EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 11 juin 2025 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial, sur le remplacement des enseignants.
M. Claude Raynal, président. - Nous allons maintenant entendre une communication de M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial des crédits de la mission « Enseignement scolaire », sur le remplacement des enseignants.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. -Le sujet du remplacement des personnels enseignants est une question sur laquelle je suis très régulièrement interpellé, comme vous certainement, chers collègues. Il s'agit d'une source d'inquiétude importante pour les familles, qui considèrent à raison que le droit à bénéficier d'une éducation complète à l'école est essentiel pour leurs enfants. Cette problématique représente par ailleurs un coût élevé pour le ministère de l'éducation nationale, autant de raisons pour lesquelles j'ai souhaité conduire un contrôle budgétaire sur ce sujet.
Le premier constat que je dresse est le suivant : les absences des enseignants sont en hausse ces dernières années. Le nombre de demi-journées d'absence a augmenté de 17,4 % dans le premier degré. Dans le second degré, une distinction est opérée entre les absences d'une durée supérieure à 15 jours, et les autres absences, dites de courte durée. La hausse du nombre de journées d'absence de longue durée est de 16 %. En plus, près de 12 millions d'heures d'absence de courte durée dans le second degré ont été comptabilisées entre 2023 et 2024.
Les absences des enseignants sont largement expliquées par des raisons de santé : 41,5 % des absences du premier degré et 61,2 % des absences du second degré sont dues à des congés de maladie ordinaire. Les congés de maternité représentent 9,4 % des absences dans le premier degré et 7,5 % des absences dans le second degré.
Une telle évolution est très frappante et appelle à des investigations. Plusieurs facteurs peuvent ainsi expliquer l'augmentation du nombre d'absences des enseignants.
D'une part, elle s'inscrit dans un contexte global d'augmentation des absences des salariés et des fonctionnaires. Les enseignants sont globalement moins absents que les autres salariés. En effet, le taux moyen d'absence pour raison de santé des autres salariés de la fonction publique s'élève en 2023 à 5,3 % contre 4,2 % pour les enseignants. De même, le taux moyen d'absence des enseignants est moins élevé de 13 % que celui des salariés du secteur privé. Pour autant, le nombre d'absences pour raison de santé a augmenté de 39 % dans le public et de 25 % dans le privé depuis 2018. Cette augmentation globale des absences pour raisons de santé des travailleurs français est difficile à expliquer. Peut-être témoigne-t-elle à la fois de conditions de travail dégradées, d'une évolution des aspirations des salariés, ou encore d'un sentiment croissant de déclassement du travail.
Dans le cas plus spécifique des enseignants, il est en tout cas probable que leurs conditions de travail se soient dégradées ces dernières années. Le baromètre du bien-être au travail de la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l'éducation nationale témoigne d'une satisfaction au travail inférieure de près de 2 points chez les enseignants par rapport au reste de la population française. Dans le premier degré en particulier, la problématique des élèves hautement perturbateurs est extrêmement prégnante et témoigne de la difficulté des enseignants à gérer des élèves particuliers.
Quoi qu'il en soit, la hausse des absences des enseignants est source de difficultés croissantes en termes de remplacement.
Dans le premier degré, le remplacement des enseignants est géré par l'inspecteur d'académie au niveau départemental, qui peut affecter un remplaçant dès la première demi-journée d'absence. Chaque direction des services départementaux de l'éducation nationale (DSDEN) dispose de brigades de remplacement, qu'elle affecte à des zones de remplacement définies.
Dans le second degré, les absences d'une durée inférieure à 15 jours relèvent du chef d'établissement, qui utilise les heures supplémentaires d'enseignement et le Pacte enseignant pour rémunérer les enseignants acceptant de remplacer un collègue. Dans le cas des absences d'une durée supérieure à 15 jours, c'est le rectorat qui se charge de l'affectation d'un remplaçant, via un vivier d'enseignants remplaçants.
Le taux d'efficacité du remplacement s'élève en 2024 à 78,3 % dans le premier degré et à 94,8 % dans le second degré pour les absences de longue durée. Mais ce sont près de 90 % des absences de courte durée qui ne sont pas remplacées au collège et au lycée.
Le nombre d'absences non remplacées a fortement augmenté en valeur absolue depuis l'année scolaire 2018-2019, de 49 % dans le premier degré et de 93,2 % dans le second degré.
Les départements ruraux en particulier rencontrent des difficultés de remplacement dans le premier degré, au vu des grandes distances à parcourir pour les enseignants remplaçants et de la perte d'attractivité de ces territoires. Ainsi, par exemple, le taux d'efficacité du remplacement du premier degré n'est que de 65,9 % dans l'Orne ou de 67,9 % dans la Creuse. Le remplacement est également particulièrement difficile pour certaines disciplines du second degré, en lycée professionnel notamment et en lettres classiques.
Une telle situation n'est pas acceptable pour les élèves français. Ainsi, sur l'année scolaire 2023-2024, une classe perd en moyenne 4,3 % d'heures d'enseignement. Pour les classes du second degré, cette proportion s'élève même à 7,4 % d'heures de cours perdues. En supposant que le taux d'absences non remplacées est identique chaque année, donnée non disponible à ce stade, j'en déduis qu'un élève perdrait en moyenne 4,6 % de sa scolarité en raison du non remplacement des enseignants.
Si ce chiffre est à considérer avec précaution, il donne une idée de l'ampleur de la problématique du non remplacement des enseignants pour la scolarité de nos enfants. Les parents d'élèves expriment d'ailleurs régulièrement cette inquiétude. Ces dernières années, ils sont nombreux à avoir attaqué le ministère de l'éducation nationale pour manquement à la continuité du service public. La justice administrative leur a donné raison à de nombreuses reprises. Une telle situation n'est pas acceptable et appelle à une amélioration significative de la gestion du remplacement des enseignants.
J'en viens maintenant aux questions de financement. Le remplacement des enseignants représente un coût budgétaire élevé, de près de 4 milliards d'euros dans les documents budgétaires, dont 1,7 milliard d'euros dans le premier degré et 2,3 milliards d'euros dans le second degré. Si les moyens dédiés au remplacement ont augmenté d'un tiers entre 2017 et 2025, cette hausse est pour partie due aux revalorisations salariales de l'ensemble des enseignants opérées en 2022 et en 2023. Les dépenses liées au remplacement représentent ainsi entre 4,5 % et 4,7 % des crédits de la mission « Enseignement scolaire » depuis 2017.
Ce coût budgétaire est toutefois largement sous-estimé.
D'une part, il ne prend pas en compte le coût du remplacement de courte durée. Or depuis la mise en oeuvre du Pacte enseignant à la rentrée 2023, ce coût a été multiplié par 5,5 et s'élève à près de 130 millions d'euros.
Par ailleurs, les enseignants absents fonctionnaires en congés de maladie sont également rémunérés par le ministère de l'éducation nationale. Suivant une méthode utilisée par l'inspection générale des finances, ce coût s'élèverait à 1,6 milliard d'euros pour le ministère de l'éducation nationale. Au total, le remplacement des enseignants absents représenterait ainsi un coût de 5,4 milliards d'euros.
Pour autant, le potentiel net de remplacement, c'est-à-dire la proportion d'enseignants véritablement disponibles pour des missions de remplacement et faisant partie des effectifs permanents du ministère de l'éducation nationale, est stable dans le premier et le second degré depuis la rentrée 2018, représentant 10,9 % des effectifs dans le premier degré et 2,2 % des effectifs dans le second degré. Un nombre croissant de contractuels avec des contrats de courte durée est recruté, pour pallier les besoins du ministère en termes de remplacement. Une telle situation n'est pas viable à long terme : en effet, il est très difficile de recruter suffisamment rapidement des contractuels pour pallier une absence dans une classe. Par ailleurs, il s'agit généralement d'enseignants moins formés et moins expérimentés, ce qui n'est pas favorable à la qualité de l'apprentissage des élèves.
J'en viens aux conditions salariales des enseignants remplaçants. Lorsqu'ils sont titulaires, ceux-ci perçoivent une indemnité de sujétions spéciales de remplacement (ISSR), proportionnelle au nombre de kilomètres parcourus pour se rendre dans l'établissement où le remplacement est nécessaire. Elle est relativement conséquente : un enseignant parcourant entre 30 et 39 kilomètres par jour percevra 617 euros par mois, soit 18,5 % du salaire moyen brut d'un enseignant. Le versement de cette indemnité intervient toutefois souvent avec retard. Par ailleurs, les contractuels n'y ont pas droit, limitant de fait l'attractivité de la mission d'enseignants remplaçants.
Au vu de ces constats assez frappants, chers collègues, je souhaite faire un certain nombre de propositions. Mes recommandations sont au nombre de 10 et vous ont été distribuées. Sans les détailler toutes, je voulais en évoquer certaines particulièrement.
D'une part, j'estime qu'il serait possible de limiter les absences des enseignants.
En particulier, près de 4 % des absences du premier degré sont liées à un concours ou à une formation. Cette proportion s'élève à 18 % des heures d'absence de courte durée dans le second degré. La création de journées banalisées dans chaque établissement, décidées en amont et dédiées à la formation des enseignants, permettrait d'anticiper les absences à venir des enseignants et de consacrer ces journées à des contrôles ou à des examens blancs pour les élèves, par exemple, sous la surveillance des assistants d'éducation.
Je veux évoquer également la question du temps partiel thérapeutique, qui a été évoquée par tous les interlocuteurs que j'ai pu rencontrer. Depuis une ordonnance datée de 2021, ces temps partiels sont rémunérés à 100 % du traitement du fonctionnaire. Or le nombre de temps partiels thérapeutiques a été multiplié par 2,5 depuis 2018, illustrant l'effet d'aubaine qu'a représenté cette législation. Pour autant, un enseignant présent seulement 60 % du temps réel est compté comme un temps plein dans le budget de l'éducation nationale, créant de vraies difficultés pour le remplacement. Je pense qu'il serait opportun d'aligner la rémunération des temps partiels thérapeutiques sur celle des congés maladie, soit à hauteur de 90 % de la rémunération des fonctionnaires.
D'autre part, j'estime qu'il serait possible d'optimiser la gestion du remplacement. Ma première recommandation en ce sens est d'augmenter le vivier d'enseignants remplaçants, afin de dégager des marges de manoeuvre au ministère. La baisse démographique annoncée pourrait être utilisée partiellement pour constituer des viviers plus importants.
J'aurais d'autres recommandations pour rationaliser l'organisation du remplacement, notamment la fixation d'objectifs individualisés de remplacement aux recteurs, aux directeurs académiques des services de l'éducation nationale (DASEN) et même aux chefs d'établissement.
J'en viens à mon dernier point. Je pense qu'il est important de revaloriser la mission d'enseignement remplaçant, dont les spécificités sont trop peu prises en compte par l'éducation nationale. En particulier, je recommanderais d'attribuer des points spécifiques aux enseignants remplaçants dans le barème utilisé par le ministère pour les mouvements de mutation du corps enseignant. Cette suggestion, sans coût budgétaire, permettrait de favoriser l'engagement des enseignants remplaçants. Enfin, je souhaiterais que le rôle des enseignants du premier degré acceptant d'accueillir des élèves supplémentaires dans leur classe en cas d'absence d'un collègue soit davantage reconnu. À cette fin, utiliser l'enveloppe existante du Pacte enseignant, sans l'augmenter, pour rémunérer cette mission supplémentaire accomplie par les enseignants me parait une mesure de justice.
Je ne vais pas être plus long afin de pouvoir répondre à vos questions. Je vous remercie de votre attention.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je souscris aux recommandations du rapporteur, qui visent à corriger certaines imperfections ou insuffisances du dispositif.
Je me pose une question, qui n'est pas strictement une question de finances publiques : ces propositions sont-elles portées à la connaissance des partenaires sociaux et syndicaux qui ont à connaître et à décider de cette question ? Ce sujet revient régulièrement, notamment dans le premier degré : on entend les parents se plaindre d'absences trop longues.
J'ai été sensible à une remarque qui a été faite : les difficultés sont accrues lorsque les remplacements touchent des territoires ruraux. Pour les réductions de postes, normalement, les territoires les moins denses sont plus épargnés. Je pensais que c'était similaire pour les remplacements, mais je m'aperçois que cela n'est pas aussi évident que cela.
Pouvez-vous nous donner quelques éléments complémentaires ?
Mme Nathalie Goulet. -Merci pour ce rapport qui mentionne notamment la situation de l'Orne que je connais bien effectivement.
J'ai une question à poser qui n'est pas directement liée au rapport, mais qui me semble pertinente. Aux États-Unis, par exemple, les parents assurent très régulièrement des remplacements. En France, cela semble extrêmement compliqué. Nous avons des parents, que ce soit pour le français, les mathématiques, etc., qui ont des métiers qui permettraient d'assurer un remplacement pour une durée courte. Est-ce que les procédures administratives, souvent kafkaïennes, permettraient ce type de solution temporaire ?
M. Michel Canévet. -Je note avec satisfaction que le taux moyen d'absence des enseignants reste moins élevé que celui des salariés du secteur privé, ce qui est une très bonne chose. Néanmoins, il faut toujours chercher à améliorer les situations.
Je voulais d'abord demander au rapporteur spécial, puisque nous avons un système pluraliste de formation d'enseignement sur notre pays, s'il a connaissance d'éléments de comparaison par rapport à d'autres réseaux d'enseignement. La situation dans l'enseignement public est-elle meilleure que dans les autres réseaux d'enseignement qui existent sur notre territoire ?
Ensuite, je voudrais lui poser une question relative aux brigades de remplacement dans le secteur primaire. En général, les enseignants qui y sont affectés sont rattachés à des établissements scolaires dans lesquels ils renforcent les effectifs, mais il me semble que tel n'est pas le cas pour le réseau secondaire. Y a-t-il toujours un certain nombre d'enseignants, notamment pendant le premier trimestre, qui restent à la maison parce qu'il n'y a pas de remplacement à assurer ? Ou alors, les enseignants sont-ils rattachés à un établissement et viennent-ils renforcer éventuellement les effectifs dans cet établissement ?
Et puis, de façon un peu prospective, il y aura une évolution considérable puisque, en 2023, nous avons une baisse de la natalité extrêmement forte dans notre pays, accentuée encore en 2024. Cela va se traduire dès l'année prochain, à la rentrée en maternelle, par des évolutions d'effectifs. Comment le rapporteur voit-il les choses à cet égard ?
M. Pascal Savoldelli. - Je me réjouis de la qualité et de la façon dont sont traitées toutes les situations dans ce document.
Dans le département du Val-de-Marne, on compte 2,5 % de classes sans enseignants, ce qui représente 150 classes. Pour la rentrée scolaire, nous arrivons à obtenir une trentaine de postes. Cela illustre le paradoxe que vous expliquez dans votre rapport : des classes sans enseignants, des postes disponibles, mais répartis de manière compliquée.
Je voulais souligner l'intérêt du dédoublement des classes, qui concerne seulement un quart des écoles en REP dans un département comme le Val-de-Marne. Les trois quarts restants n'ont pas mis en place ces groupes, alors que cet accompagnement est intéressant, notamment pour les enfants les plus en difficulté.
Je voudrais formuler deux suggestions, bien qu'elles ne soient peut-être pas à leur place dans le rapport. Il me semble qu'il faudrait examiner l'accompagnement en termes de santé, et notamment la santé mentale. Depuis 15 ou 20 ans, il n'y a plus de prévention. Les professionnels de santé ont une liste d'enfants à accompagner et ne peuvent plus en prendre en charge de nouveaux. Il n'y a plus de travail en amont.
Enfin, j'aurais souhaité que les recommandations insistent sur la carte scolaire. On a un problème à ce sujet depuis 10 ans, comme en témoigne l'audition pour suite à donner à l'enquête conduite par la Cour des comptes sur l'éducation prioritaire avec notamment le recteur de l'Académie de Créteil. On pourrait au moins comprendre pourquoi il y a un gel de la carte scolaire.
Et évidemment, cela a des conséquences sur la clé de répartition, sur les zonages et sur la façon dont est organisée l'école. Parfois, dans une même ville, voire même dans un même quartier pour les zones les plus denses, on constate un découpage qui est, à mes yeux, difficilement compréhensible. J'aurais souhaité que l'on réfléchisse à une carte scolaire en concertation avec l'ensemble du corps enseignant, qui tient compte des niveaux différents, et qui soit élaborée en lien avec les collectivités territoriales, compte tenu de leurs responsabilités.
M. Victorin Lurel. - J'ai une question sur la recommandation numéro 7, concernant le temps partiel thérapeutique. Est-ce que cette dernière est applicable et n'est-elle pas susceptible de susciter une résistance au sein des syndicats ?
Quel est aujourd'hui le régime du temps partiel thérapeutique qui serait payé à 90 % si cette recommandation devait être reprise ?
Quelle est la durée pendant laquelle les enseignants sont payés à 100 % actuellement ? Est-ce qu'il s'agit d'un seul jour ou est-ce que cela peut aller jusqu'à 3 mois comme dans certaines fonctions publiques ? Comment cela se ferait et quelles sont les résistances ? Pouvez-vous me fournir des chiffres et des informations sur le régime actuel et celui que vous proposez, ainsi que sur le coût ?
M. Marc Laménie. - J'ai une ou deux interrogations, car le rapporteur a rappelé le coût important du remplacement des enseignants - plus de 4 milliards d'euros.
Le métier d'enseignant est un métier de plus en plus difficile et localement, comme l'a rappelé le rapporteur, ces derniers ne sont pas remplacés.
Comment s'articule la gouvernance pour l'organisation de leurs remplacements ? Quel est le rôle des rectorats et quel est celui des directions des services départementaux de l'Éducation nationale ?
M. Thierry Cozic. - Je trouve que ce rapport est très éclairant sur la problématique du remplacement des enseignants, qui est une réalité que nous rencontrons dans nos territoires.
Je voudrais revenir sur une forme de contradiction, me semble-t-il, dans le rapport. Notamment sur la page 2, il est fait état d'un taux d'absence moyen des enseignants qui est moins élevé que dans le privé. Dans le même temps, la recommandation 7, que vient de soulever mon collègue Victorin Lurel, propose de diminuer la rémunération du temps partiel thérapeutique de 100 % à 90 % du traitement des fonctionnaires. Qu'est-ce qui justifie cet aspect ?
Cela créerait une différence avec le privé, puisqu'aujourd'hui le temps partiel thérapeutique est rémunéré au temps d'activité, complété par les indemnités de sécurité sociale, ce qui peut revenir à une rémunération à 100 %, sauf erreur de ma part.
Qu'est-ce qui justifierait, du point de vue du rapporteur, que la rémunération des enseignants en temps partiel thérapeutique soit diminuée à 90 % ?
M. Stéphane Sautarel. - Mes questions concernent deux recommandations.
La première concerne le redéploiement partiel des effectifs d'enseignants issus de la baisse démographique. Je pense que ce n'est pas nécessaire de le recommander puisque ce dernier est déjà largement engagé et est par ailleurs un problème.
Je veux compléter les remarques de mon collègue Pascal Savoldelli sur la question de la carte scolaire, plus spécifiquement des ouvertures et des fermetures de classes, dont la temporalité n'est plus adaptée et qui doit être réfléchie au-delà d'une année.
Il faudrait donc que, sur la question des remplacements, une réponse pluriannuelle soit adoptée, à l'instar de la carte scolaire. Je voulais avoir votre opinion sur ce point.
Je ne partage pas la recommandation numéro 4, qui propose d'affecter des conseillers pédagogiques spécifiquement à la mission de remplacement. Ce dont nous souffrons aujourd'hui, c'est de l'absence d'enseignants, de personnel pédagogique devant élèves, alors qu'on pourrait justement supprimer du personnel pédagogique qui n'est pas devant élèves.
Mme Christine Lavarde. - Il me semble avoir compris, mais je ne sais pas si la règle est la même dans l'enseignement libre et dans l'enseignement public, que certains préfèrent ne pas passer le concours et rester contractuels. De cette façon, ils ont la capacité de refuser des affectations et, dans la pratique, comme il y a toujours des remplacements à effectuer, ils peuvent travailler près de chez eux en enchainant des remplacements. Au contraire, si jamais ils avaient passé le concours et étaient devenus enseignants en tant que tels, ils auraient eu une affectation qui n'est pas forcément proche de leur domicile et pourrait les contraindre.
Est-ce que cela est vrai ? Est-ce que c'est un constat qui est partagé et ce dernier explique-t-il en partie le manque d'attractivité du concours ? Car les chiffres d'admissibilité de ce concours sont sortis récemment et il y a déjà des académies pour lesquelles il y avait moins de candidats que de postes ouverts. Or, comme tous les candidats ne seront pas acceptés, il y aura nécessairement un poste ouvert sur deux qui ne sera pas pourvu.
Sur la question du personnel pédagogique qui n'est pas devant élèves, dans les établissements d'enseignement libre, la participation des familles permet de financer des postes pour accompagner notamment des élèves en situation particulière, et qui peuvent être déployés dès qu'un enseignant titulaire est malade. En conséquence, les enfants ont cours, quelle que soit la situation de leur enseignant principal ou titulaire.
Cela peut permettre d'avoir au moins une solution pour assurer la continuité de l'enseignement jusqu'à trouver un enseignant qui peut venir faire un remplacement.
M. Laurent Somon. - J'ai trois questions à poser.
La première concerne la différenciation territoriale, tant au niveau national qu'au niveau départemental, pour chacune des typologies rurales ou urbaines. Notamment, j'aimerais savoir si, selon la carte scolaire et la typologie des établissements, vous avez observé des remplacements qui sont plus ou moins bien faits, selon qu'il s'agisse, par exemple, pour les écoles rurales, d'un regroupement pédagogique intercommunal (RPI), d'une école unique ou d'un regroupement pédagogique concentré (RPC). Par ailleurs, en ce qui concerne la recommandation 9, que je partage, il est sûrement plus facile de rémunérer les enseignants qui prennent des élèves supplémentaires issus d'un même établissement en RPC qu'en école RPI.
La deuxième question concerne les contractuels : quels sont leurs profils ? Il y a bien sûr ceux qui ont une formation pédagogique, mais y en a-t-il aussi qui ont des formations où ils n'ont pas suivi de cursus sur les méthodes d'enseignement ? Est-ce qu'on prend des étudiants d'université qui n'ont pas forcément appris à gérer des élèves et à transmettre la connaissance ?
Troisièmement, on est souvent interpellé par des demandes de mutations entre départements auxquelles les académies opposent généralement des refus du fait qu'il y a une concurrence entre elles eu égard au manque d'enseignants. Ne serait-il pas possible, dans le cadre de votre recommandation 4, de créer un vivier plus important qui permette des regroupements familiaux interdépartementaux pour que des enseignants puissent changer d'académie ?
Mme Isabelle Briquet. - Je rebondis sur les remarques de mon collègue Thierry Cozic concernant la recommandation 7 relative au mi-temps thérapeutique, qui nous chagrine beaucoup.
Personnellement, je ne la comprends pas. Je la trouve même contre-productive. Je crains fort que, sans son retrait, nous ne voterions favorablement à la publication de ce rapport.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Merci, chers collègues, pour l'ensemble des questions auxquelles je vais tenter de répondre.
La première question du rapporteur général était : ces dix recommandations circulent-elles dans le monde éducatif parmi les interlocuteurs que j'ai pu rencontrer pour élaborer ce rapport ? Dans neuf cas sur dix, oui. La seule qui est issue de ma réflexion personnelle et non pas des échanges que j'ai pu avoir, c'est la recommandation numéro neuf, à savoir apporter une prime aux enseignants du primaire qui reçoivent des enfants lorsque leurs collègues sont absents, ce qui engendre du travail supplémentaire, sans avoir une reconnaissance, notamment financière, suffisante. Ce serait relativement facile à mettre en oeuvre via le pacte enseignant.
Toutes les autres recommandations sont issues de discussions, d'échanges, et notamment, je reviendrai sur la problématique du temps partiel thérapeutique, parce que je vais vous avouer très franchement que c'est celle que j'ai vraiment découverte. Étant moi-même issu de l'éducation nationale, je connais parfaitement la problématique du remplacement. Mais je n'avais pas pris conscience que, depuis la mise en place en 2021 du nouveau système du mi-temps thérapeutique, il y avait eu une évolution et tous mes interlocuteurs ont souligné que cela aggravait la gestion de la problématique du remplacement. J'y reviendrai.
Autre exemple, après avoir rencontré sept recteurs, la mise en place de journées banalisées pour limiter l'absence pour formation des enseignants, qui par ailleurs existe dans certaines académies, est un système que tout le monde appelle de ses voeux et relativement aisé à mettre en place. Il faudrait simplement le généraliser.
La deuxième question du rapporteur général concernait les territoires ruraux, et certains autres collègues en ont parlé. Oui, il y a une vraie spécificité et difficulté des territoires ruraux dans le remplacement, comme dans les territoires ultramarins. Nous pouvons parler aussi de la Corse, par exemple, où il y a un absentéisme plus important, et dont l'explication est liée au maillage médical. Pour rencontrer certains spécialistes qui ne sont pas présents en Corse, il faut se rendre à Nice ou à Marseille et s'absenter toute une journée. Lorsque l'on se trouve en milieu rural, il est difficile, que ce soit dans le premier ou dans le second degré, de trouver des remplaçants soit parce qu'ils n'ont pas de véhicule ou de logement sur place. Des solutions peuvent être mises en place avec les collectivités ou avec les établissements qui sont en mesure d'offrir des chambres ou des logements pour accueillir momentanément les remplaçants. Mais plus on est éloigné, plus on est dans la ruralité, plus on est en zone ultramarine, plus c'est compliqué. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de problématique de remplacement dans les zones urbaines et notamment dans les académies franciliennes.
Nathalie Goulet a parlé de l'exemple américain où les parents assurent des remplacements. En France, cela peut exister dans l'enseignement privé, mais le système est assez complexe. Lorsqu'on veut être remplaçant, soit on est titulaire, soit on est contractuel dans le public ou maître délégué dans le privé. Dans tous les cas, il faut avoir l'autorisation d'enseigner. Dans l'enseignement privé, on trouve parfois, mais c'est rare, des parents d'élèves qui vont assumer des missions de remplacement et qui font l'objet d'un contrôle des inspecteurs. Ce ne sont pas des conseillers pédagogiques mais des inspecteurs de circonscription qui vont évaluer le futur remplaçant.
Par ailleurs, dans l'enseignement privé, les établissements ont dans leur vivier un listing avec des maîtres délégués mobilisables qui ont déjà fait leurs preuves.
Michel Canévet a également abordé la problématique du secteur privé qui se trouve dans une situation distincte de celle du public, puisque le remplacement y est moins problématique. Cela s'explique notamment par la capacité du privé à constituer un vivier de remplaçants, par sa réactivité, et par des absences un peu moins importantes chez les enseignants, peut-être en raison d'une population d'élèves socialement plus favorisée.
Concernant la question très précise des brigades et TZR (titulaires sur zone de remplacement), dans le premier degré, il existe des brigades qui sont attachées à un établissement proprement dit. Elles peuvent ainsi effectuer des remplacements et, lorsqu'elles ne sont pas en mission, elles retournent dans leur école pour y travailler. Il en va de même pour le second degré, avec des TZR qui ont un établissement de rattachement.
Concernant la baisse de la démographie, il est évident que cette baisse devrait permettre, et c'est un choix actuel du ministère depuis un ou deux ans, d'affecter de nouveaux enseignants dans le vivier des remplaçants. Cela me semble une bonne chose pour retrouver un peu de marge que nous avons perdue.
Pascal Savoldelli a évoqué de nombreux sujets, notamment les dédoublements de classes. Ces derniers ont mobilisé 16 000 enseignants, dont des remplaçants. Il y a donc un effet des dédoublements de classes sur la raréfaction des remplaçants.
Sur le problème de la santé, et pas seulement de la santé mentale, qui a été évoqué à juste titre par Pascal Savoldelli, nous n'avons pas assez de personnel de santé dans les établissements scolaires, qu'il s'agisse de médecins ou d'infirmiers scolaires.
En ce qui concerne la carte de l'éducation prioritaire qui a été évoquée par Pascal Savoldelli, mais aussi par Stéphane Sautarel, la ministre a lancé une mission d'inspection pour étudier sa refonte. Cependant, cette décision avait déjà été prise par M. Blanquer, mais elle n'avait pas abouti. Alors que la carte de l'éducation prioritaire doit être revue tous les 4 ans, cela fait plus de 10 ans qu'elle n'a pas été revue.
Victorin Lurel, Thierry Cozic et Isabelle Briquet se sont émus de la recommandation sur le temps partiel thérapeutique. J'imagine qu'il y aura des réticences syndicales, mais j'ai fait cette recommandation parce que tous les acteurs du monde du remplacement la font. L'ordonnance qui prévoit la rémunération à 100 % du traitement du fonctionnaire en temps partiel thérapeutique date de l'année 2021. Depuis, le nombre de temps partiels thérapeutiques a été multiplié par 2,5, ce qui rend très compliqué l'organisation des remplacements. À l'origine, les temps partiels thérapeutiques ont été mis en place pour les personnels de bureaux. Lorsque quelqu'un ne travaille que 70 % de son temps dans un bureau, les 30 % restants sont assez faciles à répartir. C'est totalement impossible pour un professeur.
Les premières personnes à solliciter une réduction de la rémunération des enseignants remplaçants, en la passant de 100 % à 90 % de la rémunération, sont celles qui organisent le remplacement pour lesquelles cela s'avère très compliqué.
Pour répondre plus précisément à la question de Thierry Cozic, si le temps partiel thérapeutique était la solution, alors il y aurait moins d'absence. Or, le nombre d'absences augmente de façon continue.
Certes, c'est le corps médical qui détermine la mise en place du temps partiel thérapeutique, et sa recommandation est suivie à 100 %, parfois de façon un peu caricaturale puisqu'il peut, par exemple, indiquer que le mi-temps aura lieu le lundi et le mardi et qu'il ne sera pas possible le mercredi et le jeudi, une rigidité qui désorganise complètement les remplacements.
Marc Laménie évoquait l'articulation entre le rectorat et la DSDEN (direction des services départementaux de l'éducation nationale). Normalement, le rectorat s'occupe du second degré, tandis que pour le premier degré, c'est le département et plus précisément les circonscriptions territoriales qui s'en chargent. Ma recommandation est de fédérer les circonscriptions territoriales et de pouvoir, comme cela se fait dans certains départements, gérer le remplacement au niveau du département. Le meilleur exemple est la Côte d'Or, qui est dotée d'un système permettant de répondre de façon très rapide aux besoins de remplacements dans le département. La problématique des circonscriptions territoriales, ce sont les effets de frontières. Parfois, le remplaçant habite loin de l'endroit où il devrait aller remplacer, alors qu'il se situe à côté de la circonscription voisine, le conduisant à refuser un remplacement alors qu'on pourrait très facilement l'affecter pour un autre remplacement dans un établissement qui se trouve près de chez lui. La meilleure solution est donc de mettre en oeuvre une gestion départementale. C'est une de mes recommandations, qui est d'ailleurs partagée par la grande majorité des inspecteurs de circonscription, des DASEN et des recteurs.
Stéphane Sautarel, je pense que vous n'avez pas exactement compris ma recommandation numéro 4. Celle-ci ne propose pas de créer des conseillers pédagogiques spécifiquement pour le remplacement. Aujourd'hui, il existe des conseillers pédagogiques qui prennent en charge certains remplaçants dans des territoires. C'est plus qu'une nécessité, car dans la formation initiale des enseignants, il n'existe pas de module pour assurer des missions de remplacement, alors qu'il s'agit d'un métier très particulier. C'est pourquoi dans certains territoires, des DASEN ont demandé à des conseillers pédagogiques de se spécialiser dans la formation des remplaçants. Il s'agit du meilleur moyen pour assurer la présence de personnes efficaces devant les élèves. Nous n'allons pas multiplier le nombre de conseillers pédagogiques qui sont spécialisés dans le remplacement puisque les postes existent déjà mais actuellement, ils assurent en général plusieurs missions. L'idée est que certains conseillers pédagogiques pourraient assumer, de manière temporaire et supplémentaire, la mission de formation des futurs remplaçants, notamment à destination des contractuels, mais aussi des enseignants titulaires, tant que nous n'aurons pas mis en place de formation spécifique au remplacement.
Christine Lavarde, c'est une réalité, certains enseignants préfèrent ne pas passer le concours pour être plus « libres » de leur choix d'affectation.
Laurent Somon, pourriez-vous repréciser votre dernière question ?
M. Laurent Somon. - La départementalisation permettrait d'élargir le vivier de remplacement, autorisant ainsi des mutations entre départements souvent refusées en raison de la concurrence et du manque d'enseignants d'un département à un autre. En effet, les académies refusent parfois de laisser partir des enseignants, alors que d'autres académies les accepteraient volontiers, notamment pour des raisons de rapprochement familial.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Dans ce cas, il ne s'agit pas d'une question entre départements, mais entre académies. C'est un autre sujet, mais il est vrai que c'est un irritant qui, parfois, aboutit à faire démissionner certains enseignants. Il faudrait introduire de la souplesse à ce niveau. Je suis tout à fait d'accord, toutefois ce n'est pas l'objet de ce rapport.
M. Claude Raynal, président. - Souhaitez-vous maintenir la recommandation n° 9 ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - S'agissant de la recommandation n° 9, je la maintiens. Elle n'est pas appelée par les syndicats. Néanmoins, elle est défendue par les enseignants.
M. Claude Raynal, président. - Chers collègues, souhaitez-vous adopter les recommandations du rapporteur spécial ?
M. Pascal Savoldelli. - Je ne suis pas favorable à la recommandation n° 7. En effet, il est proposé de modifier l'article L. 823-4 du code général de la fonction publique. Or, il s'agit d'une disposition relative aux droits et obligations pour l'ensemble des fonctionnaires, de ce fait elle concerne les trois fonctions publiques : État, territoriale et hospitalière. Je partage les réserves de mes collègues. Nous ne voterons le rapport qu'en l'absence de cette recommandation.
M. Claude Raynal, président. - Monsieur le rapporteur spécial, souhaitez-vous la supprimer ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - J'accepte de la retrancher de mes recommandations. Toutefois, je souhaite maintenir dans le rapport la mention de cette problématique, car c'est un point soulevé de façon unanime.
La commission a adopté les recommandations ainsi modifiées du rapporteur spécial et a autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.