B. UN CONTRÔLE DE L'ACTION DES COLLECTIVITÉS LOCALES ENCORE INSUFFISANT ET HÉTÉROGÈNE

1. Une appropriation lacunaire de leurs nouvelles obligations par les collectivités

L'application des dispositions de la loi CRPR intéressant les collectivités territoriales est encore imparfaite. Les travaux des rapporteures ont mis en évidence d'importantes disparités dans l'appropriation de cette loi par les élus. En sus de la question de la désignation des référents laïcité, il est notamment possible de citer :

l'article 7 rendant obligatoire l'avis du préfet sur les projets relatifs à des constructions destinées à l'exercice du culte : ce dispositif, dont la portée a été récemment précisée par le Conseil d'État, est de l'avis général encore mal identifié par les collectivités territoriales, ce qui a justifié un renforcement de l'information par les préfectures. À l'été 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis avait été saisi six fois sur ce fondement et celui de l'Isère tois fois ;

l'article 70 qui prévoit l'information du préfet de la garantie par une collectivité d'un emprunt contracté pour la construction d'un lieu de culte : l'administration n'a pas été en mesure de fournir de données chiffrées sur l'application de cette disposition, qui n'a jamais trouvé à s'appliquer dans les préfectures auditionnées (malgré l'envoi d'un courrier d'information par le préfet en Isère).

L'obligation de respect des principes de neutralité et de laïcité par les élus municipaux officiant en tant qu'agents de l'État, telle que codifiée par l'article L. 2122-34-2 du CGCT, ne suscite en revanche pas de difficultés particulières.

2. Un dispositif de contrôle de l'action des collectivités sous-utilisé

Avec l'article 5 de la loi CRPR, le législateur a souhaité créer une nouvelle voie de droit pour mieux contrôler le respect du principe de laïcité par les collectivités territoriales. Ce « déféré laïcité » demeure malheureusement largement théorique. Il n'a été mobilisé avec succès qu'en Isère, pour suspendre l'application d'une délibération du conseil municipal de Grenoble portant modification du règlement intérieur des piscines municipales. Le préfet de la Seine-Saint-Denis en a également fait usage à l'encontre d'une délibération autorisant la cession d'un terrain communal au bénéfice d'une association cultuelle à un prix considéré trop faible, mais a été débouté de sa demande. Les rapporteures ne peuvent que regretter que les préfectures se soient insuffisamment emparées de cet outil. Elles appellent à intégrer pleinement les atteintes à la laïcité aux priorités prises en compte dans le contrôle de légalité et à systématiser le recours au « déféré laïcité » en présence d'un acte problématique.

Sur le modèle des sous-préfets à la relance, il pourrait également être envisagé de désigner dans chaque département d'un sous-préfet chargé des missions relatives aux valeurs de la République et au lien avec les associations cultuelles et de nommer un sous-préfet exclusivement dédié à cette tâche lorsque le contexte départemental le justifie.

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