III. LES RECOMMANDATIONS

 Oeuvrer pour une entrée en vigueur rapide du BBNJ

La France accueillera en juin 2025 la prochaine Conférence des Nations Unies sur l'océan et s'est fixée comme objectif de pouvoir annoncer l'entrée en vigueur du BBNJ à cette occasion. Au-delà de l'intense travail diplomatique mené par le Gouvernement, les parlementaires, en particulier les membres de l'Office et des délégations aux outre-mer ainsi que les présidents et membres des groupes interparlementaires d'amitié, peuvent également agir en sensibilisant leurs homologues étrangers sur la nécessité de ratifier le BBNJ.

 Refuser l'application rétroactive du BBNJ

Le Parlement français doit prendre position pour que les dispositions concernant les activités relatives aux ressources génétiques marines ne s'appliquent pas aux ressources collectées avant l'entrée en vigueur de l'accord comme cela est prévu dans son article 10. En effet, une telle obligation pourrait créer une insécurité juridique pour les collections établies depuis parfois plusieurs siècles par certains établissements de recherche français. L'article 70 autorise les États à déroger au principe de rétroactivité en émettant une réserve au moment de la ratification de l'accord. Il conviendra donc de vérifier que le Gouvernement prévoit bien d'émettre cette réserve au moment de l'examen de l'accord par le Parlement.

 Imposer un moratoire sur l'exploitation minière des fonds marins

Lors du 28e conseil de l'Autorité internationale des fonds marins qui s'est tenu au printemps 2023, la France a lancé un appel à la constitution d'une large coalition d'États pour s'opposer à l'exploitation minière des fonds marins.

Depuis, 24 États dont la France ont décidé de soutenir l'idée d'un moratoire dans l'attente d'un progrès des connaissances scientifiques sur la biodiversité en mer profonde et d'études pertinentes sur l'impact des activités minières sur ces écosystèmes.

Le 29e conseil de l'Autorité internationale des fonds marins qui s'est tenu du 18 au 29 mars 2024 a été à nouveau l'occasion d'aborder cette question. La diplomatie française est fortement impliquée pour convaincre de nouveaux États à soutenir la proposition de moratoire. Il est important que les parlementaires français contribuent à ce travail de persuasion.

 Adopter une approche holistique de la conservation de la biodiversité

La protection de la biodiversité en haute mer se heurte au problème de sa gouvernance, à la fois lacunaire et fragmentée, aussi bien en termes géographiques qu'en termes sectoriels. Face à cette « cacophonie océanique », le BBNJ rappelle l'obligation, pour tous les États parties à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, de protéger et de préserver le milieu marin et prône la cohérence et la coopération entre les instruments et cadres juridiques ainsi que les organes mondiaux, régionaux, sous-régionaux et sectoriels pertinents.

Il conviendra donc de s'assurer que les décisions prises par les États dans les différentes organisations internationales dont ils sont membres ne soient pas contradictoires et tiennent compte de la nécessité de protéger la biodiversité en haute mer.

 Intensifier l'effort de recherche pour l'exploration des fonds marins

Les connaissances scientifiques sur les écosystèmes en milieu marin profond restent encore très partielles et ne permettent pas d'évaluer de manière totalement pertinente l'impact des activités, notamment minières, sur les zones ne relevant pas de la juridiction nationale. L'exploration des fonds marins exige d'investir dans des technologies de plus en plus perfectionnées et coûteuses telles que les drones, les robots autonomes sous-marins, ou les outils d'analyse des données. Afin de mieux appréhender la biodiversité en haute mer, il est également indispensable de combiner les observations in situ avec la modélisation.

Lors de la présentation du plan d'investissement d'avenir « France 2030 » en octobre 2021, le Gouvernement s'est engagé à investir 300 millions d'euros dans l'objectif « grands fonds marins ». Il est essentiel que les investissements annoncés soient réalisés21(*), voire amplifiés afin que la France conserve son statut de grande nation océanique.

 Renforcer le niveau de protection et la surveillance des activités dans les aires marines protégées

La mise en place d'un plan de gestion comprenant les mesures à adopter et décrivant les activités de suivi, de recherche et d'examen à mener pour atteindre les objectifs retenus est indispensable afin d'assurer l'efficacité des aires marines protégées.

Garantir un niveau de protection élevé des aires marines protégées ainsi qu'une surveillance effective des activités qui y sont réalisées est essentiel. Pour cela, il est indispensable de s'assurer de la capacité technique et de la volonté politique des États en matière de contrôle des navires battant leur pavillon. Le cas échéant, des coopérations peuvent être engagées avec les États du pavillon afin de les aider dans leur mission de contrôle. À défaut, le renforcement des contrôles portuaires pourrait compenser les difficultés rencontrées par certains États pour contrôler les navires battant leur pavillon. L'implication particulière d'un ou de plusieurs États dans la mise en place et le suivi d'une aire marine protégée est souvent une condition nécessaire pour garantir la conservation de la biodiversité.

Compte tenu de la superficie du domaine maritime français22(*), notre pays a une responsabilité particulière pour assurer ce leadership en matière de création et de surveillance des aires marines protégées. Pour cela, la France doit être exemplaire.

Certes, 33 % des eaux françaises sont couvertes par au moins une aire marine protégée en 2022. Toutefois, le terme d'aire marine protégée recouvre des situations très contrastées et très peu d'entre elles bénéficient dans les faits d'un niveau de protection élevé. Nous devons donc adapter notre politique de conservation de la biodiversité marine en privilégiant la qualité sur la quantité.

 Multiplier les démarches pédagogiques pour sensibiliser les populations à la conservation de la biodiversité en haute mer

Plusieurs dispositifs ont été mis en place, en particulier dans les zones côtières et dans les outre-mer, pour sensibiliser la population à la préservation du milieu marin dans les eaux territoriales et dans la zone économique exclusive. Des aires marines éducatives ont par exemple été instaurées en Polynésie, dont une aux îles Marquises.

Ces démarches pédagogiques pour sensibiliser les citoyens, au premier rang desquels les enfants et les adolescents, doivent être étendues aux zones ne relevant pas de la juridiction nationale. Certaines initiatives existent déjà, telles que le programme pédagogique « Mon lopin de mer », des jeux sérieux, des projets de science participative. Elles méritent d'être soutenues et amplifiées.

 Impliquer davantage les outre-mer dans la mise en place du BBNJ

Les communautés insulaires ont un rapport à l'océan qui contribue à sa protection. Elles sont également les premières intéressées par une protection efficace de la biodiversité marine.

Les outre-mer français se situent géographiquement à proximité de nombreux États dont l'investissement est majeur pour l'application effective du BBNJ tels que les États-Unis, le Japon, l'Australie, ou tous les États insulaires.

Le gouvernement français a donc tout intérêt à impliquer les outre-mer dans sa politique d'influence pour la défense de la biodiversité marine et la ratification du BBNJ, mais également de s'inspirer de certaines pratiques traditionnelles comme le rahui23(*) pour la mise en place de mesures garantissant la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale.


* 21 Selon les informations obtenues, 50 millions d'euros ont été débloqués à la date de l'audition.

* 22 11 millions de km2 de zone économique exclusive, dont 97 % autour de ses outre-mer.

* 23 Le rahui consiste à bannir temporairement l'accès à un espace, ou interdire le prélèvement d'une ressource naturelle, afin de favoriser leur régénération pour le bénéfice de toute une communauté. Il joue un rôle clé dans la gestion durable des ressources naturelles.

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