EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 18 JUIN 2025

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M. Laurent Lafon, président. - Notre ordre du jour appelle l'examen du rapport préparé par Jacques Grosperrin, Annick Billon et Colombe Brossel consacré au maillage territorial des établissements scolaires.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur. - Cette mission d'information est partie d'un constat que j'avais dressé dans l'avis budgétaire sur les crédits de l'enseignement scolaire en novembre dernier, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2025. Alors que l'évolution de la démographie scolaire s'inscrit dans le temps long, l'élaboration de la carte scolaire est restée ancrée dans un processus qui se répète inlassablement de la même manière, année après année.

Or notre maillage territorial, ou la représentation que nous nous en faisons, reste marqué pour le primaire par les grandes lois sur l'école de la fin du XIXe siècle, et pour le collège par la période des années 1960 avec la « construction d'un collège par jour ».

Toutefois, la démographie scolaire est tout autre. Quelques chiffres permettent de mesurer l'ampleur de cette déprise.

La génération 2022 qui entrera en maternelle en septembre compte 143 000 enfants de moins que celle de 2007. Entre 2017 et 2029, ce sera un million d'enfants en moins qui fréquentera les bancs du primaire. La baisse du nombre d'élèves en écoles maternelle et élémentaire va continuer à s'accélérer ces prochaines années.

Après le premier degré, la chute des effectifs touche désormais le collège. On comptera ainsi 200 000 collégiens de moins dans les cinq prochaines années. Certains collèges, notamment ceux aux effectifs les plus petits, seront fragilisés. Un directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen) que nous avons auditionné nous a indiqué que, dans son territoire, trois collèges risquaient de disparaître du fait de la baisse démographique. À cet égard, je note que les conséquences de la baisse démographique sur le collège restent très peu anticipées.

Enfin, mécaniquement, dans quatre ans, ce sont les lycées qui seront touchés.

Je rappelle le constat dressé dans une précédente mission d'information sur le bilan des mesures éducatives du premier quinquennat par Annick Billon, Max Brisson et Marie-Pierre Monier : pour mettre en oeuvre la réforme du lycée dans de bonnes conditions et proposer une diversité d'options ou d'accompagnements des élèves et d'heures d'orientation, un seuil critique existe. Il est fixé à 900 ou 1 000 lycéens minimum.

Il convient de tirer les conséquences de l'existence de ce seuil. Cela implique de revoir le maillage territorial ; de revoir les modalités d'attribution de la dotation horaire globale ; d'acter que les lycées ne proposent pas toutes les options.

Mme Annick Billon, rapporteure. - La situation démographique va continuer à se dégrader, selon les prévisions de l'Insee, au moins jusqu'en 2032, voire 2040, selon les scénarios. Tous les territoires seront touchés, ruraux comme urbains, même si localement des îlots de vitalité démographique peuvent subsister. Surtout, de grandes disparités pourraient être constatées à l'intérieur d'un même territoire.

Nous nous sommes penchés sur les notes régionales de l'Insee. Dans la région Hauts-de-France, ce sont 27 % de collégiens en moins qui sont attendus en 2050, soit près de 3 000 élèves en moins chaque année, avec de très fortes variations selon les territoires. Si la baisse ne dépasserait pas 10 % à Lille, elle pourrait atteindre 41 % dans la région de Calais, soit 140 collégiens de moins chaque année entre 2023 et 2050. Dit autrement, c'est l'équivalent de 5 classes de 28 élèves en moins chaque année sur une période de vingt-sept ans à Calais et dans ses environs.

Dans la région Centre-Val de Loire, en l'espace de vingt ans (2020-2040), le nombre d'élèves en élémentaire baisserait de 25 000, de 21 000 pour les collégiens et de 21 000 également pour les lycéens.

Dans ce contexte, l'élaboration annuelle de la carte scolaire est devenue un moment de tension. La coopération entre les élus locaux et les services déconcentrés de l'éducation nationale relève davantage de liens personnels qui ont pu être tissés sur le terrain que d'un processus défini. Il en résulte une grande fragilité, puisque cette association est à rebâtir à chaque mutation ou changement d'équipe municipale ou départementale pour les collèges.

Par ailleurs, de nombreux élus ont constaté une dégradation de leurs relations avec l'éducation nationale. Si auparavant, il était possible de discuter de la situation de chaque établissement scolaire, aujourd'hui les échanges sont davantage descendants, se limitant à une simple information des décisions prises par l'éducation nationale.

Mme Colombe Brossel, rapporteure. - De ce constat sont issues nos recommandations qui doivent répondre à un impératif : garantir à chaque élève la maîtrise des savoirs fondamentaux et la réussite de son parcours scolaire.

Cela suppose de refaire de l'école primaire une priorité nationale, notamment du point de vue budgétaire, et d'élaborer un maillage territorial des établissements scolaires, qu'il s'agisse des écoles, collèges ou lycées, avec pour objectif la recherche du bon équilibre entre proximité géographique et qualité de l'offre éducative.

Le maillage territorial scolaire doit s'inscrire dans une stratégie éducative locale partagée par l'ensemble des acteurs, notamment les élus locaux qui connaissent mieux que quiconque leur territoire. De là résultent nos trois premières recommandations.

Il est urgent de renforcer le partage d'informations. La carte scolaire est actuellement préparée par l'éducation nationale « en silo ». Le rôle des élus locaux est cantonné à la remontée des effectifs scolaires. Certaines mairies en ont tiré les conséquences. À Versailles par exemple, les inscriptions ont lieu dès le début du mois de février pour disposer des chiffres les plus précis possible au moment de la réunion du comité départemental de l'éducation nationale de fin février ou début mars actant la carte scolaire. Les élus locaux ont une connaissance fine de leurs territoires et de leurs dynamiques. Je pense, par exemple, aux projets de construction, mais aussi aux transformations de la vie de quartier qu'ils vivent au quotidien.

Par ailleurs, certaines villes se sont dotées d'outils statistiques. La Ville de Lyon dispose de plusieurs prévisionnistes et la Ville de Paris d'un service de la prévision scolaire.

Les écarts entre les prévisions d'effectifs de l'éducation nationale et le nombre d'élèves réellement présents le jour de la rentrée peuvent être importants. Le maire du 18e arrondissement de Paris que nous avons auditionné a ainsi indiqué savoir depuis le mois d'avril que le rectorat devra rouvrir quatre classes dans trois écoles de son arrondissement, en raison de cet écart. Cet exemple montre la nécessité d'impliquer les élus qui doivent être associés non seulement pour ce qu'ils représentent, mais aussi dans l'intérêt de tous, pour leur connaissance du terrain. L'éducation nationale s'éviterait ainsi quelques écueils et mouvements précipités.

Dans cet esprit, les observatoires des dynamiques rurales, annoncés dans le cadre du plan France Ruralités en 2023, visaient à mettre autour de la table l'ensemble des acteurs.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur. - Les appréciations sur ce dispositif varient. Dans un certain nombre de territoires ruraux, ces observatoires n'ont pas encore été mis en place. Le premier vice-président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF) nous indiquait ainsi qu'environ un tiers d'entre eux n'était pas opérationnel. Certains élus les considèrent également davantage comme une chambre d'enregistrement permettant à l'éducation nationale de justifier les suppressions de classe. D'autres élus, au contraire, saluent cette initiative qui a permis de renouer le dialogue avec le préfet et le rectorat.

De ce constat découle notre première recommandation. Il faut renforcer le partage d'informations entre les collectivités territoriales et les services déconcentrés dans un double objectif : créer une convergence de vues, mais aussi renforcer l'acceptabilité des modifications de la carte scolaire.

De plus, nous sommes favorables à ce que les observatoires des dynamiques rurales, en changeant leur nom, soient également installés dans les zones urbaines. En effet, les villes sont aussi concernées par de fortes variations des effectifs scolaires. Colombe Brossel peut en témoigner pour Paris.

Cette concertation doit permettre de dégager une stratégie éducative partagée à l'échelle du territoire. L'élaboration de la carte scolaire pour 2025 est sans doute l'exemple le plus marquant du manque de coconstruction de la carte scolaire. Vous le savez, le projet de loi de finances pour 2025 prévoyait initialement la suppression de 4 000 postes d'enseignants. Nous nous sommes battus pour réduire ce chiffre, notamment dans les territoires ruraux. Finalement, le Gouvernement est revenu sur l'intégralité des suppressions de poste. Les élus s'attendaient à une certaine stabilité de la carte scolaire. Or, dans de nombreux départements, le couperet est tombé de manière aussi violente que les années précédentes. Cela a suscité beaucoup de colère et d'incompréhension.

Ces écarts s'expliquent par des choix académiques faits en faveur d'autres politiques. Il ne s'agit pas pour nous de remettre en cause cette prérogative du recteur ou du Dasen qui est de piloter les politiques éducatives en tenant compte des moyens attribués par l'administration centrale. En revanche, il nous semble indispensable que les élus locaux disposent de plus de transparence et de prévisibilité dans les axes de pilotage : par exemple, une priorité donnée au renforcement des brigades de remplacement, à l'école en zone rurale ou à l'éducation prioritaire.

L'opacité des critères de définition de la carte scolaire, au-delà du strict critère démographique contribue à alimenter les tensions. Il en est de même d'une application strictement mathématique de la fermeture d'une classe au regard du nombre d'élèves, sans tenir compte de la spécificité de l'établissement scolaire.

La définition de cette politique stratégique restera une prérogative de l'éducation nationale, après discussion au sein des observatoires des dynamiques territoriales ou scolaires. Cette stratégie préciserait notamment les critères et les orientations en matière d'ouverture et de fermeture de classe. Nous vous proposons que cette stratégie couvre une période de six ans, soit le mandat d'un maire. Le mandat local est une temporalité structurante pour lancer des projets d'investissement importants : cette prévisibilité à moyen terme est essentielle.

Mme Annick Billon, rapporteure. - J'en arrive à la carte scolaire. Il faut impérativement sortir du drame annuel que constitue son élaboration, à la fois pour les élus locaux et les parents d'élèves, mais aussi pour les enseignants. Parmi ces derniers, certains voient leur poste menacé plusieurs années de suite, et donc potentiellement soumis au mouvement, avant d'apprendre quelques mois plus tard que leur classe n'est pas supprimée ; ou pire, ils apprennent la suppression de leur poste en juin, voire au moment de la rentrée scolaire.

Le protocole d'accord signé entre l'AMF et le ministère de l'éducation nationale en avril 2025 prévoit le partage d'une projection à trois ans sur l'évolution des effectifs scolaires. Nous vous proposons d'aller plus loin et d'élaborer une carte pluriannuelle sur trois ans. Comme nous l'a indiqué Bernard Beignier, ancien recteur d'Aix-Marseille puis de Paris, « il faut qu'un élu puisse dire à sa population que la carte scolaire est stable pendant trois ans ». Dans notre esprit, cette carte pluriannuelle est élaborée en cohérence avec les axes de stratégie éducative territoriale couvrant une période de six ans.

Trois points doivent être mis en avant dans l'élaboration de la carte scolaire et sont à concilier.

Comme nous l'avons dit en introduction, le maillage territorial doit être élaboré avec un impératif : la réussite des élèves. Aussi, au regard du manque d'ambition scolaire par défaut d'émulation, mais aussi pour lutter contre toute assignation à résidence, le maintien d'un établissement scolaire à très faible effectif peut se poser. La fin d'une école n'est pas forcément la fin d'une commune. En revanche, les bassins de vie ne doivent pas devenir des déserts scolaires. Il s'agit de trouver le bon équilibre entre proximité géographique, qualité de l'offre éducative et ambition pour les élèves.

Nous avons constaté un consensus pour considérer que le temps de transport d'un collégien ne doit pas excéder trente à trente-cinq minutes par trajet.

Une difficulté nous a toutefois été signalée dans certains départements pour l'élaboration de la carte scolaire des collèges : certaines régions, qui ont la compétence du transport scolaire, demandent la présence d'au moins vingt élèves pour ouvrir une ligne de transport scolaire. Là encore, la concertation renforcée entre l'ensemble des acteurs du service public de l'éducation est essentielle.

Parce que le maillage des établissements scolaires doit se faire au service des élèves et de l'égalité des chances, il nous paraît essentiel d'avoir un accompagnement, un suivi et un contrôle renforcés pour les enseignants des établissements scolaires à l'organisation atypique ou de petite taille. Cela vaudrait ainsi pour les écoles dont les classes regroupent plus de trois niveaux scolaires - par exemple une classe unique pour les trois niveaux de maternelle, ou encore une classe regroupant des CE2, CM1 et CM2.

Nous estimons nécessaire que l'enseignant concerné bénéficie dès la première année d'un accompagnement spécifique par son inspecteur de l'éducation nationale (IEN) de circonscription. Il en est de même pour les enseignants du second degré avec leur inspecteur pédagogique.

Mme Colombe Brossel, rapporteure. - Ce sujet nous amène à la question de la formation des enseignants, notamment leur formation initiale.

Les classes à plusieurs niveaux ne sont plus l'apanage des écoles rurales. Désormais, neuf écoles sur dix ont au moins une classe à plusieurs niveaux et près d'un élève sur deux est scolarisé dans une telle classe. La baisse démographique et ses conséquences sur la fermeture de classes vont accentuer cette pratique pédagogique. Il nous semble indispensable de faire de la conduite simultanée de plusieurs niveaux d'enseignement un axe à part entière de la nouvelle formation initiale des enseignants.

J'en viens maintenant au volet « bâti scolaire » du maillage territorial. Il faut dès à présent se pencher sur le devenir des établissements scolaires. Nous appelons les élus locaux, lors de la construction de nouveaux bâtiments scolaires, ou de travaux de rénovation, à anticiper les possibles changements d'utilisation du local ou la réduction des besoins : par exemple, une salle libérée à la suite d'une fermeture de classe peut servir à l'installation d'autres activités ou d'autres services publics, comme celui de la petite enfance.

Il faut également envisager la possibilité de faire varier les volumes facilement en déplaçant les cloisons, ce qui nécessite de penser en amont un certain nombre d'aménagements, comme le positionnement des réseaux d'approvisionnement.

Nous appelons également à la plus grande prudence, notamment dans les zones densément peuplées, quant à la vente trop hâtive de ces bâtiments ou une transformation définitive ne permettant plus leur réemploi pour une fonction scolaire.

Les modèles statistiques prévoient une remontée des effectifs à partir de 2036, correspondant à l'âge scolaire des enfants des générations plus nombreuses des années 2000. En outre, différents scénarios peuvent advenir, comme une baisse des prix de l'immobilier favorisant l'arrivée de jeunes couples empêchés pour l'instant d'accéder à certains quartiers en raison du coût du logement. C'est pourquoi les modes d'utilisation choisis pour les anciens bâtiments scolaires doivent permettre leur réutilisation scolaire dans un délai rapide d'un ou deux ans.

Mes chers collègues, nos six recommandations visent un même objectif : développer une vision partagée de ce que nous voulons pour l'école et l'inscrire dans le temps long.

Mme Monique de Marco. - Ce travail me semble incomplet par rapport aux auditions auxquelles j'ai participé, même si j'en comprends la logique.

Pour moi, le maillage scolaire ne se résume pas à un réseau d'établissements, mais doit constituer l'ossature de l'égalité républicaine. C'est par une école de proximité que nous garantissons l'accès à un enseignement de qualité, quel que soit le lieu de vie.

C'est aussi un pilier de l'aménagement du territoire. Depuis plusieurs années, on constate une tendance inquiétante à la fermeture de classes en zone rurale, qu'il s'agisse de classes uniques ou de petits collèges de proximité, justifiée par des considérations budgétaires et par la baisse démographique.

Il ne s'agit pas pour moi de nier la réalité des contraintes ni le fait que l'école a un coût, mais il s'agit d'un investissement dans l'avenir. L'école mérite donc une politique volontariste, concertée avec les élus locaux, les enseignants et les parents.

La ruralité est un sujet qui m'intéresse particulièrement, mon département comptant de nombreuses écoles en milieu rural. Chaque année, des maires me sollicitent, inquiets face à la perspective d'une fermeture de classe. Lors de son audition, le représentant de l'AMRF nous a dit qu'il s'agissait pour les maires d'un « cri du coeur », car la fermeture d'une classe était la première étape vers la fermeture de l'école. Or l'école est un lieu de vie dans une commune.

Le président Lafon, dans son rapport d'octobre 2019 intitulé Les nouveaux territoires de l'éducation, expliquait que « les sénateurs ont le souci du maintien d'une offre scolaire de proximité et du maintien du maillage des écoles sur les territoires ». C'est là un élément très important que je ne retrouve pas dans les recommandations de votre rapport.

Pourtant, fermer des classes en zone rurale revient à renforcer les inégalités dont sont souvent victimes les jeunes ruraux et qui ont été largement documentées dans le rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas), publié en février 2025. À résultats égaux, les élèves issus des territoires ruraux sont moins nombreux que ceux qui sont issus de territoires urbains, dans les filières générales et dans l'enseignement supérieur. En outre, les jeunes ruraux sont 28 % en moyenne à obtenir un diplôme du supérieur contre 39 % en milieu urbain. Le taux de non-poursuite des études est estimé à 23,6 % en milieu rural contre 15 % pour la moyenne nationale.

Le rapport de la Cour des comptes sur la politique d'éducation prioritaire publié il y a quelques semaines souligne également le manque de prise en compte des territoires ruraux. Pour un indice de position sociale (IPS) égal, on constate que les zones rurales sont deux fois moins classées en éducation prioritaire que les quartiers urbains. De même, les territoires éducatifs ruraux bénéficient d'une enveloppe de seulement 6,3 millions d'euros, contre 100 millions d'euros pour les cités éducatives.

Les recommandations de votre rapport ne correspondent pas, à mon sens, aux objectifs qui avaient été fixés dans le cadre de cette mission d'information. Elles auraient dû être plus fortes. En effet, il ne s'agit pas simplement de renforcer l'acceptabilité des modifications de la carte scolaire, mais d'éviter la fermeture de classes et d'écoles.

La recommandation n° 1 vise à « transformer les observatoires des dynamiques rurales en observatoires des dynamiques scolaires couvrant également les zones urbaines ». Or vous avez rappelé que ces observatoires étaient très peu nombreux à avoir été mis en place et qu'un tiers d'entre eux seulement fonctionnait, de sorte que vous avez considéré, en définitive, que mieux valait les rassembler en un seul observatoire des dynamiques scolaires couvrant également les zones urbaines. À vous entendre, j'ai eu l'impression qu'il n'y aurait plus d'observatoires des dynamiques rurales et qu'on les remplacerait par une structure plus globale. Mais peut-être ai-je mal compris... Quoi qu'il en soit, il faudrait revoir la rédaction de votre recommandation.

Je souscris à vos autres propositions, notamment celle qui porte sur la nécessité d'une carte scolaire pluriannuelle sur trois ans.

En revanche, je ne comprends pas le sens de la recommandation n° 5, qu'il faudrait sans doute développer ou rédiger autrement.

En l'état, je m'abstiendrai sur vos recommandations. Nous pourrions en rediscuter et ajouter des points complémentaires.

M. Max Brisson. - Ce rapport était attendu et les rapporteurs partaient d'une page quasiment blanche, de sorte qu'ils ne pouvaient écrire que des choses fortes et justes. L'école est certainement, parmi toutes les administrations de l'État, celle qui a le moins réfléchi à sa présence dans les territoires, à l'exception de l'éducation prioritaire.

Vos recommandations s'inscrivent dans le champ de la responsabilité, si bien que n'y figurent pas les mots de « moratoire », d'« interdiction de fermeture de classe » ou d'« interdiction de fermeture d'école ». Vous avez évité de tomber dans la démagogie.

La France, historiquement, a fait un choix qui est une exception en Europe, en conservant un grand nombre d'écoles. Dès lors que notre pays compte bien plus de communes que les autres pays d'Europe, il compte aussi bien plus d'écoles. Par conséquent, nous ne sommes pas dans une période forte de fermetures d'école, comme dans les années 1970 ou 1980, lorsque sont apparus les regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI) avec des fermetures d'école en vrac, ou du moins très nombreuses. Malgré cela, la France a conservé un nombre très élevé d'écoles.

D'où les réflexions qui surgissent aujourd'hui : faut-il s'interroger sur le nombre élevé de nos écoles ? Et si oui, quels sont les facteurs d'interrogation ?

Si je dois exprimer un regret, je dirais que votre approche est essentiellement démographique. Il me semble en effet que la réflexion sur le maillage territorial de l'école doit aussi avoir une portée pédagogique. On doit s'interroger sur la solitude pédagogique dans les écoles. Il y a une offre pédagogique territoriale à construire, sur laquelle nous devons nous interroger. Nous devons notamment engager une réflexion sur le lien entre le collège et l'école primaire, le fossé entre ces deux niveaux étant la grande faiblesse de notre système scolaire. La construction du cycle 3 a échoué, creusant cet écart qui est largement à l'origine du décrochage scolaire et des difficultés du collège.

S'ajoute à cela une dimension de politique publique et d'attractivité du territoire, car il n'y a pas de territoire attractif sans une offre scolaire digne de ce nom. La réflexion sur le maillage territorial de l'école doit prendre cette donnée en compte. Les collectivités territoriales sont parfaitement compétentes pour développer cette politique d'attractivité territoriale.

Enfin, il faut veiller à la cohérence et à la qualité de l'offre pédagogique.

Vous souhaitez que l'on ouvre les livres et que l'on partage les informations. Autrement dit, vous souhaitez impliquer chacun avec ce qu'il sait - le maire ou l'intercommunalité dans sa connaissance des projets d'urbanisme, de la prospective d'urbanisme et de la prospective démographique - et l'éducation nationale avec ce qu'elle sait sur la remontée des cohortes et l'organisation pédagogique. Certes, il faut inciter au dialogue et à la concertation, même si la politique de l'éducation nationale est de donner des informations, mais certainement pas de les partager et encore moins de les construire ensemble. Je serais allé beaucoup plus loin que vous en ce sens.

Les collectivités territoriales doivent être associées dans un véritable copartage de la construction d'une carte scolaire pluriannuelle, valable pour un mandat de six ans, avec une possibilité de révision à mi-parcours. Cette coconstruction est essentielle, sachant que l'affectation des moyens revient ensuite à l'État, puisqu'il s'agit de fonctionnaires d'État.

En tout cas, vous avez ouvert une piste qui mérite que l'on continue de la travailler.

Quelques interrogations subsistent : vous n'avez rien dit des RPI. Faut-il les transformer en école ? Faut-il leur donner une personnalité morale ? Faut-il les prendre en compte pour ce qu'ils sont en réalité, souvent en s'appuyant sur des syndicats intercommunaux scolaires, mais qui n'est pas traduit dans le code de l'éducation ?

Je suis aussi un farouche partisan de la compétence communale en matière scolaire. Il convient de s'interroger sur le rôle des intercommunalités, voire du département, dans le travail de co-construction que j'ai évoqué. La sectorisation des collèges est notamment un enjeu important.

Ma seule réticence porte sur la recommandation n° 5. Tel qu'elle est rédigée, elle laisse entendre que, dans les écoles à classe unique ou à deux classes, avec regroupement de niveaux, il y aurait un problème pédagogique. Or je ne le crois pas. Toutes les études montrent le contraire. Comme l'a dit Monique de Marco, il peut y avoir une difficulté concernant la poursuite des études, liée à l'enfermement géographique. Néanmoins, le terme de « contrôle » que vous employez me pose problème pour son aspect stigmatisant, alors que ces écoles sont dans une bonne moyenne pour ce qui est des résultats des élèves. Sans doute faudrait-il revoir la rédaction de cette recommandation n° 5.

En revanche, je souscris à l'idée qu'il faudrait une formation spécifique pour enseigner dans ces classes à multiniveaux. Quand les instituteurs sortaient de l'École normale, ils avaient été préparés à prendre en charge ce type de classe, car la grande majorité des écoles de France étaient à classe unique. Aujourd'hui, les professeurs des écoles ne le sont plus, ce qui me conduit à penser que l'université n'est pas forcément le meilleur endroit pour former les professeurs des écoles - c'est là un avis éminemment personnel.

Mme Laure Darcos. - Notre commission est très attachée au maillage territorial des écoles. En cette période d'annonces sanglantes de fermetures de classe en zone rurale, j'aurais souhaité qu'un lien soit établi avec les travaux financés grâce à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) dans l'année qui précède une éventuelle fermeture de classe, voire une fermeture d'école. Sous le ministère de Jean-Michel Blanquer, nous avions tenté dans mon département de l'Essonne d'éviter une fermeture d'école en avançant cet argument, sur l'avis d'un maire. En effet, il est légitime que quand l'argent public est attribué pour financer la rénovation thermique ou énergétique d'une école, l'établissement ne soit pas ensuite immédiatement fermé, et ce malgré la logique liée aux effectifs.

Mme Marie-Pierre Monier. - Ce rapport d'information aboutit à des constats consensuels, alors que les clivages politiques et territoriaux sur le sujet conduisent souvent à des discours qui s'entrechoquent. C'est la preuve que la Haute Assemblée a, encore une fois, su mener un travail transpartisan et constructif.

Il était d'autant plus essentiel d'y parvenir que nous connaissons le caractère hautement sensible des problématiques liées à la carte scolaire et l'attention que suscite le sujet dans la diversité de nos territoires. J'en veux pour preuve les nombreuses interventions de nos collègues issus de toutes les travées, lors des séances de questions d'actualité au Gouvernement (QAG), durant le premier semestre de la session. Nos collègues se font alors les porte-voix des inquiétudes et de la mobilisation des élus locaux ainsi que de l'ensemble de la communauté éducative.

Si nous devons veiller à ne jamais opposer les territoires entre eux, nous sommes très conscients, en ruralité, de l'impact délétère sur la vitalité de nos petites communes que représente la disparition d'une classe, voire d'un établissement scolaire, vécue comme un éloignement supplémentaire de nos services publics dans des zones où la mobilité est un enjeu plus fort que dans les territoires urbains.

Ces fermetures sont vécues d'autant plus douloureusement qu'elles semblent tomber du jour au lendemain, ou en tout cas sans concertation préalable. La question que nous avons posée lors de la dernière séance de QAG l'a bien montré.

Je souhaite saluer tout particulièrement les trois premières recommandations du rapport qui visent à donner plus de visibilité à l'ensemble des partenaires scolaires en élaborant une carte scolaire pluriannuelle sur trois ans. Tout le monde en tirera bénéfice, même les communes en termes d'investissement. Il faut donc soutenir cette mesure et j'encourage mes collègues à le faire de manière transpartisane.

Il faut aussi objectiver les critères en matière d'ouverture et de fermeture de classe. En effet, une transparence accrue sera le gage d'une plus grande acceptabilité des décisions.

Enfin, il convient de renforcer le partage d'informations entre les collectivités et les services de l'État pour mettre fin aux approches cloisonnées et davantage mettre en valeur la connaissance très fine que les élus locaux ont de leur territoire. Il est essentiel d'en finir avec la verticalité et de privilégier le dialogue.

La recommandation n° 4 visant à intégrer la conduite simultanée de deux niveaux d'enseignement dans les axes de la formation initiale des enseignants me paraît très pertinente pour mieux accompagner à l'avenir ceux qui sont confrontés à cette configuration.

Si la baisse démographique se poursuit, il y aura sans doute de plus en plus de classes à niveau multiple. Il faut absolument en tenir compte dans la formation des enseignants, voire l'intégrer dans leur formation initiale, ce qui permettra d'associer à cette dynamique des personnels éducatifs déjà en poste.

La recommandation n° 6 visant à améliorer la réversibilité des bâtiments scolaires s'inscrit dans une démarche louable. Gardons en tête qu'il s'agira pour les collectivités, qui sont compétentes en matière de bâti scolaire, d'un nouveau défi, à l'heure où celui de la rénovation thermique est déjà compliqué à relever faute de moyens financiers suffisants. En effet, les aides que sont la DETR, la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ou le fonds vert ont diminué.

Pour conclure, je vous invite, mes chers collègues, à voir le verre à moitié plein en ce qui concerne l'évolution à la baisse du nombre d'élèves. Il s'agit en réalité d'une opportunité unique pour améliorer le taux d'encadrement et pour mieux accueillir l'ensemble des élèves dans leur diversité, sous réserve, bien évidemment, de renoncer à une démarche arithmétique et comptable. Je vous encourage donc, dans le cadre du prochain projet de loi de finances, à ne pas accepter les suppressions de poste.

Mme Sonia de La Provôté. - Ce rapport aborde un sujet qui nous occupe tous les ans, à la même période. Il s'agit en quelque sorte de la pièce de théâtre annuelle de l'éducation nationale : on est dans le théâtre de boulevard où l'on claque les portes et l'on s'exclame. Il nous faut réussir à calmer le jeu en ce qui concerne les décisions d'organisation de l'école dans les territoires et à obtenir davantage de transparence.

Les décisions sont globalement arithmétiques et collectives, relevant d'une logique de gestion de masse des ressources humaines, celles-ci étant en réalité réduites à ceux qui sont présents sur le terrain. Or l'éducation nationale recouvre un champ bien plus large, pour ce qui est du personnel. Compte tenu de notre place dans les classements internationaux, sans doute devrions-nous aussi nous pencher sur le destin des personnels de l'éducation nationale qui ne sont pas sur le terrain, tout en faisant en sorte d'augmenter le nombre de ceux qui y sont.

Cette gestion collective tend vers un sujet qui est éminemment individuel, à savoir la réussite de tous les élèves, telle que la voulait Jules Ferry, chacun devant trouver la voie de sa propre réussite dans la République. Or cette question n'est pas tellement évoquée quand on parle d'éducation ou même d'« école de la confiance ».

Ainsi, on a du mal à utiliser les évaluations nationales au service de la réussite de l'enfant, considérant plutôt qu'elles servent à évaluer les professeurs et leurs carences. Pourtant, ces évaluations devraient surtout permettre de développer les meilleurs moyens possibles pour accompagner l'enfant.

La carte scolaire est donc, comme l'a dit Monique de Marco, au coeur de l'équité républicaine.

La notion de transparence est également essentielle. Nous n'obtenons jamais de diagnostic partagé sur les effectifs et les besoins. Parce que les critères ne sont pas transparents, on ne sait jamais très bien ce que l'on évalue, de sorte que l'inspecteur, à la rentrée, en est réduit à compter les moutons comme le berger ou la bergère pour vérifier qu'il ne manque personne dans la classe ou qu'il n'y a pas trop d'élèves. On ne saurait résumer la politique d'arbitrage et de gestion de l'école à ce seul moment. Pourtant, c'est un peu ce que l'on fait.

Le rapport aborde à juste titre la problématique de la prévisibilité. Les collectivités se heurtent à chaque fois au même problème : comment faire pour accueillir des personnes qui arriveront à l'avenir si l'on ferme l'école ? La planification jusqu'à preuve du contraire s'impose aux collectivités ; elle devrait s'imposer à l'éducation nationale comme à toutes les politiques publiques. C'est une forme de gestion logique de l'aménagement du territoire.

Des réouvertures de classe sont prévues, des fermetures sont confirmées et d'autres qui n'étaient pas prévues interviendront aussi. Au bout du bout, tout semble se faire par la larme ou le charme. La carte scolaire ne peut pas fonctionner ainsi.

Je voterai vos recommandations avec, toutefois, la même réserve que mes collègues sur la recommandation n° 5. La classe unique n'est pas forcément ce que l'on fait de pire. Les évaluations nationales montrent que ce n'est pas là que sont les problèmes. Un examen plus précis et plus fin permettrait d'aborder les questions qualitatives en leur donnant la même importance qu'aux questions quantitatives : on se rendrait compte alors que les poncifs d'un certain nombre d'experts de la pédagogie, datant d'il y a vingt ans, ne correspondent plus à la réalité du terrain.

Mme Laurence Garnier. - Le département de la Loire-Atlantique a longtemps été préservé, du fait de son dynamisme démographique, des fermetures de classe. Je vous écoutais alors en parler sans me sentir concernée. Toutefois, depuis l'année dernière ou il y a deux ans, bien que la démographie continue à augmenter en Loire-Atlantique, l'évolution du prix du foncier et d'autres facteurs ont eu pour effet que les familles qui arrivent ont des enfants plus âgés qu'auparavant, de sorte que ceux-ci vont plutôt au collège ou au lycée.

Je souscris à ce qui a été dit précédemment sur la nécessité d'une prévisibilité à trois ans ou à six ans. En Loire-Atlantique, il y a eu quelques ratés au début, les maires apprenant par la presse les fermetures de classe. Depuis, nous avons travaillé avec le rectorat et les IEN pour construire un lien privilégié, territoire par territoire et secteur par secteur. Il est toujours préférable d'être informé correctement d'une mauvaise nouvelle plutôt que de l'apprendre en ouvrant son journal le matin. La communication joue donc un rôle important.

Il est difficile pour un maire d'apprendre que son école va fermer alors qu'il vient à peine de couper le ruban d'inauguration de l'extension du bâtiment de cette école. L'enjeu est d'ordre démocratique, car nos concitoyens ne comprennent pas de telles contradictions. Je souscris d'ailleurs à ce qu'a dit Laure Darcos sur la nécessaire corrélation à établir avec l'attribution de crédits de DETR, car personne ne doit avoir le sentiment que ces crédits sont gâchés ou auraient pu être utilisés différemment.

Je voulais aussi vous interroger sur la carte scolaire des enfants à besoins éducatifs particuliers et sur les unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis). Là encore, les enjeux de maillage territorial en milieu rural sont importants. Certains élus tiennent à leur classe Ulis sans toujours parvenir à la maintenir.

Enfin, je remercie Annick Billon d'avoir mis en avant le fait que la fermeture d'une classe, et parfois celle d'une école, ne conduit pas forcément à un désert scolaire dans le bassin de vie concerné, même si une telle mesure suscite des interrogations. Les effectifs scolaires sont en nette diminution, alors que parallèlement ceux des seniors, voire des très seniors, augmentent. Il va bien falloir faire face aux besoins générés par un vieillissement massif de la population française et faire basculer un certain nombre de curseurs budgétaires des uns vers les autres. Cela doit se préparer, bien évidemment, de manière intelligente, mais il faut l'entendre.

En outre, nous devons faire de la pédagogie. Un maire de Loire-Atlantique, dans le secteur très rural de Châteaubriant, m'a sollicitée au sujet d'une fermeture de classe dans sa commune. Une fois cette fermeture actée, il aurait dix-neuf élèves par classe. Je considère que l'on ne peut pas tout défendre. Je suis une élue urbaine et j'ai expliqué à ce maire que les élèves nantais étaient beaucoup plus nombreux dans des classes de secteur pédagogique particulier et de quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Grâce à cette pédagogie, il a fini par comprendre qu'un effectif de dix-neuf élèves par classe pouvait offrir des conditions d'enseignement très correctes dans son école. Il faut défendre ce type d'argument et arrêter de considérer qu'une fermeture de classe est forcément dénuée de sens et n'est jamais fondée démographiquement.

Enfin, Monique de Marco a comparé la réussite des élèves en zone urbaine et en zone rurale. En réalité, à l'intérieur des zones urbaines elles-mêmes, il existe des écarts colossaux. Ainsi, dans les QPV, des collèges et des lycées connaissent des difficultés pédagogiques lourdes et les élèves ne sont pas nombreux à accéder aux études supérieures, alors que dans les grands lycées du centre-ville, on constate une excellence éducative qui vient grossir les rangs de l'enseignement supérieur. Les clivages sont donc au moins aussi importants, voire davantage, au sein des zones urbaines, qu'entre les zones rurales et les zones urbaines.

Mme Marie-Jeanne Bellamy. - Il est essentiel d'associer les communes, les communautés de communes et le département à l'élaboration de la carte scolaire, l'enjeu dans le temps étant de maintenir les collèges, après les écoles.

Mon département de la Vienne doit avoir un temps d'avance, car cela fait longtemps que nous favorisons une prévisibilité sur trois ans. Quand j'étais présidente de l'Association des maires de la Vienne, je travaillais avec l'éducation nationale qui avait passé une convention avec le département visant à établir une projection sur trois ans. Pourquoi, en effet, ne pas le faire sur six ans ?

Un travail de terrain est en cours dans notre département qui associe le préfet et l'éducation nationale. Il s'agit de demander à chaque élu comment il se projette dans l'avenir en ce qui concerne l'école. Un courrier leur est envoyé avec un certain nombre de préconisations. Celle qui incitait à prévoir pour l'école primaire des pôles scolaires avec un seuil de 120 élèves n'a pas manqué de choquer. Les maires sont conscients que les campagnes se vident, mais ils constatent aussi que de nombreux enfants ne sont pas scolarisés dans la commune, ce qui les inquiète. Ils suggèrent une forme de sectorisation comme dans les villes, qui consisterait à privilégier l'école primaire de la commune où résident les enfants.

Le temps de transport scolaire ne doit pas excéder trente minutes. Cela me semble important. L'essentiel est de s'adapter à chaque territoire en évitant toute généralisation. Veillons aussi à ne pas opposer les écoles urbaines et rurales. Un élève qui fréquente une école primaire dans une zone rurale n'apprend pas moins bien qu'un autre. Il faut en finir avec une telle idée.

Mme Béatrice Gosselin. - Il est vrai que dans les zones où la population est plus dense, au nom d'un équilibre comptable, on n'hésite pas à surcharger certaines classes pour en décharger d'autres dans des secteurs moins favorisés. Je comprends cette logique, mais elle pose un réel problème quand les enfants se retrouvent à vingt-neuf ou trente par classe. Il faut trouver un juste milieu et fixer un seuil à ne pas dépasser.

La semaine dernière, j'ai appris que deux enfants scolarisés avaient besoin de passer en classe Ulis, pour la sixième. Or la seule qui est ouverte se trouve à cinquante kilomètres de chez eux. On leur a proposé de redoubler leur CM2 ou bien d'aller dans une sixième classique. Telles sont les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. La logique est comptable au lieu d'être centrée sur le bien de l'enfant.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur. - Avec ce rapport, nous avons surtout souhaité vous proposer une méthode, car nous nous sommes rendu compte qu'il y avait autant de situations que de territoires. Je suis un fervent défenseur de l'école du socle, mais j'ai observé qu'il n'y avait pas que cela. Il y a aussi une logique qui se construit au niveau du territoire, et c'est en ce sens que Jean-Paul Carteret parle des « petites centralités ». Il aurait été difficile de proposer autant de solutions qu'il y a de territoires, d'où notre idée de définir une méthode.

Madame de Marco, on pourrait considérer que cela ne pose pas de problème de fermer une école à Paris, car il y en a une autre à 300 mètres ou à 500 mètres. Mais en réalité, d'autres difficultés surgissent. Je suis sénateur du Doubs, un département rural, mais cela ne m'empêche pas de défendre aussi les territoires urbains qui sont également touchés par les fermetures de classe, dans des conditions qui ne sont pas les mêmes que dans la ruralité. Ainsi, le temps de transport pour des élèves parisiens peut dépasser les trente minutes.

Voici quelques éléments pour répondre à vos différentes interventions.

Ce rapport était en effet très attendu. Il y a un grand nombre d'écoles en France, ce qui est sans doute lié à une spécificité démographique. Nous avons recommandé de renforcer le partage d'informations entre les collectivités locales et les services déconcentrés parce que nous ne voulons pas d'une logique uniquement comptable. Dans le rapport, nous mentionnons la suggestion d'un recteur visant à réunir le préfet d'arrondissement, le Dasen, les élus départementaux, ceux de la région, de l'intercommunalité, les parents d'élèves, les professeurs et les chefs d'établissement, afin de coconstruire la carte scolaire, l'idée étant surtout que celle-ci ne soit pas imposée d'en haut. C'est la méthode qui est importante.

Nous proposons la définition d'une stratégie locale éducative sur six ans, ce qui correspond au mandat du maire. C'est dans ce cadre que s'inscrirait la carte pluriannuelle sur trois ans.

Le psychodrame de la carte scolaire, toujours à la même période, est en effet à éviter.

J'entends les remarques que les uns et les autres ont pu faire sur la notion de « contrôle ». Nous avons surtout voulu souligner qu'il existait plusieurs types d'évaluation. Le terme de « contrôle » vise à suggérer non pas une sanction, mais la présence d'un accompagnement. Nous pourrons toutefois revoir la rédaction de la recommandation n° 5.

La classe unique crée un « effet maître » fort. Le ministre Blanquer nous a dit que certaines d'entre elles qui comportent trois ou quatre niveaux fonctionnaient très bien.

L'objectif de notre rapport est de redonner la parole aux acteurs locaux, afin qu'ils coconstruisent la carte scolaire dans une logique qui ne sera plus descendante.

Je voudrais vous citer l'exemple du collège des îles du Ponant, dont le site administratif se trouve à Brest et qui compte soixante élèves, dont deux sur l'île de Batz, deux sur l'île de Sein, cinq sur l'île de Groix, etc. Il a été créé parce qu'auparavant les élèves, scolarisés sur le continent, ne pouvaient pas rentrer chez eux lors des vacances de Noël dans les années 1970 en raison de grandes tempêtes. Les professeurs prennent le bateau pour aller faire cours à deux élèves. C'est dans ce type de situation que l'école du socle a du sens.

Pour en revenir à votre propos, il semble en effet que l'on préserve certains territoires et que l'on en surcharge d'autres.

Tout le sens de notre travail a été de définir une méthode pour éviter que des décisions nous soient imposées d'en haut.

Mme Annick Billon, rapporteure. - Notre rapport ne va pas assez loin, selon certains d'entre vous. Nous avons voulu être non seulement lucides dans le contexte budgétaire que nous connaissons, mais aussi très attentifs à l'intérêt de l'élève. Ainsi, en privilégiant la formation ou l'accompagnement - ce terme est sans doute préférable à celui de « contrôle » - dans la recommandation n° 5, nous visions surtout les petites écoles qui affichent souvent de très bons résultats, mais dont les élèves se heurtent à des difficultés pour réussir leurs études supérieures ou bien leur orientation, comme s'ils étaient victimes d'un système d'assignation à résidence. Nous pourrons réécrire cette recommandation, car il ne s'agissait en aucun cas d'établir un contrôle des enseignants, mais de prendre en compte l'intérêt de l'enfant.

Mon collègue Jacques Grosperrin vient de mentionner le collège des îles du Ponant. C'est un exemple qui montre que même si l'école fonctionne, l'assignation à résidence est un phénomène réel. Cela nous a été confirmé lors des auditions.

Pour ce qui est des observatoires des dynamiques rurales qui deviendraient des observatoires des dynamiques scolaires, il faut rappeler qu'ils sont tous différents selon les territoires. Il nous a donc paru plus logique de développer des observatoires des dynamiques scolaires qui seront propres à chaque territoire, qu'il s'agisse du Doubs, de la Vendée ou de Paris. Nous souhaitons développer cet outil et veiller à son fonctionnement effectif. En effet, quand il est utilisé, il favorise de manière efficace le partage d'informations, la concertation et l'anticipation.

Nous n'avons pas souhaité remettre en question les RPI, car ils représentent une réponse du terrain à une problématique spécifique. L'éducation nationale et les collectivités territoriales les accompagnent. Dès lors que l'outil fonctionne et a fait ses preuves, il n'y a pas de raison d'intervenir dans son organisation.

Dans les réunions d'attribution de la DETR, quand il y a des décisions concernant l'accompagnement des écoles, les intercommunalités jouent un rôle très important. Cela varie sans doute en fonction des départements : dès lors que la commission ETR joue son rôle d'anticipation, il n'y a pas de problème.

Quant aux critères d'ouverture ou de fermeture d'école, ils varient d'un observatoire à l'autre. Nous devons veiller à conserver une certaine souplesse et ne pas figer ces critères dans le marbre, alors qu'ils sont appelés à évoluer. En 2016, le rapport Duran portait déjà sur les fermetures d'école. Or la situation de l'école a bien évolué depuis. Il est donc difficile de figer des critères.

Nous pourrons modifier les deux recommandations qui vous ont posé problème, en supprimant notamment le mot « contrôle » dans la recommandation n° 4 pour le remplacer par « accompagnement et suivi ». Dans la recommandation n° 1, nous pourrions aussi remplacer l'expression « transformer les observatoires des dynamiques rurales » par « créer également dans les zones urbaines des observatoires des dynamiques scolaires ».

Mme Monique de Marco. - C'est surtout le remplacement des observatoires des dynamiques rurales qui me gêne.

Mme Annick Billon, rapporteure. - Il faut retenir que ces observatoires sont un outil dynamique qui fonctionne bien dans certains endroits et moins bien dans d'autres. Cela dépend des acteurs qui y exercent. Dès lors que les problématiques sont identifiées, il revient à chaque territoire d'y répondre.

Enfin, sur les élèves à besoins particuliers, dans la mesure où ils sont intégrés en milieu ordinaire scolaire, ils font partie des effectifs.

Mme Colombe Brossel, rapporteure. - À l'issue des auditions d'un certain nombre de maires, il est apparu que le partage d'informations, la transmission et la co-construction étaient des éléments nécessaires dans tous les territoires. L'idée est de faire en sorte de les développer à cette échelle.

Ce rapport tente de défendre une position à la fois simple et compliquée selon laquelle il n'y a pas de solution magique. Or nous sommes confrontés, quel que soit notre territoire, au fait que les services de l'éducation nationale nous imposent de jouer sur le levier démographique, alors que c'est la réussite des enfants qui nous intéresse.

Nous connaissons bien l'éducation nationale dans sa dimension territoriale. Rendre obligatoire le partage d'informations, dans la clarté et en se donnant du temps, ne paraît sans doute pas très révolutionnaire sur le papier. Mais si nous parvenons à mettre en oeuvre cette recommandation, nous aurons fait quelque chose de révolutionnaire. Je crois à la politique des petits pas qui change les choses.

Enfin, nous avons été extrêmement frappés de constater la défiance qui existe aujourd'hui entre les élus locaux et les services de l'éducation nationale. C'est un constat que nous avons partagé avec nos interlocuteurs. La situation n'était pas la même il y a cinq ou dix ans, ou du moins pas à un tel niveau. On savait encore se mettre autour d'une table pour discuter. Aujourd'hui, la défiance est devenue un facteur bloquant.

M. Laurent Lafon, président. - Les rapporteurs nous ont donc proposé deux modifications de rédaction. Dans la recommandation n° 1, plutôt que de parler de la transformation des observatoires, on écrira : « créer également dans les zones urbaines des observatoires des dynamiques scolaires ». Dans la recommandation n° 4, pour éviter une mauvaise interprétation du mot « contrôle », on écrira : « mettre en place un accompagnement et un suivi pour les écoles de petite taille ».

Ces propositions de modification sont adoptées.

Mme Monique de Marco. - Nous soutenons toutes les recommandations, mais nous nous abstiendrons sur le rapport, qui ne nous semble pas assez ambitieux.

Les recommandations, ainsi modifiées, sont adoptées.

La commission adopte le rapport d'information ainsi modifié et en autorise la publication.

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