B. VERS D'AUTRES PRIORITÉS AVEC LA DOTATION « BIODIVERSITÉ » ET LE FONDS VERT ?

La dotation de biodiversité et le fonds vert permettent de sortir du prisme de l'investissement environnemental sous le seul angle de la rénovation thermique.

1. La dotation de biodiversité : une démarche louable mais largement insuffisante

Cette dotation a vocation à compenser une partie des charges spécifiques supportées par les communes en matière de protection de la biodiversité, en raison du classement de leur territoire en tout ou partie dans un espace protégé, mais également à soutenir la production d'aménités rurales par les collectivités territoriales. L'utilisation de la dotation n'est pas fléchée sur des actions spécifiques et les communes qui la perçoivent bénéficient d'une latitude concernant son affectation, à condition que cela s'inscrive dans l'objectif global poursuivi par ce dispositif.

Bien que son montant ait considérablement augmenté depuis sa création, passant de 5 millions d'euros à 41,6 millions d'euros par an, force est de constater que cette dotation n'était perçue que par 4 871 communes en 2022. Ce chiffre devrait être porté à environ 6 300 communes après les modifications intervenues en loi de finances pour 2023, soit environ 18 % des communes.

Or, les critères d'éligibilité sous-tendent qu'il ne faudrait soutenir, par cette dotation budgétaire, que les communes situées dans des zones protégées (Natura 2000 ou parcs naturels) alors même que la question de la protection de la biodiversité et du développement des aménités rurales, face aux enjeux climatiques et environnementaux, se pose désormais avec une acuité particulière, y compris dans les zones urbanisées et denses.

Selon le rapport « Le financement de la stratégie nationale pour la
biodiversité (SNB) pour 2030
 » de la mission commune de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de l'environnement et du développement durable publié en novembre 2022, les dépenses publiques en faveur de la biodiversité représentaient en 2021 entre 2,3 et 4,7 milliards d'euros soit entre 0,2 % et 0,3 % de la dépense publique et se décomposent de la manière suivante :

- 2,3 milliards d'euros au titre des politiques de biodiversité, entendues dans un sens restreint couvrant les dépenses relatives aux aires protégées, à la préservation des espaces et des espèces, à la restauration écologique, à la protection du milieu marin ou encore à l'approfondissement des connaissances, à la mobilisation des acteurs et à la police de l'environnement ;

- 2,4 milliards d'euros au titre des autres politiques en lien avec la biodiversité et oeuvrant à la réduction des pressions exercées sur cette dernière, au sein d'un périmètre élargi aux dépenses en matière de grand cycle de l'eau, de transition agro-écologique ou encore de lutte contre l'artificialisation des sols.

Composition des dépenses publiques en faveur de la biodiversité en 2021

(en millions d'euros et en %)

Source : rapport « Le financement de la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) pour 2030 » de la mission commune de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de l'environnement et du développement durable

Les collectivités seraient donc à l'origine de plus de 28 % des dépenses en faveur de la biodiversité soit 1,3 milliard d'euros. La dotation biodiversité ne représente donc que 3,1 % des dépenses des collectivités dans ce domaine.

Dans ce contexte, il parait nécessaire de continuer la montée en puissance de la dotation biodiversité pour la porter à un montant à la hauteur des enjeux notamment en élargissant le périmètre des villes éligibles (exemples : communes forestières, de montagne... qui ne sont pas dans des parcs naturels ou des zones Natura 2000).

Recommandation n° 7 : poursuivre la montée en puissance de la dotation biodiversité notamment en élargissant le périmètre des communes éligibles (DGCL, Direction du budget).

2. Le fonds vert : en théorie, une plus grande diversité des projets environnementaux financés, mais dont l'exécution devra être surveillée

Le guide relatif au fonds vert élaboré à destination des décideurs locaux précise les trois axes prioritaires et les mesures en découlant :

· Axe 1 : renforcer la performance environnementale

- rénovation énergétique des bâtiments publics ;

- soutien au tri à la source et à la valorisation des bio déchets ;

- rénovation des parcs de luminaires d'éclairage public ;

· Axe 2 : Adapter les territoires au changement climatique

- prévention des inondations ;

- appui aux collectivités de montagne soumises à des risques émergents ;

- renforcer la protection des bâtiments des collectivités d'outre-mer contre les vents cycloniques ;

- prévention des risques d'incendies de forêt ;

- recul du trait de côte ;

- fonds de renaturation des villes ;

· Axe 3 : Améliorer le cadre de vie

- accompagner le déploiement des zones à faibles émissions mobilité ;

- développement du covoiturage ;

- recyclage des friches ;

- accompagnement de la stratégie nationale biodiversité 2030.

Répartition des crédits du fonds vert

en euros (avant application du taux de mise en réserve)

AE

CP

Action 1 : Performance environnementale

706 666 666

176 666 666

Action 2 : Adaptation au changement climatique

393 333 334

98 333 334

Action 3 : Amélioration de la qualité du cadre de vie

900 000 00

225 000 000

Total

2 000 000 000

500 000 000

Source : direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN)

Si on retrouve au sein de l'axe 1 la rénovation énergétique déjà largement financée par les dotations classiques ainsi que par la DRI et la dotation RT, le fonds vert semble, en première intention, plus diversifié dans les projets qu'il vise à financer.

En effet, l'axe 2 est orienté sur l'adaptation au changement climatique et l'axe 3 sur l'amélioration du cadre de vie par le développement de mobilités moins polluantes ou l'accompagnement de la stratégie nationale biodiversité 2030. Si ce dernier domaine viendra utilement compléter la dotation biodiversité et soutenir les collectivités dans leurs dépenses en faveur de la biodiversité, le montant qui lui sera alloué sera potentiellement de 225 millions d'euros (un quart des crédits de l'axe 3 avant réserve de précaution) alors que comme vu supra, les dépenses des collectivités en faveur de la biodiversité s'élevaient, en 2021, à plus de 1,3 milliard d'euros.

Si une plus grande diversité des projets environnementaux financés ressort des axes prioritaires du fonds verts, les rapporteurs spéciaux appellent à la vigilance concernant l'exécution de ces crédits. En effet, selon le principe de fongibilité des crédits du fonds vert, des redéploiements entre mesures et entre axes pourront être effectués (à l'exception des 25 millions d'euros prévus pour l'appui à l'ingénierie et des 150 millions d'euros prévus pour la stratégie nationale biodiversité 2030).

La circulaire du 14 décembre 2022 prévoit toutefois que chacun des trois axes d'intervention devra représenter en exécution au moins 10 % des crédits et chaque mesure devra faire l'objet d'au moins un projet.

Il en résulte que si cette fongibilité est une garantie pour une consommation intégrale et rapide des crédits elle fait courir le risque, déjà identifié pour les dotations classiques, d'un financement essentiellement orienté vers la rénovation thermique bâtimentaire.

À cet égard, depuis l'ouverture de la réception des demandes d'aides le 18 janvier, 5 948 dossiers ont été reçus à fin avril 2023. Les dossiers déposés concernent notamment l'axe 1 « renforcer la performance environnementale », et plus précisément les mesures « rénovation énergétique des bâtiments publics » (40 % des dossiers déposés) et « rénovation des parcs de luminaires d'éclairage public » (28 % des dossiers déposés). Il en résulte qu'en l'état, avant sélection des dossiers, très peu de demandes concernent les autres axes.

Répartition des dossiers déposés par mesure

Source : direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN)

Ce premier constat confirme les remontées des élus locaux selon lesquelles les collectivités, notamment les plus petites ayant peu de ressources en ingénierie, présentent essentiellement des dossiers « faciles » et rapides à élaborer ne nécessitant que peu d'études techniques approfondies.

Dans ce contexte, et afin d'éviter les biais susmentionnés, il conviendrait d'augmenter les planchers prévus dans l'instruction pour les porter à 20 % par axe et au moins 5 projets par mesure.

Recommandation n° 8 : modifier la circulaire du 14 décembre 2022 afin que chacun des trois axes d'intervention représente, en exécution, au moins 20 % des crédits du fonds vert et que chaque mesure fasse l'objet d'au moins cinq projets (DGALN).