C. LE BBNJ CONSTITUE UNE RÉELLE AVANCÉE POUR LA CONSERVATION ET L'UTILISATION DURABLE DE LA BIODIVERSITÉ MARINE EN HAUTE MER

1. Les outils mis en place pour la protection de la biodiversité : « le package deal »

(a) La création d'outils de gestion par zone, y compris d'aires marines protégées

Pascale Ricard a expliqué que les États pourront, lorsque le BBNJ sera entré en vigueur, définir collectivement ou individuellement des aires protégées ou tout autre outil de gestion de zone. Afin d'éviter les situations de blocage comme celles rencontrées dans le cadre de la Convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l'Antarctique, le consensus n'est pas l'unique voie de prise de décision. En l'absence de consensus, les décisions et les recommandations sont prises à la majorité des trois quarts des parties présentes et votantes, après que la Conférence des parties a décidé, à la majorité des deux tiers, que tous les moyens de parvenir à un consensus ont été épuisés.

(b) La réalisation d'études d'impact environnemental

Pascale Ricard a également décrit les modalités de réalisation des études d'impact environnemental. La procédure prévoit la consultation des parties prenantes qui peuvent faire part de leurs observations quant aux impacts potentiels de l'activité envisagée. La procédure prône également la transparence puisqu'en amont, les parties s'engagent à notifier publiquement toute activité engagée tandis qu'en aval, le rapport d'évaluation d'impact sur l'environnement est publié à l'attention de toutes les parties.

Par ailleurs, le BBNJ prévoit que les États susceptibles d'être les plus affectés13(*) puissent participer à l'évaluation d'impact sur l'environnement de l'activité envisagée. Il insiste sur la prise en compte des impacts cumulés des différentes activités conduites en mer, y compris du changement climatique.

Le seuil de déclenchement de l'étude d'impact est élevé puisqu'il faut que l'activité envisagée « risque d'entraîner une pollution importante ou des modifications considérables et nuisibles du milieu marin »14(*).

Toutefois, le BBNJ prévoit un seuil intermédiaire à partir duquel la partie doit réaliser un contrôle préliminaire pour s'assurer que l'impact de l'activité envisagée est inférieur au seuil de déclenchement de l'étude d'impact. Ce seuil intermédiaire est atteint lorsque « l'activité envisagée risque d'avoir un effet plus que mineur ou transitoire sur le milieu marin ou si ses effets sont inconnus ou mal compris ».

(c) L'encadrement des activités liées aux ressources génétiques marines et le partage des bénéfices découlant de leur exploitation

Robert Blasiak a constaté qu'un nombre très réduit d'États ont les capacités techniques, humaines et financières pour mener les activités liées aux ressources génétiques marines. Néanmoins, ces dernières sont « dans l'intérêt de l'humanité tout entière, et visent en particulier à faire progresser les connaissances scientifiques de l'humanité et à favoriser la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine » 15(*). C'est la raison pour laquelle les États en voie de développement ont soutenu la mise en place de mécanismes pour assurer le partage juste et équitable des avantages qui découlent de ces activités.

Il est prévu de créer un centre d'échange qui collectera les informations liées aux activités relatives aux ressources génétiques marines16(*) des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et génèrera automatiquement un identifiant normalisé de lot « BBNJ ».

Robert Blasiak a expliqué que le partage monétaire des avantages découlant de l'utilisation des ressources génétiques marines est régi par deux régimes distincts.

Dès l'entrée en vigueur de l'accord, un fonds spécial sera créé pour permettre aux parties en développement de renforcer leurs capacités pour analyser les ressources génétiques marines. Ce fonds sera alimenté par des contributions des parties développées égales à 50 % de leur contribution au budget du BBNJ.

Par ailleurs, il reviendra à la Conférence des parties de déterminer les modalités de partage des avantages monétaires dans les cas où les activités utilisant des ressources génétiques marines produiraient des bénéfices. Le BBNJ prévoit enfin la création d'un Comité sur l'accès et le partage afin d'établir les lignes directrices pour le partage des avantages et de faire des recommandations à la Conférence des parties.

(d) Le renforcement des capacités et le transfert des technologies marines

Plusieurs intervenants ont insisté sur l'ambition du BBNJ de renforcer les capacités des États en développement et le transfert des technologies marines. L'objectif est double : d'une part, réduire les inégalités entre les États en matière de recherche scientifique, soutenir le développement économique et social durable des États en développement - en particulier des petits États insulaires -, et limiter leur dépendance à l'égard de l'aide internationale pour le développement ; d'autre part, améliorer l'aptitude des États en développement à satisfaire les obligations contenues dans l'accord, notamment en ce qui concerne la création et la gestion des aires marines protégées.

L'article 44 énumère les moyens envisagés pour assurer « le renforcement des capacités des parties en matière de ressources humaines, de moyens de gestion financière et de moyens scientifiques, technologiques, administratifs, institutionnels et autres ».

Denis Duclos a rappelé que l'article 45 prévoit la création d'un comité du renforcement des capacités et de transfert des technologies marines afin d'assurer le suivi et l'examen des mesures prises.

2. L'objectif du BBNJ : ouvrir la voie à une gouvernance multilatérale, inclusive et prenant en compte les intérêts des États en développement pour garantir la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité

Plusieurs intervenants se sont félicités qu'en dépit de la liberté souveraine des États en haute mer, le BBNJ instaure une gouvernance multilatérale dans cet espace en matière de protection de la biodiversité et permette, par exemple, d'imposer aux parties la création d'aires marines protégées même sans consensus.

Olivier Poivre d'Arvor a insisté sur le caractère inclusif de cette gouvernance. D'abord, l'accent est mis sur la nécessité de renforcer les capacités des pays en développement afin qu'ils soient en mesure, techniquement, financièrement et humainement, d'assurer leurs obligations. Ensuite, le BBNJ prévoit des consultations et évaluations préalables aux prises de décision sur les propositions émises par les parties, que ce soit en matière de création de zones marines protégées ou d'élaboration des études d'impact environnemental.

Comme l'a fait remarquer Virginie Tilot, cette gouvernance a vocation à défendre les droits des États les plus faibles à travers le partage des avantages découlant des activités relatives aux ressources génétiques marines ou encore le renforcement de leurs capacités et le transfert de technologies marines. De même, les peuples autochtones et les communautés locales sont protégés par l'article 13 du BBNJ qui stipule que les connaissances traditionnelles détenues par lesdits peuples et communautés relatives aux ressources génétiques marines dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale ne sont accessibles qu'avec leur consentement préalable.


* 13 Il s'agit des États côtiers adjacents ou tout autre État adjacent à l'activité.

* 14 Cf. article 206 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer qui dispose : « Lorsque des États ont de sérieuses raisons de penser que des activités envisagées relevant de leur juridiction ou de leur contrôle risquent d'entraîner une pollution importante ou des modifications considérables et nuisibles du milieu marin, ils évaluent, dans la mesure du possible, les effets potentiels de ces activités sur ce milieu et rendent compte des résultats de ces évaluations de la manière prévue à l'article 205. »

* 15 Cf. article 11 du BBNJ.

* 16 L'article 12 énumère les informations à notifier :

- avant la collecte : la nature de la collecte et les objectifs aux fins desquelles elle est effectuée, l'objet des travaux de recherche, les zones géographiques où la collecte sera effectuée, un résumé de la méthode et des moyens utilisés pour la collecte, les dates prévues de la première arrivée et du dernier départ des navires de recherche, le nom des institutions patronnant le projet de recherche, un plan de gestion des données ;

- pendant ou après la collecte : le référentiel de données ou la base de données où les informations de séquençage numérique sur les ressources génétiques marines seront déposées, le lieu où toutes les ressources génétiques marines collectées in situ seront conservées, un rapport précisant la zone géographique dans laquelle les ressources génétiques marines ont été collectées, etc.

L'article 12 prévoit également les informations à fournir lorsque les ressources génétiques marines et les informations de séquençage numérique font l'objet d'une utilisation, y compris d'une commercialisation.

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