C. RENFORCER L'ATTRACTIVITÉ DU MÉTIER D'ENSEIGNANT REMPLAÇANT
1. Une revalorisation indispensable du métier d'enseignant remplaçant
Afin de reconstituer des viviers d'enseignants remplaçants, augmenter l'attractivité de ce métier est indispensable pour éviter les difficultés de recrutement. La mission de remplacement est en effet associée à des conditions de travail difficiles.
La difficulté liée aux conditions de travail est visible dans la fréquence plus élevée des absences des enseignants remplaçants pour raisons de santé. Ainsi, en 2022-2023, 57 % des enseignants remplaçants avaient eu au moins un congé de maladie ordinaire ou un congé long dans l'année, alors que c'était le cas de seulement 45,4 % des enseignants non affectés en zone de remplacement. De plus, la durée cumulée moyenne des congés de maladie des enseignants remplaçants est de 13,3 jours par enseignant, contre 8 jours par enseignant non remplaçant en moyenne. En particulier, dans le premier degré, 68,1 % des enseignants remplaçants ont eu au moins un jour de congé pour maladie, contre 56,8 % des enseignants affectés à un établissement. Dans le second degré, ce sont 47,2 % des enseignants remplaçants qui ont eu au moins un jour de congé, contre de 44 % de leurs collègues non remplaçants.
Part d'enseignants affectés ou non en zone
de remplacement
et ayant eu un congé de maladie et durée
moyenne de ce congé en 2022-2023
(en pourcentage et en nombre de jours)
Note : seuls les congés de maladie ordinaire et les congés longs sont comptabilisés ici.
Source : commission des finances d'après le ministère de l'éducation nationale
De plus, d'après l'enquête40(*) Baromètre du bien-être conduite par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la prévision (DEPP) au printemps 2022, la satisfaction moyenne au travail des enseignants remplaçants du premier degré est de 5,4 sur 10, contre 6,1 pour leurs collèges enseignants. Dans le second degré, la satisfaction au travail est notée 5,3 sur 10 par les enseignants remplaçants, alors que leurs collègues enseignants du second degré l'évalue à 5,9 sur 10. De tels résultats témoignent de l'insatisfaction globale liée aux conditions de travail des enseignants remplaçants. Celles-ci sont évaluées à 3,7 sur 10, contre 4,9 en moyenne pour les personnels de l'éducation nationale.
Une amélioration des conditions de travail des enseignants remplaçants est donc indispensable dans ce contexte. Une revalorisation de la fonction d'enseignant remplaçant pourrait de plus permettre de recruter davantage d'enseignants expérimentés et volontaires pour les missions spécifiques de remplacement. Ainsi dans le second degré, seuls 2 % des professeurs agrégés et des chaires supérieures sont affectés à des missions de remplacement, alors que 3 % des professeurs certifiés sont des enseignants remplaçants. En particulier, au vu des difficultés spécifiques représentées par la mission de remplacement, il pourrait être opportun d'attribuer aux enseignants concernés un « bonus » dans le barème utilisé par les académies lors du traitement des demandes de mutation (« mouvement »). Une telle mesure, sans coût budgétaire, constituerait une reconnaissance des difficultés associées à la mission de remplacement et pourrait permettre de renforcer son attractivité.
Recommandation : accorder aux enseignants titulaires remplaçants du premier et du second degré une bonification du barème utilisé lors des demandes de mutation (DGRH, rectorats)
Les difficultés propres à la mission de remplacement sont diverses.
D'une part, une forte instabilité est associée au fait d'être affecté à une classe inconnue, parfois pour une seule journée dans le premier degré. Elle peut être jugée inconfortable par certains enseignants, d'autant que le remplacement peut être prévu le matin même. Cette imprévisibilité est toutefois parfois considérée comme stimulante par les enseignants concernés.
D'autres part, des difficultés pratiques sont associées à la mission de remplacement. La distance à parcourir pour les enseignants remplaçants est parfois très importante pour aller d'un établissement à un autre, alors qu'ils ne disposent pas nécessairement de véhicule personnel. Pour améliorer l'efficacité du remplacement dans les zones rurales, des dispositifs pourraient être envisagés pour prêter une voiture, via les collectivités par exemple. De même, pour un remplacement de longue durée, il pourrait être envisagé de trouver des solutions de logement dans les établissements, qui disposent parfois de logements vacants dans le second degré, ou même dans les collectivités. Des mesures peuvent ainsi être envisagées pour améliorer les conditions de travail des enseignants remplaçants.
2. Former véritablement au métier d'enseignant remplaçant
La mission de remplacement est source de difficultés spécifiques dans l'exercice de la profession. Ainsi, les enseignants remplaçants sont 22 %41(*) à ne pas avoir le sentiment d'être respecté par les élèves, contre 7 % des enseignants du premier degré et 13 % des enseignants du second degré. En effet, l'arrivée dans une classe inconnue est source de difficultés pour l'enseignant qui doit imposer son autorité, y compris sur une période très courte. Leurs collègues enseignants affectés à l'année rencontrent ces difficultés moins longtemps, essentiellement au mois de septembre, le temps que leur autorité dans la classe soit instaurée.
Une formation sur les contraintes spécifiques au métier d'enseignant remplaçant est donc indispensable. Or aucun module spécifique n'est prévu dans la formation initiale comme dans la formation continue des enseignants concernant le remplacement dans le public. Pourtant, le centre de formation de l'enseignement catholique, l'association FORMIRIS, propose un module spécifique à cette fin. Il serait ainsi opportun de prévoir un temps de formation ad hoc pour le remplacement, surtout pour les contractuels acceptant comme première mission une affectation en établissement de courte durée en remplacement.
Le fait de proposer une préparation spécifique y compris en formation initiale pourrait de plus générer des envies et des vocations de remplacement, ses caractéristiques pouvant s'avérer attractives pour certains enseignants, en début ou même en milieu de carrière.
Recommandation : prévoir un temps dédié spécifique au métier d'enseignant remplaçant dans la formation initiale et continue (DGESCO)
3. Le Pacte enseignant, un outil utile pour favoriser le remplacement de courte durée
Le Pacte enseignant se révèle un outil utile et efficient pour favoriser le remplacement de courte durée. Ainsi, en moyenne, 24,2 % des enseignants du public et 47,8 % des enseignants du privé ont adhéré au pacte enseignant en 2023-2024. L'adhésion au Pacte dépend également de l'âge des enseignants : 28 % des 40 à 49 ans ont adhéré au Pacte dans le privé, contre seulement 20 % des moins de 30 ans. Près de 17 % des enseignants ayant adhéré au Pacte enseignant ont accompli des missions de remplacement de courte durée. Au total, sur les 7,9 millions d'heures d'enseignement permises par le Pacte, un tiers serait lié à des missions de remplacement de courte durée.
Part d'enseignants ayant adhéré au
Pacte enseignant en 2023-2024,
selon l'âge et le réseau
d'enseignement
(en pourcentage)
Source : commission des finances d'après le ministère de l'éducation nationale
L'adhésion aux HSE reste toutefois élevée, puisque 66 % des enseignants du public y ont eu recours en 2022-2023, alors qu'ils étaient 65,4 % en 2022-2023.
Le Pacte est également source d'externalités positives conséquentes, notamment en termes d'amélioration du climat scolaire. Il permet de renforcer la cohésion entre les enseignants, qui sont de plus en plus confrontés aux mêmes classes.
Le Pacte pourrait servir à rémunérer davantage de missions en termes de remplacement de courte durée. En particulier, il est regrettable qu'aucun dispositif ne soit dédié aux enseignants du premier degré, alors qu'ils acceptent régulièrement d'accueillir des élèves supplémentaires dans leur classe pour pallier l'absence d'un collègue, dans l'attente de l'affectation d'un remplaçant. Il s'agit d'une mission coûteuse en termes d'effort, qu'il pourrait être juste de rémunérer via le Pacte enseignant. Il n'est pas envisagé d'augmenter l'enveloppe du Pacte enseignant, mais simplement d'utiliser une partie de son enveloppe pour rémunérer cette mission, lorsqu'elle est accomplie par des enseignants du premier degré.
Par ailleurs, la DGRH mettra en oeuvre, à la rentrée 2025, un nouvel indicateur pour évaluer le nombre d'élèves accueillis et la fréquence de la répartition des élèves entre les classes de premier degré. Une telle statistique sera très pertinente et utile pour évaluer l'ampleur des efforts consentis par les enseignants du premier degré.
Recommandation : utiliser le Pacte enseignant, sans augmenter son montant, pour rémunérer les enseignants du premier degré accueillant des élèves supplémentaires dans leur classe en cas d'absence d'un collègue (DGRH, DGESCO)
* 40 Note d'information n° 22.31, Premiers résultats du Baromètre du bien-être au travail des personnels de l'éducation nationale exerçant en établissement scolaire, octobre 2022, DEPP.
* 41 Note d'information n°22.31, Premiers résultats du Baromètre du bien-être au travail des personnels de l'éducation nationale exerçant en établissement scolaire, octobre 2022, DEPP.