L'ESSENTIEL

En janvier dernier, le Gouvernement annonçait le lancement d'une concertation portant sur la mise en place éventuelle d'un ou plusieurs dispositifs de consigne pour recyclage et réemploi des emballages.

Quelques semaines plus tard, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable lançait une mission d'information flash, avec deux objectifs clairs : exercer sur la concertation engagée une vigilance renforcée et s'assurer que le débat engagé soit le plus complet possible.

Une chose est certaine : les retards accumulés par la France, tant en matière de prévention que de collecte et tri pour recyclage, appellent une action déterminée.

Pour la commission, le temps est donc venu de faire de la réduction et du réemploi des emballages une priorité réelle, et non seulement théorique, notamment en déployant une consigne pour réemploi sur les emballages en verre.

Par ailleurs, les mauvaises performances de la France en matière de collecte triée pour recyclage invitent notre pays à sortir du statu quo : tous les leviers pertinents d'un point de vue environnemental et économique doivent donc être mobilisés pour améliorer le geste de tri, ainsi que la collecte, dans et en dehors du foyer.

Mais la consigne pour recyclage n'apparaît pas, à ce stade, comme un levier pertinent : moins performant qu'il n'y paraît, le dispositif est même porteur de nombreux effets pervers environnementaux, tout en étant économiquement irrationnel, ainsi que socialement et territorialement injuste.

Suivant la rapporteure, Marta de Cidrac, la commission a donc adopté 28 propositions réparties en 4 axes répondant à ces orientations.

I. RÉDUIRE ET RÉEMPLOYER : FAIRE DE LA PRÉVENTION UNE PRIORITÉ RÉELLE ET NON THÉORIQUE

A. RÉDUIRE ET RÉEMPLOYER LES EMBALLAGES : UNE PRIORITÉ THÉORIQUE, PEINANT À SE TRADUIRE DANS LA RÉALITÉ

La réduction des déchets est l'objectif prioritaire de la politique d'économie circulaire : d'un point de vue environnemental et économique, le meilleur déchet est celui qui n'est pas produit.

Or, à rebours des objectifs législatifs et réglementaires associés à cette ambition, la quantité d'emballages a stagné depuis 2010 tandis que celle d'emballages plastiques a augmenté de 20 %. La quantité de bouteilles en plastique pour boissons ne diminue pas non plus, se maintenant entre 2020 et 2022 à un niveau supérieur à 350 000 tonnes.

B. RÉDUIRE LA QUANTITÉ D'EMBALLAGES MIS SUR LE MARCHÉ, NOTAMMENT PAR LE DÉVELOPPEMENT DU RÉEMPLOI

L'adoption d'objectifs, fussent-ils législatifs, ne suffit donc plus, pas plus que l'empilement de mesures parfois ponctuelles, certes bienvenues, mais inopérantes pour engager un changement structurel des modes de production et de consommation.

Réduire les quantités d'emballages ne se décrète pas ; cette ambition se planifie, appelle une attention politique constante et requiert d'importants moyens opérationnels et financiers.

Nous devons donc :

è PLANIFIER le développement du réemploi pour donner de la lisibilité aux acteurs économiques et accélérer la sortie du « tout-jetable ».

Une proposition phare : mettre en oeuvre des dispositifs de consigne pour réemploi sur les emballages en verre en vue d'atteindre les objectifs de réduction et de réemploi fixés par la loi.

è LEVER les freins financiers et techniques à la réduction des emballages et au développement du réemploi.

Une proposition phare : accélérer le développement et la diffusion des standards d'emballages réemployables.

è CONTRÔLER les éco-organismes.

Une proposition phare : systématiser la mise en oeuvre de sanctions en cas de non-atteinte des objectifs ; définir, dans les cahiers des charges, le montant de ces pénalités éventuelles ; permettre, en particulier, la mise en place de sanctions pour non-atteinte des objectifs dans les outre-mer.

II. COLLECTE ET TRI POUR RECYCLAGE : FACE AUX RETARDS, SORTIR DU STATU QUO

À la traîne sur la prévention, la France accuse également un retard inquiétant en matière de recyclage des emballages, particulièrement en plastique. Face à ces retards, il est urgent de sortir du statu quo.

A. AMÉLIORER LE GESTE DE TRI, EN COMMUNIQUANT ET EN MOBILISANT DES LEVIERS INCITATIFS ET DISSUASIFS

Pour améliorer le geste de tri, il nous faut donc :

è COMMUNIQUER, pour informer le citoyen-consommateur sur le geste de tri et le rassurer sur le bien-fondé de la politique d'économie circulaire.

Une proposition phare : lancer dans les plus brefs délais une campagne nationale de grande ampleur, notamment pour permettre la montée en puissance des extensions des consignes de tri.

è INCITER, en soutenant le développement de la tarification incitative sur tout le territoire.

Une proposition phare : développer des aides pour le développement de la tarification incitative sous la forme de subventions directes de l'Ademe (fonds Économie circulaire) ou d'une atténuation supplémentaire des frais de gestion grevant la taxe d'enlèvement des ordures ménagères incitative (TEOMi).

è SANCTIONNER, en faisant du tri une obligation dont la méconnaissance est susceptible d'être sanctionnée.

Une proposition phare : définir des sanctions administratives simplifiées en cas de non-respect de ces règles de tri, à l'instar du modèle développé en Belgique.

B. AMÉLIORER LA COLLECTE, DANS ET EN DEHORS DU FOYER, ET L'ADAPTER À LA RÉALITÉ DES TERRITOIRES

Parallèlement à l'amélioration du geste de tri, une amélioration de la collecte est indispensable à l'atteinte des objectifs que notre pays s'est fixés.

Cela implique de :

è MIEUX COLLECTER À DOMICILE, en faisant monter en puissance le bac jaune.

Deux propositions phares : pour financer l'adaptation des schémas de collecte, augmenter le taux de couverture des coûts du service public de gestion des déchets par les éco-organismes. Instaurer un bonus tendant vers une couverture intégrale des coûts (100 %), pour récompenser les collectivités territoriales menant et programmant des actions visant à améliorer le taux de collecte.

è MIEUX COLLECTER EN DEHORS DU FOYER, en systématisant le tri dans l'espace public et dans les entreprises.

Une proposition phare : anticiper dès à présent la généralisation, d'ici au 1er janvier 2025, de la collecte séparée pour recyclage des déchets d'emballages pour les produits consommés hors foyer. Dans le cahier des charges de la REP « emballages ménagers », fixer des objectifs d'installation de corbeilles de rue par habitant et par commune. Identifier des financements dédiés au sein du cahier des charges.

è ADAPTER la collecte, en déployant des moyens adaptés dans les territoires urbains, touristiques et ultra-marins.

Une proposition phare : dans les zones touristiques, mobiliser des moyens complémentaires financés par une part additionnelle à la taxe de séjour payée par les usagers à l'origine de ces surcoûts.

III. RÉÉVALUER EN 2026 L'OPPORTUNITÉ DE LA MISE EN PLACE D'UNE CONSIGNE POUR RECYCLAGE SUR LES EMBALLAGES DE BOISSON, DONT LE BILAN COÛT-AVANTAGE SEMBLE AUJOURD'HUI NÉGATIF, D'UN POINT DE VUE ENVIRONNEMENTAL, SOCIAL ET ÉCONOMIQUE

Améliorer nos performances en matière de collecte et de tri pour recyclage implique-t-il de mobiliser, en complément de ces nombreux leviers, une consigne pour recyclage sur les emballages de boissons, notamment sur les bouteilles plastiques, voire sur les canettes en aluminium ?

Pour la commission, il ne fait pas de doute : à ce stade, la consigne pour recyclage ne constitue pas un levier pertinent d'un point de vue environnemental et économique : séduisant au premier abord, le dispositif est en réalité porteur de nombreux effets pervers.

1. La consigne n'est pas aussi performante qu'il n'y paraît...

è CAR l'atteinte de l'objectif de 90 % de collecte pour recyclage des bouteilles plastiques pour boisson d'ici 2029 porte sur l'ensemble des bouteilles plastiques, et pas seulement sur celles en PET - or, de nombreux dispositifs de consigne mis en place en Europe ne concernent que les bouteilles en PET.

è CAR il semble difficile de répliquer les modèles étrangers en France caractérisée par la place historique du service public dans la gestion des déchets.

è CAR, selon les études de l'Ademe de juin dernier, l'atteinte de l'objectif de 90 % avec un dispositif de consigne repose sur un ensemble de conditions (notamment un maillage fin des points de reprise), dont rien n'indique qu'elles puissent être remplies.

2. La consigne pour recyclage est une « fausse bonne idée » environnementale...

è CAR loin de lutter contre le plastique, la consigne pour recyclage en pérennise la production et la consommation.

è CAR la consigne complexifie le geste de tri, alors qu'il venait tout juste d'être simplifié avec la généralisation des extensions de consigne de tri en 2023.

è CAR les bouteilles en plastique ne sont que la partie visible de la pollution plastique et des enjeux d'économie circulaire.

L'Ademe souligne, en outre, que « tous les scénarios modélisés avec consigne présentent, en moyenne, des taux de collecte pour recyclage des emballages légers inférieurs à celui de la trajectoire ambitieuse de la collecte sélective sans consigne », dont s'est inspirée la commission pour établir ses recommandations.

Déployer un dispositif spécifique et coûteux pour certains emballages ne peut pas être une justification pour mettre en place une collecte au rabais, et donc moins performante, pour l'ensemble des emballages légers !

3. Un dispositif qui est économiquement irrationnel, tout en étant socialement et territorialement injuste...

è CAR l'efficacité du dispositif implique de faire coexister deux systèmes de collecte.

En effet, le succès du système de consigne suppose la mise en place d'une collecte performante des emballages consignés non repris et des bouteilles plastiques dont les résines pourraient ne pas être couvertes par la consigne (comme le PEHD).

La coexistence de ces modèles a un coût : entre 181 et 229 millions d'euros par an à partir de 2029, par rapport au scénario sans consigne, pourtant plus efficace d'un point de vue environnemental. La commission juge, au demeurant, ce coût sous-estimé.

è CAR l'irrationalité économique de la consigne devra être compensée, par les collectivités territoriales, et donc par le contribuable local.

On peut déduire des études de l'Ademe de juin dernier qu'à performance égale, sur l'ensemble des emballages, le scénario avec consigne est plus coûteux pour les collectivités qu'un scénario ambitieux sans consigne.

è CAR la consigne pour recyclage se finance « sur le dos » des consommateurs.

Le montant des consignes non rapportées est estimé à une somme comprise entre 161 à 252 millions d'euros en 2029, soit une taxe annuelle déguisée allant de 2,40 à 3,70 euros par an et par Français.

è CAR la consigne pour recyclage présente un risque de rupture d'égalité territoriale.

En définitive, la consigne pour recyclage constitue pour l'heure une impasse.

Comme le permet, en l'état, le projet de règlement européen « emballages », une clause de revoyure pourrait donc être prévue en 2026, pour réévaluer la pertinence de la mise en place d'une consigne pour recyclage sur les emballages et juger de l'efficacité de l'ensemble des autres leviers ambitieux identifiés par le rapport d'information.

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