B. UN IMPÉRATIF : DONNER AUX ÉLUS LES MOYENS DE TRANSFORMER LEUR ENGAGEMENT EN ACTION

Les développements précédents ont porté sur l'aide que les communes doivent recevoir de l'État pour mener à bien leurs projets.

Mais les maires doivent aussi pouvoir trouver, au sein de leur commune, les outils pour agir et gérer les affaires municipales.

On ne peut que saluer les nombreux maires qui, dans l'adversité et en dépit des contraintes qui s'imposent à eux, ont démontré leur capacité d'initiative, d'innovation et ont pu, par des bonnes pratiques qu'il convient de mettre en lumière, dégager des marges de manoeuvre et surmonter les obstacles pour répondre aux besoins de leurs populations et de leur territoire.

Mais on a vu précédemment que l'équilibre était fragile, notamment sur la question du personnel municipal.

Il faut donc conforter l'action des maires en leur assurant des moyens juridiques et humains renforcés, qui leur permettent de retrouver dans leur action une autonomie certaine. Trois voies doivent être explorées : la relance du pouvoir réglementaire local, le renforcement de l'effectivité des pouvoirs de police du maire et la consolidation des équipes administratives et techniques sur lesquelles les maires peuvent s'appuyer pour agir.

Proposition n° 5 : Conforter, par des moyens juridiques et humains renforcés, la liberté des maires de gérer les affaires de leur commune.

1. Redonner la liberté aux maires de gérer les affaires de leur commune
a) Plaidoyer pour un pouvoir réglementaire local effectif et encouragé
(1) Les espoirs déçus du pouvoir réglementaire local

Le renforcement d'un pouvoir réglementaire local effectif, réaffirmé lors des débats sur la loi « 3DS », a suscité de grands espoirs chez les élus locaux comme chez les parlementaires, le Sénat appelant de longue date à une telle consécration.

Censée remédier au diagnostic persistant d'une inadaptation aux réalités territoriales de nombreuses normes réglementaires décidées « depuis Paris » par des administrations centrales, l'idée d'octroyer, lorsque c'est possible, un pouvoir réglementaire local aux élus, singulièrement municipaux, a été mise en avant lors du « Grand Débat » initié par le Président de la République.

Reprise par les associations d'élus, elle a suscité de grands espoirs malgré quelques réserves, incitant alors la ministre des collectivités territoriales de l'époque, Jacqueline Gourault, à mandater, dès le 18 janvier 2021, dans la perspective de l'examen du projet de loi « 3DS », l'IGA afin de conduire des travaux visant à « recenser et hiérarchiser les prérogatives réglementaires qui pourraient être confiées aux collectivités territoriales en privilégiant des ajustements utiles et pragmatiques »198(*).

La genèse d'une notion fortement soutenue par le Sénat

La notion de « pouvoir réglementaire local », si elle a connu une reconnaissance constitutionnelle dès la révision constitutionnelle de 2003, est un acquis ancien du droit des collectivités territoriales.

En effet, les lois du 10 août 1871 et du 5 avril 1884 ont affirmé la compétence des départements et des communes à régler spontanément les besoins administratifs de leur population. La reconnaissance de la libre administration des collectivités territoriales par la Constitution du 4 octobre 1958 consacre par ailleurs la possibilité dont disposent les collectivités de prendre des actes à caractère général et impersonnel pour l'exercice de leurs compétences : l'article L. 1111-2 du CGCT prévoyant que « les communes [...] règlent par leur délibérations les affaires de leur compétence ».

Confortées par le juge administratif, les collectivités territoriales ont toujours été en mesure de compléter les normes législatives et réglementaires existantes tant pour répondre à une exigence nouvelle de leur population ou de leur territoire que pour compléter une disposition qu'elles étaient chargées de mettre en oeuvre.

À la faveur de sa reconnaissance par le Conseil constitutionnel avant la révision de 2003, le juge constitutionnel a précisé les limites de ce pouvoir. Elles sont principalement de trois ordres :

- en premier lieu, ce pouvoir « ne saurait conduire à ce que les conditions essentielles de mise en oeuvre des libertés publiques et, par suite, l'ensemble des garanties que celles-ci comportent dépendent des décisions de collectivités territoriales et, ainsi, puissent ne pas être les mêmes sur l'ensemble du territoire de la République » ;

- en deuxième lieu, ce pouvoir « ne peut s'exercer en dehors du cadre des compétences qui [sont dévolues à la collectivité territoriale] par la loi » ;

- en dernier lieu, il ne peut avoir « ni pour objet ni pour effet de mettre en cause le pouvoir réglementaire d'exécution des lois que l'article 21 de la Constitution attribue au Premier ministre sous réserve des pouvoirs reconnus au Président de la République par l'article 13 de la Constitution »

Par la suite, a été inscrit par la révision constitutionnelle de 2003 à l'article 72 de la Constitution que les collectivités « dans les conditions prévues par la loi, disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences », le Sénat ayant exprimé largement son adhésion à cette modification par la voix du rapporteur de la commission des lois. Ce principe découle directement de celui de libre administration par des conseils élus des collectivités territoriales posé par le même article et participe donc directement de leur autonomie. Néanmoins, sa consécration constitutionnelle n'est pas allée de pair avec son articulation avec le pouvoir réglementaire national.

En effet, le Conseil d'État, dans son avis du 15 novembre 2012, a admis que « le Premier ministre ne peut intervenir, en vertu du pouvoir réglementaire autonome qu'il tient de l'article 37 de la Constitution, dans les domaines afférents à la compétence des collectivités territoriales. Il ne saurait le faire [...] que s'il y est habilité par le législateur ». Toutefois, cette habilitation est souvent implicite - par exemple lorsque le législateur n'a pas prévu de mesure réglementaire d'application, mais que l'entrée en vigueur effective de la loi suppose que certaines modalités soient fixées au niveau national, seul peut intervenir le pouvoir réglementaire d'application des lois de droit commun, c'est-à-dire le Premier ministre, pour fixer ces modalités -, renforçant alors le pouvoir réglementaire national, au détriment d'un pouvoir réglementaire local effectif.

Malgré un consensus sur son évidente utilité pour différencier et territorialiser l'action publique locale, le pouvoir réglementaire local reste insuffisamment utilisé, comme le Sénat s'en était fait l'écho dès 2020 dans son rapport 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales, en rappelant qu'« au cours des dernières années, l'État, entraîné par sa structure centralisatrice héritée de notre histoire, n'a pas permis l'épanouissement du mouvement décentralisateur. Il s'est immiscé toujours davantage, par l'exercice de son pouvoir réglementaire, par l'intervention de son administration et par ses choix budgétaires, dans la gestion des compétences transférées aux collectivités territoriales ».

Face à ce constat, le Sénat a, dès lors, souhaité « renforcer le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales [...], impératif pour développer les libertés locales, [en] ne permettant l'intervention de décrets dans les domaines de compétence des collectivités territoriales que lorsque la loi le prévoit ». Cette proposition a par la suite été votée par le Sénat, dans le cadre de l'examen de la proposition de loi constitutionnelle relative au plein exercice des libertés locales déposée par Philippe Bas et Jean-Marie Bockel.

Dans ce même rapport, il était également proposé de « passer en revue les législations sectorielles touchant aux compétences locales pour supprimer certains renvois au décret ou mieux encadrer l'exercice du pouvoir réglementaire national ».

Semblant partager ce constat d'un nécessaire renforcement du pouvoir réglementaire local, le projet de loi « 3DS » présentait à son article 2 initial un dispositif procédant à une extension de ce pouvoir à trois domaines : la fixation du nombre d'élus au conseil d'administration des CCAS et CIAS, la détermination par le maire du délai de transmission à l'Office national des forêts (ONF) de documents relatifs au pâturage et au panage, et la fixation du régime des redevances dues aux communes pour l'occupation provisoire de leur domaine public par les chantiers de travaux. Ce dispositif a été enrichi, à l'initiative du Sénat, d'autres mesures sectorielles permettant d'étendre l'application du pouvoir réglementaire local sur les champs de compétences existants des collectivités (cf. encadré suivant).

Cette idée a, dès sa première diffusion, suscité une très large adhésion des élus locaux de toutes strates et du Sénat, mais sa concrétisation est restée quasiment inexistante. Malgré de nombreuses initiatives sénatoriales, de nature constitutionnelle comme législative199(*), le renforcement du pouvoir réglementaire local constitue de l'aveu même de la DGCL un « échec collectif ».

À titre d'exemple, le dispositif proposé par Jacqueline Gourault dans le projet de loi « 3DS » a été qualifié par les rapporteurs Mathieu Darnaud et Françoise Gatel comme étant « d'une remarquable indigence au regard des ambitions affichées ». Au surplus, les espoirs placés dans le rapport mandaté par la ministre à l'IGA ont été quasi intégralement déçus. Ces travaux ont débouchés sur peu de propositions concrètes.

Parallèlement, la loi « 3DS » n'a accouché que de quelques modestes extensions du pouvoir réglementaire local, les divergences entre l'Assemblée nationale et le Sénat n'ayant permis d'emporter un consensus que sur de rares dispositions.

Les extensions du pouvoir réglementaire local
permises par l'article 6 de la loi « 3DS » :
des améliorations bienvenues mais étiques au regard de l'ambition affichée.

L'article L. 1413-1 du CGCT est modifié afin de donner la possibilité aux collectivités territoriales et leurs groupements concernés de déterminer librement les représentants à associer au sein de la commission consultative des services publics locaux, sans restreindre la participation aux seules associations locales.

L'article L. 123-6 du code de l'action sociale et des familles est complété afin de prévoir que le nombre de membres élus au conseil d'administration des centres communaux et intercommunaux d'action sociale soit fixé par délibération du conseil municipal ou du conseil communautaire.

L'article L. 1272-5 du code des transports est complété afin de prévoir que, pour les services ferroviaires de transport de voyageurs d'intérêt régional, le nombre minimal d'emplacements pour vélo à bord est fixé par délibération du conseil régional ou, pour la région Île-de-France, du conseil d'administration d'Île-de-France Mobilités.

L'article L. 241-11 du code forestier disposait que « Chaque année, le maire d'une commune dans laquelle existent des droits d'usage assure la publication de la liste des terrains qui n'ont pas fait l'objet d'une mise en défens et du nombre de bestiaux admis au pâturage et au panage, qui ont été portés à sa connaissance par l'Office national des forêts. Il dresse, s'il y a lieu, dans un délai fixé par décret, un état de répartition, entre les titulaires d'un droit d'usage, du nombre des bestiaux admis ». Or ce décret n'ayant jamais été pris, le renvoi a été supprimé, au profit d'une décision du maire qui doit, désormais, dresser un état de répartition dans un délai qu'il juge compatible avec la communication par l'ONF.

Sources : article 6 de la loi « 3DS » et DGCL

(2) La nécessité de redonner une capacité normative d'agir aux maires

En dépit des réticences du Gouvernement à déterminer précisément les règles nouvelles dont la fixation pourrait échoir au pouvoir réglementaire local200(*), il existe un très fort consensus parmi les élus locaux, et singulièrement communaux, sur la nécessité d'approfondir le pouvoir réglementaire local.

En témoigne la récente consultation menée par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, qui a révélé que 83 % des élus interrogés étaient favorables « à des transferts de capacités de décision aux collectivités locales »202(*).

Une vraie tendance de fond se dessine sur ce point et est mise en lumière par les récents travaux du groupe de travail sénatorial relatif à la décentralisation présidé par Gérard Larcher, président du Sénat : les élus locaux, en particulier municipaux, souhaitent, avant de se voir confier de nouvelles compétences ou de demander une évolution de l'organisation territoriale, disposer des moyens juridiques efficaces et à leur seule main pour exercer pleinement leurs responsabilités et mettre en oeuvre les projets pour lesquels ils ont été élus203(*).

Réaffirmant une position traditionnelle du Sénat, le rapporteur de la mission est convaincu que l'exercice du pouvoir réglementaire local dispose d'importants atouts qui justifient son renforcement : en ce qu'il permettrait non seulement de rapprocher la décision des citoyens mais surtout aux maires de disposer d'outils concrets et effectifs de différenciation et de libre administration, les facultés offertes par le pouvoir réglementaire local doivent être pleinement utilisées. L'ensemble des possibilités offertes par le pouvoir réglementaire local doivent être mises au service des maires et leur permettre, lorsque nécessaire et dès lors que cela est pertinent localement, de s'en saisir.

Toutefois, le rapporteur souhaite rappeler que, dans un contexte où nombreux sont les maires et élus municipaux préoccupés par l'engagement croissant de leur responsabilité, il convient de ne pas placer les élus dans des situations de carence quasiment inéluctable de l'exercice de leurs pouvoirs ou dans des situations juridiques problématiques en leur confiant une réglementation dont ils ne disposent pas des moyens de la mettre en oeuvre. Au surplus, le renforcement des exigences en matière de conflits d'intérêts ne doit pas être ignoré s'agissant du pouvoir réglementaire puisque celles-ci peuvent, suivant les champs dans lesquels serait développé ce pouvoir, conduire à des situations complexes obligeant le principal titulaire de ce pouvoir, le maire, à se déporter et à ne pas pouvoir l'exercer lui-même.

L'ensemble de ces éléments plaide donc pour un renforcement concret mais prudent des pouvoirs normatifs du maire. La voie privilégiée par le rapporteur est celle d'un pouvoir réglementaire local supplétif qui permettrait de compléter, renforcer, adapter ou déroger à une règle nationale existante qui trouverait à s'appliquer par défaut en l'absence d'intervention réglementaire locale afin d'éviter, autant que faire se peut, les situations de carence ou l'inapplication de mesures pourtant nécessaires aux administrés.

De la diversité du pouvoir réglementaire local :
tentative de typologie

S'il est présenté comme une notion unifiée, le pouvoir réglementaire local n'en recouvre pas moins des réalités et pouvoirs normatifs protéiformes.

En effet et comme l'a analysé un récent rapport de l'IGA, plusieurs fonctions de ce pouvoir réglementaire local existent et peuvent, sans prétendre à l'exhaustivité, être catégorisées comme suit :

- définir des modalités d'application d'une loi nationale. Il s'agit alors de confier directement aux collectivités territoriales le soin d'édicter les mesures d'application d'une loi ;

compléter les modalités fixées par décret. Ainsi, une norme locale peut adopter des conditions d'application plus favorables que la norme nationale (notamment s'agissant des prestations et minima sociaux), mais elle peut également renforcer les prescriptions nationales (à l'exemple des modulations de vitesses de circulation en centre-ville à la main du maire). De la même manière, une norme locale peut définir des prescriptions particulières en fonction des réalités locales comme lors de l'édiction de certains zonages, notamment en matière d'urbanisme ;

- mettre en oeuvre une disposition nationale conditionnée à un accord local. Plusieurs dispositifs nationaux nécessitent, pour être effectivement déployés, un accord local qui se manifeste par une délibération du conseil municipal ou de l'organe délibérant. Ainsi, le dispositif visant à encadrer le montant des loyers des biens loués est conditionné à des critères nationaux et à une délibération de la collectivité concernée ;

déroger à une norme réglementaire nationale dès lors que celle-ci le prévoit expressément. En effet, certains dispositifs nationaux peuvent, à titre dérogatoire, ne pas être déployés sur certains territoires après délibération de la collectivité territoriale concernée. Ainsi, les communes et les EPCI à fiscalité propre situés dans des bassins d'emplois à redynamiser peuvent, par délibération, supprimer l'exonération de contribution foncière des entreprises. 

Source : mission, d'après l'IGA204(*)

Bien que les maires puissent, en application de la clause de compétence générale des communes, intervenir dans des champs de politique publique extrêmement variés, il apparaît dès lors souhaitable de renforcer, en premier lieu, les pouvoirs normatifs dévolus aux maires dans des champs de compétence traditionnels du bloc local, à commencer par l'urbanisme et l'aménagement. En effet, un tel renforcement permettra de rendre davantage visible l'utilisation par le maire de ces nouvelles capacités d'agir tout en facilitant leur appropriation par les élus, déjà largement habitués à les manier et à les mettre en oeuvre au quotidien.

Ainsi, la location des résidences principales comme meublés de tourisme pose des difficultés très hétérogènes aux maires qui ne disposent d'aucune faculté d'adaptation locale de normes applicables nationalement malgré la disparité des situations auxquelles ils sont confrontés. En effet, aujourd'hui, peu de maires se satisfont des règles applicables à ces meublés touristiques : les communes les plus touristiques tentent, en vain, d'enrayer leur développement, tandis que les communes qui cherchent à développer l'offre touristique sur leur territoire ne disposent d'aucun levier en la matière. À titre d'exemple, lors de son audition par la mission, le maire de Saint-Malo, Gilles Lurton a déploré « l'impossibilité pour de nombreux travailleurs de Saint-Malo de trouver un logement sur la commune, et plus encore dans les remparts » - autrement dit, le centre-ville de Saint-Malo - qui doit aujourd'hui faire face à une forte pression immobilière du fait de la multiplication des meublés de tourisme.

À l'inverse, certains territoires, notamment ruraux, tentent de développer leur offre hôtelière et de la diversifier en proposant des alternatives aux stations littorales ou de montagnes touristiques et souhaitent disposer d'outils incitatifs pour ce faire. Ainsi, l'entreprise Airbnb et l'Association des maires ruraux de France ont conclu en avril 2021 un partenariat tendant à faciliter le déploiement de 15 000 meublés de tourisme exploités via cette plateforme dans des communes rurales205(*).

Dès lors, il apparaît souhaitable de donner aux maires la possibilité de moduler le nombre de nuitées susceptibles d'être proposées à la location pour des résidences principales - à la hausse comme à la baisse -, de même que des pouvoirs de modulation de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires en fonction des tensions et besoins de l'offre touristique locale ou encore de mieux contrôler ces activités en décidant d'instituer un dispositif ad hoc d'enregistrement des meublés de tourisme. Par ailleurs, les maires devraient pouvoir tenir compte de la qualité environnementale des logements pour les rendre inéligibles à la location, y compris en leur qualité de meublé de tourisme. Plus précisément, la réglementation nationale existante continuerait de s'appliquer ; toutefois, celle-ci pourrait évoluer par des décisions locales adaptées aux besoins des territoires et susceptibles d'évoluer en fonction des dynamiques touristiques de ceux-ci.

De la même manière, d'un constat partagé avec l'IGA206(*), il semble souhaitable et de nature à répondre aux souhaits des élus de redonner des marges d'appréciation locale s'agissant des constructions dispensées de formalités en matière d'urbanisme, dont la liste est aujourd'hui fixée nationalement à l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme. Ainsi, pourquoi ne pas octroyer aux maires ou présidents d'EPCI à fiscalité propre compétents le soin de définir, à titre supplétif, dans un PLUi, les caractéristiques des constructions dispensées de toute formalité au titre du code de l'urbanisme, en raison de leur nature ou faible importance, dès lors qu'elles ne se situent pas dans des zones soumises à avis conforme des architectes des bâtiments de France.

Par ailleurs et concernant plus spécifiquement les territoires ultramarins, la situation de l'habitat indigne est particulièrement préoccupante et se manifeste par des réalités très différentes d'un territoire à l'autre. Les associations d'élus, à commencer par l'AMF, alertent régulièrement les pouvoirs publics sur la complexité des critères de l'habitat indigne et leur inadaptation aux réalités de certains territoires du fait de leur uniformité. Les autorités organisatrices de l'habitat ultramarines devraient être en mesure d'adapter les prescriptions réglementaires nationales aux besoins particulièrement spécifiques de leur territoire.

Une insuffisante prise en compte des spécificités
de l'habitat dégradé et indigne en outre-mer

Selon le rapport sur la politique du logement en outre-mer publié en 2021 par la délégation sénatoriale aux outre-mer, les proportions d'habitat dégradé et indigne seraient encore bien supérieures dans les outre-mer à ce qui est connu dans l'Hexagone : le seul habitat indigne y concernerait près de 110 000 logements, soit 13 % du parc207(*) et environ dix fois plus que dans l'Hexagone.

Aujourd'hui, compte tenu notamment de leurs spécificités climatiques, certains de ces critères de décence des logements ne sont pas applicables dans les territoires d'outre-mer, notamment la présence d'un chauffage, la mise à disposition d'eau chaude et l'étanchéité du logement à l'air. Les critères de performance énergétiques introduits par la loi dite « Énergie Climat » ne sont pas valables dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution.

La volumétrie et les caractéristiques spécifiques de l'habitat dégradé dans les outre-mer ont conduit à l'adoption de mesures spécifiques. Il y a dix ans, la loi dite « Letchimy », faisant le constat d'une inadaptation des textes régissant la lutte contre l'habitat indigne aux situations observées outre-mer, a ainsi ciblé particulièrement les quartiers d'habitat informel (« bidonvilles »), organisé le repérage des différentes formes d'habitat précaire et indigne et permis la mise en oeuvre des moyens techniques, humains et financiers nécessaires à leur résorption.

Cependant, ces mesures spécifiques n'ont pas suffi à éradiquer le phénomène, désormais plus diffus sur ces territoires, de l'habitat dégradé et indigne.

Source : délégation sénatoriale aux outre-mer208(*)

Enfin, des obligations extrêmement détaillées ont été prévues dans la loi s'agissant du nombre de places de stationnement devant être créées pour les équipements collectifs financés par l'État ou la création de résidences universitaires ou d'établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Ces obligations doivent être mises en oeuvre par les communes et dupliquées dans leurs documents d'urbanisme. Est ainsi prévu, par l'article L. 151-35 du code de l'urbanisme, que lorsqu'un Ehpad est construit « à moins de cinq cents mètres d'une gare ou d'une station de transport public guidé ou de transport collectif en site propre et que la qualité de la desserte le permet, il ne peut, nonobstant toute disposition du plan local d'urbanisme, être exigé la réalisation de plus de 0,5 aire de stationnement par logement ». Ce dispositif est particulièrement rigide et pourrait être renvoyé à une décision du pouvoir réglementaire local. Si une dérogation est bien prévue par l'article L. 152-6 du même code, celle-ci n'est applicable qu'aux communes appartenant à une zone d'urbanisme continue de plus de 50 000 habitants. Dès lors, il serait souhaitable de redonner aux maires ou présidents d'intercommunalités chargés de l'urbanisme, des marges de manoeuvre locales en la matière ce qui permettrait d'adapter les règles aux contraintes locales et d'assouplir un dispositif inutilement corseté par la loi.

Proposition n° 5 : Conforter, par des moyens juridiques et humains renforcés, la liberté des maires de gérer les affaires de leur commune.

Sous-proposition n° 1 : Renforcer le pouvoir réglementaire des maires, capacité normative d'agir.

b) Renforcer les pouvoirs de police et les moyens de contrôle à la main des maires afin de rendre effectives leurs décisions

Comme on l'a vu précédemment, les maires interrogés sur leurs missions préférées ont classé celles de police municipale en dernière position, avec une note moyenne de 4,24 sur 10.

Ce désamour contraste avec l'importance qui s'attache à ses fonctions et le fait que, de leur côté, les citoyens interrogés par l'institut CSA pour le compte de la mission placent, à 41 %, la sécurité au premier ou au deuxième rang des priorités de l'action municipale.

On peut risquer une hypothèse : la police municipale, pour le maire, est l'une des missions plus susceptibles de conduire à des contestations, notamment contentieuses, voire des confrontations avec les administrés. En outre, c'est celle qui met au défi son autorité, en particulier lorsqu'il ne dispose pas toujours des moyens d'assurer l'effectivité des décisions qu'il prend.

Plusieurs voies méritent d'être explorées pour renforcer les moyens d'actions des maires en la matière et ainsi consolider leur autorité sur le territoire de leur commune.

(1) Améliorer concrètement l'information et la formation dédiées aux pouvoirs de police délivrée aux maires

Face aux difficultés quotidiennes que rencontrent les maires dans l'exercice d'un de leur pouvoir traditionnel, le rapporteur estime que deux propositions concrètes permettant de mieux former les maires à l'exercice des pouvoirs de police doivent être, prioritairement, mis en oeuvre :

- en premier lieu, comme l'avait déjà appelé de ses voeux la commission des lois du Sénat à la suite du tragique décès du maire de Signes, une formation spécifique à ces pouvoirs de police pourrait être renforcée « en s'appuyant sur les services du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) »209(*), aujourd'hui compétent pour les seuls agents territoriaux ;

- en second lieu, la diffusion d'une documentation complète expliquant l'étendue des pouvoirs de police et les modalités concrètes de leur exercice, si besoin au moyen de modèles d'actes (en particulier des arrêtés de police et des procès-verbaux types) serait de nature à simplifier l'exercice de leurs prérogatives par les maires. Au surplus, une telle documentation pourrait utilement renforcer la sécurité juridique des actes établis par les maires comme certaines préfectures le pratiquent déjà.

(2) Renforcer les pouvoirs de police des maires et les doter de moyens efficaces et simples de contrôle

Trois mesures peuvent être envisagées pour renforcer l'effectivité des pouvoirs de police du maire.

La première serait un élargissement du champ des infractions pour lesquelles les agents de police municipale sont habilités à dresser des amendes forfaitaires, qui présentent l'avantage de sanctionner rapidement et sans formalités excessives un contrevenant.

De telles amendes sont déjà prononcées, avec succès, dans un nombre très limité et limitativement énuméré de matières, par les agents de police municipale : l'on pense en particulier aux contraventions au code de la route ou aux infractions en matière de tapage nocturne210(*). C'est pourquoi la mission estime que cette mesure garantissant une efficacité immédiate de la sanction doit être étendue aux infractions aux arrêtés du maire facilement caractérisables et aisément constatables, notamment en matière de voirie, de consommation d'alcool sur la voie publique, de lutte contre la sécheresse et de baignade211(*). La mission, si elle souhaite renforcer cette modalité de poursuite à la main des agents de police municipale, n'estime cependant pas souhaitable de la généraliser à l'ensemble des manquements aux arrêtés municipaux tant le champ que ceux-ci recouvrent peut être divers et parfois inadapté au prononcé de sanctions au moyen d'une procédure aussi simplifiée.

En complément, la mission estime nécessaire de renforcer les sanctions applicables aux manquements à un arrêté de police du maire.

En l'occurrence, si l'élévation de la première à la deuxième classe de la contravention encourue en pareil cas a été récemment opérée par le pouvoir réglementaire212(*), après que des recommandations en ce sens émanent de la commission des lois du Sénat, il apparaît souhaitable de poursuivre en ce sens pour renforcer l'autorité de certains arrêtés de police en particulier au regard des amendes spécifiques sanctionnant les manquements à d'autres infractions nationales ou pour les arrêtés réprimant des troubles particuliers à l'ordre public.

Extraits du « plan pour la sécurité des maires » de la commission des lois du Sénat

« En l'état du droit, les infractions aux arrêtés de police édictés par le maire ou par le préfet sont punies, en application de l'article R. 610-5 du code pénal, d'une amende de la première classe, c'est-à-dire d'un maximum de 38 euros, à l'exception de celles faisant l'objet de dispositions légales ou réglementaires spécifiques.

« De manière à renforcer l'effectivité des pouvoirs de police du maire et à rendre les sanctions à ses arrêtés plus dissuasives, votre commission recommande d'élever la contravention de la première à la deuxième classe, pour porter le montant maximal de l'amende encourue à 150 euros.

« Proposée par le rapport précité de l'inspection générale de l'administration, cette augmentation n'apparaît pas disproportionnée au regard des amendes prévues, par des dispositions spéciales, pour réprimer d'autres atteintes à des arrêtés de police municipale. À titre d'exemple, le non-respect de la réglementation municipale en matière de collecte des ordures ménagères est d'ores et déjà puni d'une amende prévue pour les contraventions de la deuxième classe. »

Source : rapport précité.

Plus précisément et comme l'avait relevé le rapport précité de l'Assemblée nationale, « actuellement, par exemple, le code pénal réprime de l'amende prévue pour les contraventions de deuxième classe le non-respect de la réglementation en matière de collecte des ordures, et de celle prévue pour les contraventions de quatrième classe le dépôt sauvage d'ordures. Par ailleurs, la divagation d'animaux dangereux constitue une infraction passible de l'amende prévue pour les contraventions de deuxième classe, tandis que les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes ou l'excitation d'animaux dangereux sont passibles de l'amende prévue pour les contraventions de troisième classe ».

Ainsi, la mission recommande que, pour certaines infractions aux arrêtés de police du maire, en particulier au regard d'amendes spécifiques déjà existantes pour sanctionner des infractions similaires ou dans les situations occasionnant des troubles répétés et caractérisés à l'ordre public (consommation d'alcool sur la voie publique en dépit d'une interdiction formalisée par un arrêté municipal), la contravention soit élevée de la deuxième à la troisième classe. Tout en respectant le principe de proportionnalité des peines, le montant maximal de l'amende encourue serait alors de 450 euros, en application de l'article 131-13 du code pénal.

En troisième lieu, afin de simplifier le contrôle et la sanction des manquements aux arrêtés de police du maire, le rapporteur estime particulièrement nécessaire de développer l'établissement de procès-verbaux électroniques. Cette simplification, notamment défendue par Philippe Bas, auteur du « Plan pour la sécurité des maires », pourrait être facilement mise en oeuvre parallèlement à l'élargissement du champ des amendes forfaitaires applicable aux arrêtés de police du maire en ce qu'elle n'est applicable qu'aux seules infractions faisant l'objet d'une telle procédure213(*).

Enfin, le rapporteur fait sienne la recommandation émise par la commission des lois du Sénat s'agissant de l'assouplissement des conditions de prononcé, par le maire, des amendes administratives.

En l'occurrence, comme l'avait déjà fait valoir la commission des lois, « en limitant le prononcé des amendes administratives aux manquements “ayant un caractère répétitif ou continu”, le texte du Gouvernement tend à complexifier, pour le maire, la caractérisation des situations justifiant l'application d'une telle amende, ce qui priverait le dispositif de son efficacité. Au demeurant, il apparaît souhaitable que le maire puisse réagir dès la première incivilité, étant entendu que l'auteur du manquement aurait, en tout état de cause, toujours la possibilité de se mettre en conformité avec la réglementation dans le cadre d'une procédure de mise en demeure »214(*).

Le rapporteur de la mission, dans le cadre de son rapport sur le projet de loi dit « Engagement et Proximité », avait tenté, avec son co-rapporteur Françoise Gatel, de faire valoir cette position, sans succès215(*). Toutefois, les constats alors dressés sont toujours, plusieurs années après, d'actualité.

Fort de ces constats, le rapporteur propose donc de supprimer cette condition de répétition ou de continuité, qui nuit à l'applicabilité du dispositif de l'amende administrative, pourtant bienvenu et aujourd'hui pleinement approprié par les maires.

Proposition n° 5 : Conforter, par des moyens juridiques et humains renforcés, la liberté des maires de gérer les affaires de leur commune.

Sous-proposition n° 2 : Renforcer l'effectivité du pouvoir de police du maire et ses moyens de contrôle

2. Renforcer l'équipe autour du maire et garantir sa présence à ses côtés

Face à la démultiplication des missions qu'ils assument dans un environnement normatif toujours plus complexe, les maires doivent pouvoir s'appuyer sur une équipe polyvalente, dotée d'effectifs suffisants.

a) Remédier à la crise du recrutement des secrétaires de mairie 

Confronté à des difficultés de recrutement spécifiques, le poste de secrétaire de mairie doit impérativement être revalorisé, pour ne pas priver les maires des plus petites communes de ces agents indispensables au fonctionnement de la municipalité.

Plusieurs propositions ont récemment émergé dans ce sens, dont certaines soutenues par le Gouvernement. Il manque encore une réforme d'ensemble.

En premier lieu, s'agissant de l'évolution de carrière des secrétaires de mairie, la proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie adoptée par le Sénat le 14 juin 2023 prévoit la requalification dans un emploi de catégorie B des secrétaires de mairie de catégorie C. Si la portée de cette évolution, ouverte aux seuls fonctionnaires et instituée à titre temporaire jusqu'au 31 décembre 2028, ne doit pas être surestimée, la promotion interne étant souvent synonyme d'une mobilité géographique qui peut décourager les agents concernés, elle constitue un geste symbolique notable et permettra d'apporter une revalorisation attendue de cette profession essentielle.

En deuxième lieu, corollaire naturel de cette évolution de carrière renouvelée, il convient d'améliorer le niveau de rémunération des secrétaires de mairie, tant sur le plan indiciaire qu'indemnitaire. Ainsi, le rapporteur appelle le Gouvernement à concrétiser au plus vite les engagements pris par Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques, en séance publique au Sénat de créer « une future charte d'engagement, pour prévoir les critères et les montants pouvant être utilisés afin de faire de [l'indemnité de fonctions de sujétions et d'expertise (IFSE)] une véritable prime de responsabilité pour les secrétaires de mairie. »216(*)

En troisième lieu, il convient de renforcer la formation, notamment initiale, des secrétaires de mairie. Le président de la Fédération nationale des centres de gestion de la fonction publique territoriale, Michel Hiriart, a fait valoir devant la mission que « la priorité absolue, c'est la formation car c'est de cela que tout découle ».

Le Sénat a adopté en séance publique un amendement renforçant celle-ci et prévoyant notamment son adaptation « aux besoins des collectivités concernées » : une telle évolution doit non seulement aboutir dans le cadre de la discussion parlementaire mais également être effectivement traduite sur le terrain par une offre et des moyens de formation suffisants. La polyvalence étant au coeur des fonctions de secrétaire de mairie, la formation de chacun doit être renforcée pour tenir compte des spécificités de ce métier.

Enfin, en dernier lieu, il convient d'ouvrir plus largement l'accès aux emplois de secrétaire de mairie, en permettant notamment, comme recommandé par le rapport précité et adopté par le Sénat dans le cadre de la proposition de loi évoquée ci-avant, la possibilité de nommer des contractuels à ces fonctions, y compris dans les communes de moins de 2 000 habitants.

À cet égard, corrélativement à cette évolution, le rapporteur estime souhaitable que soient ouvertes plus largement les facultés de délégation, en matière d'état civil, à des contractuels. À l'heure où de plus en plus de secrétaires de mairie exerceront leurs missions sous un statut de contractuel, il est difficilement compréhensible que le maire ne puisse pas leur déléguer certaines missions relatives à l'état civil. L'argument selon lequel la nature régalienne de la mission s'y opposerait n'est pas recevable dans la mesure où la fonction publique d'État connaît déjà des cas de contractuels exerçant des fonctions régaliennes. La fonction de sous-préfet est elle-même ouverte à des contractuels, placés dans ces fonctions en service extraordinaire, sur le fondement du I de l'article 16 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

b) Des progrès dans la mutualisation de certains emplois : consolider les réussites des mutualisations de garde champêtres et policiers municipaux

Dans l'optique de consolider l'équipe autour du maire, les facultés de mutualisation existantes doivent être encouragées et prolongées.

Il est déjà possible de le faire, à l'échelle de l'intercommunalité, pour les gardes champêtres ou les policiers municipaux voire, pour ces derniers, dans le cadre d'un syndicat à vocation unique217(*).

Comme l'ont relevé les députés Naïma Moutchou et Philippe Gosselin en 2020, de telles mutualisations commencent déjà à porter leurs fruits. Il en va tout particulièrement de la pratique dite « des brigades vertes », réunissant des gardes champêtres ou des agents de police municipale et spécialement chargées de lutter contre les incivilités liées aux dépôts sauvages et aux atteintes à l'environnement. Il est relativement fréquent que de tels effectifs soient mutualisés à l'échelle de l'intercommunalité, ce qui constitue un indéniable progrès, comme le notent les deux députés : « Si de nombreuses communes ont mis en place de telles unités, la création de brigades intercommunales s'avère particulièrement intéressante, dans la mesure où en matière de protection de l'environnement, certaines compétences relèvent obligatoirement de l'EPCI. Lors de son audition, l'association Villes de France s'est en effet dite “favorable au développement d'une police de l'environnement à l'échelle de l'agglomération. En effet, les maires ont besoin de « brigades vertes » qui sillonnent l'ensemble du territoire intercommunal, pour lutter contre les dépôts sauvages, et toutes les formes d'atteintes à l'environnement ». Si certains territoires, pionniers en la matière - notamment avec la Brigade verte d'Alsace, qui existe depuis 1989 et s'appuie sur le syndicat mixte des gardes champêtres intercommunaux218(*) -, sont habitués à ce mode de fonctionnement, ce dernier tend à se populariser : ainsi, en 2017, les communes de Lapugnoy, Gonnehem, Robecq dans le Pas-de-Calais ont par exemple conclu une convention de mise à disposition d'un garde champêtre, rejointes par Calonne-sur-la-Lys en 2019219(*).

Un exemple de mutualisation à grande échelle : la Brigade verte d'Alsace

Comme le rappelle la chambre régionale des comptes du Grand Est, « ce syndicat mixte a été créé le 5 mai 1989 par arrêté du préfet du Haut-Rhin, le payeur départemental ayant été désigné comptable assignataire de la structure. Le siège social, l'administration et le poste central de la « Brigade Verte » sont installés à Soultz, le syndicat disposant de 10 autres postes couvrant le territoire du département du Haut-Rhin en trois secteurs géographiques distincts (nord, centre et sud). [...] Il est majoritairement financé par les participations des communes (1,8 M€ en 2019) et la contribution du département du Haut-Rhin (1,4 M€). »

En 2020, il compte parmi ses membres le département du Haut-Rhin, la région Grand Est, 329 communes du Haut-Rhin, et deux communes du Bas-Rhin (Muttersholtz et Kintzheim). Au 1er mars 2022, il revendiquait néanmoins un périmètre d'intervention particulièrement large, couvrant 379 communes, comme le montre la carte ci-après.

Carte du périmètre d'intervention de la Brigade verte d'Alsace

Source : Brigade verte d'Alsace

Désormais stabilisés, ces dispositifs doivent être encouragés afin de faciliter pour les maires le déploiement d'agents à même de garantir une sécurité du quotidien.

Au-delà du seul cas des pouvoirs de police, de tels dispositifs de mutualisation ou de mise en commun par voie conventionnelle ont d'ailleurs connu une nouvelle extension dans le cadre de la loi « 3DS », dont l'article 180 a assoupli la gestion des services communs dont les EPCI à fiscalité propre peuvent se doter en coopération avec leurs communes membres ainsi que leurs éventuels syndicats intercommunaux. Il a ainsi été prévu qu'en « fonction de la mission réalisée, les agents des services communs sont placés sous l'autorité fonctionnelle du maire ou sous celle du président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. »

Ces dispositifs ont donc fait la preuve de leur efficacité, et il conviendrait de les encourager. À titre d'exemple, dans les territoires ruraux, la mutualisation du recrutement d'une secrétaire de mairie pourrait être davantage encouragée, ce qui faciliterait l'organisation du travail de celui-ci et faciliterait le recrutement. Lors de son audition par la mission, le président de la Fédération nationale des centres de gestion de la fonction publique territoriale, Michel Hiriart, a d'ailleurs salué dans la mutualisation « un outil exceptionnel pour deux raisons : elle permet, d'une part, de pallier les absences et, d'autre part, de former les agents in situ avec l'appui de leurs collègues et des centres de gestion. Dans la quasi-totalité des cas, ces agents finissent par être recrutés sur des postes pérennes ».

Proposition n° 5 : Conforter, par des moyens juridiques et humains renforcés, la liberté des maires de gérer les affaires de leur commune.

Sous-proposition n° 3 : Consolider l'équipe autour du maire en facilitant les recrutements de secrétaires de mairie et d'agents municipaux spécialisés et en encourageant les mutualisations de personnel.


* 198  Lettre de mission, annexée au rapport de l'IGA, « Le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales : enjeux et perspectives », juin 2021, p. 75.

* 199 Voir encadré ci-avant.

* 200 Le Gouvernement n'a pourtant, sur le principe, jamais été défavorable, au contraire, à un renforcement du pouvoir réglementaire local : l'exposé des motifs du projet de loi « 3DS » est sur point éclairant en ce qu'il déclarait qu'« il est temps de construire une nouvelle étape de la décentralisation : une décentralisation de liberté et de confiance qui offre aux territoires les moyens d'être plus dynamiques, plus agiles face aux principaux défis auxquels ils font face »201. Voir l'exposé des motifs.

* 202  Résultats de la consultation nationale des élus en matière de décentralisation, organisée par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, dans la perspective de l'examen du projet de loi dit « 4D » et publiés le 11 mai 2021.

* 203 Rapport du groupe de travail du Sénat sur la décentralisation précité, p. 43.

* 204 Rapport de l'IGA, op. cit, p. 23-24.

* 205 Voir le communiqué de presse de l'AMRF.

* 206 Rapport de l'IGA, op. cit., p. 58.

* 207  La politique du logement dans les outre-mer, rapport d'information n° 728 (2020-2021) fait par Guillaume Gontard, Micheline Jacques et Victorin Lurel au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer, déposé le 1er juillet 2021.

* 208  Rapport n° 411 (2022-2023) fait par Micheline Jacques au nom de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi visant à mieux protéger les locataires bénéficiant d'une allocation de logement et vivant dans un habitat non-décent, déposé le 8 mars 2023.

* 209  Plan d'action pour une plus grande sécurité des maires - Résultats de la consultation lancée par le Sénat, rapport d'information n° 11 (2019-2020) fait par Philippe Bas au nom de la commission des lois du Sénat, déposé le 2 octobre 2019.

* 210 Voir l'article 1er du décret n° 2022-185 du 15 février 2022 modifiant la classe de la contravention prévue à l'article R. 610-5 du code pénal et instituant de nouvelles contraventions.

* 211 Le rapport de la commission des lois du Sénat précité avait identifié ces mêmes matières et préconisait des mesures en ce sens.

* 212 Rapport n° 97 précité.

* 213 Voir les articles R49-1 et A37-19 du code de procédure pénale.

* 214 Rapport de la commission des lois du Sénat précité, p. 42.

* 215 Voir le commentaire de l'article 15 du projet de loi initial dit « Engagement et Proximité » : « Par le même amendement COM-610 de ses rapporteurs, [la commission] a supprimé la condition tendant à restreindre le prononcé des amendes administratives aux manquements « ayant un caractère répétitif ou continu ». Il lui est en effet apparu qu'une telle condition était de nature à complexifier, pour le maire, la caractérisation des situations dans lesquelles une amende administrative pourrait être prononcée. Au demeurant, dès lors que serait supprimé le cumul des poursuites administratives et pénales, il apparaît souhaitable que le maire puisse réagir dès le premier manquement constaté ».

* 216  Compte rendu intégral des débats de la séance du 14 juin 2023.

* 217 Articles 61 et 63 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 dite « Engagement et proximité » et 8 de la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés.

* 218 Voir le rapport d'observations définitives de la chambre régionale des comptes du Grand Est sur cette structure, en date du 15 février 2021.

* 219 Pour une présentation succincte, voir notamment « La mutualisation des gardes champêtre séduit les communes rurales », Gazette des communes, 10 novembre 2021.