B. L'ATTRIBUTION AUX AOM DE NOUVELLES RESSOURCES FISCALES

La nécessité de faire face aux besoins financiers précédemment identifiés pour développer l'offre de transports du quotidien implique d'attribuer aux AOM de nouvelles ressources fiscales, libres d'emploi pour celles-ci.

1. Une affectation d'une part du produit de l'assise sur les énergies (ex-TICPE), répartie selon une logique de péréquation
a) Une ressource cohérente au regard des missions des AOM

En premier lieu, les rapporteurs proposent de transférer aux AOM locales de province une fraction du produit de l'accise sur les énergies (ex-TICPE).

L'accise sur les énergies

(ex-taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques)

L'accise sur les énergies (ex-taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques [TICPE]) est régie par les articles L. 312-1 à L. 312-107 du code des impositions sur les biens et les services.

Elle est acquittée par les metteurs à la consommation lors de l'importation, à la sortie de l'entrepôt fiscal suspensif (sortie du régime de suspension d'accise) ou lors de la détention en dehors d'un régime de suspension de l'accise lorsque l'accise n'a été acquittée ni sur le territoire de taxation ni sur celui des autres États membres de l'Union européenne.

Son produit est obtenu par l'application de tarifs exprimés en euros par megawattheure (MWh) qui varient selon les énergies.

En 2023, les tarifs normaux (sous réserve de taux réduits, tarifs particuliers et exonérations sectorielles) utilisés pour les produits énergétiques à usage carburants sont :

- pour les gazoles : 59,4 euros/MWh ;

- pour les carburéacteurs : 59,481 euros/MWh ;

- pour les essences : 76,826 euros/MWh ;

- pour le gaz de pétrole liquéfiés carburant : 16,208 euros/MWh.

S'agissant des produits énergétiques à usage combustible, les tarifs normaux sont :

- pour les fiouls lourds : 12,555 euros/MWh ;

- pour les fiouls domestiques : 15,62 euros/MWh ;

- pour les pétroles lampants : 15,686 euros/MWh ;

- pour le gaz de pétrole liquéfiés combustibles : 5,189 euros/MWh.

Source : commission des finances du Sénat

Cette solution s'inscrit dans la continuité de la position du Sénat qui avait déjà entendu, lors de l'examen du projet de LOM, transférer une part de cette même imposition aux communautés de communes exerçant la compétence d'AOM. Les rapporteurs préconisent cependant ici de mobiliser cet instrument pour l'ensemble des AOM de province, quel que soit le statut de l'intercommunalité.

Une telle affectation participerait du renforcement de l'acceptabilité sociale de la fiscalité écologique, grâce à un fléchage sur des dépenses favorables à l'environnement. La « mission Duron » avait déjà recommandé de recourir à cet instrument pour financer les AOM, considérant qu'il ne serait pas illégitime que la fiscalité issue de la route puisse venir, dans une logique de transition écologique des mobilités, financer le développement des transports du quotidien.

L'accise sur les énergies permet d'ailleurs d'ores et déjà de financer des dépenses de cette nature puisque :

- IDFM a déjà la faculté de prévoir une modulation de son tarif dans la limite de 1,89 euros/mégawattheure (MWh) pour les gazoles et 1,148 euros/MWh pour les essences, ce qui représente une recette d'environ 100 millions d'euros par an114(*) ;

- l'AFIT-France bénéficie également de l'affectation d'une fraction de cet impôt, dont le montant est estimé à 1,9 milliard d'euros en 2023 suite au relèvement du plafond de cette taxe à 0,7 milliard en LFI 2023115(*).

Elle fait également l'objet de transferts aux collectivités territoriales pour le financement de compétences transférées par l'État, pour un montant total estimé en 2023 à 11,3 milliards d'euros.

Répartition du produit de l'assise sur les énergies (ex-TICPE)

(en milliards d'euros)

 

Exécution 2021

Prévision 2022

Prévision 2023

Produit brut

32,0

32,0

31,0

Part transférée

11,8

12

12,2

Dont collectivités territoriales

10,9

11,2

11,3

Dont IDFM

0,1

0,1

0,1

Dont AFIT

1,3

1,2

1,9

Autres

0,5

0,5

0,2

Part État brute

20,2

20,0

18,8

Remboursements et dégrèvements

- 1,9

- 2,0

- 2,0

Part État nette

18,3

18,0

16,8

Source : commission des finances du Sénat, d'après le Rapport sur les voies et moyens (Tome 1) annexé au projet de loi de finances pour 2023

Le transfert d'une part du produit de l'accise sur les énergies constituerait la mesure la plus importante, en termes financiers, du schéma de financement du besoin des AOM de province proposé par les rapporteurs. L'attribution de cette ressource pourrait représenter jusqu'à 2,2 milliards d'euros sur la période 2024-2030, soit environ 0,3 milliard par an. Ce montant doit être rapporté à celui revenant à l'État, estimé à 16,8 milliards d'euros pour 2023.

Ce total pourrait être ajusté en fonction des ressources prévues au titre des autres mesures proposées par les rapporteurs, et en particulier des nouvelles ressources locales proposées infra, dont le rendement ne peut être estimé de façon fiable à ce jour.

Les rapporteurs relèvent cependant que cette solution, certes puissante à court et moyen terme, n'est pas pérenne compte tenu de la dynamique négative du produit de l'accise sur les énergies, du fait de la transition écologique. À terme, dans le souci de préserver une logique de financement des transports durables par la fiscalité issue de la route, la taxe sur les sociétés d'autoroute proposée infra aurait progressivement vocation à prendre son relai.

b) Une ressource qui serait répartie entre les AOM selon une logique de péréquation

Les rapporteurs préconisent de répartir cette part du produit de l'accise sur les énergies entre les AOM selon une logique de péréquation et de solidarité territoriale. Une telle finalité serait au demeurant cohérente avec l'origine de cette ressource, à savoir un impôt d'État.

Ainsi, les modalités de répartition devront faire intervenir un certain nombre de critères de ressources et de charges, qui devraient être définis en concertation avec les associations d'élus locaux et le GART.

Le dispositif pourrait notamment s'appuyer sur les critères traditionnellement utilisés dans le cadre des dispositifs de péréquation entre les collectivités territoriales (dotation de solidarité urbaine, dotation de solidarité rurale, fonds de péréquation de ressources intercommunales et communales) pour apprécier la richesse (potentiel financier par habitant), le niveau de mobilisation des ressources locales (effort fiscal) ou les charges (population, revenu moyen par habitant...) des collectivités.

Ils auraient néanmoins vocation à être complétés par des critères spécifiques aux charges liées à l'exercice de la compétence AOM : présence d'infrastructures de TCSP, nature et taille des réseaux...

Des critères de richesse spécifiques pourraient également être mis en place, pour tenir compte des disparités territoriales en matière de bases fiscales pour ce qui concerne les taxes spécifiques aux AOM, au premier rang desquelles l'assiette du versement mobilité mais également, le cas échéant, celles des nouvelles taxes locales proposées infra (taxe de séjour majorée pour les hébergements hauts de gamme, taxe sur les plus-values immobilières, taxe sur les livraisons liées au e-commerce).

Recommandation n° 14 : affecter aux AOM locales une part du produit de l'accise sur les énergies (ex-TICPE), répartie selon un principe de péréquation.

2. Une taxe sur les sociétés d'autoroute

En février 2021, l'inspection générale des finances (IGF) et le conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) avaient réalisé un rapport consacré au modèle économique des sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA). L'existence de ce rapport, qui était resté confidentiel jusqu'ici, a été révélée par la presse au début de l'année 2023. D'après ses estimations, la mission d'inspection avait relevé que certaines SCA historiques présentaient des taux de rentabilité (TRI) de 12 %, très largement supérieurs aux TRI de 7,6 % qui avaient été anticipés lors de la privatisation en 2006. Pour la mission, cette situation résulte de trois causes principales : une amélioration des paramètres d'exploitation par rapport aux prévisions initiales, la baisse des taux d'intérêts et des démarches d'optimisation bilancielle.

En mars 2023, après la polémique liée à la révélation de ce rapport, le Gouvernement a saisi le Conseil d'État pour avis afin d'expertiser les options juridiquement envisageables pour prélever une part des bénéfices excédentaires réalisées par les SCA.

Le Conseil d'État a rendu son avis en juin dernier. S'il a expressément exclu toute possibilité de raccourcissement sans contrepartie de la durée des concessions d'autoroutes il a en revanche ouvert la voie à la possibilité d'accentuer la fiscalité sur les sociétés concessionnaires. L'analyse du Conseil d'État s'appuie notamment sur les conséquences financières favorables sur les sociétés d'autoroute liées à la baisse du taux d'impôt sur les sociétés (IS). Pour cette raison, un accroissement proportionné de la fiscalité pesant sur les SCA ne remettrait pas en cause l'équilibre économique global des concessions. Outre son caractère proportionné, le Conseil d'État a précisé que cette taxation devra s'appliquer à certaines autres concessions d'État.

Alors que le Gouvernement s'est engagé à travailler sur les modalités opérationnelles d'une nouvelle taxe qui pourrait être créée par une disposition de la loi de finances initiale (LFI) pour 2024, il estime à ce stade que son rendement pourrait s'élever à plusieurs centaines de millions d'euros par an et entre deux et trois milliards d'euros cumulés d'ici à 2030.

Les rapporteurs rappellent la malédiction qui frappe invariablement les taxes prélevées sur le secteur routier qui ne sont pas directement affectées à la transition écologique. Qui plus est, quelle meilleure affectation possible pour une fiscalité associée à la route que de contribuer au financement de solutions de mobilité collectives alternatives à l'autosolisme et aux externalités environnementales négatives qu'il génère ?

Le Gouvernement, notamment par la voie de son ministre délégué aux transports, a affirmé que les SCA devaient contribuer davantage à la transition écologique. Les rapporteurs le prennent au mot et appellent à ce qu'une taxe sur les concessions, qui ciblerait principalement les sociétés d'autoroutes, soit créée dès la LFI pour 2024 et directement affectée au financement de la hausse des dépenses de fonctionnement des AOM qui résultera du choc d'offre des mobilités du quotidien.

Ce dispositif, qui aurait donc vocation à monter en puissance au plan budgétaire dans les années à venir, pourrait ainsi prendre le relai de la fraction d'accise sur les énergies que les rapporteurs ont également proposée d'affecter aux AOM, la dynamique globale de cet impôt étant négative. Dans cette optique, le produit de la taxe sur les sociétés d'autoroute pourrait être réparti entre les AOM selon les mêmes critères de péréquation (voir supra).

Recommandation n° 15 : créer une taxe sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes affectée au financement des dépenses d'exploitation des AOM locales urbaines et rurales.

3. Une majoration de taxe de séjour pour les hébergements haut de gamme

Les rapporteurs proposent également de permettre aux AOM d'instituer une majoration de taxe de séjour pour les hébergements haut de gamme.

Régie par les articles L. 2333-26 à L. 2333-28 du code général des collectivités territoriales, la taxe de séjour peut être instituée par les communes et EPCI à fiscalité propre116(*) touristiques et dont le produit est affecté aux dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique du territoire de la commune ou de l'EPCI. Le cas échéant, elle est instituée par une délibération du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'EPCI avant le 1er juillet de l'année pour être applicable l'année suivante.

Son tarif est fixé, pour chaque nature et pour chaque catégorie d'hébergement, par personne et par nuitée de séjour, selon le barème ci-dessous. Pour tous les hébergements en attente de classement ou sans classement à l'exception des catégories d'hébergements mentionnées dans le tableau infra, le tarif applicable par personne et par nuitée est compris entre 1 % et 5 % du coût par personne de la nuitée dans la limite du tarif le plus élevé adopté par la collectivité.

Barème de la taxe de séjour en 2024

(en euros par personne et par nuitée)

Catégories d'hébergements

Tarif plancher

Tarif plafond

Palaces

0,70

4,60

Hôtels de tourisme 5 étoiles, résidences de tourisme 5 étoiles, meublés de tourisme 5 étoiles

0,70

3,30

Hôtels de tourisme 4 étoiles, résidences de tourisme 4 étoiles, meublés de tourisme 4 étoiles

0,70

2,50

Hôtels de tourisme 3 étoiles, résidences de tourisme 3 étoiles, meublés de tourisme 3 étoiles

0,50

1,60

Hôtels de tourisme 2 étoiles, résidences de tourisme 2 étoiles, meublés de tourisme 2 étoiles, villages de vacances 4 et 5 étoiles

0,30

1,00

Hôtels de tourisme 1 étoile, résidences de tourisme 1 étoile, meublés de tourisme 1 étoile, villages de vacances 1, 2 et 3 étoiles, chambres d'hôtes, auberges collectives

0,20

0,80

Terrains de camping et terrains de caravanage classés en 3, 4 et 5 étoiles et tout autre terrain d'hébergement de plein air de caractéristiques équivalentes, emplacements dans des aires de camping-cars et des parcs de stationnement touristiques par tranche de 24 heures.

0,20

0,60

Terrains de camping et terrains de caravanage classés en 1 et 2 étoiles et tout autre terrain d'hébergement de plein air de caractéristiques équivalentes, ports de plaisance

0,20

Source : site internet de la direction générale des collectivités locales

L'institution d'une telle ressource pour les AOM serait cohérente avec l'objectif poursuivi, en permettant de faire contribuer les touristes au financement des services de transport dont ils bénéficient fortement. Aussi, la création d'une taxe additionnelle à la taxe de séjour a déjà été mobilisée au profit de la Société du Grand Paris117(*) ou encore, plus récemment, de la Société de la Ligne Nouvelle Provence Côte d'Azur, de la Société du Grand Projet du Sud-Ouest et de la Société de la Ligne Nouvelle Montpellier-Perpignan118(*).

Instituée sur délibération de l'intercommunalité exerçant la compétence d'AOM locale, elle pourrait prendre la forme d'une majoration des tarifs applicables aux hébergements haut de gamme de 2 à 5 euros en fonction de la catégorie à laquelle appartient l'établissement (les hôtels 3, 4 et 5 étoiles ainsi que les palaces). En tout état de cause, le taux de taxe de séjour devrait rester relativement faible comparé au prix des nuitées, de sorte que l'effet économique de la mesure demeurerait limité.

Cet instrument pourrait constituer une source de financement puissante pour les AOM, dont le rendement pourrait atteindre 1,2 milliard d'euros sur la période 2025-2030.

Recommandation n° 16 : permettre aux AOM d'instituer une majoration des tarifs de la taxe de séjour pour les hébergements haut de gamme.

4. Une taxe locale sur les plus-values immobilières générées par les nouvelles offres de transport

Le développement d'infrastructures et de l'offre de transports pourraient avoir des effets potentiellement très importants sur la valeur des biens immobiliers situés dans les zones concernées, notamment aux abords des gares. Selon le rapport du député Gilles Carrez sur les ressources de la Société du Grand Paris119(*), l'arrivée dans une commune d'une nouvelle gare provoque une hausse des prix immobiliers estimée entre 10 % et 20 %, quoi que celle-ci soit difficile à isoler dans l'évolution générale du marché.

Les rapporteurs considèrent qu'il serait légitime que cette rente puisse être au moins partiellement captée au profit de l'AOM ayant investi dans l'infrastructure qui en est à l'origine.

Une telle piste n'est cependant pas nouvelle puisque les lois loi « Grand Paris » et « Grenelle II » de 2010 avaient institué un dispositif poursuivant cette finalité, respectivement au profit de la Société du Grand Paris (SGP)120(*) et des anciennes autorités organisatrices de transports urbains, devenues AOM locales ainsi que, le cas échéant, des régions et de l'État121(*).

Le dispositif de taxation des plus-values immobilières au profit des autorités organisatrices de transports publics prévus par la loi «Grenelle II »
du 12 juillet 2010 (abrogé en 2015)

« Hors Ile-de-France, les autorités organisatrices de transports urbains peuvent, sur délibération, instituer une taxe forfaitaire sur le produit de la valorisation des terrains nus et des immeubles bâtis résultant de la réalisation d'infrastructures de transports collectifs en site propre devant faire l'objet d'une déclaration d'utilité publique ou, lorsque celle-ci n'est pas nécessaire, d'une déclaration de projet. L'entrée en vigueur de la taxe, dont la date est fixée par la délibération, ne peut intervenir plus de deux ans après la publication ou l'affichage de la déclaration d'utilité publique ou de la déclaration de projet. La délibération précise également la durée pendant laquelle cette taxe est exigible, qui ne peut excéder quinze ans.(...)

« La taxe est affectée au budget de l'autorité organisatrice de transport. Elle est destinée exclusivement au financement de la réalisation, du réaménagement ou de la modernisation des équipements et infrastructures de transport (...).

« (...) La taxe s'applique aux cessions à titre onéreux des terrains nus et des immeubles bâtis ainsi qu'aux droits relatifs à ces biens et aux cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière, définies au I de l'article 726 [du code général des impôts], représentatives de ces immeubles qui figurent dans un périmètre arrêté par l'État ou l'autorité organisatrice de transport. Les terrains et les immeubles soumis à la taxe ne peuvent être situés à plus de 1 200 mètres d'une station de transports collectifs, créée ou desservie à l'occasion de la réalisation du projet de transports collectifs en site propre, ou d'une entrée de gare ferroviaire. Sous réserve d'une justification particulière tenant à des motifs d'ordre social, certaines cessions d'immeubles ou certaines zones peuvent être exonérées du paiement de la taxe par l'autorité qui l'institue.

« (...) La taxe est due par les personnes physiques et les sociétés ou groupements soumis à l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés et par les contribuables qui ne sont pas fiscalement domiciliés en France assujettis à l'impôt sur le revenu, soumis au prélèvement obligatoire dans les conditions prévues par l'article 244 bis A726 [du code général des impôts].

« (...) La taxe est assise sur un montant égal à 80 % de la différence entre, d'une part, le prix de cession défini à l'article 150 VA et, d'autre part, le prix d'acquisition défini à l'article 150 VB. Le prix d'acquisition ainsi que les dépenses et frais retenus en majoration de ce prix sont actualisés en fonction du dernier indice des prix à la consommation hors tabac publié par l'Institut national de la statistique et des études économiques à la date de l'acquisition du bien ou de la réalisation.

« (...) La plus-value calculée dans les conditions fixées à l'alinéa précédent est diminuée du montant de la plus-value imposée en application des articles 150 U à 150 VH [du code général des impôts].

« Le taux de la taxe est de 15 % pour les autorités organisatrices de transports urbains (...) lorsque la cession porte sur des biens ou droits relatifs à ces biens (...) entièrement situés à une distance de moins de 800 mètres d'une entrée de gare de voyageurs prévue pour le projet d'infrastructure au titre duquel la taxe a été instituée. Au-delà de cette distance, et lorsque la cession porte sur des biens ou droits relatifs à ces biens mentionnés au même II entièrement situés à une distance de moins de 1 200 mètres d'une entrée de gare de voyageurs prévue pour le projet d'infrastructure au titre duquel la taxe a été instituée, le taux de la taxe est de 7,5 % pour les autorités organisatrices de transports urbains(...). Le montant total de ces taxes ne peut excéder 5 % du prix de cession. En cas d'excédent, celui-ci s'impute, à due proportion, sur le produit de la taxe due aux autorités organisatrices de transports urbains (...). »

Source : Article 64 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement

Ces dispositifs ont cependant été rapidement été abrogés, dès 2011, soit avant d'avoir été appliqués, pour ce qui concerne la SGP122(*), et en 2015 pour la province123(*). Selon la « mission Duron », ce second dispositif n'avait été quant à lui appliqué qu'une seule fois, dans le cadre de la phase 3 de la ligne 2 de tramway entre Valenciennes et Vieux-Condé, et son institution avait également été envisagée à Metz et à Caen.

Leur suppression, à l'initiative du Gouvernement, avait été motivée par plusieurs arguments d'ordre politique (volonté de ne pas taxer les plus-values réalisées sur les résidences principales, crainte de dissuader les acquéreurs potentiels de s'installer près des gares ou encore d'effets inflationnistes...) et technique (complexité de mise en oeuvre, notamment pour déterminer précisément leur périmètre d'application).

Les rapporteurs considèrent que les arguments politiques qui avaient été avancés ne tiennent pas et à l'instar de la « mission Duron » que « l'effet dissuasif / inflationniste semble toutefois modéré', la taxe étant au maximum de 15 %, et ne s'appliquant, rappelons-le, que sur la plus-value, si elle existe ».

La logique économique évidente d'un tel impôt, qui permet d'internaliser au profit des AOM l'externalité positive124(*) que leur action génère pour les propriétaires, justifie pleinement de créer un cas de dérogation à l'absence de taxation des plus-values des résidences principales.

Les rapporteurs appellent à relancer ce dispositif, sans nier les difficultés techniques qu'implique la mise en oeuvre d'une telle mesure, qu'un travail approfondi mené aux niveaux législatif et réglementaire doit néanmoins pouvoir lever.

Faute d'évaluations disponibles, y compris préalablement à sa suppression - ce que les rapporteurs ne peuvent que déplorer - le rendement de cette taxe n'a pas été chiffré.

Recommandation n° 17 : permettre aux AOM d'instituer une taxe locale sur les plus-values immobilières générées par les nouvelles offres de transport.

5. Une taxe locale sur les livraisons liées au e-commerce

Le souci de taxer, dans une logique écologique, les activités polluantes au profit des AOM pour le développement de l'offre de transports durables peut également justifier, comme l'avait souligné la mission « Duron » d'imposer les livraisons liées au e-commerce, qui ont de surcroît un effet négatif sur la circulation et la congestion dans les agglomérations.

Un rapport de l'Institut Paris Région125(*), qui étudie cette piste pour le financement d'IDFM, énumère les différentes formules envisageables : taxe « au colis livré » sur les transporteurs ou les chargeurs (tels que Amazon), montant forfaitaire sur chaque colis ou commande, application d'un tarif proportionnel au poids, au volume ou au prix des colis, taxe sur le chiffre d'affaires des transporteurs ou chargeurs ...

Ce même rapport identifie deux exemples d'instauration de taxes de ce type :

- en Espagne, la municipalité de Barcelone a institué à compter de mars 2023 une taxe à hauteur de 1,25 % sur les opérateurs de livraison dont le chiffre d'affaire est supérieur à 1 million d'euros, ciblant les gros transporteurs (Amazon, UPS, DHL...), devant rapporter à la collectivité 2,6 millions d'euros par an. Ce montant de la taxe a été calculé à partir du coût estimé pour la municipalité des 8 300 places de stationnement gratuites réservées aux livraisons ;

- aux États-Unis, l'État du Colorado a mis en place une taxe de 0,27 dollar sur chaque commande livrée par un véhicule à moteur dans l'État. Elle est due une fois par commande même si la commande comprend plusieurs colis. Elle est payée par le chargeur ou le commerçant qui fait une vente au détail et peut répercuter son prix sur l'acheteur. Cette taxe devrait rapporter à l'État 120 millions de dollars par an.

La question de la taxation du secteur du e-commerce en France a notamment été soulevée lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023 en première lecture au Sénat. Un amendement126(*) proposant d'étendre l'application de la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom) aux entrepôts de stockage avait été rejeté, conformément à la position de la commission des finances au motif que le dispositif proposé présentait un risque de double taxation dès lors que les entrepôts peuvent également servir au stockage de biens destinés non pas au e-commerce mais à un commerce déjà assujetti à la Tascom. Pour autant, reconnaissant la pertinence de l'enjeu soulevé, le Gouvernement s'est engagé à ce que celui-ci soit traité comme « l'une des priorités du conseil national du commerce » institué en 2023 où « des travaux sur l'équité fiscale se tiendront ».

Les rapporteurs appellent ainsi le Gouvernement à tenir l'engagement pris devant le Sénat et à rendre compte de ces travaux d'ici à l'examen du prochain projet de loi de finances, en vue d'établir une modalité juste et techniquement opérationnelle de taxation de l'activité du e-commerce, qui pourrait alors être instituée localement sur délibération de l'AOM pour le financement des transports du quotidien.

En l'attente de tels travaux, les rapporteurs ne sont pas en mesure de fournir de chiffrage du produit attendu de cette mesure.

Recommandation n° 18 : permettre aux AOM d'instituer une taxe locale sur les livraisons liées au e-commerce.

6. Synthèse des mesures proposées pour couvrir les besoins de financement en fonctionnement des AOM locales

L'ensemble des mesures proposées supra destinées à couvrir les besoins de financement des AOM locales sont synthétisées dans le tableau ci-dessous.

Couverture des besoins de fonctionnement prévisionnels des AOM locales

Besoin de financement prévisionnel en fonctionnement jusqu'en 2030

Solutions de financement à mobiliser

Montants cumulés prévisionnels de financement à prévoir jusqu'en 2030

Besoin de financement : 8,5 à 11 milliards d'euros

Hypothèses retenues :

- Augmentation des dépenses de fonctionnement en volume de 20 à 25 % ;

- Taux d'inflation prévus par le programme de stabilité 2023-2027 ;

- Dynamique prévisionnelle du VM à norme constante ;

- Maintien au niveau actuel des recettes commerciales et des contributions des collectivités territoriales.

Contribution sur les SCA

2 milliards d'euros

Nouvelles taxes et déplafonnement territorialisé des taux de VM

1,5 milliard d'euros

Taxe de séjour hébergements « haut de gamme »

1,2 milliard d'euros

Affectation d'une part du produit des enchères de quotas carbone

1,3 milliard d'euros

Allègement de 50% du remboursement des avances « covid »

0,3 milliard d'euros

Recettes commerciales

La part des recettes commerciales dans le total des ressources devrait se maintenir grâce à la hausse de la fréquentation et au financement de la tarification solidaire par la politique sociale des collectivités

2,5 milliards d'euros

Gains de performance et optimisation de la lutte contre la fraude

Un potentiel de plusieurs centaines de millions d'euros sur la période

Accise sur les énergies (ex-TICPE) employée comme variable d'ajustement

Jusqu'à 2,2 milliards d'euros

Source : commission des finances du Sénat


* 114 Article L. 312-40 du code des impositions sur les biens et services.

* 115 Article 116 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 116 Article L. 5211-21 du code général des collectivités territoriales.

* 117 Article L. 2531-17 du code général des collectivités territoriales.

* 118 Article 76 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 119 Gilles Carrez, Rapport sur les ressources de la Société du Grand Paris, juillet 2018.

* 120 Article 10 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris.

* 121 Article 64 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement.

* 122 Article 31 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010.

* 123 Article 20 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

* 124 Dans la théorie économique, une externalité désigne une situation dans laquelle le comportement d'un agent affecte le bien-être d'un autre agent sans contrepartie.

* 125 Institut Paris Région, Financement de l'exploitation des transports collectifs en Île-de-France, mars 2023.

* 126 Amendement n° I-1082, présenté par M. le Sénateur Daniel Salmon et plusieurs de ses collègues.

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