C. UNE RÉPONSE STRICTEMENT NATIONALE QUI NE SAURAIT PAR CONSÉQUENT SUFFIRE

Face à ces enjeux, la France a engagé des moyens militaires (opérations Titan, Harpie et Polpêche, cf. encadré ci-après), judiciaires et policiers40(*) visant à juguler l'augmentation des activités illégales en Guyane.

Les opérations Titan, Harpie et Polpêche

Opération Titan : au sein d'un dispositif interarmées, lui-même intégré dans un dispositif interministériel, environ 50 militaires surveillent en permanence les abords du CSG. Cet effectif atteint près de 350 militaires lors des phases de transfert ou de lancement (quatre à cinq jours par mois). Il peut atteindre, en cas de lancement sensible, jusqu'à 400 militaires.

Opération Harpie : lancée officiellement par le Président de la République en février 2008, Harpie est une opération interministérielle de grande envergure. Elle est menée conjointement par les forces de l'ordre (police aux frontières, gendarmerie) et les FAG. Placée sous l'autorité du préfet et du procureur de la République pour la partie judiciaire, elle vise à éradiquer l'orpaillage illégal.

Opération Polpêche : la mission de police des pêches des FAG s'inscrit dans un cadre interministériel associant d'autres services de l'État (affaires maritimes, douanes et gendarmerie). L'action des FAG et plus particulièrement centrée sur l'observation des activités de pêches, l'interrogation de navires de pêche, la vérification des journaux de bord, la vérification des engins de pêche et le contrôle des maillages, l'appréhension des navires, matériels et produits de la pêche.

Source : ministère des armées

Si ces différentes actions ont enregistré certains résultats, notamment en matière de lutte contre le trafic de drogue, force est cependant de constater que l'État n'est pas parvenu à éradiquer ou même contenir la criminalité « du quotidien » ni, a fortiori, les grands phénomènes criminels.

Ces enjeux, dans une large mesure régionaux, appellent en effet une réponse coordonnée avec les pays voisins. Un renforcement de la coopération policière, judiciaire, économique et dans le domaine de la défense avec les autres pays du Plateau des Guyanes doit ainsi être recherché. Un amendement au projet de loi de programmation militaire pour les années 2024-2030 a d'ailleurs été déposé en ce sens par les membres de la mission.

Au cours du déplacement, plusieurs propositions concrètes ont été formulées par les personnes entendues tels que :

la mise en place d'un « droit de poursuite » applicable au Brésil et au Suriname, permettant une sorte de « petit Schengen », selon les termes du préfet de Guyane ;

le rapprochement entre le parc national des montagnes du Tumucumaque (Parque Nacional das Montanhas do Tumucumaque) et le parc Amazonien de Guyane, ce qui constituerait la plus grande zone mondiale de la biodiversité, comme l'a suggéré Joël Sollier, procureur général près la cour d'appel de Cayenne. La mission fait sienne cette recommandation, qui pourrait être étendue au Suriname et au Guyana ;

- la conduite d'une réflexion sur le développement de l'orpaillage légal. Développement économique nécessaire dans un cadre strictement contrôlé : pas d'utilisation du mercure, moindre déforestation.

Recommandation : étudier le rapprochement entre le parc national des montagnes du Tumucumaque (Parque Nacional das Montanhas do Tumucumaque) et le parc Amazonien de Guyane, ce qui constituerait la plus grande zone mondiale de la biodiversité, et étendre cette coopération au Suriname et au Guyana.

Ces pistes pourraient être discutées dans le cadre du dialogue stratégique du plateau des Guyanes organisé à l'initiative de la DGRIS et qui réunit la France, le Suriname et le Guyana ainsi que le Brésil en tant qu'observateur.

D'autres axes de coopération bilatérale avec le Brésil, le Suriname et le Guyana sont par ailleurs présentés dans la suite du présent rapport d'information.


* 40 Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, a par exemple indiqué le 13 avril 2023 en séance : « Cette ambition s'est traduite par la création, dans votre département, de 94 postes de gendarme depuis 2017 au profit du commandement de la gendarmerie de la Guyane. [...] Par ailleurs, depuis le 7 septembre 2022, un septième escadron de gendarmerie mobile est venu renforcer le dispositif opérationnel en Guyane, concentrant, sur votre seul département, un tiers des unités de forces mobiles (UFM) projetées en outre-mer. Par ailleurs, un renfort judiciaire en provenance de la métropole a accompagné une réorganisation partielle du dispositif sécuritaire, lequel semble porter ses fruits. Lors de sa dernière visite, le ministre de l'intérieur et des outre-mer Gérald Darmanin a pu apprécier l'engagement de l'ensemble des forces de sécurité intérieure, coordonnées par l'autorité préfectorale. Ainsi, lors des assises de la sécurité de Guyane, qui se sont tenues le 30 septembre dernier, il s'est engagé à créer plusieurs brigades, dont certaines fluviales, ce qui représente quarante effectifs supplémentaires à court terme, ainsi qu'à pérenniser ce septième escadron. À ce stade, la création de ces nouvelles unités prenant notamment en compte des délais d'intervention liés à l'extension du territoire guyanais est à l'étude, mais devrait être prochainement officialisée ».