C. LA LUTTE CONTRE LE SÉPARATISME DANS LE CHAMP ASSOCIATIF : UNE LOI QUI A MANQUÉ SA CIBLE, AU PRIX D'UNE DÉTÉRIORATION DES RELATIONS ENTRE L'ÉTAT ET LE MOUVEMENT ASSOCIATIF

1. Le contrat d'engagement républicain : un formalisme excessivement léger pour un suivi qui laisse à désirer

Disposition clé de la loi CRPR, l'article 12 conditionne l'octroi de subventions publiques41(*) aux associations ou fondations à la signature d'un « contrat d'engagement républicain » et impose le retrait des sommes allouées en cas de violation de cet engagement.

La création de cet instrument a été guidée par un double constat. D'une part, le séparatisme n'épargnait pas le milieu associatif, et ce quand bien même la plupart des acteurs sont irréprochables sur le plan du respect des valeurs de la République. Il s'agit pourtant d'un enjeu majeur alors que le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse dénombre environ 1,5 million d'associations actives en France, dont environ 61 % percevaient en 2017 au moins un financement public42(*). Ledit financement public représentait 44 % du budget cumulé des associations, réparti à hauteur de 24 % pour la commande publique et 20 % pour les subventions. Si les données consolidées plus récentes sont rares, la direction de la jeunesse de l'éducation populaire et de la vie associative a néanmoins avancé au cours de son audition le chiffre de 50 % d'associations bénéficiant de fonds publics, à raison de 2 milliards d'euros pour les très petites associations et de 21 milliards d'euros pour les associations employeuses. Au niveau de l'État, on dénombre enfin 77 301 versements sur l'année 202243(*), pour un montant total de 8,5 milliards d'euros. Les deux tiers des subventions versées étaient inférieures à 20 000 euros, tandis que le montant moyen s'élevait à 110 200 euros44(*).

D'autre part, le cadre juridique de l'époque ne permettait pas de systématiser le retrait de subventions publiques en cas d'atteintes aux valeurs de la République. Si l'interprétation de l'article 9-1 de la loi du 12 avril 2000 pouvait éventuellement permettre d'assimiler une méconnaissance de celle-ci à un défaut d'intérêt général justifiant le refus d'une subvention, aucun instrument ad hoc n'autorisait le retrait sur ce fondement. Les subventions d'un montant annuel supérieur à 23 000 euros étaient, certes, soumises à une obligation de conventionnement entre l'autorité administrative et l'organisme de droit privé bénéficiaire45(*), mais sans que les conventions correspondantes ne fassent systématiquement mention des valeurs de la République. La « Charte d'engagements réciproques » - conclue en février 2014 entre l'État, le mouvement associatif et les collectivités territoriales - mentionnée dans le formulaire unique Cerfa de demande de subvention n° 12156*06 n'était pas plus susceptible de fonder des retraits de subvention46(*). Il en résultait, selon les termes du Gouvernement, que « le respect des principes la République, ne [découlait] ni des normes régissant la subvention, ni, de manière implicite mais nécessaire, de son objet même. Par conséquent, sauf disposition (dans un acte unilatéral d'octroi) ou stipulation (dans une convention de subventionnement), la méconnaissance des principes de la République ne [pouvait] légalement justifier le retrait d'une subvention »47(*).

Dans ce contexte, le législateur a introduit un nouvel article 10-1 dans la loi du 12 avril 2000 précitée obligeant à partir de janvier 2022 les associations ou fondations sollicitant l'octroi d'une subvention publique48(*) à s'engager :

- à respecter les principes de liberté, d'égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ainsi que les symboles de la République au sens de l'article 2 de la Constitution (1°) ;

- à ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République (2°) ;

- à s'abstenir de toute action portant atteinte à l'ordre public

En application de cet article, l'autorité sollicitée doit refuser l'octroi d'une subvention à une association dont l'objet, l'activité ou les moyens par lesquels elle l'exerce sont illicites ou incompatibles avec le contrat d'engagement républicain. Lorsqu'une telle infraction est caractérisée a posteriori, il appartient à l'autorité attributrice de la subvention de procéder, après une phase contradictoire, à son retrait. Le bénéficiaire doit alors la restituer dans un délai de six mois.

Le Sénat avait approuvé la philosophie de ce dispositif, qui avait au moins le mérite d'intégrer le respect des valeurs de la République aux critères légaux d'octroi d'une subvention et d'en imposer le refus ou le retrait en cas de manquement49(*). S'il avait fait l'objet de vives contestations par le milieu associatif, qui l'avait interprété comme un signe de défiance à son encontre, le Sénat avait défendu le raisonnement selon lequel « la grande majorité des associations et fondations [n'avaient] rien à craindre de ce contrat tant il leur est naturel de respecter la loi ».

Le contrat d'engagement républicain a été validé par le Conseil constitutionnel50(*). Celui-ci a considéré, d'une part, que les obligations imposées aux associations avaient été suffisamment détaillées par le législateur pour ne pas confier aux autorités compétentes un pouvoir arbitraire et, d'autre part, que, dès lors que le contrat « n'avait pas pour objet d'encadrer les conditions dans lesquelles [l'association] se constitue et exerce son activité », il ne portait pas atteinte à la liberté d'association. Seule une réserve d'interprétation ne remettant pas en cause l'opérationnalité de cet article a été formulée51(*). Par ailleurs, le Conseil d'État a rejeté l'ensemble des griefs émis par 25 associations contre le décret n° 2021-1947 du 31 décembre 2021 pris pour l'application du contrat d'engagement républicain et qui en précise le contenu.

Force est de constater que le CER est loin de s'être imposé comme l'instrument de référence qu'il était censé devenir pour la lutte contre le séparatisme dans la sphère associative. Aux termes de leurs travaux, les rapporteures considèrent que cet échec s'explique par deux causes principales.

En premier lieu, les choix opérés par l'administration ont conduit à ce que la signature du contrat d'engagement républicain relève davantage d'une formalité administrative que d'un réel engagement. De fait, il s'agit d'un document difficilement accessible. Il prend ainsi la forme d'un tiret au formulaire Cerfa de demande de subvention n° 12156*06 qui précise que l'association « souscrit au contrat d'engagement républicain annexé au décret pris pour l'application de l'article 10-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations » (voir extrait ci-après). Le contenu du contrat en lui-même n'est accessible qu'en annexe du décret n° 2021-1947 du 31 décembre 2021, où sept engagements sont détaillés.

Les sept engagements du contrat d'engagement républicain

Annexe du Décret n° 2021-1947 du 31 décembre 2021

« Engagement n° 1 - Respect des lois de la république : Le respect des lois de la République s'impose aux associations et aux fondations, qui ne doivent entreprendre ni inciter à aucune action manifestement contraire à la loi, violente ou susceptible d'entraîner des troubles graves à l'ordre public.

« L'association ou la fondation bénéficiaire s'engage à ne pas se prévaloir de convictions politiques, philosophiques ou religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant ses relations avec les collectivités publiques.

« Elle s'engage notamment à ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République.

« Engagement n° 2 - Liberté de conscience : L'association ou la fondation s'engage à respecter et protéger la liberté de conscience de ses membres et des tiers, notamment des bénéficiaires de ses services, et s'abstient de tout acte de prosélytisme abusif exercé notamment sous la contrainte, la menace ou la pression.

« Cet engagement ne fait pas obstacle à ce que les associations ou fondations dont l'objet est fondé sur des convictions, notamment religieuses, requièrent de leurs membres une adhésion loyale à l'égard des valeurs ou des croyances de l'organisation.

« Engagement n° 3 - Liberté des membres de l'association : L'association s'engage à respecter la liberté de ses membres de s'en retirer dans les conditions prévues à l'article 4 de la loi du 1er juillet 1901 et leur droit de ne pas en être arbitrairement exclu.

« Engagement n° 4 - Égalité et non-discrimination : L'association ou la fondation s'engage à respecter l'égalité de tous devant la loi.

« Elle s'engage, dans son fonctionnement interne comme dans ses rapports avec les tiers, à ne pas opérer de différences de traitement fondées sur le sexe, l'orientation sexuelle, l'identité de genre, l'appartenance réelle ou supposée à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée qui ne reposeraient pas sur une différence de situation objective en rapport avec l'objet statutaire licite qu'elle poursuit, ni cautionner ou encourager de telles discriminations.

« Elle prend les mesures, compte tenu des moyens dont elle dispose, permettant de lutter contre toute forme de violence à caractère sexuel ou sexiste.

« Engagement n° 5 - Fraternité et prévention de la violence : L'association ou la fondation s'engage à agir dans un esprit de fraternité et de civisme.

« Dans son activité, dans son fonctionnement interne comme dans ses rapports avec les tiers, l'association s'engage à ne pas provoquer à la haine ou à la violence envers quiconque et à ne pas cautionner de tels agissements. Elle s'engage à rejeter toutes formes de racisme et d'antisémitisme.

« Engagement n° 6 - Respect de la dignité de la personne humaine : L'association ou la fondation s'engage à n'entreprendre, ne soutenir, ni cautionner aucune action de nature à porter atteinte à la sauvegarde de la dignité de la personne humaine.

« Elle s'engage à respecter les lois et règlements en vigueur destinés à protéger la santé et l'intégrité physique et psychique de ses membres et des bénéficiaires de ses services et ses activités, et à ne pas mettre en danger la vie d'autrui par ses agissements ou sa négligence.

« Elle s'engage à ne pas créer, maintenir ou exploiter la vulnérabilité psychologique ou physique de ses membres et des personnes qui participent à ses activités à quelque titre que ce soit, notamment des personnes en situation de handicap, que ce soit par des pressions ou des tentatives d'endoctrinement.

« Elle s'engage en particulier à n'entreprendre aucune action de nature à compromettre le développement physique, affectif, intellectuel et social des mineurs, ainsi que leur santé et leur sécurité.

« Engagement n° 7 - Respect des symboles de la république : L'association s'engage à respecter le drapeau tricolore, l'hymne national, et la devise de la République.

Mention du contrat d'engagement républicain
au sein du formulaire de demande de subvention

Source : Formulaire Cerfa de demande de subvention n° 12156*06

Les rapporteures estiment qu'un engagement républicain ne peut être caractérisé par une unique mention dans un formulaire Cerfa. Ce format ne facilite pas l'appropriation par les acteurs du contenu du contrat d'engagement républicain. Selon toute vraisemblance, une grande partie des demandes de subventions sont transmises sans que les intéressés n'aient cherché à prendre connaissance de son contenu réel. Il ne peut par ailleurs être exclu que certaines associations n'aient pas conscience d'avoir souscrit un tel engagement en transmettant leur demande.

Du reste, la secrétaire d'État chargée de la citoyenneté avait admis cette difficulté au cours de son audition devant la commission des lois du 4 juillet 2023. Elle avait ainsi indiqué que les services de l'État s'interrogeaient sur la possibilité « de répéter dans le Cerfa les sept obligations établies par le contrat d'engagement républicain pour que chacun sache exactement ce qu'il signe ». Cette solution ne semble toutefois pas de nature à garantir totalement la lisibilité du document, qui resterait une mention parmi d'autres. La mission d'information estime que la signature du contrat d'engagement républicain n'est pas une formalité comme les autres et que son importance justifie qu'elle fasse l'objet d'un document dédié. Cette option permettrait, d'une part, une prise de connaissance plus approfondie de ses stipulations et, d'autre part, de donner davantage de poids symbolique à cet engagement.

Proposition n° 7 : Faire du contrat d'engagement républicain un document indépendant de la demande de subvention, afin de mieux traduire l'engagement consenti par l'association ou la fondation.

En second lieu, il apparaît que les services de l'État se sont insuffisamment emparés de ce nouvel outil. Le contrôle a priori de l'objet de l'association semble le plus souvent purement formel, tandis que le contrôle a posteriori du respect du contrat d'engagement républicain ne paraît intervenir qu'à titre exceptionnel. De fait, seuls un cas de refus et trois cas de retrait de subvention ont été portés à la connaissance des rapporteures. Celles-ci regrettent par ailleurs l'absence de données agrégées sur ce point, qui empêche toute vision globale sur l'efficacité du contrat d'engagement républicain.

Le ministère de l'intérieur met en avant la validation tardive du décret d'application du contrat d'engagement républicain, qui aurait rendu difficile la pleine implication dans sa mise en place52(*). Si les rapporteures prennent acte de cet élément, elles estiment néanmoins qu'il n'est pas de nature à justifier la faiblesse des résultats obtenus. Au-delà de la question récurrente de l'insuffisance des moyens alloués aux préfectures pour s'acquitter de cette mission, une mise en oeuvre efficace du contrat d'engagement républicain demande d'abord une forte volonté politique. De manière générale, l'application du dispositif est aujourd'hui largement dépendante du volontarisme du préfet.

Sur le fond, l'analyse du profil des associations s'étant vues refuser ou retirer une subvention révèle une faible efficacité dans le champ de la lutte contre le séparatisme. La plupart présentent en effet davantage le profil d'associations militantes que séparatistes, et ce quand bien même leurs actions peuvent être contestables à bien des égards. La plupart des personnes auditionnées ont ainsi partagé le constat selon lequel le contrat d'engagement républicain ne concernait que très marginalement les associations les plus problématiques, dès lors que celles-ci ne demandent pas de subventions.

Les quatre cas recensés de refus ou de retrait de subventions publiques
pour infraction au contrat d'engagement républicain

L'association « E-Graine » en Isère (2021) : le préfet de l'Isère a indiqué au cours de son audition qu'une subvention de 1 000 euros attribuée par la DILCRAH avait été retirée en 2021 à « E-Graine », une structure lyonnaise qui évoquait l'ethnocentrisme français dans l'enseignement universitaire français.

L'Association de protection, d'information et d'études de l'eau et de son environnement (APIEEE) dans les Deux-Sèvres (2022) : la préfecture des Deux-Sèvres aurait procédé au retrait d'une subvention FONJEP (Jeunesse et Éducation Populaire) accordée en 2021 pour financer des animations auprès des jeunes. Cette décision est fondée sur l'opposition publique de l'association au projet des seize réserves de substitution dans le bassin de la Sèvre niortaise et du Mignon ainsi que sur son soutien public à la manifestation interdite de Sainte-Soline, au cours de laquelle ont eu lieu de violents affrontements entre manifestants et forces de l'ordre. Ce retrait a fait l'objet d'une contestation devant le juge administratif.

L'association Alternatiba dans le Rhône (2023) : En mai 2023, la préfecture du Rhône a refusé d'accorder une subvention de 3 500 euros au titre du FDVA à l'association écologiste Alternatiba-Rhône, située à Lyon, destinée à rénover « l'Alternati'Bar », qui sert de local associatif. La décision est fondée sur les actions de désobéissance civile portées par l'association, qui auraient été perçues comme incompatibles avec les stipulations du contrat d'engagement républicain.

L'association Canal Ti Zef dans le Finistre (2023) : le préfet du Finistère a refusé d'accorder une subvention de 2 500 euros au titre du FDVA à l'association bretonne Canal Ti Zef, un média implanté dans le paysage local depuis 2001, pour non-respect du contrat d'engagement républicain. Canal Ti Zef aurait été sanctionné à cause de son soutien au squat culturel l'Avenir, où le média organisait des évènements avant que les individus occupant le lieu depuis huit ans en aient été expulsés en juillet 2023. Trois autres associations de la cité portuaire, également proches d'Avenir, -- Radio U, Ekoumène et le Patronage laïque Guérin -- se sont vues refuser la même subvention sur décision préfectorale. Un recours contentieux a été introduit devant le juge administratif.

La mission d'information souligne enfin que les subventions accordées par les collectivités territoriales représentent un angle mort du dispositif. Les travaux des rapporteures ont révélé le caractère perfectible de l'appropriation de leurs nouvelles obligations par les collectivités, à l'instar des carences constatées dans la nomination de référents laïcité. Ce constat est d'autant plus préoccupant que ce point n'est que marginalement pris en compte par les préfectures dans l'exercice du contrôle de légalité. Le préfet de l'Isère a ainsi indiqué qu'au moment de son audition « le contrôle du respect n'entrait pas dans le coeur de cible des plans de contrôle de légalité [mais] qu'une adaptation était en cours afin de vérifier la bonne utilisation des fonds ».

Concrètement, une seule mise en application de cette prérogative a été mise en évidence par la mission d'information. Il s'agit du cas de l'association Alternatiba-Poitiers qui a bénéficié, en juin 2022, de subventions publiques de la commune de Poitiers et de la communauté urbaine de Grand Poitiers, d'un montant respectif de 10 000 et 5 000 euros. Ces subventions ont été attribuées pour l'organisation d'un évènement présenté comme « festif et pédagogique autour des enjeux liés au changement climatique à l'intention des habitants », intitulé Village des Alternatives, les 17 et 18 septembre 2022 à Poitiers. Le préfet de la Vienne a sollicité des deux collectivités territoriales l'engagement de la procédure de retrait des subventions, estimant que certains éléments du programme de cette manifestation étaient incompatibles avec le contrat d'engagement républicain. Était notamment en cause l'un des neuf quartiers thématiques du village intitulé « résister », qui prévoyait des débats relatifs au projet de méga-bassine, aux formes violentes ou pacifiques des actions, ou encore une formation à la désobéissance civile, l'ensemble étant animé par les associations Extinction rébellion Poitiers et Greenpeace Poitiers. Saisi par le préfet, le juge administratif a néanmoins estimé dans un jugement du 30 novembre 2023 que les deux collectivités étaient fondées à maintenir les subventions53(*).

Les travaux des rapporteures ont cependant révélé les bonnes pratiques développées par certaines préfectures. C'est le cas de la préfecture de Seine-Saint-Denis, où le préfet a entendu prioriser le contrôle de la régularité de certaines subventions accordées par les collectivités et pouvant présenter un intérêt particulier au regard du contrat d'engagement républicain. En l'espèce, le préfet a adressé aux collectivités une circulaire leur demandant la transmission des formulaires de demande de subvention déposés par les associations mixtes. La mission d'information plaide pour une systématisation de cette pratique, avec une adaptation des catégories d'associations visées en fonction du contexte local.

Proposition n° 8 : Systématiser la transmission par les collectivités territoriales au préfet des demandes de subventions des associations dont le contrôle est jugé prioritaire en matière de lutte contre le séparatisme.

2. Une extension des motifs de dissolution effectivement utilisés, mais dans des cas différents de ceux envisagés pour le législateur

Le bilan de la modernisation des critères de dissolution administrative d'une association ou d'un groupement de fait opérée par l'article 16 de la loi CRPR est, en revanche, plutôt positif. Pour rappel, une telle dissolution peut être réalisée par la voie judiciaire54(*) ou administrative. En dehors des dissolutions prévues dans le cadre du régime de l'état d'urgence55(*), la dissolution administrative de droit commun est fondée depuis 201256(*) sur l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure. Cette procédure avait été utilisée à 123 reprises entre janvier 1936 et début 2020, dont 29 fois entre 2010 et 2020 (après une brève période de désuétude sur la décennie précédente, où seules 4 mesures avaient été prononcées)57(*). Elle permet la dissolution par décret en conseil des ministres d'associations ou de groupements de fait dans sept cas de figure (voir encadré ci-après), à la suite d'une procédure contradictoire garantissant une conciliation effective avec la liberté d'association. Cette liberté bénéficie en effet d'une double protection constitutionnelle, au titre de principe fondamental reconnu par les lois de la République58(*), et conventionnelle59(*).

Par ailleurs, la reconstitution d'associations dissoutes est punie par l'article 431-15 du code pénal de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende, et peut être assortie des peines complémentaires fixées à l'article 431-18 du même code.

Sans remettre en cause « l'efficacité de la mesure de dissolution administrative lorsque celle-ci est mise en oeuvre », le Gouvernement avait justifié sa volonté de modifier des critères de dissolution par la nécessité de réduire les cas d'inapplicabilité de cette mesure du fait d'un défaut de base légale60(*). Certains critères étaient ainsi présentés comme « désuets et inadaptés aux agissements d'associations ou de groupements de fait troublant gravement l'ordre public » tandis que d'autres étaient jugés incomplets.

En conséquence, l'article 16 de la loi CRPR a procédé aux modifications suivantes de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure :

- sur la notion de provocation à des manifestations armées dans la rue figurant au 1° : la loi a, d'une part, supprimé le critère géographique et, d'autre part, ajouté un nouveau critère relatif à la « provocation à des agissements violents à l'encontre des personnes et des biens ». Ce dernier point a été validé par le Conseil constitutionnel, qui a considéré que le législateur n'avait pas « porté à la liberté d'association une atteinte qui ne serait pas nécessaire, adaptée et proportionnée »61(*) ;

- sur les entités qui ont pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national ou d'attenter par la force à la forme républicaine du gouvernement figurant au 3° : la loi a autorisé la prise en compte de l'activité des associations ou groupements de fait et non plus leur seul objet officiel ;

- sur le motif de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale ou religieuse figurant au 6° : la loi a étendu cette liste de motifs par l'ajout de critères liés au sexe, à l'orientation sexuelle ou à l'identité de genre, ainsi que la prise en compte de la contribution, par les agissements des associations visées, à ces mêmes faits.

La commission des lois puis le Sénat avaient partagé ce constat d'une relative obsolescence du régime de la dissolution administrative des associations ou groupements de fait et avaient approuvé le principe d'une adaptation de la liste des critères. De la même manière, avait été approuvée l'introduction d'un nouvel article L. 212-1-1 au code de la sécurité intérieure facilitant l'imputation à une association ou à un groupement de faits des agissements commis par leurs membres, et ce sous réserve, d'une part, que lesdits agissements aient été réalisés en cette qualité de membre ou qu'ils aient été directement liés à l'activité de l'association et, d'autre part, que « les dirigeants, informés de ces agissements, se soient abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser, compte tenu des moyens dont ils disposaient ».

Modifications de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure par la loi CRPR

« Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait :

« 1° Qui provoquent à des manifestations armées dans la rue ou à des agissements violents à l'encontre des personnes ou des biens ;

« 2° Ou qui présentent, par leur forme et leur organisation militaires, le caractère de groupes de combat ou de milices privées ;

« 3° Ou dont l'objet ou l'action tend à porter atteinte à l'intégrité du territoire national ou à attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement ;

« 4° Ou dont l'activité tend à faire échec aux mesures concernant le rétablissement de la légalité républicaine ;

« 5° Ou qui ont pour but soit de rassembler des individus ayant fait l'objet de condamnation du chef de collaboration avec l'ennemi, soit d'exalter cette collaboration ;

« 6° Ou qui, soit provoquent ou contribuent par leurs agissements à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ;

« 7° Ou qui se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger.

« Le maintien ou la reconstitution d'une association ou d'un groupement dissous en application du présent article, ou l'organisation de ce maintien ou de cette reconstitution, ainsi que l'organisation d'un groupe de combat sont réprimées dans les conditions prévues par la section 4 du chapitre Ier du titre III du livre IV du code pénal ».

L'intensification du recours à la dissolution administrative d'associations ou de groupements de fait est une tendance qui préexistait à l'adoption de la loi CRPR. À titre d'exemple, 17 dissolutions avaient été mises en oeuvre sur les seules années 2019 et 2020. La modernisation des critères figurant à l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure a néanmoins plus que probablement contribué à alimenter cette dynamique, puisque 17 nouvelles dissolutions sont intervenues depuis l'entrée en vigueur de la loi (soit plus de 10 % de l'ensemble des dissolutions intervenues depuis 1936). Conformément à une position constante de la commission des lois, les rapporteures considèrent que le maintien à un niveau élevé du nombre de dissolutions va dans le bon sens tant cet outil a démontré sa plus-value pour la sauvegarde de l'ordre public ainsi que la lutte contre le séparatisme sous toutes ses formes. La DLPAJ a ainsi rappelé au cours de son audition que les dissolutions avaient au moins deux effets majeurs : « la désorganisation des mouvances ciblées et la baisse de l'intensité de la propagande ciblée ou la diminution, voire la cessation, des actions violentes commises »62(*).

Dissolutions administratives d'associations
ou de groupements de fait (2013-2024*)

*Au 1er mars 2024 - Source : commission des lois, à partir des données transmises
par le ministère de l'intérieur et disponibles sur Légifrance

L'analyse des fondements mentionnés dans les décrets de dissolution approuvés depuis l'entrée en vigueur de la loi CRPR confirme cette analyse. Les critères mentionnés aux 1° et 6° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, et modifiés par la loi CRPR, sont sur-représentés dans les décrets de dissolution (à hauteur de 58 % pour le 1° et 82 % pour le 6°). Il est par ailleurs notable que deux dissolutions soient fondées sur ces deux seuls critères, tandis que deux autres sont fondées sur la seule provocation à des agissements violents contre les personnes ou les biens. La faculté d'imputer à l'association les agissements de ses membres a par ailleurs été utilisée à quatre reprises depuis 2023, sur six dissolutions.

Dans le détail, on observe en premier lieu sur la période récente une augmentation des dissolutions d'entités en lien avec la mouvance islamiste, qui semble répondre à l'alerte émise en 2020 par la commission d'enquête sénatoriale sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radication islamiste et les moyens de la combattre63(*). Dans le sillage des récentes conclusions de Marc-Philippe Daubresse lors de l'examen de la proposition de loi présentée par François-Noël Buffet instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste, les rapporteures y voient une prise de conscience salutaire. Pour rappel, 19 des dissolutions prononcées depuis 2016 sur le fondement du 6° ou du 7° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure concernaient ces entités64(*).

Motifs de dissolution administrative de l'article L. 212-1 du code
de la sécurité intérieure utilisés depuis l'entrée en vigueur de la loi CRPR

Motif(s) fondant la dissolution

L. 212-1-1

2021*

Nawa

         

X

X

 

Ligue de défense noire africaine

X

       

X

X

 

CRI

X

       

X

   

L'Alvarium

X

       

X

   

2022

Les Zouaves Paris

X

       

X

   

AAJM*

       

X

X

   

Al Qalam

       

X

X

   

Comité Action Palestine

       

X

X

X

 

Collectif Palestine vaincra

       

X

X

X

 

GALE

X

             

Le bloc lorrain

X

             

2023

Les Alerteurs

X

       

X

X

X

Bordeaux Nationaliste

X

     

X

X

 

X

Soulèvements de la terre (annulée)

X

             

Civitas

   

X

 

X

X

 

X

Division Martel

X

       

X

   

2024

La Citadelle

         

X

 

X

* À compter de l'entrée en vigueur de la loi - Source : Commission des lois

En miroir de leurs conclusions sur les retraits de subventions pour violation du contrat d'engagement républicain, les rapporteures relèvent en second lieu que la procédure de dissolution a pu être ponctuellement mobilisée à l'encontre d'associations ou de groupements qui n'étaient pas ceux initialement envisagés par le législateur. Au-delà de la légitime dissolution de groupuscules d'ultra-gauche ou d'ultra-droite, dont le rattachement à une idéologie séparatiste stricto sensu pourrait intellectuellement faire débat, il est surtout possible de citer le cas des « Soulèvements de la terre ». Les rapporteures y voient toutefois moins un dévoiement de la procédure de dissolution qu'une démonstration de l'adaptabilité de ses critères à la multiplicité des situations observées sur le terrain, qui ne pouvaient être toutes anticipées par le législateur. Elles relèvent par ailleurs que le contrôle du juge administratif a fait son office, dès lors que le décret en question a par la suite été annulé par le Conseil d'État65(*).

Pour plus d'efficacité, le dispositif gagnerait par ailleurs à être complété. À cet égard, les rapporteurs appellent à ce que la navette parlementaire sur la proposition de loi précitée instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste reprenne au plus vite. Son article 8, tel que modifié par le Sénat, procède en effet à deux ajustements d'importance de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure :

- la consécration de la définition de la « provocation » justifiant une dissolution : dans son arrêt relatif aux « Soulèvements de la terre », le Conseil d'État précise que cette provocation est constituée en cas d'incitation explicite ou implicite, par propos ou par actes, de se livrer aux agissements mentionnés aux 1°, 6° et 7° de cet article, de légitimation publique de ces agissements ou d'abstention à mettre en oeuvre les moyens à disposition pour les faire cesser. L'inscription de cette définition dans la loi sécuriserait les pratiques du ministère de l'intérieur et permettrait de se prémunir contre un hypothétique revirement de jurisprudence ;

- l'instauration d'une procédure ad hoc de dévolution des biens des associations ayant fait l'objet d'une dissolution : au cours de son audition, la DLPAJ a en effet souligné les lacunes du cadre juridique actuel, qui se borne à fixer les cas de dissolution sans régler formellement ses conséquences sur la liquidation de l'association et la dévolution de ses actifs. Il en résulte que des associations visées par une procédure de dissolution peuvent transmettre sans entrave leur patrimoine à des entités poursuivant une finalité similaire, ce qui vide la dissolution d'une grande partie de sa substance. Le Sénat a comblé cette faille, en prévoyant la désignation par le président du tribunal judiciaire d'un curateur qui serait chargé procéder à la liquidation des biens de l'association en convoquant pour ce faire une assemblée générale66(*). Par ailleurs, la création d'un régime de gel des avoirs applicable aux auteurs des agissements mentionnés à l'article L 212-1 du code de la sécurité intérieure pourrait utilement compléter le dispositif, et ce notamment lorsque des agissements individuels ont été imputés à l'association pour fonder sa dissolution.

Proposition n° 9 :  Faire aboutir au plus vite la création d'un nouveau régime de dévolution des biens des associations dissoutes et envisager celle d'un régime de gel des avoirs vis-à-vis des membres des structures dissoutes.

De manière générale, la mission d'information regrette le bilan finalement maigre de la loi CRPR dans le champ de la lutte contre le séparatisme. Alors que les associations séparatistes ont adopté une stratégie du « profil bas » qui leur permet d'échapper à la vigilance de l'administration, les nouvelles obligations pèsent finalement quasi-exclusivement sur des structures irréprochables sur le plan des principes de la République. Cela n'est pas sans conséquence, les acteurs du monde associatif ayant unanimement fait part d'un malaise face à une législation perçue, à tort mais de façon compréhensible, comme un signe de défiance à leur encontre.

3. Les autres dispositions relatives aux fonds de dotation et au régime du mécénat : des réformes techniques à la portée réelle limitée

Au-delà de la mise en place du contrat d'engagement républicain et de la réforme du régime de la dissolution administrative, force est de constater que la plupart des dispositifs adoptés, essentiellement techniques, ont eu des effets marginaux. Ce bilan mitigé peut notamment être illustré par les dispositions relatives aux fonds de dotation ou de nature fiscale.

a) Les dispositions relatives aux fonds de dotation

L'article 17 de la loi CRPR a modifié en profondeur le régime applicable aux fonds de dotation. Il a tout d'abord inscrit dans la loi le délai de six mois pour la transmission à l'autorité administrative du rapport d'activité, des comptes et, lorsque les ressources du fonds sont supérieures à 10 000 euros, du rapport du commissaire aux comptes. Le non-respect de cette obligation peut être sanctionné par une suspension administrative du fonds, après mise en demeure et jusqu'à la transmission effective des documents. Surtout, l'article 17 a renforcé les prérogatives de contrôle du préfet en les étendant à l'examen de la conformité de l'objet du fonds de dotation aux dispositions légales (en plus de la régularité de son fonctionnement) et en supprimant le critère de gravité des dysfonctionnements pouvant donner lieu à une suspension. Il a par ailleurs porté à 18 mois la durée maximale de suspension administrative d'un fonds et a étendu cette possibilité aux cas où son objet ne serait pas conforme aux obligations légales, où l'une de ses activités ne relèverait pas d'une mission d'intérêt général ainsi qu'en cas d'infraction à la législation sur la déclaration des financements étrangers.

Pour rappel, on dénombre 5 300 fonds de dotation en France (contre 3 985 en 2017), dont environ 62 % sont actifs. En 2021, les fonds de dotation détenaient 40,44 milliards d'euros d'actifs et 69 % d'entre eux étaient soumis à l'obligation de faire appel à un commissaire aux comptes.

Le respect de leurs nouvelles obligations par les fonds de dotation semble hétérogène selon les territoires. Si la DLPAJ a souligné que « la transmission de documents de gestion [était] globalement respectée », les travaux des rapporteures ont mis en évidence des réalités disparates. Le préfet de Seine-Saint-Denis n'a pas relevé de difficultés particulières dans le département ; si six fonds ont été mis en demeure de transmettre les documents, il s'agissait avant tout d'oublis et quatre avaient par la suite régularisé leur situation. A contrario, le préfet de l'Isère a indiqué que seuls 20 % des fonds respectaient l'obligation de transmission des comptes annuels.

Les procédures de contrôle sont quant à elles régulièrement mobilisées, même si une marge de progrès subsiste. Au cours de son audition du 4 juillet 2023, la secrétaire d'État chargée de la citoyenneté, alors Sonia Backès, a précisé que quatre fonds avaient fait l'objet d'une mesure administrative de suspension en 2022. Elle a néanmoins indiqué avoir « constaté des axes d'amélioration pour donner aux préfets des moyens d'action renforcés » sur des fonds présentés comme « l'un des principaux vecteurs des mouvances islamistes ». Selon les données transmises par la DLPAJ, le juge judiciaire a par ailleurs été sollicité à une quinzaine de reprises sur la période aux fins de dissolution de fonds « poursuivant un objet cultuel et relevant en partie de la mouvance des Frères musulmans ».

b) Les dispositions fiscales

Deux dispositions de nature fiscale de la loi CRPR viennent ensuite, d'une part, habiliter l'administration à contrôler l'éligibilité au régime du mécénat des organismes délivrant des reçus fiscaux ouvrant droit à une réduction d'impôt (article 18) et, d'autre part, créer une obligation de déclaration annuelle du montant global des dons reçus et du nombre de reçus fiscaux délivrés (article 19).

La procédure de contrôle prévue à l'article 18 et codifiée à l'article L. 14 A du livre des procédures fiscales entendait remédier à l'impossibilité pour l'administration fiscale de contrôler la régularité de l'émission de reçus fiscaux67(*), à l'exception des cas où l'association était soumise aux impôts commerciaux ou soupçonnée d'exercer une activité de nature lucrative. Comme la commission des lois l'avait souligné au moment de l'examen de la loi CRPR, cette situation très insatisfaisante s'expliquait par deux facteurs : matériellement, la direction générale des finances publiques (DGFip) ne disposait pas d'informations sur le nombre d'organismes délivrant des reçus fiscaux et, juridiquement, elle ne pouvait, en l'état de la législation, que vérifier l'adéquation entre le montant figurant sur le reçu fiscal et la somme effectivement reçue. L'amende prévue à l'article 1740 A du code général des impôts en cas de délivrance indue d'un reçu fiscal n'était en conséquence quasiment pas appliquée.

Le bilan est également mitigé sur ce point68(*). Si la DGFip a souligné au cours de son audition que ces deux articles avaient permis d'affiner les informations détenues par l'administration fiscale et de cibler davantage ses contrôles, force est de constater que ceux-ci sont encore balbutiants. Le temps nécessaire à la formation des agents et à l'organisation des services compétents a tout d'abord retardé la mise en oeuvre d'un dispositif pourtant fondamental eu égard aux montants concernés69(*). Selon les données transmises par la DGFip, la nouvelle procédure n'a ainsi été utilisée qu'à 44 reprises depuis son entrée en vigueur en 2022 (dont 14 en 2023), pour seulement deux amendes prononcées. Sur ce dernier point, la DGfip a fait part de difficultés à prouver le caractère intentionnel d'une délivrance indue de reçu fiscal, lequel est une condition sine qua non de l'imposition d'une sanction.

Sur les nouvelles obligations déclaratives prévues par l'article 19, le dispositif pâtit du caractère très général des données concernées, dès lors que seul le montant cumulé des dons reçus et le nombre de reçus fiscaux émis en contrepartie doivent être communiqués à l'administration fiscale. En termes de volume, 4,7 milliards d'euros de dons ont été déclarés en 2023 au titre de l'année 2022.


* 41 Les subventions publiques sont définies à l'article 9-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations qui précise que : « Constituent des subventions, au sens de la présente loi, les contributions facultatives de toute nature, valorisées dans l'acte d'attribution, décidées par les autorités administratives et les organismes chargés de la gestion d'un service public industriel et commercial, justifiées par un intérêt général et destinées à la réalisation d'une action ou d'un projet d'investissement, à la contribution au développement d'activités ou au financement global de l'activité de l'organisme de droit privé bénéficiaire ».

* 42 Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, guide d'usage de la subvention (2023-2024). Le taux de financement public des associations a toutefois connu une baisse considérable depuis le début des années 2000. Selon les éléments transmis par la direction des libertés publiques et des affaires juridiques, le taux de financement privé est en hausse de 10 points entre 2005 (32 %) et 2017 (42 %)

* 43 Annexe au projet de loi de finances pour 2024, « Effort financier de l'État en faveur des associations ».

* 44 Les cinq premiers programmes budgétaires les plus concernés étaient, par ordre de prévalence, « Egalite territoire » (2,2 milliards d'euros), « Enseignement » (1,1 milliard d'euros), « Immigration, asile et intégration » (980 millions d'euros), « Solidarité, insertion » (880 millions d'euros) et « Travail et emploi » (700 millions d'euros).

* 45 Décret n° 2001-495 du 6 juin 2001 pris pour l'application de l'article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et relatif à la transparence financière des aides octroyées par les personnes publiques.

* 46 Dans la mesure, où, d'une part, elle n'est pas mentionnée dans le décret n° 2016-1971 du 28 décembre 2016 précisant les caractéristiques du formulaire unique de demande de subvention des associations et où, d'autre part, elle contient pour l'essentiel des formulations de portée générale.

* 47 Étude d'impact de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, p. 79.

* 48 Cette obligation est réputée satisfaite par les associations agréées ainsi que par les associations et fondations reconnues d'utilité publique.

* 49 Voir le rapport n° 454, tome I (2020-2021) de Jacqueline Eustache-Brinio et Dominique Vérien sur le projet de loi n° 3649 confortant le respect des principes de la République.

* 50 Décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021, cons. 16-27.

* 51 En précisant que le retrait de subventions ne « pouvait conduire à la restitution de sommes versées au titre d'une période antérieure au manquement au contrat d'engagement ».

* 52 Voir compte-rendu de l'audition précitée du 4 juillet 2023.

* 53 Le juge administratif a, d'une part, estimé que, eu égard au contenu global de son programme, l'évènement n'incitait pas à des actions illégales et violentes ou susceptibles d'entraîner des troubles graves à l'ordre public, et que d'autre part il ne pouvait être imputé à l'association Alternatiba Poitiers des propos incitants à la désobéissance civile.

* 54 En application notamment des articles 3 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, de l'article 1er de la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales ou, à titre de peine complémentaire, du 1° de l'article 131-39 du code pénal.

* 55 En application de l'article 6-1 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relatif à l'état d'urgence dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015.

* 56 Les dissolutions étaient, jusqu'à sa codification, fondées sur l'article 1er de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées.

* 57 Étude d'impact de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, p. 85.

* 58 Voir la décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971 n° 71-44 DC dite « Liberté d'association », ainsi que l'arrêt du Conseil d'État du 11 juillet 1956 dit « Amicale des Annamites de Paris ». Si le Conseil constitutionnel ne s'est jamais directement sur la conformité à la Constitution de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, il en a néanmoins validé les modifications par la loi CRPR. Par ailleurs, le Conseil d'État, compétent eu égard à sa nature alors règlementaire, avait validé cet article en 2014 (Conseil d'État, 30 janvier 2014, Association « Envie de rêver », n° 370306).

* 59 La liberté d'association est protégée par l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La Cour européenne des droits de l'homme admet toutefois la dissolutions d''une association lorsque celle-ci répond à un « besoin social impérieux » (voir Cour européenne des droits de l'homme, 13 février 2023, Parti de la Prospérité c/ Turquie, n° 41340/98, 41342/98 et 41344/98 ; Cour européenne des droits de l'homme, 8 octobre 2020, affaire Ayoub et autres c. France, requête n° 77400/14).

* 60 Étude d'impact de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, pp. 96-100.

* 61 Conseil constitutionnel, décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021, cons. 33 à 42. Le Conseil constitutionnel avait en revanche censuré la possibilité de suspendre, à titre conservatoire, l'activité d'une association ou un groupement de fait visé par une procédure de dissolution.

* 62 Il a en revanche été précisé que certaines associations ciblées avaient poursuivi leurs activités à l'étrange.

* 63 Radicalisation islamiste : faire face et lutter ensemble, rapport n° 595 (2019-2020) de Jacqueline Eustache-Brinio, fait au nom de la commission d'enquête, déposé le 7 juillet 2020.

* 64 Rapport n° 258 du 17 janvier 2024 (2023-2024) de Marc-Philippe Daubresse sur la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste.

* 65 Conseil d'État, 9 novembre 2023, n° 476384.

* 66 Pour une présentation complète, voir le commentaire de l'article 8 du rapport précité n° 258 du 17 janvier 2024 (2023-2024) de Marc-Philippe Daubresse

* 67 À l'exception des cas où un organisme sollicitait la délivrance d'un « rescrit mécénat ».

* 68 La commission des finances du Sénat avait effectué un premier travail d'évaluation de ce dispositif. Elle avait notamment estimé que « dans la mesure où cette nouvelle procédure était entrée en vigueur il y a moins d'un an, il n'était pas encore possible d'avoir un retour d'expérience sur le dispositif, et que certaines des conditions de sa mise en oeuvre devaient encore être précisées » (Commission des finances du Sénat, rapport n° 188 de Jean-François Husson et Éric Jeansannetas (2022-2023) sur le champ et la mise en oeuvre effective des dispositifs de suspension des avantages fiscaux pour les dons aux associations.

* 69 Selon les données transmises par la DGFip, la dépense fiscale liée au mécénat s'élève à 3 milliards d'euros en 2022, répartis à raison de 1,7 milliard pour les particuliers (dont 132 millions d'euros d'impôt sur la fortune immobilière, le reste relevant de l'impôt sur le revenu) et de 1,3 milliard pour les entreprises.

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