B. LES RESSOURCES HUMAINES : L'ENJEU PRIORITAIRE

Les tensions sur les ressources humaines constituent aujourd'hui la principale limite à la montée en puissance du SSA jusqu'au niveau requis par la haute intensité. Il s'agit donc du principal levier à activer.

La LPM 2024-2030 prévoit ainsi un renforcement conséquent des effectifs (+ 460, soit 3 %), cohérente avec la politique de ressources humaines ambitieuse prévue par la feuille de route stratégique « Ambition SSA 2030 ». La capacité du SSA à atteindre cet objectif sera en tout état de cause soumise à la conjoncture sur le marché du travail dans le secteur de la santé.

Évolution des effectifs du service de santé des armées depuis 2015 et cible d'augmentation prévue par la programmation 2024-2030

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Le recrutement de personnels du SSA se maintient à un rythme soutenu avec plus de 500 recrutements par an depuis 2020 (voir tableau ci-dessous). La formation initiale est également attractive et n'est donc pas non plus en cause : depuis 2022, les promotions d'entrée à l'École de santé des armées (ESA) sont d'ailleurs passées de 105 à 125 élèves, avec un objectif de 120 diplômés par promotion.

Évolution des recrutements au sein du SSA depuis 2020

(en ETP)

 

2020

(réalisé)

2021

(réalisé)

2022

(prévision)

2024

(prévision)

Personnels militaires

Officiers

210

195

209

224

Sous-officiers

281

265

380

300

Volontaires

15

24

31

24

Personnels civils (titulaires)

Catégorie A

7

24

85

36

Catégorie B

9

9

82

60

Catégorie C

3

48

0

6

TOTAL

525

565

787

650

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

L'emploi de contractuels dans les HIA s'avère toutefois bien souvent difficile dans la pratique. Le défaut d'attractivité du SSA vis-à-vis des soignants issus du civil s'explique notamment par :

- l'impossibilité de s'aligner sur les niveaux de rémunération des spécialistes proposés dans les établissements civils ;

- les délais excessifs de la procédure de recrutement, très centralisée.

Surtout, SSA fait face à des enjeux de fidélisation des personnels. Les surmonter implique quant à eux la mobilisation de leviers financiers, à l'instar de la prime de lien au service (PLS), instrument dont il conviendra cependant d'évaluer l'efficience. D'après les responsables du ministère auditionnés par le rapporteur, il serait plus efficace d'accorder des primes importantes de façon ciblée, le « saupoudrage » s'avérant inefficace car peu incitatif pour les agents.

La LPM 2024-2030 a vocation à porter un nouveau modèle de ressources humaines pour le SSA, qui doit s'articuler autour de trois axes : de nouveaux statuts, une nouvelle architecture indemnitaire, et une rénovation des parcours professionnels. D'après les informations transmises au rapporteur spécial lors de l'examen du projet de LPM au Sénat, la programmation prévoit à ce titre une enveloppe de 188 millions d'euros de mesures salariales sur la période.

Interrogé sur ce point par le rapporteur spécial, le SSA a toutefois indiquer ne disposer d'aucune étude permettant d'objectiver les différences de rémunérations entre les personnels médicaux et paramédicaux militaires et leurs homologues civils, ce qui pourrait pourtant s'avérer précieux pour concevoir une politique salariale efficiente au service de l'attractivité du SSA.

Pour développer son attractivité, le SSA entend également mieux valoriser l'identité militaire du service, en mettant mieux en avant et en formant davantage à une pratique de la médecine adaptée aux besoins des armées, associant rusticité et expertise de pointe des blessures de guerre et des différents milieux (aéronautique, naval, haute montagne, désert...). Sur ce point, la stratégie d'attractivité rejoint les exigences de la préparation opérationnelle du SSA.

Cette « remilitarisation » des carrières doit également s'appliquer aux personnels paramédicaux. En effet, le modèle RH des MITHA est construit, depuis 1980, sur l'homologie avec la fonction publique hospitalière (FPH), dont les problématiques sont parfois très éloignées de celles du ministère des armées. C'est d'ailleurs à ce titre que seuls les personnels paramédicaux du SSA, par opposition aux praticiens des armées, ont bénéficié d'une transposition du « Ségur de la santé » (voir encadré).

La transposition du « Ségur de la santé » aux personnels paramédicaux du SSA

Le Ségur de la santé désigne les mesures d'amélioration de la rémunération des personnels médicaux et paramédicaux de la fonction publique hospitalière issue des accords du 13 juillet 2020 signés entre le ministère de la santé et les syndicats représentatifs de ces personnels. Ces mesures sont notamment :

- la création du complément de traitement indiciaire (CTI) (49 points d'indice majoré soit 183 euros nets) attribué à tout le personnel non médical de la fonction publique hospitalière (FPH) ;

- une réingénierie conséquente des grilles indiciaires et des échelons des personnels médicaux et paramédicaux.

- une reconnaissance des fonctions managériales par des revalorisations et créations de primes (encadrement, président de commission médicale d'établissement, chef de pôle, chef de service, etc.), et de spécialisations professionnelles (nouvelle bonification indiciaire [NBI] aux infirmiers de bloc opératoire, prime d'exercice en soins critiques, prime de spécialité en pratique avancée, etc.).

Concernant la transposition au ministère des armées, les paramédicaux fonctionnaires civils du SSA sont directement et systématiquement concernés par l'ensemble des mesures. S'agissant des soignants militaires du SSA, la situation n'est pas la même pour les praticiens des armées, pour les étudiants et internes, et pour les militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA).

En effet, les praticiens des armées ne bénéficient pas des mesures du Ségur de la santé prévues pour les praticiens hospitaliers de la fonction publique hospitalière en matière d'amélioration de la rémunération, décision justifiée par le fait qu'ils bénéficient déjà, depuis 2019, du plan d'amélioration dit « pré-NPRM », préfigurant la mise en oeuvre de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) qui entre pleinement en vigueur à compter du 1er octobre 2023.

Les étudiants en santé (médecine, maïeutique, orthodontie et pharmacie de deuxième cycle) et les internes, les internes des hôpitaux d'instruction des armées ne bénéficient pas de la revalorisation des indemnités de stage (pour lesquelles ils restent soumis au régime militaire avec la prise en charge des frais de déplacements), mais bénéficient de l'augmentation de l'indemnité de garde pour les internes.

Enfin, la transposition aux MITHA des nouvelles dispositions statutaires applicables aux corps paramédicaux de la fonction publique hospitalière à la suite du Ségur de la santé s'est traduite par une revalorisation indiciaire, avec la création de 2 nouveaux grades sommitaux pour les corps d'encadrement (directeur des soins de classe exceptionnelle et cadre de santé hors classe). Ont également été prévus le passage en catégorie A des professions paramédicales de technicien de laboratoire médical (TLAB), préparateur en pharmacie hospitalière (PPH), diététicien (DIET) et l'entrée en catégorie B des aides-soignants. Les mises en oeuvre de ces mesures se poursuivent progressivement.

Les personnels non médicaux civils et militaires exerçant leurs fonctions au sein des hôpitaux des Armées perçoivent également le complément de traitement indiciaire prévu par le Ségur (nommé complément de solde indiciaire [CSI] pour les militaires).

Pour assurer pleinement la transposition du Ségur aux MITHA, un dispositif de majoration de traitement a également été institué. Ce dispositif, miroir au complément de traitement indiciaire, répond à la nécessité d'assurer la cohérence de la politique de rémunération entre les composantes du SSA. Il est de nature à renforcer l'attractivité des structures du SSA et faciliter ainsi les mobilités des personnels civils et militaires entre les hôpitaux des Armées d'une part, et les autres structures du SSA d'autre part. En 2022, une majoration de 10 points d'indice a été mise en oeuvre au profit des personnels civils et militaires exerçant une profession paramédicale de santé réglementée ou faisant usage du titre de psychologue, au sein des structures médicales de premier recours. Il a vocation à atteindre les 49 points, comme le CSI/CTI. Dans un deuxième temps, et dans un même souci de cohérence, la loi n°2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 étend ce dispositif aux personnels civils et militaires exerçant une profession paramédicale de santé réglementée ou faisant usage du titre de psychologue, en fonction au sein du SSA.

Source : ministère des Armées, réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Sans abandonner cette homologie, ce qui serait source de complexité et d'incompréhension pour les personnels concernés qui y voient un enjeu d'équité de traitement, il serait souhaitable de restituer la dimension militaire de cet engagement. Plusieurs pistes sont prévues par le SSA à cet égard, avec notamment l'accès aux galons d'officiers pour les infirmiers spécialisés et les masseurs-kinésithérapeutes ou encore la participation accrue des personnels paramédicaux aux postes de commandement.

Ces efforts engagés pour dynamiser la politique des ressources humaines du SSA doivent être poursuivis et amplifiés : ils constituent la condition sine qua non de la remontée en puissance du service et, partant, des armées. Les résultats du nouveau modèle RH prévu dans le cadre de la nouvelle LPM devront rapidement être évalués, notamment à l'occasion de la première actualisation de la programmation devant intervenir avant la fin de l'année 202710(*).

Relever le défi des ressources humaines constitue un prérequis indispensable pour la réalisation des objectifs de la LPM 2024-2030, en particulier celui, décisif pour répondre au contrat opérationnel au titre de la fonction « intervention », de porter à 65 le nombre d'équipes chirurgicales projetables, le plus tôt possible (voir supra).

Recommandation n° 1 : Dynamiser la politique des ressources humaines du service de santé des armées, en mobilisant l'ensemble des leviers financiers et non financiers pertinents, en simplifiant la procédure de recrutement de contractuels en hôpital et en valorisant l'identité militaire du service (ministère des armées).


* 10 Article 8 de la loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

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