B. UN CADRE JURIDIQUE DÉROGATOIRE POUR LES VÉGÉTAUX DE CATÉGORIE 1, QUI ONT VOCATION À ÊTRE TRAITÉS COMME DES VÉGÉTAUX CONVENTIONNELS

La proposition de règlement de la Commission repose sur le postulat d'une équivalence entre les végétaux NTG de catégorie 1 et les végétaux conventionnels ; les risques posés par tous ces végétaux étant présumés comparables, la Commission estime qu'il n'est pas nécessaire de recourir à une évaluation et une autorisation préalablement à leur dissémination.

Les rapporteurs soutiennent cette approche, dans la mesure où (i) aucun risque spécifique lié aux végétaux de catégorie 1 n'a jusqu'à présent été identifié et (ii) les variétés de catégorie 1 demeureront soumises à la législation sectorielle applicable aux semences, les risques liés à ces végétaux ayant donc vocation à être instruits dans ce cadre.

Les rapporteurs sont donc favorables à ce que les végétaux NTG qui auraient pu apparaître naturellement ou être produits par sélection conventionnelle soient traités comme des végétaux conventionnels et puissent par conséquent déroger à la législation de l'Union européenne sur les OGM

1. Les critères d'équivalence entre les végétaux NTG 1 et les végétaux conventionnels : un élément central de la proposition de règlement, à retravailler à l'aune de l'expérience acquise et des progrès scientifiques

L'annexe I de la proposition de règlement définit les critères permettant de déterminer si un végétal NTG est équivalent à un végétal apparaissant naturellement ou obtenu de manière conventionnelle, la Commission étant par ailleurs habilitée à modifier ces critères, par le biais d'actes délégués, afin de les adapter au progrès scientifique et technologique (article 5).

Si plusieurs parties prenantes se sont déclarées favorables à ce que la Commission puisse adapter les critères d'équivalence en fonction des avancées scientifiques et technologiques, notamment pour étendre la liste des mutations autorisées considérées comme équivalentes à celles qui se produisent naturellement ou par le biais de techniques d'obtentions conventionnelles, d'autres ont relevé que la délégation de pouvoir ainsi accordée à la Commission pourrait se révéler trop importante.

Les critères d'équivalence constituent en effet un élément central du texte, puisqu'ils permettent de déterminer quelles sont les plantes soumises à une évaluation spécifique des risques. Dans ce contexte, s'il est assurément opportun que les critères puissent évoluer en fonction des développements technologiques futurs, les rapporteurs souhaitent qu'une justification scientifique soit systématiquement requise pour l'adoption des actes délégués susmentionnés.

S'agissant des critères à proprement parler, les rapporteurs ont pris connaissance, avec intérêt, des problématiques identifiées par l'Anses dans son avis relatif à l'analyse scientifique de l'annexe I de la proposition de règlement.

L'Agence souligne en premier lieu que certaines définitions gagneraient à être clarifiées, afin de garantir une lecture et une interprétation aussi univoques que possible des critères d'équivalence. Les rapporteurs souscrivent pleinement à cette recommandation, relevant que toute divergence dans l'évaluation de ces critères se révèlerait source d'insécurité juridique et nuirait par conséquent au développement des végétaux NTG.

L'Anses relève ensuite, à l'instar de plusieurs des experts auditionnés, que les seuils maxima retenus pour assimiler un végétal NTG 1 à un végétal conventionnel, fixés à un nombre de 20 modifications génétiques par plante et à une taille de 20 nucléotides pour les insertions et les substitutions, ne sont pas suffisamment justifiés sur le plan scientifique.

En effet, et à titre d'exemple, le nombre de 20 modifications génétiques autorisées s'applique au génome entier de la plante. Or, les séquences génétiques peuvent être présentes en une seule copie (génome haploïde), deux copies (génome diploïde), voire même en six copies pour le blé (génome hexaploïde). Par conséquent, un nombre supérieur de modifications devrait être réalisé chez les espèces polyploïdes pour obtenir un phénotype donné, puisque les séquences génétiques sont présentes en plusieurs copies.

Les rapporteurs notent cependant que le choix d'un plafond de 20 mutations génétiques témoigne de l'approche prudente retenue par la Commission, puisqu'il se situe en deçà de la limite basse du nombre de modifications observées en sélection conventionnelle, compris entre 30 et 100.

In fine, ces critères, qui se concentrent sur les types, les tailles et le nombre de modifications génétiques, semblent davantage être le fruit d'un arbitrage politique que d'une analyse purement scientifique ; ils présentent néanmoins l'avantage d'être relativement simples et compréhensibles, notamment pour les juristes qui seront chargés d'appliquer le règlement.

Dans ce contexte, les rapporteurs souhaiteraient que soit insérée une clause de revoyure, permettant de vérifier la pertinence des critères d'équivalence à l'aune de l'expérience accumulée au cours des cinq premières années suivant l'entrée en vigueur du règlement. À court terme néanmoins, et dans un souci d'effectivité, les rapporteurs estiment que ces critères devraient être revus pour refléter la diversité de la taille des génomes.

Enfin, le groupe de travail « Biotechnologies » de l'Agence relève l'absence de prise en compte, dans les critères, des caractères des plantes et de leurs éventuels risques, alors que les conséquences fonctionnelles ou biologiques d'une variation ou d'une modification génétique donnée ne sont pas déterminées par son type ou sa taille. Dans sa conclusion finale, l'Anses souligne cependant, que cette situation « prévaut d'ores et déjà dans l'encadrement des OGM [...] le dispositif des critères d'équivalence prolonge de fait, pour les NTG, la ligne de partage entre les plantes soumises et les plantes non-soumises à évaluation, selon la logique des textes actuels ». Les rapporteurs se rangent à cette position de l'Anses.

2. Une nouvelle procédure de vérification, essentiellement aux mains des autorités nationales, s'apparentant davantage à un régime déclaratif qu'à un régime d'autorisation

Les végétaux NTG de catégorie 1 seront soumis à une procédure de vérification, permettant de déterminer s'ils remplissent les critères d'équivalence définis dans l'annexe I.

En pratique, avant toute dissémination volontaire et mise sur le marché, les opérateurs devront obtenir une déclaration de statut de « végétal NTG de catégorie 1 ».

Si la demande de vérification intervient en vue des essais de terrain, il incombera à l'État membre saisi de cette dernière de vérifier la conformité avec les critères de l'annexe I, la décision étant ensuite valable pour l'ensemble de l'Union et couvrant la mise sur le marché ultérieure des végétaux NTG mais également des produits NTG connexes (article 6).

Une instance ad hoc serait ainsi désignée, dans chaque État membre, afin d'instruire les demandes de vérification. Selon les informations transmises aux rapporteurs, en France, cette mission pourrait échoir à l'Anses. L'instruction des demandes supposerait, concrètement, d'examiner les études visant à démontrer que le végétal NTG (i) ne contient aucun matériel génétique exogène, et (ii) est conforme aux critères de l'annexe I. À l'issue de cet examen, l'instance désignée devrait produire un rapport de vérification, dans un délai strictement limité, de 30 jours ouvrables dans le cas général.

La proposition de règlement confère aux autres États membres le droit de formuler des observations sur la base de ce rapport de vérification, dans un délai de 10 jours à compter de sa publication. En l'absence d'objection motivée, il reviendra à l'instance ad hoc de se prononcer sur l'octroi du statut de catégorie 1, puis de communiquer sa décision à la Commission. Si des objections sont formulées, il appartiendra à la Commission de trancher, après avoir consulté l'Autorité européenne de sécurité des aliments, puis de préparer un projet de décision, dont l'adoption nécessitera la majorité simple - et non la majorité qualifiée, comme dans la réglementation sur les OGM.

Enfin, si aucun essai de terrain n'a été réalisé dans l'Union et que la demande intervient en vue de la mise sur le marché, la décision sera rendue par la Commission, sur la base d'un avis scientifique fourni par l'Autorité européenne de sécurité des aliments, afin de « garantir l'efficacité de la procédure de vérification et la cohérence des déclarations de statut de végétal NTG de catégorie 1 » (article 7).

La Commission fait valoir que le dépôt des dossiers au niveau de chaque État membre en vue des essais de terrain devrait représenter un allègement de la charge administrative pour les petits opérateurs, davantage susceptibles de participer à ces disséminations. Néanmoins, le choix de confier à une autorité nationale le soin de mener la procédure de vérification pourrait se traduire par des différences d'appréciation entre les États membres d'une part, et entre les échelons nationaux et européen d'autre part. Pour juguler ce risque, les rapporteurs suggèrent l'élaboration, par l'Autorité européenne de sécurité des aliments, de lignes directrices précises s'agissant de la teneur des rapports de vérification.

Par ailleurs, les parties prenantes auditionnées ont majoritairement soutenu la fixation d'un délai maximal pour conduire les procédures de vérification, estimant que cette disposition offrait de la visibilité aux opérateurs, tout en garantissant le caractère standardisé et rapide de l'examen. Il ressort néanmoins des échanges menés avec l'Anses que ces délais paraissaient peu compatibles avec les processus d'expertise collective habituels à l'Agence.

3. Une évaluation des risques réalisée dans le cadre de la réglementation applicable aux végétaux conventionnels

Si les variétés NTG ayant obtenu le statut de catégorie 1 seront exemptées de toute évaluation des risques a priori, elles demeureront soumises à la législation sectorielle applicable aux semences et aux autres matériels de reproduction des végétaux. Ainsi, les variétés obtenues à l'aide de ces NTG devront être inscrites au Catalogue officiel des variétés, à l'issue d'une évaluation de leur Valeur agronomique, technologique et environnementale (VATE), permettant notamment que soient instruits les risques qui leurs sont associés.

Au demeurant, les experts auditionnés n'ont pas identifié de risques spécifiques liés aux végétaux NTG de catégorie 1. Il a ainsi été signalé aux rapporteurs que, si l'avis de l'Anses déplore l'absence de prise en compte des risques potentiels dans les critères d'équivalence, il n'indique pas que les risques associés aux végétaux NTG de catégorie 1 seraient supérieurs à ceux afférents aux plantes issues de méthodes de sélection conventionnelles.

Néanmoins, plusieurs parties prenantes ont plaidé en faveur d'une surveillance et d'un contrôle après la dissémination de ces variétés. S'il ne paraît pas opportun de prévoir un tel suivi à l'échelle de tout le territoire national - eu égard au coût et à la charge administrative qui en résulterait -, un dispositif de biovigilance a posteriori pourrait utilement être mise en place dans les fermes expérimentales, afin de pouvoir mesurer, sur certaines parcelles, l'impact de la dissémination des variétés de catégorie 1 sur les systèmes agricoles.

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