La réalité de l'industrie du porno : témoignage d'une organisation qui soutient les victimes de l'industrie du porno et met en lumière l'exploitation et les abus de cette industrie
Intervention de Maïna Cerniawsky, vice-présidente et porte-parole de l'ONG française Osez le féminisme !
Je souhaite commencer par saluer le courage des survivantes dont les voix et les expériences seront partagées ici. Je suis ici au nom d'Osez le Féminisme, une organisation qui lutte depuis des années contre le système prostitutionnel.
Depuis 2020, nous avons accompagné une soixantaine de survivantes de l'industrie pornographique, en leur offrant une assistance juridique, un soutien psychologique et un accompagnement social.
Nous les aidons également à comprendre la dimension systémique de leur exploitation, en leur rappelant qu'elles ne sont pas responsables de ce qu'elles ont subi. Ces femmes ont été trompées, contraintes et brutalement violentées. Leur souffrance n'est pas un simple effet collatéral de cette industrie : elle en est le modèle économique, comme l'a dit ma collègue Gemma Kelly.
Un exemple frappant de cette réalité est l'affaire French Bukkake, l'un des plus grands scandales de violences sexuelles en France. Plus de 50 femmes se sont manifestées comme victimes, révélant une organisation criminelle où des femmes ont été manipulées, droguées et violées, le tout sous couvert de « pornographie ».
Je vais vous raconter l'histoire de Julie, l'une de ces victimes. Son parcours illustre parfaitement le fonctionnement de ce système.
Le cauchemar de Julie a commencé lorsqu'un homme, Julien D., a noué contact avec elle en ligne sous une fausse identité, se faisant passer pour une femme nommée Axelle. Il a passé des mois à gagner sa confiance et son amitié. Lorsque Julie lui a confié ses difficultés financières, « Axelle » lui a suggéré de se tourner vers des services d'escort, lui présentant cette solution comme facile et divertissante. Hésitante mais désespérée, Julie a accepté de rencontrer un client dans un hôtel de luxe.
Mais à son arrivée, elle a été confrontée à la violence. L'homme l'a brutalement violée. C'est ce qu'on appelle un « viol d'abattage », une agression délibérée et méthodique visant à briser la victime psychologiquement pour la soumettre à une exploitation future. L'homme a également refusé de la payer.
Traumatisée, Julie a cherché de l'aide auprès d'« Axelle », son amie, qui lui a témoigné une fausse compassion, avant de lui dire que, comme le client ne l'avait pas payée, elle devait maintenant rembourser les frais d'hôtel et de transport.
Terrifiée, elle a été manipulée et contrainte à tourner une scène pornographique pour « rembourser sa dette », soi-disant pour des clients canadiens.
C'est ainsi qu'elle a rencontré Pascal OP, le créateur de French Bukkake. Ce qu'elle ignorait, c'est que son violeur de l'hôtel était en réalité Julien D., la même personne à laquelle elle s'était confiée.
Julie s'est rendue à Paris, où elle a été emmenée dans un lieu isolé. Là, elle a découvert avec horreur que Pascal OP lui-même allait participer à la scène. Elle a de nouveau été violée, cette fois, devant la caméra.
Elle pensait pouvoir partir ensuite. Au lieu de cela, elle a été amenée dans un appartement épouvantable, recouvert de moisissures, et on lui a dit qu'elle devait passer la nuit sur un matelas crasseux, posé à même le sol. Elle a imploré de rentrer chez elle mais on l'a ignorée et on lui a dit que le véritable tournage était prévu pour le lendemain. Cette nuit-là, sans caméra pour le documenter, Pascal OP l'a violée une fois de plus.
Au matin, Julie était à peine consciente, droguée et affaiblie. Au moment de débuter le tournage, elle s'attendait à un seul homme. Mais près d'une dizaine d'hommes sont arrivés. Elle a été victime d'un viol collectif d'une brutalité extrême. Elle a été complètement déshumanisée.
Et sa souffrance ne s'est pas arrêtée là. Ils lui avaient menti, lui assurant que les vidéos ne seraient diffusées qu'au Canada. Peu après, elle a découvert que ces vidéos étaient accessibles en France et que des personnes de son entourage les avaient visionnées. Lorsqu'elle a supplié qu'elles soient retirées, on lui a répondu qu'elle devrait payer pour cela.
Julie n'est pas seule. Des dizaines de femmes sont piégées, droguées, forcées à subir des actes de violence extrêmes contre leur volonté.
Comme l'a dit une autre survivante, Fanny : « Je n'ai pas seulement été violée. J'étais en souffrance, je saignais... À un moment, l'un des hommes a crié : Achevez-la !' »
La vérité, c'est que Pascal OP a organisé ces prétendues « scènes de bukkake » chaque dimanche à Paris pendant plus de dix ans, trouvant sans cesse de nouvelles victimes.
Une autre survivante, Soraya, a témoigné : « J'ai été violée 240 fois. Est-ce que ce n'est pas de la torture ? 88 fois en un tournage, 44 fois en une heure... »
Aujourd'hui, seuls dix-sept hommes sont poursuivis en justice, alors que la police dispose des scans de 500 pièces d'identité d'hommes ayant participé à ces viols collectifs.
Il ne s'agit pas seulement d'une industrie : il s'agit d'un système de violence à l'encontre des femmes.
Je suis impatiente d'écouter les autres participantes et de discuter de la façon dont nous pouvons lutter contre cette industrie et protéger les victimes.
Laurence Rossignol : Je passe la parole à Dominique Vérien, présidente de la délégation, pour une séquence consacrée aux politiques publiques qui peuvent être mises en place. Sa prise de parole sera suivie de l'intervention de deux autres parlementaires, du Royaume-Uni et de Corée du Sud.