IV. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Les micropolluants regroupent un large nombre de substances provenant de l'ensemble des activités humaines. Leur présence s'étend à une grande part des milieux aquatiques.

Au cours des dernières années, les progrès techniques réalisés et les campagnes de surveillance mises en place ont permis de lever le voile sur cette pollution, jusqu'alors invisible. Cependant, le nombre de molécules potentiellement dangereuses excède largement les capacités d'analyse actuelles. Si prétendre à une exhaustivité n'apparait ni souhaitable ni envisageable, la lutte contre ce type de pollution ne peut passer que par une meilleure caractérisation et quantification des substances concernées. Aussi, le développement des capacités d'analyse et le perfectionnement des méthodes utilisées paraissent prioritaires. À ce titre, les méthodes innovantes de biosurveillance, permettant notamment de mieux appréhender les effets mélanges, doivent être mobilisées.

Du fait de données toxicologiques insuffisantes et faiblement disponibles, de mécanismes nombreux et d'interconnexions complexes, les connaissances sur les impacts causés par cette pollution, que ce soit sur l'environnement ou sur la santé humaine, souffrent d'importantes lacunes. Il conviendra donc de poursuivre les recherches afin de prioriser efficacement les substances pertinentes à suivre et, ainsi, protéger au mieux les humains, la faune et la flore.

Pour lutter contre cette pollution, la réduction des émissions à la source, à la fois plus économique61(*), plus facile à mettre en oeuvre et plus efficace que les solutions de traitement, doit être privilégiée. La sensibilisation et l'accompagnement de l'ensemble des usagers de produits chimiques, particuliers comme professionnels, semblent nécessaires pour changer les comportements et aller vers des pratiques et usages plus sobres et écologiques. Cette orientation, déjà mise en avant par le Plan national micropolluants 2016-202162(*), est au coeur du quatrième Plan national santé-environnement (PNSE) présenté par le gouvernement en 202163(*). On peut toutefois regretter que, malgré cette volonté et en dépit des objectifs fixés par le Grenelle de l'environnement en 2008-200964(*) et les plans Écophyto successifs, l'indice d'utilisation des produits phytopharmaceutiques agricoles (NODU pour « NOmbre de Doses Unité ») ait progressé de près de 8 % entre 2009 et 202165(*).

Néanmoins, parce que les actions de réduction à la source peuvent exiger de nombreuses années avant de produire leurs effets66(*), l'utilisation de solutions de traitement (ozonation, ultrafiltration, adsorption sur charbon actif, oxydation avancée) doit également être considérée dans les cas où des sources ponctuelles de pollution sont identifiées.

Enfin, l'ampleur des enjeux et le caractère généralisé de ce type de pollution appellent à une action concertée à l'échelle mondiale. Aussi, la création d'une plateforme scientifique internationale sur les pollutions, à l'image du GIEC et de l'IPBES, proposée par Yves Lévi au cours de l'audition publique, permettrait d'établir un consensus de travail et d'encourager une collaboration entre les nations.

Recommandations

1. À l'image du GIEC et de l'IPBES, créer et doter de moyens financiers suffisants une plateforme scientifique internationale sur la thématique des pollutions chimiques, afin d'encourager une action concertée à l'échelle mondiale.

2. Poursuivre, amplifier et affiner la surveillance des micropolluants de l'eau. Intensifier la recherche et le recours aux outils de détection innovants, notamment issus des méthodes biologiques.

3. Mieux encadrer l'autorisation des substances chimiques, par exemple en renforçant les exigences de fourniture de données, dans le but de prévenir les risques liés aux micropolluants et d'inciter les producteurs à l'écoconception. À cet effet, oeuvrer pour que la révision du règlement européen REACH, qui a fait l'objet de plusieurs reports, soit rapidement adoptée.

4. Sensibiliser et accompagner les usagers de produits chimiques, du grand public aux communautés professionnelles, vers des pratiques et usages plus écologiques afin d'aboutir à une gestion raisonnée des produits chimiques, dans une démarche de réduction des émissions à la source.

5. Lorsque des sources ponctuelles de pollution sont identifiées et en complément de solutions de réduction des émissions à la source, mettre en place des techniques de traitement adaptées aux micropolluants pour limiter leur transfert. Utiliser également ce type de solutions dans le cadre des projets de réutilisation des eaux usées traitées qui visent à faire face à la raréfaction de la ressource en eau.

6. Le deuxième plan national de lutte contre les micropolluants ayant pris fin en 2021, exiger du Gouvernement que le nouveau plan, désormais urgent, soit rapidement établi et suffisamment ambitieux pour faire face au défi de l'accroissement des pollutions.

7. Décider que l'Office fera un suivi régulier de cette thématique majeure pour la santé et l'environnement.


* 61 Au cours de l'audition publique, Marie-Laure Métayer a indiqué que « le coût du traitement est au moins trois fois supérieur à celui de la prévention ».

* 62 Ministère de l'Environnement, de l'Énergie et de la Mer, Ministère des Affaires sociales et de la Santé, Ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt, « Plan micropolluants 2016-2021 » ( https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Plan%20micropolluants%202016-2021%20pour%20pr%C3%A9server%20la%20qualit%C3%A9%20des%20eaux%20et%20la%20biodiversit%C3%A9.pdf)

* 63 Gouvernement, « Un environnement, une santé : 4e Plan National Santé Environnement », 2021 ( https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/pnse4.pdf).

* 64 Réduction de 50 % de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à l'horizon 2020, revu en 2016 avec une cible de réduction de 25 % en 2020 et 50 % en 2025.

* 65 Une baisse de cet indicateur peut toutefois être constatée depuis 2018, après une forte hausse entre 2009 et 2018. Voir : Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, « Indicateurs des ventes de produits phytopharmaceutiques, un NODU agricole 2018-2020 au plus bas depuis 2012-2014. Un premier résultat provisoire pour le NODU agricole 2021. », 2022 ( https://agriculture.gouv.fr/indicateurs-des-ventes-de-produits-phytopharmaceutiques).

* 66 Le cas de l'atrazine, herbicide interdit en 2003 et constituant encore à ce jour la première cause de déclassement de l'état chimique des eaux souterraines, en est un malheureux exemple.

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