire de 12 % réalisée au 1er janvier de cette année.

Évolution prévisionnelle des recettes tarifaires perçues par IDFM à horizon 2030

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

3. L'encadrement des subventions des collectivités

Les concours publics versés par les collectivités territoriales membres d'IDFM représentent actuellement un peu moins de 15 % des recettes d'exploitation de l'AOM francilienne et se décomposent en deux catégories :

- d'une part les contributions statutaires des collectivités territoriales membres d'IDFM, dont le montant est voté chaque année par le conseil d'administration de l'AOM ;

- d'autre part les compensations liées à des réductions de tarifs accordées par des collectivités au titre de leur politique d'aide sociale.

Selon les dispositions de l'article L1241-10 du code des transports, seule une majorité des deux-tiers du conseil d'administration de l'AOM peut modifier la répartition des contributions statutaires entre les collectivités membres d'IDFM. La répartition de ces contributions figure aujourd'hui à l'article R1241 46 du même code (voir encadré ci-après).

Article R1241-46 du code des transports

Les charges mentionnées à l'article L. 1241-15, notamment celles qui résultent des obligations tarifaires imposées aux transporteurs, sont réparties entre la région Ile-de-France et les autres collectivités territoriales membres d'Ile-de-France Mobilités selon les quotités suivantes :

1° Région Ile-de-France : 51,000 % ;

2° Ville de Paris : 30,380 % ;

3° Département des Hauts-de-Seine : 7,742 % ;

4° Département de la Seine-Saint-Denis : 3,749 % ;

5° Département du Val-de-Marne : 3,014 % ;

6° Département des Yvelines : 1,593 % ;

7° Département de l'Essonne : 0,980 % ;

8° Département du Val-d'Oise : 0,907 % ;

9° Département de Seine-et-Marne : 0,637 %.

Les concours financiers correspondants sont versés à Ile-de-France Mobilités.

La quotité de la région Ile-de-France ne peut être inférieure à 51 %.

Source : code des transports

Entre 2014 et 2021, les contributions statutaires ont augmenté en moyenne de 1,1 % par an. Dans les perspectives de financement qu'elle retient pour les années à venir, IDFM prévoit de maintenir le principe actuel d'une évolution de ces contributions au niveau de l'inflation prévisionnelle.

La part de financement assurée par les contributions des collectivités d'IDFM apparaît comme plus faible que celle constatée dans cinq autres plus importantes AOM de France, à l'exception de Bordeaux. Ce constat mérite cependant d'être nuancé en raison du poids du budget d'IDFM, incomparable à celui des autres AOM.

Part des contributions des collectivités membres dans les recettes réelles
de fonctionnement des AOM

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses d'IDFM au questionnaire des rapporteurs

4. Une affectation d'accise sur les énergies (TICPE) plafonnée à 100 millions d'euros

Dans le cadre du protocole de 2016 visant à financer le passage au tarif unique du passe Navigo il a été décidé d'augmenter les taux franciliens de l'accise sur les énergies (ancienne taxe intérieure sur la consommation de carburant et de combustibles fossiles ou TICPE) dont le produit a été affecté à IDFM dans la limite de 100 millions d'euros par an. Ainsi, depuis le 1er janvier 2017, la loi89(*) permet-elle l'application d'une majoration d'accise sur les énergies spécifique à la région Île-de-France dans les limites suivantes :

- 1,89 euros par mégawattheure (MWh) pour les gazoles ;

- 1,148 euros par MWh pour les essences.

Ces majorations sont aujourd'hui appliquées à leur montant plafond.

5. Les 2 milliards d'euros d'avances remboursables accordées par l'État contraignent les ratios financiers d'IDFM

Pour accompagner les AOM face aux conséquences de la crise sanitaire, l'État a déployé plusieurs dispositifs exceptionnels de soutien en 2020 puis en 2021. S'agissant de l'année 2020, la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 a prévu un dispositif de compensation des pertes de versement mobilité (VM) sous forme de subvention. Pour IDFM, la compensation a été calculée sur la base de la différence entre le VM perçu en 2020 et la moyenne des VM perçus entre 2017 et 2019. Un acompte de 425 millions d'euros avait été versé à IDFM en septembre 2020. Toutefois, la résilience du versement mobilité en 2020 a été plus forte qu'anticipé et IDFM a dû procéder au début de l'année 2022 à un remboursement du trop-perçu (274 millions d'euros). Aussi, le montant de la subvention au titre des pertes de versement mobilité s'est-il in fine élevé à 151 millions d'euros au titre de l'année 2020.

Toujours s'agissant de l'année 2020, la loi n° 2020-1473 du 30 novembre 2020 de finances rectificative pour 2020 a prévu un dispositif d'avance remboursable à taux zéro destiné à soutenir IDFM à la suite des conséquences de l'épidémie de Covid-19. Le montant versé au titre de 2020 s'est élevé à 1 157 millions d'euros. Le remboursement de cette avance doit être effectué par IDFM sur la période 2023-2028.

S'agissant de l'année 2021, la loi n° 2021-1549 du 1er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021 a prévu le versement à IDFM d'une nouvelle avance remboursable à taux zéro d'un montant de 800 millions d'euros pour l'aider à supporter les effets financiers de la crise sanitaire. Cette avance doit être remboursée entre 2029 et 2036.

Aides exceptionnelles de crises accordées à IDFM par l'État (2020-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Enfin, compte tenu de la dégradation de l'environnement macroéconomique, marqué par une forte reprise de l'inflation, la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 a prévu le versement, via la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du budget général de l'État, d'une subvention exceptionnelle de 200 millions d'euros à IDFM.

Le montant global des aides exceptionnelles de crises versées par l'État à IDFM entre 2020 et 2023 représente 2,3 milliards d'euros dont 2 milliards d'euros d'avances remboursables, soit 85 % du total. La décision de l'État de privilégier des avances remboursables n'est pas sans conséquences sur l'endettement et la situation financière d'IDFM. En effet, en augmentant son encours de dette de 2 milliards d'euros, elles ont contribué à fragiliser son ratio de capacité de désendettement (CDD). Or, les investisseurs d'IDFM, au premier rang desquels la banque européenne d'investissement (BEI) qui détient 12 % de la dette de l'AOM, exigent que ce ratio (qui rapporte la capacité d'autofinancement annuelle à l'encours de dette) soit inférieur à 15 ans. Le respect de ce ratio engendre une tension forte sur la section de fonctionnement d'IDFM contrainte de dégager davantage d'autofinancement.

Échéances de remboursement des avances

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses d'IDFM au questionnaire des rapporteurs

B. LE FINANCEMENT DES DÉPENSES D'INVESTISSEMENT D'IDFM RISQUE DE PESER SUR SA SITUATION FINANCIÈRE

Les recettes d'investissements d'IDFM se décomposent principalement entre l'emprunt, l'excédent de fonctionnement (autofinancement), des subventions d'investissement90(*) (des collectivités et de l'État) et le produit des amendes.

L'augmentation très significative des recettes d'investissement d'IDFM depuis 2017 est corrélée à l'augmentation de ses dépenses d'investissement (voir supra) et est toujours davantage portée par le recours à l'emprunt.

Évolution des recettes d'investissement d'IDFM (2015-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses d'IDFM au questionnaire des rapporteurs.

En raison de l'ambitieux programme d'investissement poursuivi par IDFM, les recettes d'investissement seront amenées à se maintenir à des niveaux très élevés dans les années à venir.

Évolution prévisionnelle des recettes réelles d'investissement à horizon 2035

(en millions d'euros)

Source : rapport sur les perspectives financières d'IDFM, mai 2023

Au 31 décembre 2022, l'encours de dette d'IDFM s'élevait à 8,8 milliards d'euros. D'après les projections du rapport des inspections de mai 2023, sans marges de financements supplémentaires, il pourrait être amené à tripler d'ici 2030 pour atteindre 28 milliards d'euros.

Évolution prévisionnelle de l'encours de dette d'IDFM à horizon 2035

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport sur les perspectives financières d'IDFM, mai 2023

Le rapport des inspections précité s'inquiète des conséquences à moyen terme de la hausse des dépenses d'investissement d'IDFM sur sa situation financière pointant « une dynamique d'endettement qui risque de devenir insoutenable dans les prochaines années ». Ce constat repose sur la crainte d'un emballement des charges financières qui viendrait grever l'équilibre de la section de fonctionnement.

C. UN BESOIN DE FINANCEMENT DE 10 MILLIARDS D'EUROS JUSQU'EN 2030

Comme évoqué supra, les bailleurs d'IDFM, et en particulier la banque européenne d'investissement (BEI)91(*) lui imposent de respecter des ratios de soutenabilité financière, au premier rang desquels une capacité de désendettement (CDD) ne pouvant se maintenir au-dessus de 15 ans plus de deux années consécutives. Or, ce ratio est passé de 3 ans avant la crise sanitaire à près de 14 ans en 2022.

À norme et tarifs constants, le respect de ce ratio induit un besoin de financement de près de 800 millions d'euros dès 2024. Besoin de financement qui tendrait ensuite à s'accroître jusqu'en 2030 pour un total cumulé de près de 10 milliards d'euros sur la période.

Besoin de financement prévisionnel d'IDFM (2024-2030)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses d'IDFM au questionnaire des rapporteurs et le rapport sur les perspectives d'IDFM de mai 2023

Ce besoin résulte notamment des dépenses d'exploitation des nouvelles lignes du Grand Paris Express (GPE), estimées à 1 milliard d'euros par an en rythme de croisière après l'ouverture de l'ensemble des lignes et dont les modalités de financement n'ont toujours pas été définies.

Sur ce sujet majeur, les rapporteurs constatent que le Gouvernement a manqué à sa parole. En effet, la Présidente d'IDFM leur a présenté un courrier du Premier Ministre d'alors, Édouard Philippe92(*), daté du 21 janvier 2020 dans lequel il reconnaît l'impasse financière dans laquelle l'exploitation des nouvelles lignes du GPE place IDFM. Il soulignait à ce titre que ces nouvelles lignes « vont engendrer un coût de fonctionnement et de maintenance supplémentaire de plusieurs centaines de millions d'euros par an qui ne peut pas être absorbé par le modèle de financement actuel d'IDFM ».

À partir de ce constat, le Premier Ministre s'était engagé, dans ce même courrier, à apporter à l'AOM francilienne les financements supplémentaires nécessaires : « cela justifie qu'une partie de ces coûts soit supportée par des financements supplémentaires apportés à IDFM par l'État, ou par transfert de fiscalité ».

Or, les rapporteurs regrettent vivement que, trois ans et demi après avoir pris cet engagement, le Gouvernement n'ait pas tenu promesse et ait laissé pourrir encore davantage une situation de plus en plus alarmante.

TROISIÈME PARTIE
UNE RÉFORME INDISPENSABLE DU MODÈLE DE FINANCEMENT DE LA MOBILITÉ DU QUOTIDIEN

I. AMÉLIORER LA PERFORMANCE ÉCONOMIQUE DES TRANSPORTS DU QUOTIDIEN ET MOBILISER EN PRIORITÉ DES RESSOURCES EXISTANTES

A. AMÉLIORER LA PERFORMANCE ÉCONOMIQUE DES TRANSPORTS DU QUOTIDIEN

1. Les opérateurs de transports et les gestionnaires d'infrastructures doivent réaliser des gains de performance
a) Des économies à réaliser du côté des opérateurs de transport comme des gestionnaires d'infrastructures

Comme présenté supra, au regard des exemples étrangers, et tout particulièrement s'agissant des services ferroviaires conventionnés, d'importantes marges de productivité existent tant du côté de l'opérateur historique que du gestionnaire d'infrastructure.

Les rapporteurs avaient déjà dressé ce constat dans leur rapport de mars 2022 sur les perspectives financières de la SNCF. Pour que l'opérateur historique de transport ferroviaire et le gestionnaire d'infrastructure gagnent en productivité, ils appelaient notamment le groupe SNCF à conduire une véritable « révolution culturelle ».

Les différentes entités du groupe SNCF doivent ainsi poursuivre la rationalisation de leurs effectifs afin de se rapprocher des standards de compétitivité de leurs homologues européens. Des situations de sureffectifs perdurent, notamment dans les ateliers de maintenance, ce qui pourrait être l'une des raisons du coût élevé de celle-ci sur les services ferroviaires conventionnés en France comparativement à la situation observée chez nos voisins européens (voir supra).

Pour gagner en compétitivité, la SNCF doit aussi développer avec davantage de volontarisme la rémunération au mérite et l'intéressement. Elle doit également se saisir pleinement des nouvelles opportunités que lui offre l'article L.2101-6 du code de transports modifié par la loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire en termes de décentralisation de la négociation collective au sein du groupe et par là d'optimisation de son organisation du travail et d'adaptation de celle-ci aux réalités de chaque société et de chaque métier. À ce stade, la SNCF n'a toujours pas suivi cette voie et l'accord collectif sur l'organisation du temps de travail signé le 14 juin 2016 continue d'être applicable à l'ensemble du personnel de la SNCF. Or, les règles issues de l'accord sur le temps de travail de 2016 sont particulièrement handicapantes pour la compétitivité de SNCF voyageurs et de SNCF Réseau. Il en résulte une organisation du travail trop rigide et inefficiente. Selon la Cour des comptes93(*), cet accord, duquel résulte « une organisation du travail inadaptée aux métiers », entraine une perte de productivité substantielle. Ce constat est tout particulièrement prononcé s'agissant des services TER opérés par SNCF Voyageurs qui souffrent d'un déficit de compétitivité exacerbé du fait de cet accord et d'une organisation du temps de travail largement sous-optimale. La Cour des comptes estime le surcoût lié à cet accord pour la SNCF à 200 millions d'euros par an94(*).

Les multiples accords locaux, plus favorables encore que l'accord de groupe sur le temps de travail, constituent un autre héritage qui entrave la compétitivité de l'opérateur ferroviaire historique. Leur coût annuel est estimé à environ 100 millions d'euros. Pour gagner en productivité, il est indispensable que la SNCF dénonce les derniers accords locaux existants.

Un autre levier de performance significatif de l'opérateur historique de transport ferroviaire et du gestionnaire d'infrastructures relève du degré de polyvalence de ses agents. En effet, comparativement aux standards d'opérateurs de transport et de gestionnaires d'infrastructure ferroviaire comparables, le groupe SNCF se distingue par une faible polyvalence de ses personnels. En 2019, la Cour des comptes95(*) notait que le défaut de polyvalence des personnels de la SNCF était « source de rigidité » et un « point faible majeur pour le groupe public ferroviaire ». Ce manque de polyvalence est particulièrement marqué chez SNCF Réseau. Aussi, les rapporteurs spéciaux réaffirment-ils que la polyvalence des agents du groupe SNCF, tout particulièrement chez SNCF Réseau, gagnerait à être très sensiblement renforcée. D'après la Cour des comptes96(*), les économies à attendre de mesures volontaristes tendant à développer la polyvalence des agents du groupe SNCF pourraient être de l'ordre de 350 millions d'euros par an.

De manière générale dans le domaine des transports il apparaît que les perspectives de gains de performance vont cependant être entravées par un phénomène de déficit d'attractivité des métiers du secteur, notamment s'agissant des personnels de conduite. Cette situation suppose en effet des revalorisations salariales souvent significatives.

Dans leur rapport d'information précité, les rapporteurs ont formulé une série de recommandations visant à améliorer significativement la performance de SNCF Réseau. Ils tiennent également à rappeler que des gisements importants de gains d'efficience résident dans le déploiement des programmes de modernisation du réseau ferré, à savoir la commande centralisée du réseau (CCR) et l'ERTMS. Or, de façon incompréhensible, ces projets ne sont toujours ni financés ni réellement programmés en France alors qu'ils ont déjà été déployés chez la plupart de nos voisins. Le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI) présenté au mois de février 202397(*) a confirmé les analyses faites dès le début de l'année 2022 par les rapporteurs sur cette question et appelé à dégager des financements pour déployer ces deux programmes majeurs à horizon 2042. Le 24 février dernier, lors de la présentation d'un plan ferroviaire de 100 milliards d'euros, la Première ministre a confirmé cette nécessité. Cependant, les rapporteurs regrettent que les modalités de financement de ces programmes n'aient toujours pas été précisées.

b) L'ouverture à la concurrence des services ferroviaires conventionnés pourrait se traduire par des économies de 20 à 30 %

Le processus d'ouverture à la concurrence des services de TER est désormais engagé. En effet, à compter du 25 décembre 2023, les régions seront dans l'obligation de désigner les opérateurs de ces services par la voie d'un appel d'offres concurrentiel. Certaines d'entre-elles ont déjà anticipé cette échéance. Les perspectives d'économies liées à ce processus sont particulièrement significatives et le résultat des premiers appels d'offre semble confirmer le potentiel de performance attaché à la mise en concurrence des services conventionnés de transport ferroviaire de voyageurs (voir supra).

La baisse des coûts d'exploitation résultant de l'émergence d'un marché concurrentiel en France pourrait se situer entre 20 % et 30 % à horizon d'une décennie environ. Cette perspective s'appuie sur les exemples de pays européens qui ont déjà ouvert leurs marchés. Ainsi, selon l'ART, en Allemagne et en Suède, deux pays qui ont ouvert à la concurrence les transports ferroviaires conventionnés régionaux dès les années 1990 et 2000, les coûts d'exploitation en train-kilomètre ont-ils été diminués dans ces mêmes proportions.

En outre, toujours d'après l'ART, dans les différents pays européens qui l'ont déjà mise en oeuvre, l'ouverture à la concurrence sur les services ferroviaires conventionnés a permis de réduire les concours publics versés au titre de ces activités dans une fourchette allant de 10 % à 43 %. Les perspectives d'économies à moyen terme pour les AOM régionales françaises sont ainsi loin d'être négligeables.

Les modèles allemands et suédois sont évocateurs. En Allemagne, après l'ouverture à la concurrence, l'offre de services conventionnés a progressé de 19 % entre 2000 et 2019. Le transport régional de passagers à lui seul a progressé de 8 % entre 2006 et 2018. Dans le même temps, la fréquentation des trains régionaux a augmenté deux fois plus vite qu'en France (+ 19% contre + 10 %). En parallèle, le coût de roulage des trains régionaux allemands est de 30 % inférieur à celui des TER. Entre 1990 et 2012, le trafic a progressé de 50 % en Suède.

Évolution de l'offre et de la demande de services conventionnés en Allemagne depuis la libéralisation du marché (2000-2019)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par l'Autorité de régulation des transports (ART)

L'Autorité de régulation des transports (ART) constate que le degré d'ouverture des marchés ferroviaires européen est corrélé au volume de l'offre ferroviaire. En ce qui concerne l'offre de transports conventionnés, et en se basant sur les derniers chiffres publiés par l'IRG-Rail, l'ART note ainsi que celle-ci, nettement plus élevée qu'en France, progresse dans les pays qui ont libéralisé leur marché de longue date (en Allemagne ou au Royaume-Uni) alors qu'elle stagne (en Espagne ou en Belgique) ou régresse (en France) dans les autres. L'ART constate le même phénomène concernant l'évolution de la fréquentation des trains. Ainsi, depuis 2010, la fréquentation des services conventionnés progresse en moyenne de 2,5 % et 2,6 % par an en Allemagne ou au Royaume-Uni contre seulement 0,5 % par an en France.

Dans le même temps, entre 2002 et 2018, les contributions publiques au service ferroviaire régional de passagers ont diminué de 34 % en Allemagne quand, sur la même période, elles progressaient de 92 % en France. L'ouverture à la concurrence, à travers les gains de productivité qu'elle suscite, rendra structurellement le modèle du TER économiquement plus viable et moins dépendant des subventions publiques.

Évolution des concours publics aux activités de transport ferroviaire conventionnées en Allemagne (2005-2019)

Source : Autorité de régulation des transports (ART)

À court terme, le processus d'ouverture à la concurrence des TER peut cependant occasionner des surcoûts et des phénomènes de désoptimisation pour les AOM régionales. Ces phénomènes s'expliquent principalement par la nécessité de recruter de nouvelles compétences pour rédiger les cahiers des charges et piloter les procédures d'appel d'offres ainsi que par le besoin d'investir dans de nouveaux ateliers de maintenance.

Sur ce second point il apparaît en effet que, le coût de la maintenance étant un facteur clé dans les leviers de performance susceptibles d'être générés par la mise en concurrence, il s'avère nécessaire de ne pas rendre les opérateurs concurrents de SNCF Voyageurs dépendants des ateliers de maintenance centralisés gérés par l'opérateur de transport historique. En effet, aujourd'hui, la maintenance du matériel roulant des TER est entièrement gérée par SNCF Voyageurs qui refacture aux AOM régionales son coût, pour des charges qui représentent en moyenne de l'ordre d'un quart des rémunérations prévues dans les conventions. Les actifs relatifs à cette activité, les installations comme les équipements, appartiennent à SNCF Voyageurs dont les équipes assurent la réalisation des opérations de maintenance. La nécessaire remise à plat de l'organisation de la maintenance que suppose l'ouverture à la concurrence peut ainsi conduire au morcellement et à la désoptimisation économique de cette activité.

Face aux surcoûts susceptibles d'être générés à court terme par le processus d'ouverture à la concurrence, les AOM régionales ont tout intérêt à développer leur coopération à travers des initiatives visant à mutualiser leurs moyens. Ces coopérations peuvent notamment se traduire par la mise en oeuvre de systèmes d'utilisation partagée d'installations de maintenance dont elles auraient acquis la propriété. Elles peuvent aussi conduire à la constitution de sociétés communes dédiées à la gestion de leurs flottes de matériel roulant, des sociétés qui peuvent avoir des missions à la fois de centrale d'achat mais aussi de pôle d'expertise pour une gestion industrialisée et optimisée de l'activité de maintenance. Les mutualisations entre régions peuvent aussi concerner les procédures d'appel d'offres afin de réduire les surcoûts propres à chaque région générés par l'enjeu de montée en compétence sur ce domaine extrêmement technique.

Recommandation n° 1 : réaliser des gains de productivité, renforcés par les processus d'ouverture à la concurrence.

2. Les réseaux de transport pourraient être optimisés

D'après la DGITM, le schéma français de financement public de l'exploitation des mobilités du quotidien présente les caractéristiques suivantes :

- la voiture représente encore près de 90 % des kilomètres du quotidien et mobilise 21 % des dépenses publiques affectées aux mobilités ;

- les transports publics urbains y compris Transilien représentent 8 % des kilomètres parcourus pour 60 % de la dépense publique ;

- le TER représente 3 % des kilomètres parcourus pour 20 % de la dépenses publique.

Les coûts de production des transports collectifs urbains (TCU), en particulier des lignes de bus ont significativement augmenté ces dernières années en raison notamment de l'extension des réseaux dans les couronnes des agglomérations. D'après les études de l'économiste Jean Coldefy, ce phénomène aurait entraîné, sur le périmètre des transports publics urbains, un doublement du déficit public moyen par voyage entre 1999 et 2017.

À ce titre, le rapport de la mission Duron précité recommandait notamment de rationaliser les réseaux de bus pour en augmenter la vitesse de circulation moyenne, en particulier en espaçant davantage les arrêts en centre-ville, constatant que cet espacement était bien souvent inférieur à 300 mètres. D'après la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT), à Paris les bus circulaient en moyenne à 14 km / h il y a 15 ans contre seulement 9,5 km / h aujourd'hui.

La vitesse commerciale est l'élément clé de la performance économique des réseaux de transport collectif. C'est elle qui permet d'en réduire les coûts de production et, par voie de conséquence, le déficit public qu'ils génèrent. Elle peut également être augmentée par des reconfigurations des réseaux ainsi que par des opérations de partage de voirie à travers des voies de circulation réservées, des priorités aux feux ou encore des aménagements de carrefours.

L'optimisation des réseaux de transports collectifs doit nécessairement passer par leur meilleure articulation. La complémentarité entre les différentes solutions de transport du quotidien n'est pas encore suffisamment exploitée. L'intermodalité doit être développée pour systématiser, dès que les configurations locales le permettent, les logiques de rabattement vers les réseaux de transport collectifs lourds. En effet, le principe de rabattement est générateur d'un cercle vertueux économique susceptible de se répercuter sur l'ensemble du système des mobilités du quotidien, d'une part en augmentant la fréquentation, et donc la performance économique, des lignes de transports lourds, et d'autre part en rendant plus efficients les services de mobilité plus légers, tels que les réseaux de bus.

La rationalisation du modèle économique des solutions de mobilité du quotidien passe également par l'incorporation des dernières innovations relatives à la révolution numérique des transports et en particulier tout ce qui relève des principes dit du « Maas » (pour mobility as a service). À ce titre, l'observatoire du Maas déployé par le Cerema, référence les systèmes d'information multimodale publics ou privés en France, et recense les fonctionnalités et les services de mobilité innovants susceptibles d'optimiser les solutions de transport du quotidien.

Le modèle Maas

La mobilité servicielle, ou MaaS (Mobility as a Service) est devenue incontournable dans un monde ou les citoyens, très équipés en smartphones et autres objets connectés souhaitent des solutions performantes pour leurs déplacements. Les voyageurs veulent ainsi disposer d'une offre de services de mobilité personnalisée, souple et instantanée. Les transports collectifs ne peuvent plus être pensés comme une contrainte et ils doivent s'intégrer à tous les modes individuels et partagés de mobilité pour garder leur place de colonne vertébrale des déplacements dans une logique de service à la fois de bout en bout (de l'information voyageur a l'achat et l'utilisation d'un titre de transport) et de porte-à-porte. L'enjeu est majeur afin de lutter contre la congestion des grandes métropoles en facilitant la transition entre les modes de déplacement avant et après l'usage des transports collectifs et en visant un usage optimal des infrastructures de transport en temps réel grâce au digital. De plus, le MaaS, via les informations et recommandations de trajet peut contribuer à un meilleur équilibre d'usage entre la voiture individuelle et des solutions de déplacements partagées ou collectives. Il existe donc une demande sociale identifiée, qui permet désormais de considérer les déplacements comme des services aux personnes, et ne doit plus être pensée par le prisme unique du véhicule, de l'infrastructure ou de l'ouvrage d'art.

L'essor sans précédent du numérique offre la possibilité de concrétiser ce changement dans le rôle des transports collectifs, via le service MaaS qui peut être vu comme un Service Numérique Multimodal (SNM). Il vise à offrir aux voyageurs un accès personnalisé, instantané et intégré à l'ensemble des offres de mobilité sur un territoire donné. Le MaaS doit permettre d'apporter aux clients via une plateforme numérique un outil intégré de planification, de paiement et d'information voyageurs favorisant le passage d'un mode de déplacement à un autre, dans une vision intégrée de bout en bout, articulant les modes traditionnels et les nouvelles offres de mobilité.

Il se situe dans la continuité de ce qu'ont déjà mis à disposition des acteurs comme Google, Citymapper, Uber, qui s'efforcent d'intégrer dans une même application l'information des moyens de déplacement à disposition et le temps de trajet associé. D'autres acteurs spécialisés comme Whim ont déjà lancé un service MaaS depuis plusieurs années, le marché du MaaS étant source de diversité et d'innovation. SNCF, RATP, IDFM avec son application renommée IDF Mobilités avancent également dans cet objectif. L'ergonomie de ces applications et leur évolutivité permettant de garantir une excellente expérience utilisateur sont clés pour faire la différence et convaincre les voyageurs de les adopter.

Ces différentes initiatives et offres sont des étapes intermédiaires vers le service MaaS complètement intégré afin de répondre pleinement aux attentes des voyageurs.

Source : rapport de l'Institut Montaigne « mobilités en Île-de-France, un ticket pour l'avenir », juin 2022

Source : Cerema

La digitalisation et les innovations en matière de transports revêtent également un potentiel à exploiter afin d'optimiser l'équilibre financier de solutions de mobilités adaptées aux zones peu denses mais dont l'équation économique est souvent difficile à trouver, notamment s'agissant des services de transport à la demande (TAD).

D'autres mesures telles que la coordination des horaires des établissements scolaires ou une meilleure mobilisation, pour d'autres usagers que les élèves, des lignes de transport scolaire qui irriguent largement le territoire national semblent également susceptibles d'améliorer la performance économique des systèmes de mobilité du quotidien déployés par les AOM.

3. Concentrer le développement de l'offre sur les gisements de reports modal en privilégiant les solutions économiquement les plus efficientes

Le bon usage des deniers public exige une optimisation tant économique que climatique du choc d'offre que les AOM entendent légitimement déployer. Aussi, les efforts de développement de l'offre doivent-ils être concentrés sur les principaux gisements de report modal, au premier rang desquels le raccordement des périphéries aux agglomérations, et mobiliser les options les plus efficientes sur les plans économique et environnemental.

Pour y parvenir, il est nécessaire que chaque opération soit précédée d'une évaluation préalable rigoureuse fondée sur le concept du coût de la tonne de CO2 évitée afin de systématiquement privilégier les solutions à forte baisse d'émissions et à faible coût. Car en effet, les coûts d'investissement et d'exploitation s'avèrent très variables d'une solution de mobilité à l'autre.

S'agissant des tramways, le coût d'infrastructures est élevé et s'établit en moyenne entre 15 et 30 millions d'euros au kilomètre en intégrant les dépenses liées aux nécessaires aménagements urbains environnants. Le coût de fonctionnement d'un réseau de tramways est plus élevé que celui d'un réseau de bus et, dans la plupart des cas, la plus grande capacité des tramways ne suffit pas à compenser ce différentiel, rendant le plus souvent la solution des lignes de bus plus performante.

Les réseaux de métros sont le mode qui présente les coûts d'infrastructure les plus élevés : en moyenne plus de 60 millions d'euros par kilomètre de ligne. Les coûts d'exploitation des métros peuvent désormais être significativement limités par l'automatisation.

Pour les cars ou les bus à haut niveau de service, le coût d'infrastructure est beaucoup plus faible. Il se limite parfois à l'aménagement de dépôts. Un aménagement qui peut cependant s'avérer plus coûteux pour des flottes mixtes composées de motorisations utilisant différents types d'énergie (diesel, GNV, électrique, hydrogène, etc.). S'agissant des cars express, l'enjeu principal, pour leur assurer une vitesse de circulation suffisante, paramètre clé de l'efficience économique et de l'attractivité de ce type de solutions, est d'éviter les phénomènes de congestion en entrée d'agglomération. Pour cela, les voies réservées, parfois sur des parties limitées du parcours, donnent des résultats probants. À minima, les priorités aux feux sont également un moyen efficace d'augmenter leur vitesse de circulation et de rendre leur modèle économique plus efficient. En tenant compte des aménagements de voierie nécessaires le coût d'investissement pour un réseau de bus à haut niveau de service (BHNS) est en moyenne de 6 à 8 millions d'euros par kilomètre.

Comparaison des dépenses d'exploitation moyennes
par mode de transport

(en euros / passager-km)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les travaux de Jean Coldefy

C'est parfois en se décentrant d'une logique parfois qualifiée de « tout-ferroviaire » et souvent spontanément privilégiée que les solutions les plus efficientes d'un point de vue économique mais également environnemental se dessinent pour parvenir à raccorder les agglomérations à leurs périphéries. Ces solutions doivent nécessairement s'envisager dans une logique intermodale propice à articuler de façon fluide l'ensemble des modes de déplacement. À ce titre les parkings relais à l'entrée des agglomérations et autres pôles d'échanges multimodaux (PEM) sont déterminants, notamment pour favoriser le rabattement vers les réseaux de transport collectif lourd.

Le car express à haute fréquence semble constituer une solution particulièrement adaptée à l'enjeu du raccordement des agglomérations à leurs zones périurbaines et périphériques. Ce service se révèle plus efficient encore lorsqu'il se combine avec l'utilisation de voies réservées sur les grands axes routiers d'accès aux agglomérations et de systèmes de priorités de circulation. Ce type de voies réservées peut être organisé à moindre coût sur les bandes d'arrêt d'urgence des autoroutes. Un référentiel technique régulièrement mis à jour par le Cerema présente à ce titre, à l'attention des collectivités, les dernières mises à jour règlementaires et les procédures d'aménagements de voies réservées aux services réguliers de transports collectifs sur les voies structurantes d'agglomérations (VRTC)98(*).

De tels services ont été mis en place en Île-de-France, sur l'aire urbaine grenobloise ou encore entre Aix-en-Provence et Marseille. Les services de cars express fonctionnant à Madrid sont souvent cités en exemple pour leur succès. Leur performance repose en grande partie sur la qualité des stations d'interconnexions avec les autres modes de transports lourds qui limite très significativement la rupture de charge et donc les pertes de temps pour l'usager.

De nombreuses études récentes font le constat de la performance économique et climatique des cars express et en recommandent le développement. L'évaluation réalisée en 2020 par le conseil scientifique du ministère des transports99(*) sur ces systèmes a mis en évidence leur pertinence et la hausse de fréquentation significative qu'ils ont générée. L'efficience économique et environnementale du car express semble particulièrement prononcée. En raisonnant en euros par tonne de CO2 évitée Jean Coldefy estime par exemple que son efficience est en moyenne sept fois supérieure à celle du TER. Il considère qu'en moyenne 100 euros investis dans des lignes de cars express permettent d'économiser une tonne de CO2. Une étude de 2021 réalisée par la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT) et Régions de France100(*) a également dressé le constat de la pertinence économique des services de cars express, une analyse également partagée par le rapport précité d'avril 2023 concernant le développement des lignes de cars express en Île-de-France.

Recommandation n° 2 : concentrer les développements de l'offre sur les principaux gisements de report modal en privilégiant les solutions économiquement les plus efficientes.

Le rapport du COI de décembre 2022 promeut lui aussi le développement
de nouvelles lignes de cars express

Le rapport du COI de décembre 2022 va dans le même sens en proposant notamment de privilégier à l'avenir le développement de « lignes de car express, s'appuyant sur des voies réservées dans les points de congestion, permettant le report modal d'un nombre d'usagers significatif pour un coût inférieur et un déploiement beaucoup plus rapide qu'une ligne ferroviaire ».

Il souligne d'ailleurs que les nouvelles offres de car express « ne nécessitent pas toujours des voies réservées dédiées et peuvent souvent être lancées sans attendre des travaux lourds ». Il ajoute que « la mise en place de voies réservées, ouvertes à différents types d'usages et modes partagés peut s'envisager dans un second temps, en identifiant les points de congestion, afin de garantir des temps de parcours plus fiables et efficaces et ainsi obtenir des gains de performance et de capacité par rapport à la voiture individuelle ».

Le COI précise dans l'annexe de son rapport que « pour que ce type de service soit attractif, il est nécessaire de proposer une offre avec un bon niveau de service, tant en termes de fréquence que de vitesse commerciale par rapport au véhicule particulier ».

Il constate que les projets de cars express « procurent en général un bon bilan socio-économique car leur coût de réalisation kilométrique est modeste (par exemple comparé au mode ferroviaire) s'il n'y a pas ouvrage d'art majeur à réaliser ou modifier, et un déficit d'exploitation pour la collectivité qui peut être très modéré, selon les modalités de tarification, si le service est attractif ».

Il ajoute enfin que « ce type d'offre est également plus facilement modulable car reposant principalement sur des infrastructures existantes ».

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport du COI de décembre 2022

4. Développer la coopération entre AOM

Dans une perspective de mieux articuler et de rendre complémentaires l'ensemble des offres de mobilité du quotidien, afin que se dessine progressivement un véritable maillage cohérent sans superpositions ni doublons, la LOM a introduit plusieurs dispositifs visant à développer la coopération entre AOM.

L'association des usagers et des employeurs à la politique des mobilités
des AOM via le comité des partenaires

La LOM a instauré un comité des partenaires, défini à l'article L1231-5 du code des transports, qui doit être créé par les AOM qui doivent fixer elles-mêmes sa composition et ses modalités de fonctionnement. Il a vocation à associer à minima des représentants des usagers ou des habitants ainsi que des employeurs à la politique de mobilité déployée dans chaque territoire. Le code des transports prévoit que « les AOM consultent le comité des partenaires au moins une fois par an et avant toute évolution substantielle de l'offre de mobilité, de la politique tarifaire ainsi que sur la qualité des services et l'information des usagers mise en place » mais aussi pour « tout projet de mobilité structurant ». Les AOM sont aussi tenues de consulter le comité avant toute décision d'instauration ou d'évolution du taux du VM.

Source : commission des finances du Sénat

Pour promouvoir la coopération entre AOM, la LOM a notamment prévu que le territoire national soit divisé en « bassins de mobilité », des espaces qui ont vocation à constituer l'échelle pertinente de l'organisation des mobilités du quotidien. Ce cadre doit permettre d'assurer la cohérence et les complémentarités des politiques de transport et des réseaux déployés par les AOM. Il est défini au septième alinéa de l'article L1215-1 du code des transports relatif au rôle de chef de file des régions en matière d'action commune des AOM. C'est ainsi à la région qu'il revient de délimiter ce cadre déterminant pour la mise en cohérence des mobilités du quotidien dans les territoires.

Les bassins de mobilité

Un bassin de mobilité est l'échelle locale sur laquelle les mobilités quotidiennes s'organisent. Son territoire regroupe un ou plusieurs EPCI à fiscalité propre, généralement autour d'un pôle d'attractivité (une grande agglomération par exemple). À noter que sauf accord formel de son assemblée délibérante, le territoire d'un EPCI à fiscalité propre ne peut être découpé entre plusieurs bassins de mobilité.

Concrètement, le bassin de mobilité est le périmètre sur lequel est élaboré :

- Le contrat opérationnel de mobilité,

- Le plan d'action commun en matière de mobilité solidaire piloté par la Région et le Département

La délimitation du bassin de mobilité revient à la Région. Son périmètre pourra varier d'un territoire à l'autre, en fonction des spécificités locales (nombre de pôles d'attractivité ou de centres urbains, territoires plus ou moins rurales, ...). C'est une approche souple. Rien n'interdit à un EPCI d'appartenir à plusieurs bassins de mobilité même s'il peut paraître plus lisible d'avoir des périmètres de bassin de mobilité exclusif et que certains EPCI soient associés à plusieurs contrats opérationnels.

Si les spécificités locales le justifient (importance des mobilités inter-régionales), un bassin de mobilité inter-régional (qui recoupe plusieurs régions) pourra être défini. Les régions concernées doivent alors en valider le périmètre (délibération sur la cartographie).

Source : site internet de France mobilités (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires)

Les contrats opérationnels de mobilité, également créés par la LOM, doivent être conclus à l'échelle de chaque bassin de mobilité. Si la région pilote leur définition, ils sont conclus avec un très large ensemble de parties prenantes, à savoir : les AOM du territoire, les syndicats mixtes « SRU », les départements ainsi que les gestionnaires de gares de voyageurs ou de pôles d'échanges multimodaux (PEM).

L'article L1215-2 du code des transports prévoit que « le contrat définit les modalités de l'action commune des autorités organisatrices de la mobilité ainsi que les modalités de la coordination avec les gestionnaires de voirie et d'infrastructures pour créer et organiser des conditions favorables au développement des mobilités ». Ces contrats doivent avoir une dimension pluriannuelle et déterminer « les résultats attendus et les indicateurs de suivi ».

La vocation des contrats opérationnels de mobilité

Le contrat opérationnel de mobilité' définit :

- Les modalités de l'action commune des AOM et de la région, concernant les différentes formes de mobilité' et d'intermodalité', la répartition des points de vente physiques, la création, l'aménagement et le fonctionnement des pôles d'échanges multimodaux et des aires de mobilité', les modalités de gestion des situations dégradées ;

- Les modalités de soutien à la conception et à la mise en place d'infrastructures de transports ou de services de mobilité' par les AOM ;

- Les modalités de la coordination avec les gestionnaires de voirie et d'infrastructures pour créer et organiser des conditions favorables au développement des mobilités.

De ce point de vue, il s'agit d'un outil approprie' pour développer une offre structurante de mobilité' pour assurer une meilleure accessibilité' des zones périurbaines et rurales aux zones d'emploi et de services et faciliter la mise en place d'une offre de proximité' bien coordonnée.

S'agissant des projets structurants, il sera pertinent de planifier dans ce cadre les projets de cars express, de voies réservées, le maillage des pôles d'échanges. Le développement de services express métropolitains (ferroviaires) constituera également pour certains territoires un projet structurant nécessitant une bonne articulation entre région et métropole comme à` Bordeaux et à Strasbourg, pour ne citer que deux projets déjà` avances.

Source : rapport sur le modèle économique des transports collectifs de Philippe Duron, juillet 2021

Notamment en raison des conséquences de la crise sanitaire, la concrétisation des dispositifs de coopération prévus par la LOM a pris du retard. Alors que la création des bassins de mobilité est désormais presque achevée, très peu de contrats opérationnels de mobilité ont été conclus. Pour assurer la cohérence du paysage de la mobilité du quotidien en France et pour en rendre plus efficiente l'organisation, il est indispensable de promouvoir l'achèvement de ces dispositifs et, en premier lieu, la conclusion rapide de contrats opérationnels dans l'ensemble des bassins de mobilité.

Comme le proposait le rapport de la mission Duron en 2021, il semble ainsi pertinent d'inciter les AOM à mettre pleinement en oeuvre les dispositifs de coopération prévus par la LOM. L'État devrait le faire en conditionnant certaines de ses dotations, comme par exemple la DSIL à l'intégration des projets concernés dans le cadre d'un contrat opérationnel de mobilité. A minima, la circulaire relative à la DSIL pourrait inviter les préfets à tenir compte de ce critère.

Pour renforcer la cohérence de l'organisation des mobilités sur un territoire, mais également à des fins de péréquation et pour offrir de nouvelles perspectives en matière de développement de services de mobilité en zones peu denses, la concentration des AOM, lorsque les configurations locales le justifient, doit être privilégiée. Cette concentration qui, dans l'idéal, a tout intérêt à être réalisée à l'échelle du bassin de mobilité, peut concrètement prendre la forme d'un syndicat mixte de transport dit « SRU » qui peut instaurer un taux de versement mobilité (VM) additionnel101(*) dans une limite de 0,5 %.

Ces AOM parfois qualifiées de « XXL » sont susceptibles de permettre une meilleure articulation des offres de transport en leur sein et de résoudre, par des dispositifs de péréquation horizontale, les problèmes des zones blanches, souvent rurales, dans lesquelles, faute de financement, les services de mobilité du quotidien sont souvent inexistants.

Le modèle du syndicat des mobilités Pays Basque-Adour, dont les rapporteurs ont pu entendre le directeur général des services, est à ce titre très intéressant. Cette AOM s'étend sur un ressort territorial de 161 communes, 3 000 km² et 335 000 habitants. Hors IDFM, c'est la première AOM de France en nombre de communes et la troisième en superficie. « L'AOM XXL » que constitue ce syndicat très étendu lui a permis de développer une forme de péréquation locale entre les zones rurales et des zones plus urbanisées et mieux dotées en termes d'activité économique et de potentiel fiscal. En effet, si le ratio recettes commerciales sur dépenses d'exploitation s'élève en moyenne à 13 %, il atteint des taux de couverture approchant les 20 % sur les zones les plus urbanisées du littoral et se limite à environ 10 % dans le Pays Basque intérieur rural. Grâce à cette forme de péréquation horizontale organisée à l'échelle de l'AOM, des services de mobilité ont pu être déployés dans les zones peu denses du Pays Basque intérieur. Sans celle-ci, et si le paysage des AOM était resté éclaté, ce type de services n'aurait pas pu voir le jour.

L'une des perspectives les plus prometteuses, les plus décisives en termes de qualité de service rendu aux usagers et les plus incitatives au report modal en termes de coopération des AOM renvoie à la simplification et à l'harmonisation de la billettique grâce aux opportunités offertes par les dernières innovations technologiques. L'enjeu principal associé à cette démarche est de simplifier le parcours des usagers en leur permettant d'effectuer l'ensemble de leurs déplacements « sans couture ».

Sur ce plan, la France accuse un retard certain sur d'autres pays européens tels que les Pays-Bas qui, il y a de cela déjà plus de 12 ans (en 2011), ont développé un système billettique unique et interopérable à l'échelle nationale qui fait figure de modèle en Europe et dans le monde. Le système OV-Chipkaart, développé par l'industriel français Thalès, est ainsi utilisable sur l'ensemble de l'offre de transports, quel que soit l'opérateur et le mode de mobilité (train, bus, tram, métro, ferry, location de vélos ou de voitures en autopartage, etc.). Le voyageur passe sa carte magnétique devant un lecteur à chaque entrée et sortie du réseau et à chaque correspondance, permettant de calculer le tarif de son trajet.

Plus récemment, en 2021, l'Autriche a également développé un billet unique à l'échelle nationale, le « ticket climat ». De son côté, l'Allemagne a mis en oeuvre à partir du mois de mai 2023 un billet unique à 49 euros par mois à l'échelle nationale baptisé Deutschlandticket (voir supra).

Le ministre délégué aux transports, Clément Beaune a annoncé en février dernier son intention de développer en France, d'ici deux ans, un dispositif de billet unique sur le modèle du système mis en oeuvre aux Pays-Bas. La tâche s'annonce colossale car, pour atteindre cet objectif, il est nécessaire que les systèmes billettiques des différents réseaux et systèmes de réservation de l'ensemble des modes de mobilités soient interopérables et ouverts. Toutefois cette évolution est absolument nécessaire et il convient de définir rapidement, dans le cadre d'une concertation approfondie avec les AOM et les représentants des usagers des transports, les spécifications techniques de la solution choisie ainsi qu'un calendrier réaliste de son déploiement.

Recommandation n° 3 : développer la coopération entre AOM, en incitant à leur regroupement, idéalement à l'échelle du bassin de mobilité, dans un double objectif d'efficacité organisationnelle et de péréquation horizontale, et en déployant un dispositif de billet unique.

5. Optimiser la lutte contre la fraude

Tous modes de transports collectifs confondus, y compris les services qui ne relèvent pas des AOM, l'UTP estime le coût annuel de la fraude à environ 600 millions d'euros dont notamment 270 millions d'euros au détriment d'IDFM (dont 30 millions pour l'activité Transilien), contre seulement 160 millions d'euros il y a cinq ans, ou encore 90 millions d'euros pour les TER.

En 2016, la loi dite « Savary »102(*) a instauré une série de dispositifs destinés à améliorer les outils de la lutte contre la fraude.

Mesures législatives contenues dans la loi « Savary » et la LOM visant à renforcer les outils de la lutte contre la fraude dans les transports publics

Les apports de la loi « Savary » :

En termes de fiabilisation du recueil des données personnelles :

- l'obligation de justifier de son identité : les passagers des transports routiers, ferroviaires ou guidés doivent être en mesure de justifier leur identité en cas de fraude et doivent pour cela être porteurs d'un document en attestant (article L2241-10 du code des transports) ;

- des titres de transport nominatifs : les entreprises de transports routiers, ferroviaires ou guidés peuvent subordonner le voyage de leurs passagers à la détention d'un billet de transport nominatif qui oblige le passager à présenter un document d'identité lors du contrôle de la concordance entre l'identité du passager et celle mentionnée sur le titre de transport (article L2241-11 du code des transports) ;

- le droit de communication des données entre les exploitants et les administrations publiques : la loi instaure un droit de communication des données (état civil et adresse du contrevenant) des administrations publiques (Direction générale des finances publiques -DGFIP-, organismes de sécurité sociale) vers les exploitants de transports publics afin de fiabiliser le relevé d'identité et partant, d'améliorer le recouvrement des amendes (article L2241-2-1 du code des transports).

En termes de renforcement du dispositif répressif :

- le délit de fraude d'habitude : le nombre de contraventions exigées pour caractériser l'habitude est abaissé de dix à cinq, ce qui constitue une intensification de la répression pénale contre les actes constitutifs de fraude (article L2242-6 du code des transports) ;

- la répression des mutuelles de fraudeurs : il est interdit d'ouvrir ou d'annoncer publiquement des souscriptions ayant pour objet d'indemniser une transaction prévue à l'article 529-3 du code de procédure pénale (paiement de l'indemnité forfaitaire en cas de commission de contraventions) sous peine de six mois d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, ou de l'une de ces deux peines seulement (article 40 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse);

- la pénalisation du signalement de la présence de contrôleurs : le fait de diffuser tout message de nature à signaler la présence de contrôleurs ou d'agents de sécurité employés ou missionnés par un exploitant de transport public de voyageurs est puni de deux mois emprisonnement et de 3 750 € d'amende (article L2242-10 du code des transports) ;

- l'intensification de la répression du délit de déclaration intentionnelle d'une fausse adresse ou d'une fausse identité (ajout d'une peine d'emprisonnement) : est puni de 3 750 € d'amende et de deux mois d'emprisonnement le fait de déclarer intentionnellement une fausse adresse ou une fausse identité auprès des agents de contrôle (article L2242-5 du code des transports) ;

- la capacité pour les agents de police municipale de constater des infractions à la police et à la sûreté du transport afin notamment d'intensifier les moyens de lutte contre la fraude (article L511-1 du code de la sécurité intérieure);

- un renforcement des prérogatives des agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP à travers l'exercice des fonctions en dispense du port de la tenue. La possibilité pour les agents de la SUGE et du GPSR d'être dispensés du port de la tenue est élargie afin de renforcer l'efficacité des opérations de constatations d'infractions (articles R2251-31 à R2251-34 du code des transports).

Les apports de la LOM :

La LOM a renforcé l'outil pénal en allongeant de 2 à 3 mois le délai pendant lequel l'opérateur peut obtenir le versement d'une transaction de la part du contrevenant (article 115 de la LOM).

Source : réponses de la DGITM au questionnaire de rapporteurs

Par les dispositions législatives prévues à son article 18, la loi « Savary » entendait notamment remédier au manque de fiabilité des adresses communiquées par les contrevenants au moment des contrôles. Ainsi, a-t-elle instauré, à l'article L2241-2-1 du code des transports, un dispositif qui prévoit la possibilité pour les agents de l'opérateur de transport chargés du recouvrement de se voir communiquer par l'intermédiaire d'une personne morale unique des informations (« des renseignements, strictement limités aux nom, prénoms, date et lieu de naissance des contrevenants, ainsi qu'à l'adresse de leur domicile ») issues de fichiers d'administrations publiques et d'organismes de sécurité sociale et permettant de fiabiliser les informations recueillies auprès des contrevenants.

Article L2241-2-1 du code des transports

Pour fiabiliser les données relatives à l'identité et à l'adresse du contrevenant recueillies lors de la constatation des contraventions mentionnées à l'article 529-3 du code de procédure pénale, les agents de l'exploitant du service de transport chargés du recouvrement des sommes dues au titre de la transaction mentionnée à l'article 529-4 du même code peuvent obtenir communication auprès des administrations publiques et des organismes de sécurité sociale, sans que le secret professionnel puisse leur être opposé, des renseignements, strictement limités aux nom, prénoms, date et lieu de naissance des contrevenants, ainsi qu'à l'adresse de leur domicile. Ils sont tenus au secret professionnel.

Les renseignements transmis ne peuvent être utilisés que dans le cadre de la procédure prévue aux articles 529-3 à 529-5 dudit code, en vue de permettre le recouvrement des sommes dues au titre de la transaction pénale ou de l'amende forfaitaire majorée. Ils ne peuvent être communiqués à d'autres tiers que ceux chargés de recouvrer ces sommes ou à l'autorité judiciaire qui est informée des cas d'usurpation d'identité détectés à l'occasion de ces échanges d'information.

Les demandes des exploitants et les renseignements communiqués en réponse sont transmis par l'intermédiaire d'une personne morale unique, commune aux exploitants. Les agents de cette personne morale unique susceptibles d'avoir accès à ces renseignements, dont le nombre maximal est fixé par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et des ministres chargés des finances et des transports, sont spécialement désignés et habilités à cet effet par la personne morale. Ils sont tenus au secret professionnel.

Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Source : code des transports

Les modalités d'application des dispositions prévues à l'article L2241-2-1 doivent être déterminées par un décret en Conseil d'État. Or, depuis maintenant plus de sept ans, le décret en question n'a toujours pas été publié et la disposition n'a toujours pas trouvée à s'appliquer.

La difficulté rencontrée par le Gouvernement tient à la définition de la personne morale unique chargée de communiquer les informations issues des fichiers de l'administration aux opérateurs de transports. Deux projets de décret, visant à confier cette mission à une entité privée créée à l'initiative de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP), présentés par la DGFIP puis par la DGITM n'ont pas pu passer le filtre du Conseil d'État. Le premier a dû être retiré à la suite des remarques de la CNIL et le deuxième a fait l'objet d'un avis défavorable du Conseil d'État fondé sur l'impossibilité de désigner sans mise en concurrence l'organisme en question. Parmi les principaux points bloquants, figurait l'absence de base légale pour désigner l'entité souhaitée car le dispositif conçu comprenait de la sous-traitance, ce que ne permet pas la loi.

La recherche d'une solution alternative via la désignation d'une entité publique n'a toujours pas abouti. Aussi, la DGITM a assuré aux rapporteurs que le Gouvernement envisageait « dans les meilleurs délais » la désignation d'une entité dans le respect du cadre posé par la loi, c'est-à-dire sans recours à la sous-traitance, et des règles régissant la commande publique.

Alors que l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) évalue à un potentiel de 300 millions d'euros par an les sommes complémentaires qui pourraient être collectées grâce à l'amélioration de la lutte contre la fraude dont ce dispositif constitue la clé de voute, il est urgent que le Gouvernement prenne enfin ce décret tant attendu et désigne la personne morale unique qui sera chargée de mettre en oeuvre les dispositions législatives que le Parlement a adopté il y a déjà plus de sept ans.

Recommandation n° 4 : lutter plus efficacement contre la fraude, notamment en mettant en oeuvre les dispositions de la loi Savary.

B. MOBILISER EN PRIORITÉ DES RESSOURCES EXISTANTES

1. Dégager des financements pour les AOM via les CEE et le fonds vert

De façon très étrange, deux dispositifs majeurs visant à financer la transition écologique, à savoir le fonds vert (voir encadré en deuxième partie) et les certificats d'économies d'énergie (CEE) ignorent pratiquement le domaine des transports et le financement des mobilités du quotidien. Cette situation est d'autant plus surprenante que le secteur des transports est le premier émetteur de CO2 en France, celui sur lesquels les efforts à fournir pour atteindre nos engagements internationaux sont les plus importants et le domaine où les résultats se font le plus attendre. Il n'y aura pas de vraie transition écologique et la France ne respectera pas ses engagements internationaux si elle ne décarbone pas massivement ses transports, y compris les mobilités du quotidien. Les seuls déplacements entre les métropoles et leurs espaces périurbains et périphériques sont à la source des principales émissions de CO2 des mobilités et représenteraient 7 % des émissions totales en France.

Comme décrit supra, pour le fonds vert, doté de deux milliards d'euros de crédits, en matière de transports, seul un volet extrêmement modeste sur le covoiturage en zone rurale est éligible au dispositif. Pour rappel, à la fin du mois de mars 2023, sur les 150 premiers lauréats du fonds vert, seuls deux projets en faveur du covoiturage ont été retenus, pour un montant total de 130 430 euros. En toute logique, compte tenu du poids des transports dans les émissions totales, 30 % du budget aurait pu leur être consacré dont au moins la moitié (300 millions d'euros) au profit des services de mobilité quotidienne mises en oeuvre par les AOM.

Les certificats d'économie d'énergie (CEE)

Le dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE) a été créé par la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique (loi POPE). Il constitue un outil de la politique de maîtrise de la demande énergétique. Ce dispositif repose sur une obligation triennale de réalisation d'économies d'énergie en CEE (1 CEE = 1 kWh cumac d'énergie finale) imposée par les pouvoirs publics aux fournisseurs d'énergie dits « obligés ». Ces derniers sont incités par ce dispositif à promouvoir l'efficacité énergétique auprès des consommateurs d'énergie (ménages, collectivités territoriales ou professionnels).

Les CEE sont attribués, sous certaines conditions, par les services du ministère chargé de l'énergie, aux acteurs éligibles réalisant des opérations d'économies d'énergie. Ces actions peuvent être menées dans tous les secteurs d'activité (résidentiel, tertiaire, industriel, agricole, transport, etc.), sur le patrimoine des éligibles ou auprès de tiers qu'ils ont incités à réaliser des économies d'énergie. Les obligés ont également la possibilité d'acheter des CEE à d'autres acteurs ayant mené des actions d'économies d'énergie.

Des fiches d'opérations standardisées, définies par arrêtés, sont élaborées pour faciliter le montage d'actions d'économies d'énergie.

Les certificats délivrés sont matérialisés sur un compte individuel ouvert dans le registre national des certificats d'économies d'énergie. En fin de période, les vendeurs d'énergie obligés doivent justifier de l'accomplissement de leurs obligations par la détention d'un montant de certificats équivalent à ces obligations. En cas de non-respect de leurs obligations, les obligés sont tenus de verser une pénalité libératoire pour chaque kWhc manquant.

Des contrôles sont effectués par le Pôle National des certificats d'économies d'énergie (PNCEE) afin de vérifier l'éligibilité des opérations donnant lieu à la délivrance de CEE.

Quatre périodes de CEE se sont déjà déroulées à ce jour :

- période 1 de 2006 à 2010 ;

- période 2 de 2011 à 2014 ;

- période 3 de 2015 à 2017 ;

- période 4 de 2018 à 2021.

La cinquième période des CEE a débutée en 2022 et doit se prolonger jusqu'en 2025.

Source : commission des finances du Sénat.

Actuellement seuls 4 % des financements issus du dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE) sont consacrés aux transports. Là encore, les crédits consacrés à la mobilité devraient être à la hauteur des enjeux qu'elle revêt en matière de décarbonation. Alors que la quatrième période de CEE a représenté des enjeux financiers de 16 milliards d'euros, soit 4 milliards d'euros par an en moyenne, les estimations relatives à la cinquième période de CEE de 2021 à 2025 s'établissent d'avantage autour de 20 milliards d'euros, soit 5 milliards d'euros par an en moyenne. Une affectation de 15 % de ces sommes aux projets d'investissements des AOM pourrait dégager une source de financement annuelle de l'ordre de 750 millions d'euros.

Recommandation n° 5 : allouer aux AOM des crédits du fonds vert et des financements issus des certificats d'économies d'énergie (CEE).

2. Cibler les aides à l'acquisition de véhicules propres vers les zones rurales

Dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2023 le Parlement a adopté des crédits à hauteur de 1,3 milliard d'euros en faveur des aides à l'acquisition de véhicules propres (le bonus écologique et la prime à la conversion) pour l'année 2023. Dans la mesure où la voiture individuelle représente 16 % des émissions de CO2 en France, il apparaît légitime de maintenir une incitation au verdissement du parc automobile.

Toutefois, progressivement, ces aides mériteraient d'être mieux ciblées, notamment sur des critères territoriaux et liés à l'absence d'une alternative suffisante en matière de transports collectifs. Dans les zones les moins denses, il existe des territoires où aucune solution de transport collectif ne pourra trouver sa pertinence économique. Dans ces lieux, la seule façon de décarboner la mobilité quotidienne sera de convertir le parc des véhicules individuels des particuliers, quitte à ce qu'ils les utilisent pour rallier un point d'articulation intermodale leur permettant d'accéder à un réseau de transport collectif.

Dans une logique de maintenir leur fléchage vers la transition écologique des mobilités, la réduction progressive des crédits actuellement consacrés aux aides à l'acquisition de véhicules propres du fait de leur ciblage vers les zones les moins denses, devrait faire l'objet d'une réallocation en faveur du financement des projets d'investissements des AOM dans les mobilités collectives du quotidien.

Recommandation n° 6 : cibler les aides à l'acquisition de véhicules propres vers les zones rurales.

II. AU-DELÀ DU DISCOURS, L'ÉTAT DOIT FAIRE DES TRANSPORTS DU QUOTIDIEN UNE VRAIE PRIORITÉ

A. UN ALLÈGEMENT DE LA CHARGE DES REMBOURSEMENTS DES AVANCES « COVID »

Face à l'impératif de la transition écologique, l'État doit faire des transports du quotidien une vraie priorité, et à ce titre s'engager financièrement dans cette politique aux côtés des collectivités territoriales. Pour mémoire en effet, en 2019, sa contribution au financement des AOM se limitait à 1 % (emprunt inclus). Aussi, le renforcement de la part de l'État constatée depuis 2020 dans le contexte des crises sanitaire puis inflationniste doit désormais devenir la norme.

Alors qu'il est désormais attendu des AOM qu'elles développent considérablement leur offre de transports et de l'État qu'il les accompagne dans cette démarche, la nécessité de rembourser les avances consenties dans le cadre de la quatrième loi de finances rectificative pour 2020 renvoie un signal paradoxal, à plus forte raison dans le contexte inflationniste actuel, non anticipé lors de la conception du dispositif en 2020.

Ainsi, dans la continuité de l'aide exceptionnelle de 100 millions d'euros mise en place en LFI 2023 pour aider les AOM à faire face à l'inflation sur les prix de l'énergie, l'État pourrait ainsi prévoir un dispositif d'allègement d'au moins 50 % du coût des remboursements des avances remboursables.

Celui-ci représenterait une moindre dépense pour les AOM de 323,7 millions d'euros, soit en moyenne de 46,2 millions d'euros par an sur 2023-2030. Par souci d'équité, les AOM ayant déjà remboursé tout ou partie de leur aide en bénéficieraient également.

Recommandation n° 7 : alléger le coût du remboursement des avances accordées par l'État aux AOM dans le cadre de la crise sanitaire.

B. L'ÉTAT DOIT SOUTENIR LA MOBILITÉ EN ZONES PEU DENSES

L'État, dans un rôle de garant de l'équité et de la solidarité territoriale, doit soutenir le développement des mobilités dans les zones peu denses.

Les rapporteurs proposent ainsi de prévoir une enveloppe budgétaire dédiée au financement des projets d'investissements portés par les communautés de communes exerçant la compétence d'AOM. Conformément aux recommandations du GART, qui identifiait en 2022 un besoin à hauteur de 500 millions d'euros par an sur le quinquennat, le montant prévu au titre du dispositif pourrait être fixé à 100 millions d'euros par an en autorisations d'engagement.

Ils constatent que le sujet est bien identifié par l'État, la DGITM ayant indiqué dans ses réponses à leur questionnaire que des réflexions étaient en cours pour prévoir, dans le cadre de « l'Agenda rural » - programme porté par l'ANCT - un dispositif de soutien à « l'amorçage » de nouveaux services de mobilité en zones peu denses. La direction générale des collectivités locales (DGCL) souligne également l'intérêt de recourir à un dispositif de dotations budgétaires dans ce cadre.

L'inscription de ce soutien dans une démarche contractuelle pluriannuelle de type « contrats de relance et de transition écologique » (CRTE) pourrait permettre de donner une visibilité pluriannuelle aux collectivités sur le soutien de l'État. Conformément à la recommandation n° 5 visant à mieux mobiliser les ressources existantes, le fonds vert pourrait constituer un véhicule budgétaire adéquat pour ce dispositif.

La « mission Duron » évoquait quant à elle également un soutien budgétaire de l'État aux communautés de communes exerçant la compétence d'AOM, mais au titre de leurs dépenses de fonctionnement, comme alternative à la possibilité d'instituer le versement mobilité. Cette mission préconise notamment de rattacher ce soutien à la DETR - qui ne constitue cependant pas un instrument adapté au soutien en fonctionnement - ou encore au Fonds national pour d'aménagement et le développement du territoire (FNADT). Cette solution n'est pas retenue par les rapporteurs qui, proposent d'autres solutions pour le financement des dépenses de fonctionnement des communautés de communes exerçant la compétence d'AOM (voir infra).

Le rapport du COI pour la stratégie 2023-2042 mentionne certaines pistes précises pour orienter l'action de l'État à cet égard, qui pourrait notamment se fixer comme objectif :

- le soutien à l'acquisition de véhicules propres dédiés à la création de services de transport à la demande : à titre d'exemple, une aide à l'acquisition de 50 % pour 100 minibus électriques représenterait un budget annuel de 3 millions d'euros ;

- le soutien au développement des services d'auto-partage pour un budget annuel de 2 millions d'euros ;

- le soutien aux créations de pôles d'échanges multimodaux (PEM), qui représentent un coût moyen de 5 millions d'euros, en prévoyant une participation de l'État d'au moins 25 % et le soutien de plusieurs dizaines de PEM chaque année.

Si ces pistes sont intéressantes, et quel que soit le véhicule budgétaire retenu, une vigilance accrue devra néanmoins être apportée à la conception du cahier des charges, afin que le dispositif de soutien, contrairement aux appels à projets TCSP (voir deuxième partie), corresponde bien aux besoins spécifiques des territoires ruraux. Le dispositif devra être suffisamment souple pour s'adapter à la diversité des situations en prenant suffisamment en compte le besoin d'appui en matière d'ingénierie. Assurément, son élaboration devra être réalisée en concertation avec le GART et les associations d'élus.

Recommandation n° 8 : consacrer au moins 700 millions d'euros d'ici 2030 pour accompagner le développement de services de mobilité en zones peu denses.

C. RÉFORMER LE FINANCEMENT DES INFRASTRUCTURES FERROVIAIRES POUR DIMINUER LES PÉAGES ET COUVRIR AINSI LE BESOIN DE FINANCEMENT EN FONCTIONNEMENT DES RÉGIONS

Les rapporteurs avaient déjà eu l'occasion de dresser ce constat dans leur rapport précité de mars 2022 consacré aux perspectives financières de la SNCF, le modèle de financement du réseau ferroviaire français suppose que le gestionnaire d'infrastructures, c'est-à-dire SNCF Réseau, couvre lui-même le coût complet du réseau au moyen des ressources qu'il tire des péages ferroviaires. Cette situation induit un niveau de péages élevé qui handicape particulièrement la compétitivité des services ferroviaires conventionnés tels que les TER ou les Transiliens. Le niveau élevé des péages en France est un frein au développement pourtant nécessaire de la mobilité ferroviaire du quotidien et devient proprement insoutenable pour les AOM régionales, d'autant plus du fait des hausses considérables de redevances sur les services conventionnés prévues entre 2024 et 2026 et au-delà même jusqu'en 2030 (voir supra).

Le modèle français se distingue de celui d'un grand nombre de nos voisins dans lesquels la part de subventions de l'État dans le financement du réseau est beaucoup plus forte et, par conséquent, le niveau des péages ferroviaires nettement moins élevé. D'après les dernières données de comparaisons européennes mises à dispositions par l'IRG-Rail103(*), et sur un périmètre qui ne tient pas compte des redevances d'accès qui sont acquittées par l'État pour les services TER et par IDFM pour l'activité Transilien, les redevances au train-kilomètre sont en France 3 fois plus élevées qu'aux Pays-Bas, 2,5 fois plus élevées qu'en Italie ou en Autricheetc. Et compte-tenu des hausses prévues dans les années à venir destinées notamment à rétablir la situation financière de SNCF Réseau, ce différentiel ne va faire que s'aggraver.

Le système français de péages élevés sollicite de plus en plus lourdement les régions. Les perspectives d'augmentation des redevances sur l'activité TER d'ici 2030 apparaissent difficilement soutenables pour les budgets régionaux qui n'ont pas vocation à financer le rétablissement comptable de SNCF Réseau, dont les difficultés résultent des décisions passées et des sous-investissements caractérisés de l'État dans les infrastructures ferroviaires.

Les rapporteurs considèrent que le modèle français de financement des infrastructures se traduit par une pression financière exagérément élevée sur les régions qui pourraient en conséquence être amenées à faire des arbitrages budgétaires au détriment du nécessaire accroissement du niveau d'offre qu'elles proposent à ce jour.

Il nous faut nous inspirer des modèles en vigueur ailleurs en Europe. La seule obligation fixée par la réglementation européenne104(*) consiste à fixer des péages à hauteur du coût directement imputable aux circulations ferroviaires, c'est-à-dire leur coût marginal. Cette obligation est remplie en France par la redevance dite de circulation. En revanche, les redevances de marché comme les redevances d'accès sont des majorations décidées nationalement en dehors de toute contrainte européenne.

Les recettes que génèrent en France ces majorations, qui servent à couvrir le coût complet du réseau, sont, dans de nombreux pays européens, versées par l'État au gestionnaire d'infrastructure sous forme de subventions d'investissements. Dans ces modèles, l'État finance par des subventions les investissements consistants dans les infrastructures, dont les dépenses de renouvellement et de développement, tandis que les redevances versées par les opérateurs, calculées sur le seul coût marginal des circulations, ne servent à couvrir que les coûts d'exploitation de celles-ci. La Suisse, la Suède, l'Italie, l'Allemagne ou encore les Pays-Bas appliquent notamment ce modèle de financement. Il en va de même de l'Autriche, pays réputé pour la qualité de son système ferroviaire.

Le système de financement français est incompatible avec l'objectif d'un choc d'offre des mobilités ferroviaires du quotidien, et tout particulièrement des TER. Il est aujourd'hui indispensable d'en finir avec ce modèle aux conséquences malthusiennes pour le transport ferroviaire de passagers.

Il est nécessaire de s'inspirer des expériences de nos partenaires européens pour renverser la logique du modèle français en substituant des subventions de l'État aux majorations de péages105(*) qui conduisent aujourd'hui à ce que les investissements lourds sur les infrastructures ferroviaires soient financièrement assumés par les opérateurs de transport et donc, in fine, par les passagers ou par les AOM régionales.

Recommandation n° 9 : aligner notre modèle de financement du réseau ferré sur celui de nos principaux partenaires européens en limitant les péages ferroviaires à la seule redevance de circulation, l'État devant prendre en charge les efforts de régénération et de modernisation des infrastructures.

Compte-tenu des évolutions de péages très significatives prévues dans les prochaines années et de leurs conséquences potentielles sur les budgets régionaux, une telle réforme aurait un impact considérable sur les perspectives financières des AOM régionales. Le gain cumulé pour elles d'ici 2030 pourrait dépasser les 7,5 milliards d'euros et couvrirait à lui seul 70 % de leur besoin prévisionnel en fonctionnement. Le différentiel, soit 3,4 milliards d'euros, pourrait être couvert par une partie des recettes nouvelles perçues par les régions au titre du dynamisme attendu de leurs ressources de fonctionnement sur la période, essentiellement porté par celles de la TVA. Il convient de préciser que les régions ne disposant pas de ressources dédiées à la mobilité, ces recettes additionnelles attendues ont vocation à couvrir les dépenses de fonctionnement de l'intégralité des politiques régionales.

Couverture des besoins de fonctionnement prévisionnels des AOM régionales

Besoin de financement prévisionnel en fonctionnement jusqu'en 2030

Solutions de financement à mobiliser

Montants cumulés prévisionnels de financement à prévoir jusqu'en 2030

Besoin de financement : 11 milliards d'euros

Hypothèses retenues :

- Augmentation des dépenses de fonctionnement de transports collectifs interurbains et scolaires de 20 % ;

- Augmentation en volume de 20 % de l'offre TER à coût constant en raison des gains de performance liés à l'ouverture à la concurrence ;

- Augmentation des péages ferroviaires tels qu'ils ont été validé par l'Autorité de régulation des transports (ART) pour 2023-2026 puis selon la trajectoire prévue au contrat de performance de SNCF Réseau ;

- Taux d'inflation prévus par le programme de stabilité 2023-2027.

Diminution des péages ferroviaires

7,6 milliards d'euros

Dynamique des recettes de fonctionnement des régions

3,4 milliards d'euros

Source : commission des finances du Sénat

D. LA CRÉATION D'UN FONDS POUR LE DÉVELOPPEMENT DES TRANSPORTS DU QUOTIDIEN ALIMENTÉ PAR LE PRODUIT DE LA MISE AUX ENCHÈRES DES QUOTAS CARBONE POUR FINANCER NOTAMMENT LE VERDISSEMENT DES FLOTTES DE BUS

La perception du produit de la mise aux enchères des quotas carbone dans le cadre du système européen d'échange des quotas d'émissions (ETS), fortement dynamique, confère à l'État un espace budgétaire important pour financer la transition écologique et, notamment, le développement de l'offre de mobilité des AOM.

Cette ressource, qui a représenté un produit brut d'environ 2 milliards d'euros en 2022 (dont 481 millions d'euros affectés à l'agence nationale pour l'habitat [ANAH]) devrait rester à un niveau élevé, voire s'accroître à nouveau dans les années à venir, en lien avec le renforcement progressif du marché du carbone mis en oeuvre par la Commission européenne106(*) (voir encadré).

Pour 2023, son produit total brut est estimé à 2,4 milliards d'euros107(*), dont 700 millions d'euros seraient affectés à l'ANAH compte tenu du relèvement du plafond de cette affectation prévue par la loi de finances initiale pour 2023108(*).

Le système d'échange des quotas d'émissions (ETS)

L'ETS (directive européenne 2003/87/CE modifiée par la directive 2018/410) couvre aujourd'hui plus de 11 000 installations et compagnies aériennes à l'échelle de l'Europe. À l'échelle nationale ce sont 23 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) et 84 % des émissions du secteur de l'industrie qui sont couvertes par ce système. Il couvre les secteurs de l'industrie (production d'électricité et secteurs tels que le ciment, l'acier, la chimie ou le raffinage) et le secteur de l'aviation depuis 2012.

Le système d'échange de quotas d'émission de GES a débuté le 1er janvier 2005 et a donné lieu à 4 phases successives. Les principes de base restent les mêmes à travers les phases : les entreprises doivent mesurer les émissions et chaque année rendre aux autorités autant de quotas que leurs montants d'émissions vérifiées. Certains quotas sont distribués gratuitement pour préserver la compétitivité des industries « à fuite de carbone », et d'autres sont vendus aux enchères. Les quotas sont échangeables et un prix émerge avec les lois de l'offre et la demande.

Associée à la révision de la directive pour relever l'ambition du dispositif de la phase IV (2021-2030), la création d'une réserve de stabilité du marché en 2017 a permis une remontée du cours du quota passant de 5 euros en septembre 2018 à 25 euros en septembre 2019. Le prix a ensuite fluctué entre 25 et 30 euros, avec une baisse importante mais temporaire pendant la crise du Covid au printemps 2020. En fin d'année 2020, le prix a à nouveau fortement augmenté pour se stabiliser autour entre 50 et 60 euros sur la période mai - octobre 2021, porté par l'anticipation de sa réforme dans le cadre du Pacte Vert. Le prix a encore augmenté en fin d'année 2021 pour atteindre près de 100 euros en février 2022. Après une baisse brutale suivie d'un rebond suite à l'invasion russe en Ukraine, le prix a ensuite fluctué autour de 80 euros de février à août 2022.

La proposition législative faite par la Commission Européenne le 14 juillet 2021 dans le cadre du paquet « Fit for 55 » prévoit un renforcement du marché (avec un objectif de réduction à horizon 2030 de - 61 % par rapport à 2005 contre - 43 % actuellement), une baisse des quotas gratuits en lien avec la mise en oeuvre d'un Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières, et une extension au secteur du transport maritime et un marché carbone séparé pour les secteurs transport et bâtiment. Suite à la proposition de la Commission, des négociations au Conseil et au Parlement ont abouti respectivement à un accord au Conseil Envi du 29 juin 2022 sous Présidence Française de l'UE, et en plénière le 22 juin 2022. Des négociations en trilogues se poursuivront au deuxième semestre 2022 en vue d'obtenir un accord sur le texte.

Les recettes des quotas vendus aux enchères sont perçues par l'État et affectées à l'Agence nationale pour l'habitat (ANAH) dans la limite d'un plafond de 700 millions d'euros.

Source : commission des finances du Sénat

Comme l'a rappelé le rapporteur général de la commission des finances dans son rapport sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2022, la législation européenne prévoit expressément que cette ressource doit être fléchée, à hauteur de 50 % au moins, vers des actions tendant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et plus largement à faire face aux conséquences du changement climatique109(*).

Or, pour 2023, outre l'enveloppe fléchée de 700 millions d'euros en faveur de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), qui finance bien des actions de rénovation énergétique, le reliquat de 1,7 milliard d'euros abonderait le budget général de l'État, sans qu'une affectation à des actions précises soit définie. Au sein de cette enveloppe, 500 millions d'euros doivent donc être alloués à des dépenses en faveur de la transition écologique pour se conformer aux exigences européennes.

Répartition du produit de la mise aux enchères des quotas carbone en 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le Rapport sur les voies et moyens (Tome 1) annexé au projet de loi de finances pour 2023

Dans le double souci de respecter le droit de l'Union européenne et d'apporter aux AOM le soutien financier dont elles ont besoin, les rapporteurs préconisent d'affecter cette somme à un nouveau Fonds pour le développement des transports du quotidien.

Ce fonds pourrait être divisé en deux parts.

La première part devrait être spécifiquement allouée au financement de projets de verdissement des flottes de bus des AOM locales, dans la perspective d'une possible interdiction des moteurs thermiques à horizon 2030. Alors que l'État ne défend pas la position des AOM françaises sur ce point dans le cadre des négociations européennes (voir supra), il est légitime qu'il puisse, en contrepartie, leur venir en aide pour réussir cette conversion. Sous une hypothèse conservatrice de stabilité du produit de mise aux enchères des quotas, une enveloppe de 1 milliard d'euros au minimum sur la période 2024-2030 pourrait être dédiée à cet objectif.

La seconde part (50 %), répartie à égalité entre IDFM et les AOM locales, permettrait d'abonder directement leur budget sans passer par des appels à projets, et partant de venir les soutenir face à la hausse des charges d'exploitations liée au développement de leur offre de transport. Les modalités de répartition de la part revenant aux AOM locales seraient déterminées en concertation avec le GART.

Répartition du fonds pour le développement des transports du quotidien (recommandation n° 10)

 

Objectif

Enveloppe 2024-2030

Part n°1

Verdissement des flottes de bus des AOM locales

1 Md €

Part n°2

Soutien financier libre d'emploi à IDFM

1,25 Md€

Soutien financier libre d'emploi aux AOM locales

1,25 Md €

Total

3,5 Md €

Source : commission des finances du Sénat

Recommandation n° 10 : créer un Fonds pour la transition écologique des transports du quotidien abondé par le produit de la mise aux enchères des quotas carbone revenant à l'État, en fléchant au moins 1 milliard d'euros sur le financement du verdissement des flottes de bus des AOM.

III. UNE RÉFORME NÉCESSAIRE DU MODÈLE DE FINANCEMENT DES MOBILITÉS DU QUOTIDIEN

A. AJUSTER ET CONSOLIDER LE SYSTÈME EXISTANT

1. Renforcer le versement mobilité en tant que pilier du système de financement des transports du quotidien en donnant plus de marges de manoeuvre aux AOM

Le versement mobilité doit être conforté et renforcé en tant que pilier du système de financement des AOM.

Compte tenu des prélèvements obligatoires qui pèsent déjà de façon importante sur les entreprises, toute augmentation du versement mobilité ne saurait être envisagée qu'avec prudence.

Néanmoins, dans la mesure où les entreprises bénéficient considérablement, en termes d'attractivité et de possibilité développement, d'une amélioration de l'offre et des infrastructures de transport sur leur territoire, il est légitime que celles-ci prennent leur juste part à l'effort commun.

Comme cela a été rappelé, le régime du versement mobilité est fortement contraint : un grand nombre d'AOM ne sont pas autorisées à le lever faute de mise en place d'un service régulier de transport public de personnes et beaucoup d'autres n'ont plus de possibilité de relever leurs taux, compte tenu des règles de plafonnement applicables.

Les rapporteurs préconisent ainsi trois mesures, détaillées infra, visant à redonner davantage de marges de manoeuvres fiscales aux AOM pour le financement de leurs projets de développement. Il appartiendra à celles-ci, en responsabilité et dans une logique d'autonomie financière conforme à l'esprit de la décentralisation, de décider ou non de les mobiliser.

L'ensemble de ces mesures permettrait de contribuer à hauteur d'environ 1,5 milliard d'euros au besoin de financement d'ici à 2030.

Il convient également de replacer ces recommandations dans leur contexte, alors que des mesures importantes de baisses des impôts de production ont été prises dans les années récentes, avec la réduction de moitié de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et de la cotisation foncière des entreprises (CFE) sur les locaux industriels110(*) ainsi que la suppression en trois temps de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), devenant définitive à compter de 2024111(*). Ces réformes, qui ont la particularité de n'affecter que des impôts locaux, représentent une baisse structurelle nette d'impôts pour les entreprises de l'ordre de 16 milliards d'euros.

a) Dans un souci d'équité et de développement de la mobilité en zones peu denses, autoriser l'ensemble des AOM du territoire à lever le versement mobilité

La première mesure proposée, conformément à la position du Sénat lors de l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités de 2019, consiste à supprimer la condition de mise en place d'un service de transport régulier de personnes pour être autorisé à instituer le versement mobilité.

Cette condition a pour effet pratique de priver de cette ressource la grande majorité des AOM situées en zones peu denses, pour lesquelles le développement de ce type d'offre n'est pas nécessairement le plus adapté.

En l'absence d'un service de cette nature, l'AOM aurait désormais la possibilité de lever le versement mobilité sur son territoire, en appliquant un taux réduit, qui pourrait par exemple être plafonné à 0,2 %.

Le principe d'un fléchage de son produit sur le financement de services de mobilité serait maintenu, avec l'exigence d'une énumération précise de ces derniers dans la délibération qui l'institue112(*). Aussi, cette ressource pourrait être allouée au financement des projets les plus pertinents pour répondre aux besoins de mobilités des zones peu denses : transport à la demande, covoiturage, auto-partage, location de vélo...

b) Permettre aux AOM d'instituer, sous conditions, une majoration du taux de versement mobilité sur leur territoire

La seconde mesure consiste à permettre aux AOM d'appliquer une majoration du taux de versement mobilité. Elle s'adresse en particulier à celles qui ne disposent plus aujourd'hui de marges de manoeuvre sur leurs taux.

Cette majoration, qui pourrait par exemple être plafonnée à 0,2 point serait cependant soumise à deux conditions strictes, outre les nécessaires concertations avec les entreprises qu'il appartiendra aux AOM de mener.

En premier lieu, elle doit être justifiée par la volonté de financer un projet nouveau de développement de l'offre de transport sur le territoire. Cette condition donne ainsi aux entreprises une assurance quant aux avantages qu'elles pourront tirer du projet en contrepartie de leur effort financier accru.

En second lieu, il serait prévu que les usagers prendraient également leur part au financement de l'exploitation de la nouvelle offre. Il ne serait en effet pas juste que celle-ci repose sur les seules entreprises.

La définition précise de la mise en oeuvre de ces conditions serait fixée par voie réglementaire et pourrait, le cas échéant, s'inscrire dans un cadre contractualisé avec les AOM. Les délibérations qui institueront la majoration devront mentionner les éléments attestant de leur respect.

c) Donner aux AOM la faculté de moduler le taux du VM par zone à l'intérieur de son territoire

La troisième mesure proposée consiste à donner aux AOM la faculté de moduler le taux du versement mobilité dû par les entreprises en fonction de leur zone d'implantation.

Mise en oeuvre en concertation avec les entreprises du territoire, notamment dans le cadre du comité des partenaires (voir encadré supra), cette possibilité permettrait en effet de prendre en compte plus finement les avantages que ces dernières tirent effectivement des services de mobilité financés par le versement mobilité. Partant, elle favoriserait l'acceptabilité de cette taxe pour les redevables.

À titre d'exemple, une AOM décidant de lancer une nouvelle ligne de bus pourrait décider de n'appliquer la majoration conditionnée proposée plus haut que sur les portions de territoire qui bénéficieraient de cette nouvelle offre.

Plus généralement, les AOM auraient la possibilité de rechercher, à pression fiscale globale constante, une répartition plus juste de la charge entre les entreprises du territoire au regard de l'offre de transport existante.

Une nouvelle fois, au regard des principes constitutionnels d'égalité devant l'impôt et les charges publiques, les délibérations instituant un tel zonage devront précisément justifier les choix retenus.

Recommandation n° 11 : renforcer le versement mobilité en tant que pilier du système de financement des transports du quotidien (i) en donnant aux AOM la faculté de moduler son taux par zone à l'intérieur de leur territoire, (ii) en leur permettant d'instituer une majoration de taux strictement conditionnée au développement d'une nouvelle offre de transport au financement de laquelle les usagers prendraient également toute leur part et (iii) en autorisant aux AOM qui n'organisent pas de service régulier de transport public de le lever sur leur territoire à un taux réduit.

2. Le développement de sociétés de projets alimentées par de la fiscalité affectée pour financer des projets de développement de l'offre de transports

Le modèle de la Société du Grand Paris (SGP) fait déjà des émules. En effet, adosser des programmes d'infrastructures de grande ampleur, sur une société de projet disposant d'un bouquet de fiscalité locale affectée et d'une capacité d'emprunt apparaît comme un atout en termes de pilotage, les contraintes susceptibles d'entraver la bonne marche du projet étant essentiellement limitées aux considérations purement opérationnelles, la contrainte budgétaire annuelle se trouvant quant à elle largement assouplie.

Aussi, sur ce modèle et pour financer les grands projets d'infrastructures, l'article 4 de la LOM a autorisé, par voie d'ordonnance, la création d'établissements publics locaux (EPL) disposants de ressources fiscales dédiées.

Article 4 de la LOM

I. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi afin de créer un ou plusieurs établissements publics locaux ayant pour mission le financement, sur un périmètre géographique déterminé, d'un ensemble cohérent d'infrastructures de transport terrestre dont la réalisation représente un coût prévisionnel excédant un milliard d'euros hors taxes.

Ces établissements peuvent également avoir pour mission de concevoir et d'exploiter ces infrastructures ou de mettre en place les services complémentaires ou connexes à ces infrastructures.

L'État peut être représenté au sein des organes dirigeants de ces établissements.

Les ressources de ces établissements comprennent des ressources fiscales créées à cet effet.

Dans l'hypothèse de la création d'un établissement public local pour un projet dont la réalisation est divisée en plusieurs phases dans le temps, le périmètre de cet établissement public local créé pour la ou les premières phases peut être étendu aux phases suivantes, dans les termes prévus par l'ordonnance créant cet établissement, si chacune de ces phases a rempli les conditions fixées au présent article au plus tard lorsque l'extension de périmètre la concernant est décidée.

II. - Ne peuvent donner lieu à la création d'un établissement public dans les conditions prévues au I du présent article que les projets d'infrastructures ayant fait l'objet :

1° D'une déclaration d'utilité publique en application de l'article L. 121-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, d'une déclaration de projet en application de l'article L. 126-1 du code de l'environnement ou d'une décision de l'autorité administrative d'engager l'enquête publique, ou alternativement d'une décision du ministre chargé des transports de procéder aux démarches pour l'ouverture de l'enquête publique, et d'une contre-expertise à l'évaluation socio-économique en application de l'article 17 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 ;

2° D'un plan de financement, approuvé par l'Etat et les collectivités territoriales qui financent ces projets.

L'évaluation socio-économique préalable et la contre-expertise doivent montrer une rentabilité socio-économique positive.

III. - Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l'ordonnance prévue au I du présent article.

Source : loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités

Trois sociétés de projet ont ainsi été fondées sur le principe de cette disposition pour apporter une part des financements locaux des trois chantiers de ligne à grande vitesse (LGV) annoncés en 2021 :

- le Grand projet du sud-ouest (GPSO) qui doit débuter par la construction de la LGV Bordeaux-Toulouse ;

- la ligne nouvelle Provence Côte d'Azur (LNPCA) entre Marseille et Nice ;

- la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan (LNMP).

Les sociétés de projet dédiées au pilotage de ces LGV ont été créées par trois ordonnances du 3 mars 2022. Trois décrets du 24 avril 2022 sont venus préciser les modalités de fonctionnement de ces EPL.

En loi de finances initiale pour 2022113(*), une taxe spéciale d'équipement locale avait été adoptée pour alimenter la future société de projet dédiée au GPSO (la SGPSO). Le plafond en a été relevé par l'article 77 de la LFI pour 2023. L'article 76 de la LFI pour 2023 a créé des taxes additionnelles à la taxe de séjour affectées aux trois sociétés de projet. L'article 75 de la même LFI a quant à lui créé une taxe sur les locaux à usage de bureaux affectée à la société de la LNPCA.

Ce modèle semble continuer de prospérer puisqu'il est très sérieusement envisagé pour assurer une part des financements locaux aux projets de services express régionaux métropolitains (SERM).

Le modèle de la SGP ayant fait ses preuves, les rapporteurs sont favorables à ce que des sociétés de projets fonctionnant selon les mêmes caractéristiques et alimentées par des ressources fiscales locales puissent être déployées à l'avenir pour contribuer au financement d'infrastructures de transport du quotidien d'envergure. Ce modèle semble notamment adapté aux projets de SERM pour lesquels les chantiers d'infrastructures seront les plus lourds et les plus coûteux.

Recommandation n° 12 : développer des sociétés de projets alimentées par des taxes locales pour financer des opérations de développement de l'offre de transport, en particulier les services express régionaux métropolitains.

3. La tarification solidaire : des initiatives bienvenues quoique devant être rattachées budgétairement à la politique d'action sociale

Sans préjudice de la libre administration des collectivités territoriales, la tarification étant affaire de choix politique, les rapporteurs portent un vif intérêt aux dispositifs dits de « tarification solidaire », qui constituent une tentative de conciliation équilibrée entre l'objectif consistant à couvrir des coûts de production du service par des recettes commerciales (par opposition à la gratuité) et celui de garantir la mobilité pour tous.

Les tarifications solidaires sont à distinguer non seulement des politiques de gratuité, mais également des dispositifs dits de « tarification sociale ».

Les tarifications dites « sociales » correspondent à l'octroi de réductions tarifaires à des catégories de personnes considérées a priori comme vulnérables. Ces systèmes se fondent généralement sur des critères d'âge, de statut ou éventuellement parfois de conditions de revenus. Ces critères sont pris en compte à titre individuel.

Les tarifications sociales peuvent générer deux types d'inégalités :

- concerner des individus qui ne souffrent pas de contraintes financières (effets d'aubaine) ;

- exclure certains usagers qui ne répondent pas aux conditions de statuts, comme les travailleurs précaires par exemple.

C'est pour éviter ces deux sources d'inégalités potentielles que des AOM ont développé des systèmes dits de tarifications « solidaires ».

Basés sur les revenus et la composition de l'ensemble du foyer, ils prennent mieux en compte la capacité contributive réelle des ménages. Les réductions tarifaires sont accordées par « palier » selon les revenus du foyer, et peuvent soit être basées sur le quotient familial des familles (dispositif de la CAF) soit reposer sur des dispositifs ad hoc en se fondant sur les niveaux de ressources fiscales des ménages.

La distinction entre tarification sociale et tarification solidaire

À titre d'exemple, dans le cadre de leurs travaux, les rapporteurs ont notamment auditionné des élus du Syndicat mixte des mobilités de l'aire grenobloise (SMMAG) et du Syndicat des mobilités Pays Basque-Adour (SMPBA) qui ont mis en place des dispositifs de tarification solidaire. Sur le territoire du SMMAG, le prix de l'abonnement annuel peut ainsi passer de 30 euros à 236,40 euros selon le quotient familial du foyer.

Le système de tarification solidaire du Syndicat mixte des mobilités
de l'aire grenobloise (SMMAG) est calculé sur la base du quotient familial

Source : site internet du SMMAG

En tout état de cause, les rapporteurs considèrent que, dans un souci de transparence et de clarification du modèle de financement des transports du quotidien, les subventions versées aux AOM par les collectivités territoriales ne sauraient être considérées comme des dépenses de transport, mais bien comme un instrument de la politique d'action sociale.

Au plan comptable, cela se traduit, dans la construction des budgets primitifs, par l'inscription au sein de la section de fonctionnement de ces dépenses au niveau de la sous-fonction 925-2 « interventions sociales » de la fonction 925 « intervention sociale et santé » au lieu de la sous-sous-fonction 908-15 « transports urbains » de la sous-fonction 908-1 « services urbains » de la fonction 908 « Aménagements et services urbains, environnement ».

Recommandation n° 13 : isoler le financement des dispositifs de tarification solidaire par des subventions des collectivités territoriales en le rattachant à la politique d'action sociale.

B. L'ATTRIBUTION AUX AOM DE NOUVELLES RESSOURCES FISCALES

La nécessité de faire face aux besoins financiers précédemment identifiés pour développer l'offre de transports du quotidien implique d'attribuer aux AOM de nouvelles ressources fiscales, libres d'emploi pour celles-ci.

1. Une affectation d'une part du produit de l'assise sur les énergies (ex-TICPE), répartie selon une logique de péréquation
a) Une ressource cohérente au regard des missions des AOM

En premier lieu, les rapporteurs proposent de transférer aux AOM locales de province une fraction du produit de l'accise sur les énergies (ex-TICPE).

L'accise sur les énergies

(ex-taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques)

L'accise sur les énergies (ex-taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques [TICPE]) est régie par les articles L. 312-1 à L. 312-107 du code des impositions sur les biens et les services.

Elle est acquittée par les metteurs à la consommation lors de l'importation, à la sortie de l'entrepôt fiscal suspensif (sortie du régime de suspension d'accise) ou lors de la détention en dehors d'un régime de suspension de l'accise lorsque l'accise n'a été acquittée ni sur le territoire de taxation ni sur celui des autres États membres de l'Union européenne.

Son produit est obtenu par l'application de tarifs exprimés en euros par megawattheure (MWh) qui varient selon les énergies.

En 2023, les tarifs normaux (sous réserve de taux réduits, tarifs particuliers et exonérations sectorielles) utilisés pour les produits énergétiques à usage carburants sont :

- pour les gazoles : 59,4 euros/MWh ;

- pour les carburéacteurs : 59,481 euros/MWh ;

- pour les essences : 76,826 euros/MWh ;

- pour le gaz de pétrole liquéfiés carburant : 16,208 euros/MWh.

S'agissant des produits énergétiques à usage combustible, les tarifs normaux sont :

- pour les fiouls lourds : 12,555 euros/MWh ;

- pour les fiouls domestiques : 15,62 euros/MWh ;

- pour les pétroles lampants : 15,686 euros/MWh ;

- pour le gaz de pétrole liquéfiés combustibles : 5,189 euros/MWh.

Source : commission des finances du Sénat

Cette solution s'inscrit dans la continuité de la position du Sénat qui avait déjà entendu, lors de l'examen du projet de LOM, transférer une part de cette même imposition aux communautés de communes exerçant la compétence d'AOM. Les rapporteurs préconisent cependant ici de mobiliser cet instrument pour l'ensemble des AOM de province, quel que soit le statut de l'intercommunalité.

Une telle affectation participerait du renforcement de l'acceptabilité sociale de la fiscalité écologique, grâce à un fléchage sur des dépenses favorables à l'environnement. La « mission Duron » avait déjà recommandé de recourir à cet instrument pour financer les AOM, considérant qu'il ne serait pas illégitime que la fiscalité issue de la route puisse venir, dans une logique de transition écologique des mobilités, financer le développement des transports du quotidien.

L'accise sur les énergies permet d'ailleurs d'ores et déjà de financer des dépenses de cette nature puisque :

- IDFM a déjà la faculté de prévoir une modulation de son tarif dans la limite de 1,89 euros/mégawattheure (MWh) pour les gazoles et 1,148 euros/MWh pour les essences, ce qui représente une recette d'environ 100 millions d'euros par an114(*) ;

- l'AFIT-France bénéficie également de l'affectation d'une fraction de cet impôt, dont le montant est estimé à 1,9 milliard d'euros en 2023 suite au relèvement du plafond de cette taxe à 0,7 milliard en LFI 2023115(*).

Elle fait également l'objet de transferts aux collectivités territoriales pour le financement de compétences transférées par l'État, pour un montant total estimé en 2023 à 11,3 milliards d'euros.

Répartition du produit de l'assise sur les énergies (ex-TICPE)

(en milliards d'euros)

 

Exécution 2021

Prévision 2022

Prévision 2023

Produit brut

32,0

32,0

31,0

Part transférée

11,8

12

12,2

Dont collectivités territoriales

10,9

11,2

11,3

Dont IDFM

0,1

0,1

0,1

Dont AFIT

1,3

1,2

1,9

Autres

0,5

0,5

0,2

Part État brute

20,2

20,0

18,8

Remboursements et dégrèvements

- 1,9

- 2,0

- 2,0

Part État nette

18,3

18,0

16,8

Source : commission des finances du Sénat, d'après le Rapport sur les voies et moyens (Tome 1) annexé au projet de loi de finances pour 2023

Le transfert d'une part du produit de l'accise sur les énergies constituerait la mesure la plus importante, en termes financiers, du schéma de financement du besoin des AOM de province proposé par les rapporteurs. L'attribution de cette ressource pourrait représenter jusqu'à 2,2 milliards d'euros sur la période 2024-2030, soit environ 0,3 milliard par an. Ce montant doit être rapporté à celui revenant à l'État, estimé à 16,8 milliards d'euros pour 2023.

Ce total pourrait être ajusté en fonction des ressources prévues au titre des autres mesures proposées par les rapporteurs, et en particulier des nouvelles ressources locales proposées infra, dont le rendement ne peut être estimé de façon fiable à ce jour.

Les rapporteurs relèvent cependant que cette solution, certes puissante à court et moyen terme, n'est pas pérenne compte tenu de la dynamique négative du produit de l'accise sur les énergies, du fait de la transition écologique. À terme, dans le souci de préserver une logique de financement des transports durables par la fiscalité issue de la route, la taxe sur les sociétés d'autoroute proposée infra aurait progressivement vocation à prendre son relai.

b) Une ressource qui serait répartie entre les AOM selon une logique de péréquation

Les rapporteurs préconisent de répartir cette part du produit de l'accise sur les énergies entre les AOM selon une logique de péréquation et de solidarité territoriale. Une telle finalité serait au demeurant cohérente avec l'origine de cette ressource, à savoir un impôt d'État.

Ainsi, les modalités de répartition devront faire intervenir un certain nombre de critères de ressources et de charges, qui devraient être définis en concertation avec les associations d'élus locaux et le GART.

Le dispositif pourrait notamment s'appuyer sur les critères traditionnellement utilisés dans le cadre des dispositifs de péréquation entre les collectivités territoriales (dotation de solidarité urbaine, dotation de solidarité rurale, fonds de péréquation de ressources intercommunales et communales) pour apprécier la richesse (potentiel financier par habitant), le niveau de mobilisation des ressources locales (effort fiscal) ou les charges (population, revenu moyen par habitant...) des collectivités.

Ils auraient néanmoins vocation à être complétés par des critères spécifiques aux charges liées à l'exercice de la compétence AOM : présence d'infrastructures de TCSP, nature et taille des réseaux...

Des critères de richesse spécifiques pourraient également être mis en place, pour tenir compte des disparités territoriales en matière de bases fiscales pour ce qui concerne les taxes spécifiques aux AOM, au premier rang desquelles l'assiette du versement mobilité mais également, le cas échéant, celles des nouvelles taxes locales proposées infra (taxe de séjour majorée pour les hébergements hauts de gamme, taxe sur les plus-values immobilières, taxe sur les livraisons liées au e-commerce).

Recommandation n° 14 : affecter aux AOM locales une part du produit de l'accise sur les énergies (ex-TICPE), répartie selon un principe de péréquation.

2. Une taxe sur les sociétés d'autoroute

En février 2021, l'inspection générale des finances (IGF) et le conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) avaient réalisé un rapport consacré au modèle économique des sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA). L'existence de ce rapport, qui était resté confidentiel jusqu'ici, a été révélée par la presse au début de l'année 2023. D'après ses estimations, la mission d'inspection avait relevé que certaines SCA historiques présentaient des taux de rentabilité (TRI) de 12 %, très largement supérieurs aux TRI de 7,6 % qui avaient été anticipés lors de la privatisation en 2006. Pour la mission, cette situation résulte de trois causes principales : une amélioration des paramètres d'exploitation par rapport aux prévisions initiales, la baisse des taux d'intérêts et des démarches d'optimisation bilancielle.

En mars 2023, après la polémique liée à la révélation de ce rapport, le Gouvernement a saisi le Conseil d'État pour avis afin d'expertiser les options juridiquement envisageables pour prélever une part des bénéfices excédentaires réalisées par les SCA.

Le Conseil d'État a rendu son avis en juin dernier. S'il a expressément exclu toute possibilité de raccourcissement sans contrepartie de la durée des concessions d'autoroutes il a en revanche ouvert la voie à la possibilité d'accentuer la fiscalité sur les sociétés concessionnaires. L'analyse du Conseil d'État s'appuie notamment sur les conséquences financières favorables sur les sociétés d'autoroute liées à la baisse du taux d'impôt sur les sociétés (IS). Pour cette raison, un accroissement proportionné de la fiscalité pesant sur les SCA ne remettrait pas en cause l'équilibre économique global des concessions. Outre son caractère proportionné, le Conseil d'État a précisé que cette taxation devra s'appliquer à certaines autres concessions d'État.

Alors que le Gouvernement s'est engagé à travailler sur les modalités opérationnelles d'une nouvelle taxe qui pourrait être créée par une disposition de la loi de finances initiale (LFI) pour 2024, il estime à ce stade que son rendement pourrait s'élever à plusieurs centaines de millions d'euros par an et entre deux et trois milliards d'euros cumulés d'ici à 2030.

Les rapporteurs rappellent la malédiction qui frappe invariablement les taxes prélevées sur le secteur routier qui ne sont pas directement affectées à la transition écologique. Qui plus est, quelle meilleure affectation possible pour une fiscalité associée à la route que de contribuer au financement de solutions de mobilité collectives alternatives à l'autosolisme et aux externalités environnementales négatives qu'il génère ?

Le Gouvernement, notamment par la voie de son ministre délégué aux transports, a affirmé que les SCA devaient contribuer davantage à la transition écologique. Les rapporteurs le prennent au mot et appellent à ce qu'une taxe sur les concessions, qui ciblerait principalement les sociétés d'autoroutes, soit créée dès la LFI pour 2024 et directement affectée au financement de la hausse des dépenses de fonctionnement des AOM qui résultera du choc d'offre des mobilités du quotidien.

Ce dispositif, qui aurait donc vocation à monter en puissance au plan budgétaire dans les années à venir, pourrait ainsi prendre le relai de la fraction d'accise sur les énergies que les rapporteurs ont également proposée d'affecter aux AOM, la dynamique globale de cet impôt étant négative. Dans cette optique, le produit de la taxe sur les sociétés d'autoroute pourrait être réparti entre les AOM selon les mêmes critères de péréquation (voir supra).

Recommandation n° 15 : créer une taxe sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes affectée au financement des dépenses d'exploitation des AOM locales urbaines et rurales.

3. Une majoration de taxe de séjour pour les hébergements haut de gamme

Les rapporteurs proposent également de permettre aux AOM d'instituer une majoration de taxe de séjour pour les hébergements haut de gamme.

Régie par les articles L. 2333-26 à L. 2333-28 du code général des collectivités territoriales, la taxe de séjour peut être instituée par les communes et EPCI à fiscalité propre116(*) touristiques et dont le produit est affecté aux dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique du territoire de la commune ou de l'EPCI. Le cas échéant, elle est instituée par une délibération du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'EPCI avant le 1er juillet de l'année pour être applicable l'année suivante.

Son tarif est fixé, pour chaque nature et pour chaque catégorie d'hébergement, par personne et par nuitée de séjour, selon le barème ci-dessous. Pour tous les hébergements en attente de classement ou sans classement à l'exception des catégories d'hébergements mentionnées dans le tableau infra, le tarif applicable par personne et par nuitée est compris entre 1 % et 5 % du coût par personne de la nuitée dans la limite du tarif le plus élevé adopté par la collectivité.

Barème de la taxe de séjour en 2024

(en euros par personne et par nuitée)

Catégories d'hébergements

Tarif plancher

Tarif plafond

Palaces

0,70

4,60

Hôtels de tourisme 5 étoiles, résidences de tourisme 5 étoiles, meublés de tourisme 5 étoiles

0,70

3,30

Hôtels de tourisme 4 étoiles, résidences de tourisme 4 étoiles, meublés de tourisme 4 étoiles

0,70

2,50

Hôtels de tourisme 3 étoiles, résidences de tourisme 3 étoiles, meublés de tourisme 3 étoiles

0,50

1,60

Hôtels de tourisme 2 étoiles, résidences de tourisme 2 étoiles, meublés de tourisme 2 étoiles, villages de vacances 4 et 5 étoiles

0,30

1,00

Hôtels de tourisme 1 étoile, résidences de tourisme 1 étoile, meublés de tourisme 1 étoile, villages de vacances 1, 2 et 3 étoiles, chambres d'hôtes, auberges collectives

0,20

0,80

Terrains de camping et terrains de caravanage classés en 3, 4 et 5 étoiles et tout autre terrain d'hébergement de plein air de caractéristiques équivalentes, emplacements dans des aires de camping-cars et des parcs de stationnement touristiques par tranche de 24 heures.

0,20

0,60

Terrains de camping et terrains de caravanage classés en 1 et 2 étoiles et tout autre terrain d'hébergement de plein air de caractéristiques équivalentes, ports de plaisance

0,20

Source : site internet de la direction générale des collectivités locales

L'institution d'une telle ressource pour les AOM serait cohérente avec l'objectif poursuivi, en permettant de faire contribuer les touristes au financement des services de transport dont ils bénéficient fortement. Aussi, la création d'une taxe additionnelle à la taxe de séjour a déjà été mobilisée au profit de la Société du Grand Paris117(*) ou encore, plus récemment, de la Société de la Ligne Nouvelle Provence Côte d'Azur, de la Société du Grand Projet du Sud-Ouest et de la Société de la Ligne Nouvelle Montpellier-Perpignan118(*).

Instituée sur délibération de l'intercommunalité exerçant la compétence d'AOM locale, elle pourrait prendre la forme d'une majoration des tarifs applicables aux hébergements haut de gamme de 2 à 5 euros en fonction de la catégorie à laquelle appartient l'établissement (les hôtels 3, 4 et 5 étoiles ainsi que les palaces). En tout état de cause, le taux de taxe de séjour devrait rester relativement faible comparé au prix des nuitées, de sorte que l'effet économique de la mesure demeurerait limité.

Cet instrument pourrait constituer une source de financement puissante pour les AOM, dont le rendement pourrait atteindre 1,2 milliard d'euros sur la période 2025-2030.

Recommandation n° 16 : permettre aux AOM d'instituer une majoration des tarifs de la taxe de séjour pour les hébergements haut de gamme.

4. Une taxe locale sur les plus-values immobilières générées par les nouvelles offres de transport

Le développement d'infrastructures et de l'offre de transports pourraient avoir des effets potentiellement très importants sur la valeur des biens immobiliers situés dans les zones concernées, notamment aux abords des gares. Selon le rapport du député Gilles Carrez sur les ressources de la Société du Grand Paris119(*), l'arrivée dans une commune d'une nouvelle gare provoque une hausse des prix immobiliers estimée entre 10 % et 20 %, quoi que celle-ci soit difficile à isoler dans l'évolution générale du marché.

Les rapporteurs considèrent qu'il serait légitime que cette rente puisse être au moins partiellement captée au profit de l'AOM ayant investi dans l'infrastructure qui en est à l'origine.

Une telle piste n'est cependant pas nouvelle puisque les lois loi « Grand Paris » et « Grenelle II » de 2010 avaient institué un dispositif poursuivant cette finalité, respectivement au profit de la Société du Grand Paris (SGP)120(*) et des anciennes autorités organisatrices de transports urbains, devenues AOM locales ainsi que, le cas échéant, des régions et de l'État121(*).

Le dispositif de taxation des plus-values immobilières au profit des autorités organisatrices de transports publics prévus par la loi «Grenelle II »
du 12 juillet 2010 (abrogé en 2015)

« Hors Ile-de-France, les autorités organisatrices de transports urbains peuvent, sur délibération, instituer une taxe forfaitaire sur le produit de la valorisation des terrains nus et des immeubles bâtis résultant de la réalisation d'infrastructures de transports collectifs en site propre devant faire l'objet d'une déclaration d'utilité publique ou, lorsque celle-ci n'est pas nécessaire, d'une déclaration de projet. L'entrée en vigueur de la taxe, dont la date est fixée par la délibération, ne peut intervenir plus de deux ans après la publication ou l'affichage de la déclaration d'utilité publique ou de la déclaration de projet. La délibération précise également la durée pendant laquelle cette taxe est exigible, qui ne peut excéder quinze ans.(...)

« La taxe est affectée au budget de l'autorité organisatrice de transport. Elle est destinée exclusivement au financement de la réalisation, du réaménagement ou de la modernisation des équipements et infrastructures de transport (...).

« (...) La taxe s'applique aux cessions à titre onéreux des terrains nus et des immeubles bâtis ainsi qu'aux droits relatifs à ces biens et aux cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière, définies au I de l'article 726 [du code général des impôts], représentatives de ces immeubles qui figurent dans un périmètre arrêté par l'État ou l'autorité organisatrice de transport. Les terrains et les immeubles soumis à la taxe ne peuvent être situés à plus de 1 200 mètres d'une station de transports collectifs, créée ou desservie à l'occasion de la réalisation du projet de transports collectifs en site propre, ou d'une entrée de gare ferroviaire. Sous réserve d'une justification particulière tenant à des motifs d'ordre social, certaines cessions d'immeubles ou certaines zones peuvent être exonérées du paiement de la taxe par l'autorité qui l'institue.

« (...) La taxe est due par les personnes physiques et les sociétés ou groupements soumis à l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés et par les contribuables qui ne sont pas fiscalement domiciliés en France assujettis à l'impôt sur le revenu, soumis au prélèvement obligatoire dans les conditions prévues par l'article 244 bis A726 [du code général des impôts].

« (...) La taxe est assise sur un montant égal à 80 % de la différence entre, d'une part, le prix de cession défini à l'article 150 VA et, d'autre part, le prix d'acquisition défini à l'article 150 VB. Le prix d'acquisition ainsi que les dépenses et frais retenus en majoration de ce prix sont actualisés en fonction du dernier indice des prix à la consommation hors tabac publié par l'Institut national de la statistique et des études économiques à la date de l'acquisition du bien ou de la réalisation.

« (...) La plus-value calculée dans les conditions fixées à l'alinéa précédent est diminuée du montant de la plus-value imposée en application des articles 150 U à 150 VH [du code général des impôts].

« Le taux de la taxe est de 15 % pour les autorités organisatrices de transports urbains (...) lorsque la cession porte sur des biens ou droits relatifs à ces biens (...) entièrement situés à une distance de moins de 800 mètres d'une entrée de gare de voyageurs prévue pour le projet d'infrastructure au titre duquel la taxe a été instituée. Au-delà de cette distance, et lorsque la cession porte sur des biens ou droits relatifs à ces biens mentionnés au même II entièrement situés à une distance de moins de 1 200 mètres d'une entrée de gare de voyageurs prévue pour le projet d'infrastructure au titre duquel la taxe a été instituée, le taux de la taxe est de 7,5 % pour les autorités organisatrices de transports urbains(...). Le montant total de ces taxes ne peut excéder 5 % du prix de cession. En cas d'excédent, celui-ci s'impute, à due proportion, sur le produit de la taxe due aux autorités organisatrices de transports urbains (...). »

Source : Article 64 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement

Ces dispositifs ont cependant été rapidement été abrogés, dès 2011, soit avant d'avoir été appliqués, pour ce qui concerne la SGP122(*), et en 2015 pour la province123(*). Selon la « mission Duron », ce second dispositif n'avait été quant à lui appliqué qu'une seule fois, dans le cadre de la phase 3 de la ligne 2 de tramway entre Valenciennes et Vieux-Condé, et son institution avait également été envisagée à Metz et à Caen.

Leur suppression, à l'initiative du Gouvernement, avait été motivée par plusieurs arguments d'ordre politique (volonté de ne pas taxer les plus-values réalisées sur les résidences principales, crainte de dissuader les acquéreurs potentiels de s'installer près des gares ou encore d'effets inflationnistes...) et technique (complexité de mise en oeuvre, notamment pour déterminer précisément leur périmètre d'application).

Les rapporteurs considèrent que les arguments politiques qui avaient été avancés ne tiennent pas et à l'instar de la « mission Duron » que « l'effet dissuasif / inflationniste semble toutefois modéré', la taxe étant au maximum de 15 %, et ne s'appliquant, rappelons-le, que sur la plus-value, si elle existe ».

La logique économique évidente d'un tel impôt, qui permet d'internaliser au profit des AOM l'externalité positive124(*) que leur action génère pour les propriétaires, justifie pleinement de créer un cas de dérogation à l'absence de taxation des plus-values des résidences principales.

Les rapporteurs appellent à relancer ce dispositif, sans nier les difficultés techniques qu'implique la mise en oeuvre d'une telle mesure, qu'un travail approfondi mené aux niveaux législatif et réglementaire doit néanmoins pouvoir lever.

Faute d'évaluations disponibles, y compris préalablement à sa suppression - ce que les rapporteurs ne peuvent que déplorer - le rendement de cette taxe n'a pas été chiffré.

Recommandation n° 17 : permettre aux AOM d'instituer une taxe locale sur les plus-values immobilières générées par les nouvelles offres de transport.

5. Une taxe locale sur les livraisons liées au e-commerce

Le souci de taxer, dans une logique écologique, les activités polluantes au profit des AOM pour le développement de l'offre de transports durables peut également justifier, comme l'avait souligné la mission « Duron » d'imposer les livraisons liées au e-commerce, qui ont de surcroît un effet négatif sur la circulation et la congestion dans les agglomérations.

Un rapport de l'Institut Paris Région125(*), qui étudie cette piste pour le financement d'IDFM, énumère les différentes formules envisageables : taxe « au colis livré » sur les transporteurs ou les chargeurs (tels que Amazon), montant forfaitaire sur chaque colis ou commande, application d'un tarif proportionnel au poids, au volume ou au prix des colis, taxe sur le chiffre d'affaires des transporteurs ou chargeurs ...

Ce même rapport identifie deux exemples d'instauration de taxes de ce type :

- en Espagne, la municipalité de Barcelone a institué à compter de mars 2023 une taxe à hauteur de 1,25 % sur les opérateurs de livraison dont le chiffre d'affaire est supérieur à 1 million d'euros, ciblant les gros transporteurs (Amazon, UPS, DHL...), devant rapporter à la collectivité 2,6 millions d'euros par an. Ce montant de la taxe a été calculé à partir du coût estimé pour la municipalité des 8 300 places de stationnement gratuites réservées aux livraisons ;

- aux États-Unis, l'État du Colorado a mis en place une taxe de 0,27 dollar sur chaque commande livrée par un véhicule à moteur dans l'État. Elle est due une fois par commande même si la commande comprend plusieurs colis. Elle est payée par le chargeur ou le commerçant qui fait une vente au détail et peut répercuter son prix sur l'acheteur. Cette taxe devrait rapporter à l'État 120 millions de dollars par an.

La question de la taxation du secteur du e-commerce en France a notamment été soulevée lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023 en première lecture au Sénat. Un amendement126(*) proposant d'étendre l'application de la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom) aux entrepôts de stockage avait été rejeté, conformément à la position de la commission des finances au motif que le dispositif proposé présentait un risque de double taxation dès lors que les entrepôts peuvent également servir au stockage de biens destinés non pas au e-commerce mais à un commerce déjà assujetti à la Tascom. Pour autant, reconnaissant la pertinence de l'enjeu soulevé, le Gouvernement s'est engagé à ce que celui-ci soit traité comme « l'une des priorités du conseil national du commerce » institué en 2023 où « des travaux sur l'équité fiscale se tiendront ».

Les rapporteurs appellent ainsi le Gouvernement à tenir l'engagement pris devant le Sénat et à rendre compte de ces travaux d'ici à l'examen du prochain projet de loi de finances, en vue d'établir une modalité juste et techniquement opérationnelle de taxation de l'activité du e-commerce, qui pourrait alors être instituée localement sur délibération de l'AOM pour le financement des transports du quotidien.

En l'attente de tels travaux, les rapporteurs ne sont pas en mesure de fournir de chiffrage du produit attendu de cette mesure.

Recommandation n° 18 : permettre aux AOM d'instituer une taxe locale sur les livraisons liées au e-commerce.

6. Synthèse des mesures proposées pour couvrir les besoins de financement en fonctionnement des AOM locales

L'ensemble des mesures proposées supra destinées à couvrir les besoins de financement des AOM locales sont synthétisées dans le tableau ci-dessous.

Couverture des besoins de fonctionnement prévisionnels des AOM locales

Besoin de financement prévisionnel en fonctionnement jusqu'en 2030

Solutions de financement à mobiliser

Montants cumulés prévisionnels de financement à prévoir jusqu'en 2030

Besoin de financement : 8,5 à 11 milliards d'euros

Hypothèses retenues :

- Augmentation des dépenses de fonctionnement en volume de 20 à 25 % ;

- Taux d'inflation prévus par le programme de stabilité 2023-2027 ;

- Dynamique prévisionnelle du VM à norme constante ;

- Maintien au niveau actuel des recettes commerciales et des contributions des collectivités territoriales.

Contribution sur les SCA

2 milliards d'euros

Nouvelles taxes et déplafonnement territorialisé des taux de VM

1,5 milliard d'euros

Taxe de séjour hébergements « haut de gamme »

1,2 milliard d'euros

Affectation d'une part du produit des enchères de quotas carbone

1,3 milliard d'euros

Allègement de 50% du remboursement des avances « covid »

0,3 milliard d'euros

Recettes commerciales

La part des recettes commerciales dans le total des ressources devrait se maintenir grâce à la hausse de la fréquentation et au financement de la tarification solidaire par la politique sociale des collectivités

2,5 milliards d'euros

Gains de performance et optimisation de la lutte contre la fraude

Un potentiel de plusieurs centaines de millions d'euros sur la période

Accise sur les énergies (ex-TICPE) employée comme variable d'ajustement

Jusqu'à 2,2 milliards d'euros

Source : commission des finances du Sénat

C. UN « GRAND EMPRUNT » DÉDIÉ AU DÉVELOPPEMENT DES MOBILITÉS DU QUOTIDIEN

Le défi du développement des mobilités du quotidien, décisif pour la transition écologique de notre pays, doit mobiliser la nation toute entière.

Aussi, les rapporteurs ont-ils souhaité dépasser l'habituel triptyque « entreprises / collectivités territoriales / usagers » pour s'adresser aux citoyens.

Ils appellent ainsi de leurs voeux le lancement d'un grand emprunt populaire, commercialisé par les banques, permettant aux ménages français de disposer d'un nouveau placement pour leur épargne tout en s'engageant en faveur de la transition écologique.

Celui-ci permettrait de financer des projets d'investissement portés par les AOM à fort impact en termes de réduction des émissions de CO2 (verdissement des flottes de bus, lignes de car express...).

Depuis 1956, neuf emprunts nationaux de ce type ont été lancés.

Le succès du dernier emprunt national « l'emprunt Balladur » lancé en 1993, qui avait permis de collecter 110 milliards de francs (soit l'équivalent de 25,8 milliards d'euros127(*)), soit bien plus que les 40 milliards de francs (9,4 milliards d'euros) initialement escomptés, avait montré que les dispositifs de « grand emprunt » étaient susceptibles de générer un fort engouement populaire. Pour mémoire, ce dispositif avait été mis en place pour financer des mesures d'urgence à prendre face à la récession subie par l'économie française en 1993, au premier rang desquelles un décalage du paiement de la TVA en faveur des entreprises.

Comme l'avait souligné la commission des finances dans un rapport de 2008128(*), alors que, suite à la crise des subprimes, un nouveau grand emprunt était annoncée pour financer le programme d'investissement d'avenir (finalement financé sur crédits budgétaires) : « cet emprunt s'est caractérisé par une durée courte - 4 ans - et un taux relativement faible (6 %) pour l'époque. La modicité de la rémunération a pu trouver une compensation dans certains avantages fiscaux, tels que l'exonération d'impôt sur les plus-values pour les parts de Société d'investissement à capital variable (SICAV) de trésorerie aliénées en vue d'acquérir des titres d'emprunt « Balladur », ou encore le régime fiscal avantageux des plans épargne en action (PEA), auxquels ces titres étaient éligibles. Convertibles en actions de sociétés privatisées, 10 milliards d'euros de titres furent investis dans les sociétés dont le Gouvernement opéra la privatisation à l'automne 1993 ».

Les emprunts d'État précédents avaient permis de collecter des sommes moindres mais tout de même importantes, de l'ordre de 5 milliards d'euros.

Montant des grands emprunts lancés depuis 1956

(en euros de 2008)

Source : commission des finances du Sénat

Les modalités précises de mise en oeuvre du « grand emprunt » en faveur du développement des mobilités du quotidien ici proposé devraient faire l'objet d'une concertation associant l'État, les associations d'élus, le GART, et le secteur bancaire. Comme l'avait souligné la commission des finances dans ses travaux précités, « la définition du taux d'intérêt et des éventuelles mesures fiscales accompagnant l'emprunt devrait (...) résulter d'une délicate conciliation entre attractivité pour les souscripteurs et impact raisonnable sur les finances publiques ».

Le « grand emprunt » proposé par les rapporteurs marquerait en outre une originalité par rapport aux dispositifs du passé, dans la mesure où celui-ci ne serait pas réalisé au profit de l'État mais des collectivités territoriales, constituant à cet un égard un symbole de la décentralisation des politiques publiques et du rôle clé de ces dernières dans la transition écologique.

Recommandation n° 19 : mobiliser l'épargne populaire à travers la création d'un grand emprunt dédié au financement des mobilités du quotidien.

IV. DES MESURES COMPLÉMENTAIRES POUR RÉSOUDRE L'IMPASSE FINANCIÈRE D'ILE-DE-FRANCE MOBILITÉS

A. LA RÉFORME GÉNÉRALE DU FINANCEMENT DES AOM RAPPORTERA À IDFM PLUS DE 8 MILLIARDS D'EUROS JUSQU'EN 2030

En prélude de ces développements concernant la situation particulière d'IDFM, il est important de préciser que l'AOM francilienne profitera largement de la réforme plus générale du modèle de financement des AOM recommandée supra.

Ainsi, la majoration de la taxe de séjour pour les hébergements haut de gamme dont le rendement s'annonce dynamique, pourrait-elle, d'après les estimations réalisées par le rapport des inspections de mai 2023, rapporter à IDFM jusqu'à 200 millions d'euros par an, soit près de 1,5 milliard d'euros cumulés d'ici 2030.

IDFM se verrait également allouer au moins 1,3 milliard d'euros du nouveau Fonds pour le développement des transports du quotidien alimenté par une part du produit de la mise aux enchères des quotas carbone.

L'allègement de 50 % des remboursements liés aux avances « covid » pourra lui rapporter un milliard d'euros.

Au titre de son activité Transilien, IDFM bénéficiera de la réforme des péages ferroviaires à hauteur de plus de 3,6 milliard d'euros cumulés d'ici 2030.

L'AOM francilienne bénéficiera aussi des nouvelles taxes sur les plus-values immobilières et le e-commerce ainsi que de l'amélioration de la lutte contre la fraude.

Au total 87 % (8,3 milliards d'euros) du besoin de financement d'IDFM d'environ 9,5 milliards d'euros pourrait être couvert grâce à ces nouvelles ressources.

Recettes prévisionnelles cumulées que pourrait percevoir IDFM jusqu'en 2030
du fait de la réforme générale du modèle de financement des AOM

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

B. DES ÉCONOMIES SIGNIFICATIVES DOIVENT ÊTRE RÉALISÉES

1. 85 millions d'euros d'efforts de productivité annuels de la RATP et de la SNCF

La réforme du modèle de financement d'IDFM ne peut s'envisager sans un effort accru d'optimisation de ses dépenses de fonctionnement qui sont à 90 % contractualisées avec des opérateurs de transport. Les rapporteurs notent que l'AOM francilienne ne part pas de zéro et que des évolutions positives ont été engagées sur la question de la performance.

Les renégociations des conventions avec la RATP (en 2020) puis avec la SNCF (en 2021) ont été l'occasion de renforcer sensiblement les engagements de performance des deux principaux opérateurs partenaires d'IDFM. La RATP s'est engagée à réaliser des gains de performance nets de 1 % par an, soit environ 36 millions d'euros chaque année, contre 0,3 % dans la précédente convention. La SNCF s'est quant à elle engagée sur un objectif brut de 2,5 % par an, soit un effort de performance d'environ 50 millions d'euros chaque année. Ces objectifs de productivité sont intégrés dans le calcul de la rémunération forfaitaire129(*) prévue dans les conventions des deux opérateurs.

Gains de productivité réalisés par la RATP (2016-2022)

Source : commission des finances, d'après les réponses de la RATP au questionnaire des rapporteurs

Principaux leviers mobilisés par la RATP pour tenir l'engagement
de performance pris dans le cadre de sa convention avec IDFM

- la performance des achats sur les prestations et matières achetées ;

- l'optimisation de la maintenance sur le matériel roulant, ainsi que sur les matériels et équipements des espaces voyageurs ;

- la modernisation et l'automatisation du réseau ;

- l'évolution de l'organisation du travail des fonctions opérationnelles ;

- l'optimisation des fonctions support ;

- la transition écologique et la mise en oeuvre du plan de sobriété énergétique.

Source : réponses de la RATP au questionnaire des rapporteurs

Concernant l'activité Transilien, la SNCF s'était ainsi engagée à réaliser 260 millions d'euros d'économies cumulées entre 2020 et 2023130(*) puis 40 millions d'euros en 2024 et 50 millions d'euros en 2025.

Les systèmes de bonus-malus incitatifs à la performance ont également été très sensiblement renforcés dans les conventions conclues par IDFM avec la RATP et la SNCF. Leur amplitude a en effet été multipliée par quatre, de 25 à 100 millions d'euros (de prime ou de pénalité pour les opérateurs).

La nouvelle convention signée avec la SNCF prévoit également un nouveau mécanisme de remboursement systématique des voyageurs par l'opérateur en cas de ponctualité inacceptable. Par ailleurs le plafonnement annuel des pénalités appliquées à la SNCF pour les trains qui ne circulent pas a été supprimé dans la nouvelle convention. Ce plafond, qui était auparavant fixé à 15 millions d'euros, était systématiquement atteint les années marquées par des mouvements sociaux.

Nouveau mécanisme de remboursement automatique par la SNCF
en cas de ponctualité inacceptable

La SNCF est désormais contractuellement tenue de rembourser les voyageurs en cas de ponctualité inacceptable sur une ligne ou sur un axe selon les règles suivantes :

- la moitié du prix d'un abonnement mensuel remboursé si la ponctualité est inférieure à 80 % pendant trois à cinq mois (non consécutifs) au cours d'une année ;

- un mois d'abonnement complet remboursé si la ponctualité est inférieure à 80 % pendant 6 à 9 mois (non consécutifs) au cours d'une année ;

- le prix d'un mois et demi d'abonnement remboursé si la ponctualité est inférieure à 80 % pendant plus de 9 mois (non consécutifs) au cours d'une année.

Source : commission des finances du Sénat

La convention conclue avec la RATP prévoit quant à elle un système de restitution partielle du bénéfice généré par l'opérateur en cas de « superformance » de l'opérateur. Ainsi, IDFM se voit restituer 60 % des bénéfices réalisés par la RATP au-delà d'un seuil de 270 millions d'euros, puis 80 % pour les montants qui dépassent 310 millions d'euros.

Il est impératif que les efforts de performance des deux principaux opérateurs de transport partenaires d'IDFM soient poursuivis et amplifiés. Alors que dans leur rapport d'information précité de février 2022 les rapporteurs soulignaient les marges de manoeuvre d'efficience significatives qui pourraient être mobilisées par la SNCF, la Cour des comptes, dans un rapport de janvier 2021 a dressé un constat similaire au sujet de la RATP131(*).

2. L'ouverture à la concurrence permettra d'améliorer l'équation financière des réseaux d'IDFM

Alors que la mise en concurrence des réseaux Optile132(*) a permis de contenir le hausse des coûts de production des lignes de bus opérées en dehors du réseau de la RATP, IDFM est engagée dans un processus d'ouverture à la concurrence de ses réseaux de transports qui doit s'étaler sur près de vingt ans.

Source : IDFM

Le calendrier de l'ouverture à la concurrence des lignes opérées par la RATP est prévu par l'article L1241-6 du code des transports. La mise en concurrence doit intervenir :

- avant le 31 décembre 2024 pour les lignes de bus, le transport scolaire, le transport à la demande et le transport de personnes à mobilité réduite ;

- avant le 31 décembre 2029 pour les tramways ;

- avant le 31 décembre 2039 pour les métros et RER A et B.

Le calendrier d'ouverture à la concurrence des lignes qui relèvent de SNCF Voyageurs est quant à lui prévu à l'article L1241-7-1 du même code :

- avant le 31 décembre 2032 pour les Transiliens ;

- entre le 1er janvier 2033 et le 31 décembre 2039 pour les RER C et D ;

- entre le 1er janvier 2025 et le 31 décembre 2039 pour le RER E.

Les nouvelles lignes du GPE seront quant à elles directement mises en concurrence.

Calendrier prévisionnel de la mise en concurrence
des lignes ferroviaires gérées par IDFM

Source : IDFM

IDFM escompte pouvoir réaliser à terme des gains de performance moyens de l'ordre de 15 à 20 % grâce aux processus d'ouverture à la concurrence en cours, les économies pouvant même aller jusqu'à 30 % pour certains postes de coûts133(*). SNCF Voyageurs estime que les coûts de production de l'activité Transilien pourraient être réduits de 10 % à la faveur de l'ouverture à la concurrence.

C. UNE HAUSSE TERRITORIALISÉE DES TAUX PLAFONDS DU VERSEMENT MOBILITÉ STRICTEMENT CONDITIONNÉE AU DÉVELOPPEMENT D'UNE NOUVELLE OFFRE CONSISTANTE

Le rendement tiré du versement mobilité représente déjà plus de 50 % des recettes de fonctionnement d'IDFM. À norme constante, du fait de la dynamique de l'assiette de cette imposition, son rendement pourrait progresser de 25 % d'ici à 2030 pour une recette annuelle supérieure à 6,5 milliards d'euros.

Aujourd'hui, les dispositions législatives de l'article L2531-4 du code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoient l'application de trois plafonds de taux différents en Île-de-France. Dans le cadre des développements à venir de l'offre de transports en Île-de-France il apparaît légitime qu'IDFM puisse définir, après des concertations approfondies avec l'ensemble des acteurs économiques franciliens, des zones territoriales sur lesquelles les taux plafonds pourraient être réévalués de façon modérée.

Ces réévaluations, limitées dans leur ampleur comme dans leur localisation, devront être strictement conditionnées à la création d'une offre de transport nouvelle susceptible de bénéficier très directement aux salariés des entreprises sur le territoire desquelles les taux pourraient être relevés. Ce conditionnement strict sera garanti, sur le modèle de l'obligation qui incombe aux AOM locales conformément aux dispositions du CGCT134(*), par l'impératif d'énumérer précisément dans la délibération d'IDFM prévoyant l'augmentation du taux de VM, les nouveaux services de transport qui légitiment ladite réévaluation.

Pour ne pas alourdir excessivement la fiscalité sur le tissu économique francilien qui contribue déjà très significativement au financement des transports de la région, ces réévaluations resteraient contenues dans la perspective d'un rendement d'un peu plus de 200 millions d'euros par an équivalent à un rehaussement moyen de 0,1 point des plafonds actuels.

D. MOBILISER LA SOCIÉTÉ DU GRAND PARIS À HAUTEUR DE 180 MILLIONS D'EUROS PAR AN

Le modèle économique de la Société du Grand Paris (SGP) inclut à ce jour une rémunération prévue à l'article 20 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris. Cette redevance d'infrastructure est due par IDFM au titre de l'usage des lignes du GPE. Ses modalités doivent être précisées dans un décret en Conseil d'État qui n'a toujours pas été publié à ce jour. Néanmoins, le protocole du 26 janvier 2011 entre l'État et la région Île-de-France, support de l'accord politique ayant présidé au lancement du projet, a fixé le plafond de cette redevance à 0,8 % du coût total d'investissement du projet, soit 280 millions d'euros par an à compter de 2026.

En 2019, la direction de la législation fiscale (DLF) avait considéré que l'hypothèse de diminution de cette redevance était susceptible de remettre en cause l'assujettissement de la SGP à la TVA. Dans un tel cas de figure, la SGP ne serait plus en mesure de déduire la TVA sur ses dépenses de construction, ce qui conduirait à un accroissement considérable du coût du projet.

La direction de la législation fiscale (DLF) estimait à l'époque qu'il était nécessaire de maintenir cette redevance à un niveau susceptible de couvrir, sur la durée totale d'amortissement, au moins 50 % des coûts d'investissements, soit au moins 250 millions d'euros pour une durée d'amortissement de 70 ans. Toutefois, les nouvelles analyses juridiques menées dans le cadre de la mission récente de l'IGF et de l'IGEDD sur les perspectives financières d'IDFM conduisent à considérer que ce ratio de 50 % « n'a pas de base juridique ni jurisprudentielle précise ». Il avait été déterminé de façon conservatrice pour prémunir la SGP de risques de contentieux. Le rapport de la mission conclut que cette rémunération pourrait être réduite de moitié sans que cela n'occasionne de risque juridique avéré. La décision visant à réduire la redevance à 140 millions d'euros permettra à IDFM d'économiser 700 millions d'euros entre 2026 et 2030.

Par ailleurs, et avant même la mise à disposition des nouvelles lignes, IDFM se voit également imputer les coûts de pré-exploitation du Grand Paris Express. La charge annuelle afférente avoisine les 40 millions d'euros. Le transfert de ces coûts à la SGP permettrait de dégager 300 millions d'euros de financements cumulés pour IDFM d'ici 2030.

Ces deux mesures conduiront à allonger d'une dizaine d'années la durée d'amortissement de la dette de la SGP. Cependant, ces dernières années, à la faveur de sa stratégie d'émission de dette qui lui a permis de bonnes conditions de marché, la SGP a réduit l'horizon de l'amortissement total de sa dette de la même durée. Celui-ci est en effet passé de 2070 à 2060 selon les dernières projections.

Incidences sur la situation financière d'IDFM d'une diminution de 50 %
du montant de la redevance due à la SGP et d'un transfert à cette dernière
des coûts de pré-exploitation des lignes du Grand Paris Express

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

À la faveur des différentes recommandations formulées par les rapporteurs, le besoin de financement prévisionnel d'IDFM d'ici à 2030 pourra être couvert dans les conditions décrites dans le tableau synthétique ci-après.

Recommandation n° 20 : remettre à plat le modèle de financement d'IDFM par la mobilisation de leviers complémentaires en :

- augmentant les taux plafonds de versement mobilité de manière territorialisée et strictement conditionnée au développement de nouvelles offres de transport ;

- réduisant de moitié la redevance annuelle due par IDFM à la Société du Grand Paris et transférer à cette dernière les coûts de pré-exploitation du Grand Paris Express.

Couverture des besoins de financement prévisionnels d'IDFM

Besoin de financement prévisionnel en fonctionnement jusqu'en 2030

Solutions de financement à mobiliser

Montants cumulés prévisionnels de financement à prévoir jusqu'en 2030

Besoin de financement : près de 10 milliards d'euros

Dynamique des recettes et dépenses à norme constante.

Diminution des péages ferroviaires

3,6 milliard d'euros

Nouvelles taxes et déplafonnement territorialisé des taux de VM

1,5 milliard d'euros

Taxe de séjour hébergements « haut de gamme »

1,2 milliard d'euros

Affectation d'une part du produit des enchères de quotas carbone

1,3 milliard d'euros

Allègement de 50% du remboursement des avances « covid »

1 milliard d'euros

Mobilisation de la SGP

1 milliard d'euros

Source : commission des finances du Sénat

CONCLUSION

Pour que l'indispensable choc d'offre des mobilités du quotidien devienne une réalité, le modèle économique des AOM doit être réformé en profondeur, d'une part à travers de nouvelles sources de financements structurelles destinées à couvrir les besoins en matière de fonctionnement et, d'autre part, de façon plus ponctuelle, pour accompagner les investissements à réaliser dans le cadre de cette transition.

Toutefois, avant même de se préoccuper des ressources nouvelles à affecter aux AOM, plusieurs leviers d'optimisation des coûts de production des transports du quotidien doivent être activés. Les opérateurs de transport comme les gestionnaires d'infrastructures doivent faire leur part du chemin. Dans le domaine des services ferroviaires conventionnés de voyageurs, l'ouverture à la concurrence offre des perspectives d'économies très significatives. L'aboutissement des premières procédures d'appels d'offres TER nous en ont donné un premier aperçu. Toujours en matière ferroviaire, les gains de productivité de SNCF Réseau dépendront largement de la modernisation du réseau ferroviaire, un impensé que l'État a trop longtemps remisé aux « calendes grecques » et dont les modalités de financement restent à ce jour inconnues en dépit des annonces faites par la Première ministre en février dernier.

L'optimisation des dépenses des AOM passera aussi par des aménagements visant à augmenter la vitesse de circulation des transports collectifs ainsi que par l'intégration systématique des nouvelles opportunités offertes par la révolution numérique des transports, notamment à travers le développement de la logique de « Maas ».

Les fonds publics considérables nécessaires à la transition des mobilités du quotidien doivent être employés de la façon la plus optimale, ce qui suppose d'une part de concentrer le déploiement de nouvelles offres là où les gisements de réduction d'émissions de GES sont les plus importants et, d'autre part d'opter pour les solutions économiquement les plus efficientes en raisonnant selon le principe du coût de la tonne d'émission de CO2 évitée. Ce principe conduit notamment à privilégier le développement de services de cars express pour raccorder les agglomérations à leurs zones périphériques et périurbaines.

La coopération entre AOM ainsi que leur regroupement sur des périmètres pertinents, idéalement à l'échelle du bassin de mobilité, doivent être incités, à la fois dans une logique d'efficience économique mais également dans une perspective de péréquation locale permettant d'irriguer les zones rurales en services de transports.

Alors que la loi Savary de 2016 prévoyait un système d'échanges de données susceptibles d'améliorer très sensiblement l'efficacité de la lutte contre la fraude dans les transports en commun, il n'est pas acceptable que le Gouvernement n'ait toujours pas pu faire aboutir le décret permettant d'appliquer cette disposition. Si l'administration s'est engagée à le faire sans délais, les rapporteurs s'assureront que cet engagement n'est pas une nouvelle « promesse en l'air » au détriment des AOM.

Par-delà les nécessaires économies à réaliser, il apparaît que des sources de financement existantes, qui auraient, de par leur vocation, toute légitimité à contribuer au financement des transports collectifs du quotidien ne sont actuellement fléchées, de façon peu compréhensible, que de façon extrêmement marginale vers les AOM. Il s'agit notamment du fonds vert et des certificats d'économies d'énergie (CEE). Il est indispensable que, dans les années à venir, ces deux dispositifs soient mobilisés pour contribuer aux financements des investissements liés au choc d'offre des transports en commun du quotidien.

Parce que la transition écologique est une cause nationale et que c'est lui qui s'est engagé au niveau international à atteindre des objectifs de lutte contre les changements climatiques, l'État ne peut s'exonérer de ses responsabilités. Au-delà des effets d'annonce qui ont ponctué ces dernières années, il doit ainsi réellement ériger la mobilité du quotidien en priorité nationale et la réinvestir pleinement, y compris d'un point de vue financier. Ce réengagement de l'État devra notamment passer par un allègement des remboursements des avances qu'il a accordées aux AOM en réponse aux conséquences de la crise sanitaire, par des dotations ciblées sur la mobilité en zone rurale, par la création d'un Fonds pour la transition écologique des transports du quotidien abondé par une part du produit des mises aux enchères de quotas carbone permettant de financer un accompagnement d'au moins 1 milliard d'euros en faveur du renouvellement des flottes de bus urbains, et par une prise en charge de la régénération et de la modernisation du réseau ferré dans le but de réduire drastiquement le coût des péages ferroviaires.

Le versement mobilité constitue une ressource absolument indispensable au financement de la mobilité du quotidien. Cependant, la part qu'il représente dans ce financement étant déjà élevée, toute perspective d'augmentation de ses taux plafonds devra être strictement conditionnée au développement de nouvelles offres de transports susceptibles de bénéficier aux entreprises concernées. Pour ce faire, il convient de donner aux AOM la faculté de moduler le taux de versement mobilité par zone à l'intérieur de leur territoire. Par ailleurs, et afin de corriger une lacune manifeste de la LOM et d'assurer un financement local structurel aux communautés de communes qui se sont saisies des compétences d'AOM, il apparaît nécessaire de les autoriser à lever du versement mobilité, et ce, y compris dans l'hypothèse où elles ne déploient pas de service régulier de transport public de voyageurs.

À l'heure de la transition écologique, et du nécessaire report modal vers les modes de transports moins émetteurs en CO2, les prix modérés des transports publics du quotidien en France constituent un atout qui doit être préservé pour amplifier les bénéfices attendus du choc d'offre. Intéressants, les systèmes de tarification solidaire susceptibles d'accroître le report modal parmi les ménages fragiles doivent être financés au titre de politique sociale des collectivités qui décident de les déployer.

Pour boucler les besoins de financement des AOM d'ici 2030 et concrétiser l'objectif d'un développement de l'offre de transports collectifs du quotidien d'au moins 20 % à cet horizon, de nouvelles sources de financement doivent nécessairement être mobilisées.

L'affectation d'une part d'accise sur les énergies (l'ancienne TICPE), répartie entre AOM selon un principe de péréquation, pourra ainsi se combiner avec une taxation des sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) avec, à terme, une perspective de substitution de la première par la seconde. Une majoration de la taxe de séjour ciblée sur les hébergements « haut de gamme » ainsi que des taxes sur les plus-values immobilières générées par les nouvelles offres de transports et sur les livraisons liées au commerce en ligne permettront également de dégager de nouvelles ressources structurelles pour couvrir le besoin en fonctionnement des AOM.

En ce qui concerne les besoins d'investissements associés au choc d'offre, la création de sociétés de projets alimentées par de la fiscalité locale affectée, la mobilisation de l'épargne populaire par un grand emprunt, des dotations de l'État et de nouveaux appels à projets de l'AFIT-France ou encore des financements tirés du fond vert et des certificats d'économies d'énergie permettront de compléter les capacités d'emprunt des AOM et les subventions d'investissements de leurs membres.

Parce que sa situation est à part dans le paysage des AOM françaises, le règlement de la situation financière d'IDFM impose des mesures complémentaires qui passeront notamment par une mobilisation de la Société du Grand Paris (SGP).

Ce n'est qu'en opérant cette profonde refondation du modèle de financement des AOM que nous pourrons collectivement franchir une étape à la fois décisive dans la transition écologique de nos modes de vie et très concrète dans le quotidien de chacun.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 4 juillet 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a entendu une communication de MM. Hervé Maurey et Stéphane Sautarel, rapporteurs de la mission d'information sur les modes de financement des autorités organisatrices de la mobilité (AOM).

M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons nos travaux avec la présentation du rapport de la mission d'information sur les modes de financement des autorités organisatrices de la mobilité (AOM).

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. - Comment financer le choc d'offre des mobilités du quotidien attendu par nos concitoyens et indispensable au respect de nos engagements climatiques ? C'est avec une grande humilité que nous partageons nos constats et nos recommandations, car, si tous les acteurs reconnaissent que les AOM se trouvent au pied d'un mur de dépenses à venir, en investissement comme en fonctionnement, les données précises en la matière sont difficiles à obtenir. De plus, si beaucoup appellent à remettre complètement à plat le modèle de financement actuel, jusqu'à présent personne n'a été en mesure de proposer une vraie réforme globale et opérationnelle.

Malgré ces réserves et ces difficultés, et peut-être même plus encore du fait de celles-ci, cette mission d'information s'imposait, tant les faisceaux d'éléments dont nous disposons convergent pour rendre impératif le développement massif des mobilités du quotidien, aux conséquences considérables sur les dépenses prévisionnelles des AOM, en investissement comme en fonctionnement.

Sans chercher à être exhaustif, je citerai les impératifs de la transition écologique et de nos engagements climatiques, qui supposent d'augmenter l'offre d'au moins 20 % d'ici à 2030, la mise en place des zones à faibles émissions (ZFE), la nécessité de raccorder efficacement les zones périphériques et périurbaines aux agglomérations, le développement de solutions de mobilité en zones rurales dans une perspective d'équité territoriale, la rénovation de réseaux anciens, notamment de tramways, le développement des projets de réseaux express régionaux (RER) métropolitains, rebaptisés depuis « services express régionaux métropolitains », et bien entendu le retour d'un contexte d'inflation qui se manifeste d'autant plus fortement dans le secteur des transports en raison des difficultés de recrutement et du coût de l'énergie. Cette liste, incomplète, illustre le défi financier colossal qui attend les AOM dans les années à venir.

Au moins 100 milliards d'euros : telle est la hauteur du mur d'investissements qui se dresse devant les AOM d'ici à 2030. Les besoins des AOM locales et régionales pourraient avoisiner les 60 milliards d'euros, 30 milliards d'euros pour les dépenses d'investissement et autant pour les dépenses de fonctionnement. S'agissant de l'augmentation de ces dernières, le choc d'offre pourrait coûter 18 milliards d'euros aux AOM locales et 11 milliards d'euros aux AOM régionales.

Pour Île-de-France Mobilités (IDFM), le mur dépassera les 50 milliards d'euros, avec 30 milliards d'euros d'investissements et 20 milliards d'euros de majoration des dépenses de fonctionnement.

Au vu de telles prévisions, il apparaît clairement que le modèle de financement actuel n'est plus adapté, car il ne permettra pas de financer ce choc d'offre. Le financement des AOM locales repose aujourd'hui sur un triptyque déjà sous tension, qui ne suffira pas à absorber le mur de nouvelles dépenses à venir. La moitié de ce financement est assurée par les entreprises, essentiellement par l'intermédiaire du versement mobilité, spécificité nationale qui constitue le pilier essentiel du financement des mobilités du quotidien en France ; les collectivités locales contribuent, quant à elles, à environ 30 % des dépenses, tandis que la part des usagers dans le financement est inférieure à 20 %.

Habituellement, l'État ne contribue que marginalement, à hauteur d'environ 2 %, au financement des AOM locales, essentiellement au moyen des appels à projets de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) destinés à cofinancer les infrastructures de réseaux de transports collectifs en site propre. Depuis 2020, pour les accompagner face à la crise sanitaire puis inflationniste, l'État a attribué des aides exceptionnelles aux AOM. Cependant, le choix de recourir à des avances plutôt qu'à des subventions n'est pas sans conséquence sur l'endettement et la situation financière des AOM, réduisant leurs capacités d'intervention au moment même où elles doivent considérablement développer leurs offres.

Alors qu'en prenant en compte la dynamique naturelle des recettes à norme constante le besoin de financement en fonctionnement des AOM locales devrait avoisiner 10 milliards d'euros d'ici à 2030, le modèle de financement actuel sera insuffisant.

Le financement des 30 milliards d'euros de dépenses d'investissement des AOM locales présente aussi de nombreuses incertitudes, en raison notamment des négociations européennes actuelles concernant l'interdiction de vente des bus thermiques, y compris ceux fonctionnant au gaz naturel pour véhicule (GNV). La Commission européenne, soutenue par le Gouvernement, souhaite en fixer l'échéance à 2030 ; outre que l'opérationnalité même de cette date est contestée, cette dernière constitue une véritable « épée de Damoclès » pour les AOM, qui seraient exposées à une forte inflation de leurs dépenses d'investissement. Alors même que, de façon difficilement compréhensible, le Gouvernement abandonne les AOM dans ces négociations, il ne leur propose aucun concours financier en contrepartie.

Actuellement, malgré les avertissements du Sénat lors de l'examen de la loi d'orientation des mobilités (LOM), les grands oubliés du système de financement des mobilités du quotidien restent les zones rurales. Cette situation ne peut pas perdurer. Au nom de l'équité territoriale, et pour ne pas continuer de pénaliser le pouvoir d'achat de leurs habitants, l'assignation à résidence de ces territoires doit être levée, ce qui implique de leur attribuer des financements.

Aujourd'hui, les régions ne disposent d'aucune ressource dédiée pour financer la hausse prévisionnelle de 11 milliards d'euros des dépenses de fonctionnement qu'elles consacrent à leurs missions d'AOM. Alors que leur mode de financement reste très flou à ce stade, la construction du modèle économique des RER métropolitains devra éviter de reproduire l'erreur du Grand Paris Express : il faut prendre en compte dès à présent les dépenses d'exploitation que ces projets vont occasionner.

S'il a pris le parti contestable d'intégrer dans ses hypothèses initiales une indexation du passe Navigo sur l'inflation, ce qui conduit à réduire artificiellement le besoin réel de financement d'IDFM à norme constante, le récent rapport de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de l'environnement et du développement durable a confirmé que l'AOM francilienne se trouve dans une impasse financière, qui se traduit par un besoin de financement cumulé de près de 10 milliards d'euros d'ici à 2030.

M. Hervé Maurey, rapporteur. - Pour chacun des périmètres des AOM locales, régionales et francilienne, les prévisions de dépenses nécessaires au choc d'offre devant être déployé d'ici à 2030 imposent une profonde refonte des modèles de financement. Tel est le sens des recommandations que nous vous soumettons, qui s'articulent en six axes majeurs.

Tout d'abord, nous recommandons d'améliorer la performance économique des transports du quotidien. Avant même de réfléchir à réformer le modèle de financement des AOM, il convient de s'intéresser aux dépenses et d'actionner tous les leviers susceptibles de dégager des économies, encore très insuffisamment mobilisés. Il existe un gain potentiel de performance du côté des opérateurs de transport, notamment de la SNCF, dont l'activation pourra être stimulée par les processus en cours d'ouverture à la concurrence.

Des marges de manoeuvre doivent également être considérées du côté des gestionnaires d'infrastructures, au premier rang desquels SNCF Réseau. À l'occasion de la présentation de notre rapport d'information sur la situation de la SNCF et ses perspectives en mars 2022, nous avions présenté un ensemble de recommandations visant à améliorer la performance de SNCF Voyageurs et de SNCF Réseau, qui doivent, selon nous, être appliquées d'urgence pour que la compétitivité des services conventionnés de transport ferroviaire, trains express régionaux (TER) et Transilien, se rapproche enfin des standards européens.

Par ailleurs, des marges d'économie et de productivité existent au niveau de la lutte contre la fraude : le Gouvernement n'a toujours pas publié un décret d'application de la loi Savary, pourtant promulguée il y a plus de sept ans. Ces marges représentent plusieurs dizaines de millions d'euros pour les seules AOM locales et régionales, voire jusqu'à 300 millions d'euros si l'on prend en compte tout le périmètre des transports dont la grande vitesse.

Un deuxième axe consiste à mobiliser des ressources existantes. Plusieurs d'entre elles, notamment le fonds vert et les certificats d'économies d'énergie (CEE), ont vocation à être affectées à des projets environnementaux, mais ne sont que très marginalement orientées vers les transports en général et vers les AOM en particulier. C'est incompréhensible : il faut flécher une part de ces ressources vers les investissements des AOM. Selon ce principe, 300 millions des 2 milliards d'euros de crédits du fonds vert auraient pu être affectés aux AOM, ainsi qu'environ 750 millions d'euros par an au titre des CEE.

Le troisième axe de nos recommandations vise à consacrer des moyens budgétaires nationaux pour que la mobilité du quotidien devienne vraiment une priorité. Contrairement à ce qui se passe ailleurs en Europe, l'État ne participe que de façon marginale au financement des mobilités du quotidien ; il nous paraît essentiel qu'il érige celles-ci comme de véritables priorités. Il ne suffit pas de l'affirmer, comme il le fait régulièrement : il faut aussi concrétiser ces affirmations par des mesures budgétaires à la hauteur des enjeux.

Nous proposons ainsi une réforme des péages ferroviaires, destinée à nous aligner sur les systèmes qui existent ailleurs en Europe, ce qui apporterait aux régions un bol d'air de près de 8 milliards d'euros d'ici à 2030.

Nous suggérons également un allégement des remboursements des avances versées dans le cadre de la crise sanitaire, pour un bénéfice de 300 millions d'euros en faveur des AOM locales et de 1 milliard d'euros pour Île-de-France Mobilités.

Nous souhaitons également des dotations ciblées de 100 millions d'euros par an vers les zones rurales, jusqu'en 2030, pour résoudre l'équation financière à laquelle sont confrontées les AOM.

Le rapporteur général a eu l'occasion de signaler, dans son rapport sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2022, que les rendements croissants des mises aux enchères des quotas d'émissions carbone n'étaient que très insuffisamment orientés vers la transition écologique, en contradiction avec les obligations européennes. Nous proposons ainsi d'en affecter 3,5 milliards d'euros à un fonds pour la transition écologique des transports du quotidien, qui flécherait au moins 1 milliard d'euros de cette somme à une aide au verdissement des flottes de bus des AOM.

Le quatrième axe de nos recommandations tend à consolider le modèle existant : nous proposons, selon des zonages décidés par les AOM, d'autoriser des déplafonnements territorialisés des taux du versement mobilité, strictement conditionnés à des développements de l'offre de transports. Il nous semble aussi nécessaire, comme le Sénat l'avait voté dans la LOM, d'autoriser les AOM rurales qui n'organisent pas de services réguliers de transport public à pouvoir lever le versement mobilité à des taux moins importants. Ces évolutions pourraient dégager 1,5 milliard d'euros de financements supplémentaires pour les AOM locales d'ici à 2030, et autant pour IDFM.

Le cinquième axe a trait à la création de nouvelles recettes. Nous proposons de compléter le modèle de financement actuel par de nouvelles taxes sur les plus-values immobilières créées par les offres de transports et sur les livraisons liées au e-commerce, dont la pertinence économique fait l'objet d'un large consensus.

Il nous semble aussi nécessaire de majorer la taxe de séjour sur les hébergements haut de gamme pour en affecter le produit aux AOM. Le rendement annuel prévisionnel d'une telle majoration pourrait atteindre 200 millions d'euros en Île-de-France, et autant pour le reste de la France.

Une affectation d'une fraction du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) répartie entre AOM dans une logique de péréquation viendrait compléter la couverture des besoins de financement en fonctionnement des AOM. Elle s'ajouterait à l'affectation aux AOM d'une nouvelle taxe sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes qui, d'après les estimations gouvernementales, pourrait dégager un rendement cumulé d'au moins 2 milliards d'euros d'ici à 2030. Comme le rendement de la TICPE est appelé à diminuer, cette baisse serait compensée à terme par une augmentation de la taxation des sociétés concessionnaires d'autoroutes, qui pourrait être revue à l'échéance des concessions en cours.

Nous recommandons aussi la création d'un grand emprunt destiné à la transition des mobilités du quotidien. Nous considérons que les enjeux à la fois globaux et de proximité de cette transition seront de forts leviers pour mobiliser l'épargne populaire.

Enfin, notre sixième axe de recommandations concerne des propositions complémentaires pour Île-de-France Mobilités, qui bénéficiera largement de ces premières mesures, à hauteur de 8 milliards d'euros d'ici à 2030. Cependant, sa situation particulière exige de prendre des dispositions spécifiques, qui passent notamment par une mobilisation de la Société du Grand Paris (SGP) à hauteur de 180 millions d'euros par an, principalement au moyen d'une diminution de la redevance devant lui être versée par Île-de-France Mobilités à compter de 2026.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - J'avais pensé à ce thème de travail lors de notre débat sur Île-de-France Mobilités dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances, pour deux raisons. D'une part, l'organisation et le financement des transports dans Paris et la région parisienne sont des sujets majeurs. D'autre part, le système, aujourd'hui contraint et enserré, sera soumis à des injonctions contradictoires, avec des ressources insuffisantes. Il n'y a pas de solution évidente, et il faut réfléchir.

Selon leurs recommandations, les rapporteurs proposent, pour trouver des ressources, d'ajouter des contributions nouvelles. Cela nous rappelle nos débats de 2017 autour de feu la taxe carbone, la « contribution climat-énergie ». En définitive, un mauvais coup a été porté avec la volonté d'accélérer cette taxe carbone dans le seul objectif d'obtenir plus de rentrées fiscales, et nous avons doublement joué perdant : nous avons conclu à l'arrêt de cette taxe, et depuis cette date le sujet n'a pas été repris. Il faut innover. De nombreuses pistes intéressantes viennent d'être proposées : il faut imaginer des solutions, mais elles ne seront jamais faciles à mettre en oeuvre.

Il faut aussi trouver des équilibres entre Paris et les autres territoires - métropoles, agglomérations, territoires ruraux peu denses. Les auditions et le rapport montrent le retour de la question des cars, qui ont été largement réduits, mais peuvent constituer une solution. Votre excellent rapport met sur la table de nombreuses pistes. Je vous invite à anticiper les arbitrages douloureux que nous devrons faire lors du prochain projet de loi de finances : il ne me semble pas que nous pourrons mettre en oeuvre l'ensemble des solutions proposées dans un délai aussi rapide. Ce débat doit en tout cas nous permettre de diffuser ces solutions, en regardant les comptes de la France et des collectivités territoriales.

M. Roger Karoutchi. - J'aurais aimé que le rapport insiste sur la responsabilité de l'État. L'idée du Grand Paris Express, lancée sous Nicolas Sarkozy, poursuivie sous François Hollande et Emmanuel Macron, était simple : pour couvrir les dépenses d'investissement de ce système de desserte extrêmement lourd et coûteux, créer la Société du Grand Paris, en réalité financée par des taxes complémentaires pesant sur les Franciliens, sans que les dépenses de fonctionnement ne soient en aucun cas prévues. Résultat : l'État a lancé un grand projet, les Franciliens ont financé l'investissement, mais les dépenses de fonctionnement augmenteront au fur et à mesure que les lignes nouvelles seront transférées à IDFM, sans augmentation supplémentaire, pour le moment, du passe Navigo. En conséquence, IDFM manquera clairement de moyens financiers dans les prochaines années, alors qu'en même temps on lui demande de renouveler les matériels, de prolonger les lignes, de rénover les stations. Sincèrement, avec quel argent ?

L'une des pistes immédiates consiste à réduire la redevance d'IDFM envers la SGP, qui est actuellement de 280 millions d'euros par an. Vous proposez de la réduire de moitié, mais je serai tenté de proposer de la supprimer entièrement, puisqu'à terme, ce sera de toute façon IDFM qui paiera tout ! La SGP pourrait envisager que le remboursement global soit allongé de quelques décennies : rappelons-nous que le remboursement des travaux du métro a pris un siècle...

Je suis d'accord pour une majoration de la taxe de séjour, mais soyons francs : par rapport au mur d'investissements devant nous, les mesures proposées sont très insuffisantes. Pour IDFM, je ne vois pas d'autre solution financière immédiate que la prise en charge par l'État d'au moins une partie des coûts de fonctionnement qu'il a imposés, ou que de demander à la SGP une solution de remboursement plus longue.

Dans notre assemblée, lorsqu'il a été question d'augmenter les taux du versement mobilité, il n'y a pas eu d'unanimité ; remettre à plat la carte de ses taux en Île-de-France représente un travail titanesque.

Ce rapport propose des éléments de solution, et met toutes les questions sur la table. Il faut maintenant le courage politique d'aller jusqu'au bout.

M. Charles Guené. - Je remercie les rapporteurs de leur étude exhaustive. Dans le monde rural, les problèmes de mobilité n'ont pas la même signification qu'ailleurs. La possibilité d'un versement mobilité, même modique, dans les zones rurales reculées ne devrait pas conduire à faire encore cotiser les entreprises en zones rurales, sans qu'elles ne bénéficient de rien. Lorsque nous avons discuté du transfert de la compétence AOM et de son financement, tout le monde a botté en touche.

La plupart des solutions proposées font appel à la dépense publique, or nous sommes fortement contraints de ce côté. Vous avez indiqué que la part de financement par les usagers est inférieure à 20 %, mais dans mon territoire, elle est plutôt de 50 %, car les gens prennent leur voiture et paient tout. Avez-vous interrogé les financeurs des mobilités au sujet de la possibilité d'augmenter la participation des usagers ? Avez-vous fait un parangonnage pour savoir quel budget, chez nos voisins, les usagers consacrent à leur mobilité quotidienne ?

M. Marc Laménie. - Je remercie les rapporteurs de leur travail impressionnant. Vous avez remis en 2022 un rapport sur la SNCF, qui comportait de nombreuses propositions de fond. Qu'en est-il du lien entre ce travail antérieur et celui-ci ?

Vous mentionnez l'absence de financement des réformes de la LOM de 2019. Qu'en est-il de la suite de ce texte ?

Pour financer les dépenses d'investissement à hauteur de 30 milliards d'euros d'ici à 2030, plusieurs pistes existent, faisant notamment intervenir des dotations de l'État. Pourriez-vous préciser quelles pourraient être ces dotations ?

Par ailleurs, nous ne parlons plus de la navigation. Avec Voies navigables de France (VNF), nous avions échangé pour défendre la création de barrages sur la Meuse, dans le cadre de partenariats public-privé (PPP). De tels partenariats peuvent-ils constituer une piste ?

Enfin, les zones rurales restent les grandes oubliées du secteur des déplacements du quotidien. Certes, elles concernent moins de monde, mais les habitants y sont tributaires des voitures. Quelles pistes pourraient-elles être tracées à ce sujet ?

M. Michel Canévet. - Je remercie à mon tour les rapporteurs de leur travail important : les mobilités sont un sujet de premier rang au vu des nécessités de la transition énergétique.

Comme Charles Guené, je m'interroge sur les modalités de participation financière aux dépenses de fonctionnement. Les recettes commerciales en représentent moins de 20 %, et plus les transports seront développés, plus le déficit de fonctionnement croîtra. Est-il raisonnable, comme le font certaines collectivités, de supprimer totalement la contribution des usagers ? Faudra-t-il au contraire l'augmenter ?

Pour beaucoup, il faudrait recourir à l'État. Mais je crains que cette hypothèse n'affronte nos volontés de réduction significative du déficit de l'État : on ne peut à la fois le réduire et demander des dépenses supplémentaires.

Le rapport propose néanmoins des pistes intéressantes pour laisser une plus grande marge de manoeuvre aux collectivités territoriales. Peut-être ne faut-il pas un système uniforme, mais une boîte à outils dans laquelle les AOM pourraient puiser. En Île-de-France, il est évident que la plus-value immobilière réalisée en raison du transport est essentielle : il semble donc logique qu'une partie de cette plus-value soit affectée à ceux qui réalisent l'infrastructure de transport.

Mme Christine Lavarde. - Je remercie également les rapporteurs qui ont réalisé de nombreuses auditions.

La recommandation n° 6 vise à cibler les aides à la mobilité électrique dans les zones rurales ; il serait utile de circonscrire cette aide aux zones rurales situées en ZFE. Se pose tout de même un problème de mobilisation des crédits. Le véritable problème des ZFE concerne tous ceux qui, ne pouvant se rendre dans la zone centre en transport en commun, risquent d'en être exclus. Une personne habitant en zone rurale loin d'une ZFE et possédant une voiture polluante n'est pas directement soumise au même risque d'exclusion. Aujourd'hui, le problème des ZFE et de la mobilité électrique me semble avant tout concerner les métropoles.

De plus, la création d'un plan d'épargne mobilités pourrait être articulée avec celle du plan d'épargne avenir climat (Peac), que nous avons voté récemment. Il ne faut pas multiplier les outils : nous avons émis des critiques assez fortes sur l'ambition du Gouvernement de collecter 1 milliard d'euros grâce à ce plan d'épargne, et nous avons voulu qu'il finance la décarbonation, dans une acception plus large que celle qui est prévue par le Gouvernement.

Sur le versement mobilité et l'augmentation des taxes, il faudrait éviter de demander toujours aux mêmes...

M. Gérard Longuet. - Je m'associe aux compliments adressés à nos rapporteurs, d'autant que le sujet est d'une complexité effrayante. Une anecdote : j'ai présidé l'Afit France pendant une dizaine d'années, et j'ai présidé la région Lorraine, organisatrice de transports, pendant douze ans. Le TER absorbait environ 60 % des subventions accordées aux transports collectifs, alors que 4 % de la population y recourait.

Le secteur est d'une extrême sensibilité. Les AOM défendent des structures qu'elles connaissent, qu'elles maîtrisent et qu'elles dupliquent, mais ne se remettent jamais en cause sur le plan des technologies, de l'organisation ou de la tarification.

Je souhaiterais trouver dans le rapport des analyses comparatives de la question sur l'ensemble du territoire. Il y a un vrai problème français. Tout au long de ma carrière, j'ai observé la métropolisation de notre pays ; dans tout le pays, les métropoles ont phagocyté les villes moyennes et les petites villes, sans même parler du monde rural, totalement exsangue. Lorsque j'étais président de l'Afit France, nous avons financé des réseaux de tramways qui font la fierté de toutes les métropoles les ayant inaugurés. Les dépenses d'investissement (Capex - Capital Expenditures) et les dépenses d'exploitation (Opex - Operational Expenditures) sont tout simplement dissuasives, et absorbent la quasi-totalité des capacités financières de ces collectivités.

Il faut donc une approche plus régionale. Nous devrions disposer d'une typologie indiquant ce que paie l'usager pour accéder au travail, distinguant ce qu'il paie directement par lui-même et ce qu'il paie indirectement par l'impôt. Les malheureux automobilistes paient la moitié de leur réservoir en taxes, tandis que les heureux utilisateurs de transports en commun, dans les régions, paient entre 10 % et 20 % du coût de leur transport.

Une analyse technologique doit permettre d'obtenir des systèmes de transport plus souples, comme l'automobile partagée ou les transports automatiques en site partagé. Nous devons faire preuve de davantage d'imagination pour nous adapter aux besoins spécifiques du marché des transports sur notre territoire très diversifié.

Enfin, le coût de l'immobilier est lié à celui des transports. L'immobilier parisien est horriblement cher, et les transports, horriblement coûteux. Qui paie in fine ? Les Franciliens, riches sans le savoir, ne profitent pas de leur patrimoine. Mais la recommandation des rapporteurs semble pertinente, car les équipements créent de la richesse en matière de bassins d'emplois, et sont donc des facteurs de développement.

Nous avons le sentiment que ce très bon rapport tire le signal d'alarme sur les AOM telles qu'elles existent. En liaison avec la commission compétente rationae materiae, il faudrait poser la question de l'égalité française en matière de développement du territoire, et des effets des plus-values externalisées par les réseaux de transports, collectifs ou individuels, ces derniers constituant souvent la réponse la plus simple.

Je vous rappelle que pour quatre passagers du TER, il y a un membre du personnel de la SNCF à temps plein. Le système est forcément coûteux. Quelques exceptions existent, dans des zones de très forte densité, comme le RER B ou la ligne 13, qui enchantait Mme Kosciusko-Morizet. Mais dans le reste de la France, telle est la proportion, en moyenne.

M. Rémi Féraud. - Nous reconnaissons tous le mur de financements devant les AOM, mais aussi la multitude des pistes de financement possibles. J'espère que ce rapport sera pédagogique, tant pour le Gouvernement que pour la majorité sénatoriale, et que l'on s'en souviendra durant l'examen du prochain projet de loi de finances (PLF). Je me félicite également que vous ne reteniez pas pour seule solution le fait de faire davantage payer l'usager.

La question de l'Île-de-France est spécifique ; les pistes proposées vont au-delà des frontières idéologiques, sont d'une nécessité absolue et relèvent du bon sens. Il s'agit d'une augmentation éventuellement territorialisée du versement mobilité, en dehors même des relations financières entre SGP et Île-de-France Mobilités. La majoration de la taxe de séjour et la participation accrue du tourisme au financement des transports sont également indispensables pour prévoir le financement des dépenses de fonctionnement, oublié quand l'État pensait aux dépenses d'investissement, comme l'a justement dit M. Karoutchi.

Enfin, pour que la gauche puisse voter ce rapport sans trop de réserves, pourquoi avoir introduit sans raison le thème de l'immigration ? Vous voulez de toute manière supprimer l'aide médicale de l'État (AME), il n'est donc pas nécessaire de supprimer les avantages bien modestes auxquels elle donne droit ! Valérie Pécresse s'est heurtée depuis des années à la suppression du demi-tarif accordé aux étrangers en situation irrégulière bénéficiaires de l'AME, car cela demande de modifier la loi. Sans rapporter un euro à Île-de-France Mobilités, cela occasionnerait plus de fraudes et les personnes déjà en difficulté utiliseraient moins les transports. Si cette recommandation était enlevée, nous pourrions volontiers voter ce rapport.

M. Pascal Savoldelli. - Je partage la dernière remarque de M. Féraud. Le périmètre des auditions est remarquable : je félicite les rapporteurs de leur travail pointu et serré.

Même si je m'oppose à la suppression du demi-tarif pour les personnes en situation irrégulière, d'autant plus si cette mesure est spécifique pour l'Île-de-France, je partage d'autres recommandations : le déplafonnement territorialisé du versement mobilité est une très bonne approche, d'autant que, même si nos votes ont été différents, nous venons de supprimer les impôts de production. Les entreprises de onze salariés et plus peuvent convenir d'une petite contribution, car elles sont bien conscientes que leur niveau de productivité est lié à la qualité des transports de leurs salariés et collaborateurs.

Nous partageons entièrement le soutien à l'acquisition de véhicules propres en zones rurales, mais c'est vrai partout ! Nous sommes dans la civilisation des mobilités, et il faut des véhicules propres pour toutes les personnes, sans zoner selon le lieu d'habitation.

Même si on enlève la suppression du demi-tarif pour les étrangers bénéficiaires de l'AME, je m'abstiendrai : peut-être que je me trompe, mais nous verrons si l'ouverture à la concurrence permet des gains de performance de 20 % à 30 % sur tout le territoire national. On fait souvent des comparaisons avec d'autres pays, mais en Grande-Bretagne, les résultats n'ont pas été si fameux...

M. Daniel Breuiller. - Je demande également que le demi-tarif pour les bénéficiaires de l'AME ne soit pas supprimé : nous aurons le débat sur l'AME à d'autres occasions.

Le rapport, très bien construit, vise à ce que personne ne soit délaissé au sujet des mobilités. Chers collègues, je vous parie que la mise en concurrence favorisera les lignes rentables au détriment de celles qui ne le sont pas, ce qui posera un problème d'aménagement du territoire. Certains avancent qu'il sera possible de réinvestir d'un côté ce qu'on aura économisé de l'autre, mais j'en doute.

En lisant le rapport, je me suis dit qu'il y a un problème dans les choix des infrastructures pour l'Île-de-France : la SGP ne construit que des lignes de métro, alors que pour au moins deux d'entre elles, le métro n'est pas justifié par la desserte. Un métro, c'est dix fois le coût d'un tramway. On n'étudie jamais les solutions low-cost alors qu'elles sont souvent utiles.

Je m'interroge sur les territoires ruraux. Dans d'autres pays, les taxis collectifs permettent d'aller d'une ville à l'autre ; ce covoiturage amélioré, c'est du low-cost qui fonctionne très bien. Le rapport pourrait mentionner que les solutions à moindre coût ne sont pas forcément mauvaises, et que les solutions hypertechnologiques ne sont pas forcément les meilleures. Tous les élus veulent le plus beau métro, le plus beau tramway, mais de temps en temps, le plus efficace reste le meilleur.

M. Didier Rambaud. - Je salue à mon tour le travail des deux rapporteurs. Lors des auditions, nous avons ressenti que les AOM sont aujourd'hui malades, qu'elles ne sont pas bien financées, alors même que nous sommes encore au pied du mur d'investissements.

Je retire tout de même une certaine frustration des nombreuses auditions menées, qui n'ont pas vraiment permis d'identifier de nouvelles pistes de financement. Le rapport soulève quelques pistes de nouvelles recettes mais à mon sens ce ne sont pas elles qui aideront les AOM à relever le défi.

Il faut préserver les financements existants. Veillons à ne pas tomber dans certains pièges ou écueils : la part des usagers doit être maintenue, et la gratuité est une fausse bonne idée, même s'il faut aller vers une tarification sociale - j'en profite pour condamner à mon tour la suppression du demi-tarif des bénéficiaires de l'AME en situation irrégulière.

La recette la plus dynamique est le versement mobilité. Au moment où les régions vont contractualiser avec l'État sur le volet mobilités, le fait de partager cette somme pourrait être dommageable pour les AOM. De nombreux territoires périurbains et ruraux n'osent pas entrer dans les AOM parce que leurs entreprises seraient soumises au versement mobilité : il faut donc opérer une différenciation et un zonage des versements mobilité à l'intérieur des AOM. Les entreprises, et derrière elles les élus locaux, n'accepteront de payer qu'à condition qu'il y ait une offre de transport nouvelle.

Mme Sylvie Vermeillet. - Je remercie à mon tour les deux rapporteurs de la qualité de leur rapport. Une chose m'échappe : Élisabeth Borne a annoncé, en février 2023, 100 milliards d'euros pour le transport ferroviaire d'ici à 2040, où passe ce financement de 6 milliards d'euros par an ? Entre le financement de l'État, celui des régions et les contributions diverses, je ne vois pas comment les choses s'articulent...

Quelle est votre philosophie en matière d'impôt sur le transport ? Je rejoins Gérard Longuet : un automobiliste paiera plus d'impôt que celui qui prend les transports collectifs. Si l'on prévoit une baisse des recettes de la TICPE avec la fin de l'utilisation du carburant, vous proposez une plus grande taxation des sociétés autoroutières. Je n'y suis pas opposée, mais pourquoi ne pas envisager une taxation des véhicules électriques ? Le carburant a été taxé bien avant d'être considéré comme polluant. Pourquoi ne pas considérer un report d'imposition sur d'autres modes de déplacement, polluants ou non ?

M. Jean-Michel Arnaud. - L'essentiel du débat a été posé. Aussi, je ne poserai qu'une question technique. Vous avez évoqué le versement mobilité pour les entreprises comme pour les employeurs de onze salariés et plus. Cela n'est pas exactement la même chose, puisque l'économie sociale et solidaire ou les collectivités locales pourraient être concernées. Pourriez-vous préciser les choses ?

M. Claude Raynal, président. - À mon tour de féliciter les auteurs du rapport, qui ont repris un amendement que j'avais déposé, sans succès, sur l'augmentation du versement mobilité en cas d'investissements majeurs.

M. Hervé Maurey, rapporteur. - Nous avons auditionné une trentaine de personnes ; je remercie les commissaires d'avoir souligné l'étendue de notre travail. Nous avons travaillé pour évaluer la hauteur du mur, la violence du choc, et arriver à ce chiffre de 100 milliards d'euros - le rapport détaille la méthodologie suivie.

Monsieur Canévet, il est vrai qu'on ne peut pas en même temps dépenser 100 milliards d'euros et chercher à réduire le déficit budgétaire, mais nous avons des obligations en matière de transition écologique qui sont imposées par les engagements internationaux de la France. Nous avons d'ailleurs peut-être tendance à faire trop de zèle, sans attribuer les financements nécessaires en retour : comme Stéphane Sautarel l'a fait remarquer, nous sommes dans le camp de ceux qui veulent anticiper la fin du recours au moteur thermique, GNV compris, pour les cars et les autobus...

Monsieur Rambaud, pour chaque catégorie d'AOM, nous avons essayé d'avoir, en face de l'évaluation des dépenses, celle des recettes et des ressources possibles pour financer le choc d'investissements. Notre dernière audition était celle de Clément Beaune ; nous avons senti qu'il n'était pas complètement fermé à certaines de nos propositions.

Je rejoins le rapporteur général sur la taxe carbone, qui n'était pas une mauvaise chose, mais que nous avons détruite en n'affectant pas cette fiscalité écologique à la transition.

Monsieur Karoutchi, vos propos sur la responsabilité de l'État sont d'autant plus vrais qu'Édouard Philippe a pris des engagements écrits pour dire que le fonctionnement du Grand Paris Express ne pouvait pas seulement revenir à la charge d'Île-de-France Mobilités.

Concernant le financement de la mobilité en zone rurale, le Sénat n'a pas voté la LOM dans la version du Gouvernement ou dans celle qui était issue des travaux de l'Assemblée nationale, car nous n'avons pas voulu d'un transfert de compétences aux communautés de communes sans ressources supplémentaires. Nous avions proposé à l'époque un bouquet de recettes, que nous reprenons dans nos recommandations. Il faut donner aux collectivités la possibilité de créer un versement mobilité, même en l'absence de transport collectif régulier, et leur affecter une part de TICPE, pour que les territoires ruraux aient les moyens de financer cette compétence.

Monsieur Guené, tout le monde n'a pas botté en touche lors de la LOM, car le Sénat avait fait des propositions qui n'ont pas été retenues. Nous n'avons pas retenu l'idée de faire payer davantage l'usager, car augmenter les tarifs n'inciterait pas les gens à passer à la mobilité collective, douce, ou à prendre moins leur voiture. La participation du voyageur est certes plus faible en France que dans d'autres pays, et n'a cessé de diminuer au fil des années, mais il faut par ailleurs prendre en compte le versement mobilité.

Monsieur Laménie, j'ai répondu sur le financement de la LOM. Les partenariats public-privé peuvent être une piste. Nous avons cherché à financer ainsi une ligne ferroviaire, mais il est trop tôt pour dresser un bilan. Nous verrons ce que cela donne...

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. - J'ajoute que nous avons été guidés par l'idée de ne pas perdre de vue l'objectif d'accroître le report modal. Notre position, notamment sur la route, n'est pas fermée, car il y a toujours la possibilité d'accélérer le report modal par l'usage de solutions qui peuvent sembler low-cost, mais qui sont parfois plus immédiates.

Il semble y avoir un paradoxe quant aux besoins considérables pour financer cette transition, alors que nous avons déjà des difficultés à financer l'existant. Cela ressort clairement des auditions : durant les dix ans à venir, nous devrons faire des efforts substantiels pour répondre au mur d'investissements et au choc de l'offre. Pour cette raison, nous avons cherché à apporter plusieurs réponses, dans un souci d'équilibre entre les financeurs. À titre d'exemple, la possibilité de majoration du versement mobilité au-delà du taux plafond serait strictement conditionnée à une amélioration de l'offre de services et au maintien d'une contribution de l'usager. Pour clarifier le modèle de financement des AOM, nous proposons d'isoler les subventions versées par les collectivités territoriales visant à financer les dispositifs de tarification solidaire, dont la mise en place relève des libertés locales. À nos yeux, ces dépenses doivent relever de la politique d'action sociale de la politique des transports stricto sensu. Nous avons également tenté de limiter les effets budgétaires pour l'État. Certes, nous proposons des affectations de ressources, mais l'effort budgétaire de l'État porte essentiellement sur un aspect, que nous assumons totalement, car nous l'avions déjà mentionné dans notre rapport d'information de 2022 sur la SNCF : la révision des redevances des péages ferroviaires, anomalie française que nous proposons de corriger. Cette seule réponse permettrait aux AOM régionales d'être à la hauteur de l'enjeu.

Monsieur Karoutchi, la suppression intégrale de la redevance due par IDFM à la SGP aurait un impact fiscal pour cette dernière en remettant en cause sa capacité à déduire la TVA.

Madame Lavarde, les mobilités électriques peuvent constituer une réponse pour les zones rurales sans transport collectif. L'objectif est bien évidemment de répondre aux personnes qui vivent en marge des ZFE, pour qu'elles ne soient pas exclues. Nous sommes d'accord pour articuler plus globalement un projet de plan d'épargne mobilité au plan d'épargne avenir climat.

Monsieur Longuet, nous partageons nombre de vos remarques. Il faut apporter des réponses localisées, et faire le bilan entre ceux qui paient des impôts et ceux qui bénéficient des subventions publiques : les bassins de mobilité, mis en place par la loi LOM, seront au nombre de 280, et permettront de territorialiser davantage les choses, pour une politique plus harmonieuse.

Monsieur Féraud, le dernier alinéa de notre dernière recommandation est marginal : la suppression du demi-tarif n'est pas le coeur du rapport, et l'économie représentée est estimée à 30 millions d'euros, ce qui n'est pas énorme par rapport au mur d'investissements. Nous sommes prêts à supprimer cette proposition pour obtenir un vote unanime sur nos recommandations.

Monsieur Savoldelli, nous avons un premier retour d'expérience sur l'ouverture à la concurrence en France et, y compris lorsque SNCF Mobilités remporte les appels d'offres, un gain de productivité d'au moins 20 % a pu être constaté.

Monsieur Breuiller, nous n'avons pas beaucoup développé les solutions low-cost dans notre propos, mais cette idée est reprise dans notre rapport où nous développons l'intérêt de solutions telles que le car, le covoiturage ou encore le transport à la demande en milieu rural.

Monsieur Rambaud, nous ne préconisons en rien une affectation du versement mobilité aux régions ; pour elles nous privilégions la révision du système de péage ferroviaire, qui leur permettra de réaliser d'importantes économies.

Concernant les 100 milliards d'euros qui ressortent du rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI) et qui ont été repris par la Première ministre, nous nous félicitons que ce chiffre des besoins de financement de la SNCF, que nous avions identifié en mars 2022 dans notre rapport sur la SNCF, ait été repris par le président Farandou, puis par Mme Borne. Une partie de ces 100 milliards d'euros se retrouve dans le mur d'investissements dont nous parlons.

Au sujet de la taxation des véhicules électriques, nous avons choisi de ne pas étudier maintenant cette piste, pour ne pas envoyer de signal négatif. Il pourrait s'agir d'un financement relais ultérieur.

Monsieur Arnaud, nos propositions de modification des plafonds du versement mobilité concernent toutes les entités assujetties au versement mobilité, et donc non seulement des entreprises, mais d'autres acteurs concernés.

Enfin, l'amendement du président Raynal est repris dans nos propositions, de même que la proposition du rapporteur général sur l'affectation du produit de la mise aux enchères des quotas carbone.

Le dernier alinéa de la recommandation n° 20 est supprimé.

Les recommandations, ainsi modifiées, ont été adoptées et la commission a autorisé la publication du rapport de la mission d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

- M. Clément BEAUNE, ministre délégué chargé des transports.

Direction du budget

- M Laurent PICHARD, sous-directeur à la 4ème sous-direction ;

- M. Frédéric DE CARMOY, chef du bureau des transports.

Groupement des autorités responsables de transports (GART)

- M. Louis NÈGRE, président (maire LR de Cagnes sur mer) ;

- M. Guy LE BRAS, directeur général ;

- Mme Florence DUJARDIN, responsable du pôle observatoire des réseaux de transport, statistiques et analyse économique.

Direction générale des collectivités locales (DGCL)

- Mme Cécile RAQUIN, directrice générale.

Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM)

- M. Thierry COQUIL, Directeur général ;

- Mme Claire BARITAUD, sous-directrice de la MINT (sous-direction multimodalité, innovation, numérique et territoires).

Intercommunalités de France

- Mme Isabelle de WAZIERS, vice-présidente de la communauté de communes Somme Sud-Ouest ;

- Mme Carole ROPARS, responsable du pôle environnement et aménagement ;

- Mme Montaine BLONSARD, responsable des relations avec le Parlement.

Île-de-France Mobilités (IDFM)

- Mme Valérie PÉCRESSE, présidente ;

- M. Laurent PROBST, directeur général.

Union des transports publics et ferroviaires (UTP)

- Mme Marie-Ange DEBON, présidente du conseil d'administration de l'union des transports publics et ferroviaires (UTP) et présidente du directoire du groupe Keolis ;

- Mme Stéphanie LOPES AZEVEDO, directrice des affaires économiques, technique et prospective ;

- M. Jean-Philippe PEUZIAT, directeur des affaires publiques.

France urbaine

- M. François REBSAMEN, maire de Dijon et président de Dijon métropole ;

- M. Alexandre MOURIER, chef de cabinet de M. Rebsamen ;

- Mme Sarah BOU SADER, conseillère relations parlementaires.

SNCF Voyageurs

- M. Antoine de ROCQUIGNY, secrétaire général de SNCF Voyageurs ;

- M. Bruno SOUCHON, directeur de cabinet adjoint du PDG de SNCF Voyageurs ;

- Mme Laurence NION, conseillère parlementaire.

Transdev

- M. Édouard HÉNAUT, directeur général France ;

- M. Laurent MAZILLE, directeur affaires publiques.

Association des maires de France (AMF) 

- M. Sylvain LAVAL, co-président de la commission transport ;

- Mme Louise LARCHER, conseillère transport et urbanisme ;

- Mme Charlotte de FONTAINES, chargée des relations avec le Parlement.

Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV)

- M. Jean-Sébastien BARRAULT, président ;

- Mme Ingrid MARESCHAL, déléguée générale.

Régie autonome des transports parisiens (RATP)

- M. Jean-Yves LECLERCQ, directeur financier du groupe et membre du Comex ;

- M. Julien LAURENT, directeur des affaires publiques.

Eurométropole de Strasbourg

- Mme Pia IMBS, présidente ;

- M. Jérôme MARCHAL, directeur de cabinet.

Fédération nationale des associations d'usagers de transports (FNAUT)

- M. Bruno GAZEAU, président ;

- M. Alain RICHNER, vice-président, responsable du réseau mobilité urbaine ;

- M. François DELETRAZ, membre du bureau national.

Régions de France

- M. Philippe BAILBÉ, délégué général ;

- M. David HERRGOTT, conseiller transports ;

- M. Maximilien GUALA, stagiaire sur les problématiques de financement des mobilités.

Autorité de régulation des transports (ART)

- M. Jordan CARTIER, secrétaire général ;

- M. Olivier SALESSE, directeur de la régulation sectorielle des transports 1 (Transport ferroviaire et RATP) ;

- M. Fabien COULY, directeur de l'observation des marchés (Études, services numériques de mobilité).

Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT-France)

- M. Patrice VERGRIETE, président ;

- Mme Katrin MOOSBRUGGER, secrétaire générale ;

- Sandrine DE LAHONDES, sous-directrice du budget, de la synthèse stratégique et de l'appui aux services, DGITM ;

- Mme Claire BOUCHART, directrice adjointe, cabinet de M. Vergriete, Ville et Communauté Urbaine de Dunkerque ;

- M. Guillaume DECLERCQ, chargé de mission ;

- Mme Soyoung LEE, stagiaire INSP.

Institut économique pour le climat (I4CE)

- Mme Morgane NICOL, directrice territoires.

Société du Grand Paris (SGP)

- M. Jean-François MONTEILS, président du directoire ;

- M. Frédéric BRÉDILLOT, membre du directoire ;

- M Deniz BOY, directeur délégué aux relations parlementaires.

Association française du rail (AFRA)

- M. Alexandre GALLO, président ;

- M. Laurent MAZILLE, administrateur (directeur des affaires publiques Transdev) ;

- M. Franck TUFFEREAU, délégué général ;

Rapports

- M. Philippe DURON, auteur du rapport de juillet 2021 sur le modèle économique des transports collectifs ;

- M. Pierre-Yves APPERT, rapporteur du rapport de juillet 2021 sur les modèles économiques des transports collectifs.

Table ronde 1 : chercheurs dans le domaine des transports

- M. Yves CROZET, membre du laboratoire aménagement économie transports (LAET), professeur émérite à Sciences Po Lyon ;

- M. Jean COLDEFY, directeur du programme mobilité et transitions ATEC ITS France, président du think tank de l'union routière de France (URF) ;

- M. Philippe POINSOT, Membre du Laboratoire Ville Mobilité Transport (LVMT), maître de conférences à l'Université Gustave Eiffel.

Table ronde 2 : l'équilibre économique et le financement des services TER

- M. Nicolas QUINONES-GIL, directeur général adjoint du pôle mobilités, infrastructures et ports ;

- M. Jean-Luc GIBELIN, vice-président aux mobilités pour toutes et tous infrastructures de transports ;

- M. Jean-Pierre SERRUS, vice-Président en charge des transports et de la mobilité durable.

Table ronde 3 : les enjeux de la tarification des services de transport des AOM

- M. Bruno BERNARD, président de la Métropole de Lyon et de SYTRAL Mobilités ;

- M. Sylvain LAVAL, président, vice-président de Grenoble-Alpes Métropole, co-président de la commission transports, mobilité, voirie de l'AMF ;

- M. Fabien DUPREZ, directeur général adjoint en charge des mobilités, directeur général du syndicat des mobilités Pays Basque Adour ;

- M. Geoffrey BATS, chargé de la tarification au syndicat des mobilités Pays Basque-Adour.

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Mouvement des entreprises de France (MEDEF) ;

Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) ;

Départements de France ;

Agence de la transition écologique (ADEME) ;

Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) ;

Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) ;

Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ;

La Banque des territoires.

ANNEXES

ANNEXE 1 :
COURRIER ADRESSÉ PAR LE PREMIER MINISTRE ÉDOUARD PHILIPPE AUX RAPPORTEURS DU PROJET DE LOI D'ORIENTATION DES MOBILITÉS LE 8 JUILLET 2019

ANNEXE 2 :
COURRIER ADRESSÉ PAR LA MINISTRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOLIDAIRE ELISABETH BORNE AUX PRÉSIDENTS DES COMMISSIONS PERMANENTES DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE ET DU SÉNAT COMPÉTENTES EN MATIÈRE DE TRANSPORT ET AUX RAPPORTEURS DU PROJET DE LOI D'ORIENTATION DES MOBILITÉS
LE 10 JUILLET 2019

ANNEXE 3 :
COURRIER ADRESSÉ PAR LE PREMIER MINISTRE
À LA PRÉSIDENTE D'IDFM LE 21 JANVIER 2020


* 1 Gaz naturel pour véhicules.

* 2 Environ 70%.

* 3 Le programme de stabilité 2023-2027 d'avril 2023 prévoit une inflation de 4,9 % en 2023, 2,6 % en 2024, 2 % en 2025 puis 1,75 % jusqu'à la fin de la décennie.

* 4 Soit le périmètre des AOM de province hors AOM régionales.

* 5 Entre 2008 et 2022, les AOM locales avaient investi 25 milliards d'euros dans les mobilités du quotidien.

* 6 Dont 20 milliards d'euros au titre du seul matériel roulant.

* 7 Fonctionnement et investissement.

* 8 Hors emprunt.

* 9 Hypothèse d'une augmentation des dépenses de fonctionnement en volume de 20 %.

* 10 Hypothèse d'une augmentation des dépenses de fonctionnement en volume de 25 %.

* 11 Dans une hypothèse d'augmentation en volume des dépenses de fonctionnement de 25 % et d'une stagnation des recettes commerciales et des contributions versées par les collectivités.

* 12 Rapport sur les perspectives financières d'IDFM, IGF et IGEDD, mai 2023.

* 13 Mobility as a service.

* 14 La loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.

* 15 Qui pourrait générer jusqu'à 30 milliards d'euros de recettes additionnelles cumulées jusqu'en 2030.

* 16 Sénateurs membres de la mission d'information : Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Daniel Breuiller, Isabelle Briquet, Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Emmanuel Capus, Rémi Féraud, Charles Guené, Jean-François Husson, Marc Laménie, Christine Lavarde, Dominique de Legge, Hervé Maurey (rapporteur) Thierry Meignen Didier Rambaud, Claude Raynal, Stéphane Sautarel (rapporteur), Pascal Savoldelli.

* 17 Qui doivent être intégrés par voie d'avenant pour la période 2023-2027.

* 18 Fondées sur les enquêtes annuelles transports collectifs urbains (TCU).

* 19 Directeur du programme Mobilité et transitions de l'organisation ATEC ITS France.

* 20 Les aires urbaines en général représentent 60 % des émissions de CO2 relatives à la mobilité quotidienne des personnes.

* 21 Règlement (UE) 2019/1242 du Parlement Européen et du Conseil du 20 juin 2019 établissant des normes de performance en matière d'émissions de CO 2 pour les véhicules utilitaires lourds neufs et modifiant les règlements (CE) no 595/2009 et (UE) 2018/956 du Parlement européen et du Conseil et la directive 96/53/CE du Conseil.

* 22 Rapport sur le modèle économique des transports collectifs, Philippe Duron, juillet 2021.

* 23 Rapport d'information n° 313 au nom de la délégation sénatoriale à la prospective (1) sur les mobilités dans les espaces peu denses en 2040 : un défi à relever dès aujourd'hui, janvier 2021

* 24 De nombreuses lignes de tramway ont été inaugurées entre 1995 et 2010.

* 25 À titre d'exemple, une rame de tramway a une durée de vie moyenne de trente ans.

* 26 Lille, Sillon Lorrain - Luxembourg, Strasbourg, Mulhouse - Bâle, Lyon, Grenoble, Nice, Toulon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Rennes et Rouen.

* 27 Brest, Angers, Tours, Caen, Le Mans, Orléans, Reims, Dijon, Besançon, Clermont-Ferrand, Saint-Etienne, Chambéry, Montpellier, et le projet Pays Basque - San Sebastian - Béarn.

* 28 Notamment des investissements de modernisation et de désaturation des infrastructures ferroviaires et des gares.

* 29 Hors IDFM et AOM régionales.

* 30 Fondées sur les enquêtes annuelles transports collectifs urbains (TCU).

* 31 Le programme de stabilité 2023-2027 d'avril 2023 prévoit une inflation de 4,9 % en 2023, 2,6 % en 2024, 2 % en 2025 puis 1,75 % jusqu'à la fin de la décennie.

* 32 Dans l'hypothèse d'une augmentation des dépenses de fonctionnement en volume de 20 % d'ici 2030.

* 33 Dans l'hypothèse d'une augmentation des dépenses de fonctionnement en volume de 25 % d'ici 2030.

* 34 Source : Régions de France, chiffres clés des régions 2021.

* 35 Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

* 36 Comment remettre la SNCF sur rail ? Modèle économique de la SNCF et du système ferroviaire : il est grand temps d'agir, Rapport d'information n° 570 (2021-2022) de MM. Hervé Maurey et Stéphane Sautarel, fait au nom de la commission des finances, 9 mars 2022.

* 37 Cette situation s'explique notamment par la diminution du trafic de fret qui ne s'est pas traduite par des baisses d'effectifs au sein de SNCF Réseau.

* 38 SNCF Réseau, des réformes à approfondir, Cour des comptes, décembre 2018.

* 39 D'après l'association française des gestionnaires d'infrastructures ferroviaires indépendants (AGIFI), sur les tronçons de voie qui ont été délégués à des gestionnaires d'infrastructure ferroviaire privés, le coût de maintenance de ces gestionnaires demeure inférieur aujourd'hui aux coûts de maintenance qui avaient été anticipés par SNCF Réseau au moment du lancement des appels d'offre.

* 40 Investir plus et mieux dans les mobilités pour réussir leur transition, COI, décembre 2022.

* 41 Les régions Sud, Grand-Est, Hauts-de-France, Pays de la Loire, Bourgogne-Franche-Comté, Auvergne-Rhône-Alpes et Normandie.

* 42 La ligne Marseille-Nice.

* 43 Le lot dit « étoile de Cannes ».

* 44 Avis n° 2023-008 du 9 février 2023 relatif à la fixation des redevances d'utilisation de l'infrastructure du réseau ferré national pour les horaires de service 2024 à 2026.

* 45 C'est-à-dire les AOM de province hors AOM régionales.

* 46 Pour 687 rames.

* 47 Réalisées par SNCF Voyageurs.

* 48 À partir de 2016.

* 49 Selon un mix 75 % GNV / 25 % électrique.

* 50 TCSP Massy Saclay, Eve et Sénia-Orly, Câble 1, T Zen 4 et 5, des tramways T1, T4, T7, T9, T10, T12 et T13 phases 1 et 2.

* 51 Accessibilité, intermodalité, information voyageurs, billettique, sécurité, etc.

* 52 Rapport sur le développement des lignes de cars express en Île-de-France, François Durovray, avril 2023.

* 53 Pour la création d'une vingtaine de lignes nouvelles et le renforcement de vingt autres.

* 54 En 2020 pour la RATP et en 2021 pour SNCF Voyageurs.

* 55 Les opérateurs collectent les recettes tarifaires pour le compte d'IDFM qui les inscrits à son compte de résultat.

* 56 Le ressort territorial de l'AOM peut aujourd'hui couvrir une population inférieure à 10 000 habitants si le territoire comprend une ou plusieurs communes classées communes touristiques.

* 57 Depuis la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, les communes ne peuvent plus être AOM, cette compétence ne pouvant désormais plus être exercée que par les intercommunalités ou, le cas échéant, les régions. Cette loi a toutefois permis aux communes dotées d'un réseau de transport urbain communal avant le 1er juillet 2021 de le conserver ainsi que le versement mobilité si elle le levait auparavant.

* 58 Source : Eurostat.

* 59 Cour des comptes, Les finances publiques locales 2022, fascicule 1, Juillet 2022.

* 60 Observatoire des finances et de la gestion publiques locales, Pré-rapport annuel 2023.

* 61 Article 113 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 62 Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 63 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 64 Loi n°2020-1473 du 30 novembre 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 65 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 66 Arrêté du 18 avril 2023 relatif à la mise en oeuvre d'une aide exceptionnelle de 100 millions d'euros aux autorités organisatrices de la mobilité, visées à l'article L. 1231-1 du code des transports, en faveur des services publics de transport en commun (hors Ile-de-France).

* 67 Dans l'hypothèse d'une augmentation des dépenses de fonctionnement en volume de 20 % d'ici 2030.

* 68 Dans l'hypothèse d'une augmentation des dépenses de fonctionnement en volume de 25 % d'ici 2030.

* 69 Pour le calcul de l'évolution des dépenses en valeur, les hypothèses d'inflation retenues sont celles du programme de stabilité 2023-2027 d'avril 2023.

* 70 Dans l'hypothèse d'une augmentation des dépenses de fonctionnement en volume de 20 % d'ici 2030.

* 71 Dans l'hypothèse d'une augmentation des dépenses de fonctionnement en volume de 25 % d'ici 2030.

* 72 Pour le calcul de l'évolution des dépenses en valeur, les hypothèses d'inflation retenues sont celles du programme de stabilité 2023-2027 d'avril 2023.

* 73 Pour le calcul de l'évolution des dépenses en valeur, les hypothèses d'inflation retenues sont celles du programme de stabilité 2023-2027 d'avril 2023.

* 74 Observatoire des finances et de la gestion publiques locales, Rapport annuel 2022.

* 75 Les chiffres de cet observatoire se basent sur un panel de 1 175 collectivités locales, pour un encours dépassant les 100 milliards d'euros.

* 76 Observatoire Société et consommation, « Qui sont les gilets jaunes, leurs soutiens et leurs opposants ? », Rapport d'analyse, février 2019.

* 77 Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités.

* 78 Source : ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, dossier de presse « Le Fonds vert accélère la transition écologique dans les territoires : découvrez les premiers lauréats », avril 2023.

* 79 D'après le dossier de presse relatif aux premiers lauréats du fonds vert du mois d'avril 2023.

* 80 Les 14 fiches de ce guide sont consultables sur le site internet du Cerema en suivant ce lien.

* 81 Source : Régions de France, chiffres clés des régions 2021.

* 82 Observatoire des finances et de la gestion publiques locales, Pré-rapport annuel 2023.

* 83 Après une phase de convergence progressive amorcée en 2017.

* 84 Montant estimé par la Cour des comptes dans son rapport public annuel 2022.

* 85 En Allemagne, la mise en oeuvre récente du Deutschlandticket à 49 euros par mois sur l'ensemble du territoire change cependant la donne.

* 86 C'est-à-dire le ratio recettes tarifaires - dépenses d'exploitation rapporté par voyage.

* 87 En comparaison avec la trajectoire prévisionnelle qui avait été établie dans le rapport de juin 2019 de la mission commune IGF et CGEDD relatif à l'évaluation du modèle économique du Grand Paris Express en phase d'exploitation.

* 88 Au mois de février 2023, le trafic avait atteint 90 % de son niveau de 2019.

* 89 Article L312-40 du code des impositions des biens et services.

* 90 202 millions d'euros prévus en 2023.

* 91 Qui représentait 12 % de l'encours de dette d'IDFM en 2022.

* 92 Présenté en annexe 3 du présent rapport.

* 93 Dans un rapport de 2019 sur la gestion des ressources humaines de la SNCF.

* 94 Elle en conclue que le levier de l'organisation du travail à la SNCF est porteur « d'importants gisements de gains de productivité ». Cet accord offre en effet des conditions d'activité très avantageuses au personnel relativement à ce qui peut être pratiqué dans d'autres pays. À titre d'exemple, un agent roulant de la Deutsche Bahn réalise plus de 230 jours de service par an contre 211 pour un agent français.

* 95 Dans son rapport précité sur la gestion des ressources humaines de la SNCF.

* 96 Dans son rapport précité de 2019 sur la gestion des ressources humaines de la SNCF.

* 97 Investir plus et mieux dans les mobilités pour réussir leur transition, COI, décembre 2022.

* 98 La dernière version de ce guide intitulé « voies structurantes d'agglomération, aménagement des voies réservées aux véhicules de transport en commun » date du mois de mars 2023.

* 99 Retours d'expérience Cars Express, comité scientifique France Mobilités, août 2020.

* 100 Analyse comparée des tarifications régionales de l'offre de transport interurbaine, 2021.

* 101 Le syndicat mixte SRU peut prélever un versement mobilité additionnel (VMA) dans une aire urbaine d'au moins 50 000 habitants et dans les communes multipolarisées des grandes aires urbaines, au sens de l'INSEE, dès lors que ce syndicat inclut au moins la principale autorité compétente pour l'organisation de la mobilité. Ce taux ne peut pas dépasser 0,5 %.

* 102 La loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.

* 103 Dans son dixième rapport annuel publié en avril 2022.

* 104 Conformément aux dispositions de la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen.

* 105 Les redevances de marché et d'accès.

* 106 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'efficacité énergétique, COM/2021/558 final, procédure en cours.

* 107 Source : Rapport sur les voies et moyens (Tome 1) annexé au projet de loi de finances pour 2023.

* 108 Article 116 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 109 D irective n° 2003/87/CE du 13 octobre 2003 établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la communauté européenne (directive SCEQE), article 10.3.

* 110 Article 29 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 111 La suppression de la part régionale de la cotisation sur la valeur ajoutée à compter de 2021 a été prévue par l'article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021. La suppression des parts départementales et communales pour moitié en 2023 et pour la totalité en 2024 a été prévue par l'article 55 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 112 Article L. 2333-66 du code général des collectivités territoriales.

* 113 Article 103.

* 114 Article L. 312-40 du code des impositions sur les biens et services.

* 115 Article 116 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 116 Article L. 5211-21 du code général des collectivités territoriales.

* 117 Article L. 2531-17 du code général des collectivités territoriales.

* 118 Article 76 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 119 Gilles Carrez, Rapport sur les ressources de la Société du Grand Paris, juillet 2018.

* 120 Article 10 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris.

* 121 Article 64 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement.

* 122 Article 31 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010.

* 123 Article 20 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

* 124 Dans la théorie économique, une externalité désigne une situation dans laquelle le comportement d'un agent affecte le bien-être d'un autre agent sans contrepartie.

* 125 Institut Paris Région, Financement de l'exploitation des transports collectifs en Île-de-France, mars 2023.

* 126 Amendement n° I-1082, présenté par M. le Sénateur Daniel Salmon et plusieurs de ses collègues.

* 127 Conversion réalisée grâce au Convertisseur franc-euro accessible sur le site Internet de l'Insee.

* 128 « La France en état d'apesanteur financière : retrouver des repères pour préparer la sortie de crise », Rapport d'information n° 549 (2008-2009) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances du Sénat, 8 juillet 2009.

* 129 Destinée à couvrir les charges d'exploitation.

* 130 Dont une remise commerciale de 180 millions d'euros en 2023.

* 131 La gestion des ressources humaines de la RATP, Cour des comptes, janvier 2021.

* 132 L'organisation professionnelle des transports d'Île-de-France qui regroupe les entreprises privées qui exploitent les lignes régulières de bus en Île-de-France en dehors du réseau opéré par la RATP.

* 133 D'après les éléments cités dans le rapport Mobilités en Île-de-France de l'Institut Montaigne de juin 2022.

* 134 À son article L2333-66.

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