LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
REÇUES PAR LE RAPPORTEUR

Cette liste présente les contributions écrites transmises au rapporteur après envoi d'un questionnaire :

· Agence des participations de l'État

· Assemblée des départements de France

· Autorité nationale d'Audit pour les Fonds européens

· Commission européenne

· Direction générale des collectivités locales

· Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique

· Ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche

· Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles

· Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI)

· Régions de France

· Représentation Permanente de la France auprès de l'Union européenne

· Secrétariat général des affaires européennes

CONTRIBUTION DU GROUPE SOCIALISTE,
ÉCOLOGISTE ET RÉPUBLICAIN

Tout au long de la commission d'enquête, les aides publiques aux entreprises ont toujours été présentées comme un outil indispensable au soutien de la compétitivité économique, au maintien de l'emploi et à la stimulation de l'innovation dans le cadre d'une politique de l'offre.

Diminuer la charge fiscale des entreprises présenterait, selon plusieurs études et rapports provenant à la fois de groupes de réflexion libéraux (institut Molinari, institut Montaigne et Ifrap) et du Conseil d'analyse économique, l'avantage de supprimer des distorsions observées tout au long de la chaîne de production.

Le montant des aides allouées aux entreprises n'a cessé d'augmenter au cours des dernières décennies. Cependant, malgré ces sommes considérables, leur efficacité est fréquemment remise en question de même que leur mode, voire leurs conditions d'attribution. Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, s'est même déclaré favorable, devant notre commission d'enquête, au remboursement des aides publiques perçues durant le covid-19 par les entreprises dont la santé financière s'est rétablie, au motif qu'il s'agit de « l'argent des Français ». Allant même jusqu'à déclarer que « la question pour moi, c'est que l'État devrait conditionner ces aides. »

Durant nos auditions, il est apparu que la politique industrielle, dont le soutien aux entreprises constitue l'une des formes principales, est un levier pour guider le développement économique des pays et régions, en particulier dans un contexte de mondialisation accrue et de concurrence internationale exacerbée. L'État, dans cette optique, joue un rôle essentiel dans la régulation des marchés et l'accompagnement des entreprises vers l'innovation et la compétitivité. Les aides publiques aux entreprises procurent des ressources financières et des incitations pour encourager des investissements en recherche et développement, en formation ou en infrastructures. Elles sont donc particulièrement appréciées des bénéficiaires que nous avons auditionnés et utiles aux gouvernements qui cherchent à promouvoir la croissance des économies.

Mais cette absence de conditionnalité, couplée à l'impossible traçabilité sont les deux problématiques que notre commission d'enquête a soulevées.

Car depuis des années, loin de servir l'emploi et la compétitivité, ces aides ont peu à peu entretenu une logique spéculative qui enrichit les actionnaires tout en ne préservant pas le tissu industriel national.

Cette situation n'est pas un effet de bord fortuit, elle est le fruit de choix politiques et économiques menés depuis des décennies au nom de la compétitivité et de l'attractivité économique.

Et il nous faut rappeler que ces pratiques sont rendues possibles par l'absence de conditions imposées aux entreprises bénéficiant d'aides publiques. En effet chaque année, l'État et les collectivités locales distribuent plus de 160 milliards d'euros d'aides aux entreprises sous différentes formes : crédits d'impôt, exonérations de cotisations, subventions directes. Pourtant, ces fonds ne sont ni contrôlés ni conditionnés à des engagements clairs en matière d'emploi et d'investissement en France. Le prolongement du CICE, par M. Emmanuel Macron, a coûté plus de 100 milliards d'euros, sans avoir prouvé son efficacité en matière de création d'emplois.

Cette commission d'enquête a eu le mérite de poser quatre questionnements qui structurent l'ensemble de nos investigations : combien ? Pourquoi ? Pour quels effets ? Enfin, à quelles conditions ?

Tout comme le ministre de l'Économie et des Finances Éric Lombard qui déclarait lors de son audition le 15 mai par la commission qu'il « y a sans doute des améliorations à faire pour plus de rationalisation et de transparence », nous pensons que ce travail doit être mené.

Pour ce faire, nous demandons la création d'une Haute Autorité de Contrôle des Aides publiques rattachée au Haut Conseil des finances publiques.

Cette AAI serait chargée de contrôler les subventions publiques et de réaliser des enquêtes régulières pour s'assurer que les entreprises respectent leurs engagements envers l'État et qu'elles utilisent les fonds publics de manière effective pour soutenir l'emploi et contribuer à la réindustrialisation du pays tout en respectant des critères socio-écologiques ambitieux. Cet organisme aurait aussi pour missions d'assurer la transparence des indicateurs d'évaluation, la diffusion des informations sur les raisons qui pourraient conduire l'État à exiger un remboursement de tout ou partie de l'aide reçue et l'organisation des évaluations périodiques dont les résultats devraient être rendus publics.

I. Garantir la traçabilité des aides publiques par la création d'un index des Aides Publiques aux Entreprises

Les nombreuses auditions l'ont démontré, la traçabilité des aides constitue indubitablement le noeud gordien du problème. Chaque année, plusieurs dizaines de milliards d'euros bénéficient aux entreprises sans que pour autant la puissance publique puisse indiquer avec exactitude les montants en jeu. L'Inspection générale des finances (IGF), placée sous la responsabilité du ministre, évoque de son côté une somme globale de 170 milliards d'euros. L'Insee a avancé pour sa part le chiffre de 70 milliards, quand les économistes évoquaient un haut de la fourchette allant jusqu'à 220 à 250 milliards, sommes qui incluent les aides qui transitent par les ménages, comme les aides à la rénovation énergétique.

Le problème originel réside dans le fait qu'il n'existe aucun document administratif qui unifie l'ensemble de ces aides aux entreprises, aucun cadre harmonisé unifié permettant de suivre leur évolution dans le temps. Il est donc cardinal de permettre une budgétisation exigeante pour définir l'ampleur de ces aides.

D'autant plus qu'en effectuant des recoupements sur la base de sources variées, il apparaît que les aides publiques aux entreprises peuvent représenter l'un des plus importants postes budgétaires des administrations publiques sans pour autant être explicitement présentées ainsi.

Il ressort également des travaux de la commission que les aides publiques aux entreprises n'ont cessé d'augmenter depuis le début des années 2000 : alors qu'elles oscillaient en moyenne autour de 30 milliards d'euros (courants) par an dans les années 1990, la montée en charge des aides publiques a été spectaculaire depuis 2001 pour atteindre un montant de plus de 100 milliards d'euros par an dès 2008 et « d'environ 150 milliards d'euros » cette année (selon le ministre Lombard) qui se décomposent de la manière suivante : 40 milliards d'euros de dépenses fiscales (crédits d'impôts, fiscalité réduite), 30 milliards d'euros de dépenses budgétaires (aide à l'embauche d'apprentis ou encore plan France 2030 par exemple), et surtout, les 80 milliards d'euros d'allègements généraux de cotisations sociales.

Lors de l'audition du Trésor il est apparu très difficile d'obtenir des informations statistiques sur l'ensemble des mesures d'aide aux entreprises et leur évolution dans le temps.

Pour pallier cette carence nous proposons la création d'un index, contraignant, annuel, joint en annexe du projet de loi de finances, qui répertorie toutes les aides perçues chaque année. Les entreprises auront l'obligation, sous peine de pénalités financières, de publier dans cet index les sommes qu'elles perçoivent et au titre de quelles aides.

II. Effectuer un contrôle de conditionnalité des aides distribuées

Les dispositifs de soutien aux entreprises ont été durant la commission régulièrement critiqués pour leur manque de conditionnalité et de ciblage précis. Les tenants d'une plus grande sélectivité ont dénoncé des « cadeaux » sans engagement en retour, notamment en ce qui concerne les fermetures et délocalisations d'entreprises après avoir perçu des aides. Le cas du CIR illustre également les limites des aides non conditionnées. Non seulement il n'y a pas de contrepartie, mais le droit du travail n'empêche pas les fermetures de sites de R&D visant à déplacer les salariés vers des sites « plus performants », tandis que le droit des affaires permet de fermer un établissement rentable mais insuffisamment au regard des objectifs d'une entreprise.

L'audition de Sanofi n'a que trop bien illustré ce cas de figure. En 2023, Sanofi a touché 108 millions d'euros de crédit d'impôt recherche en France, soit moins de 5 % de nos dépenses en R&D sur l'année, ainsi que 17,7 millions d'euros de crédit mécénat et crédit d'impôt famille. En exonération et allègement de cotisations, ce sont 7,4 millions d'euros, c'est-à-dire à peu près 0,4 % de la masse salariale du groupe en France, auxquels s'ajoutent les bonus apprentissage pour 12,2 millions d'euros pour environ 1 800 apprentis. Enfin, 5 millions d'euros d'aide de Bpifrance, de l'Ademe, des régions et des collectivités sont à comptabiliser.

Face à de tels chiffres la commission s'est interrogée sur l'utilité de ces plus d'un milliard d'euros pour le crédit d'impôt recherche sur une dizaine d'années, car dans le même temps les effectifs ont fondu de 3 500 suppressions en R&D.

Lors de son audition devant la commission, l'entreprise ArcelorMittal assurait avoir perçu 298 millions d'euros d'aides en 2023 dont 195 millions d'euros concernant l'énergie. L'entreprise a également reçu un accord de principe pour un montant de près de 850 millions d'euros d'aide de l'État français pour son projet initial de décarbonation de deux hauts fourneaux à 1,8 milliard d'euros.

Pourtant seulement un mois à peine après l'audition, ArcelorMittal annonçait la suppression de plus de 600 postes en France.

Pour ne pas verser dans cette vision, nous proposons l'instauration d'un cahier des charges complet, préalablement établi et critérisé ex ante, avec une évaluation tous les 3 ans pour apprécier l'utilité de ces aides afin qu'elles soient conditionnées à des objectifs socio-écologiques précis en matière d'emploi, d'innovation et de durabilité environnementale. Cette conditionnalité inclurait des engagements en matière de maintien de l'emploi, de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de développement de pratiques sociales et environnementales responsables ou d'engagement de programmes d'éco-innovation tant en termes d'emplois créés ou préservés qu'en termes de transition écologique.

Dans le même temps, nous appelons à privilégier la subvention plutôt que l'allègement ou le crédit d'impôt afin d'améliorer l'efficacité des aides. En effet, alors que les incitations fiscales consistent à faire prendre en charge une dépense privée par la dépense publique, avec des possibilités de sélectivité et de contrôle limitées, les subventions permettent un meilleur ciblage des projets et une gouvernance plus stricte, car elles peuvent être directement liées à des objectifs spécifiques définis par la puissance publique de fait la conditionnalité pourrait être plus facilement mise en oeuvre.

De plus nous appelons à l'introduction des clauses contractuelles engageant les entreprises bénéficiaires d'aides à maintenir les emplois sur une durée déterminée (minimum 3 ans) afin d'éviter que les aides publiques financent des pratiques allant à l'encontre de l'intérêt général, telles que des licenciements ou des délocalisations injustifiées.

Enfin, nous souhaitons accompagner l'octroi d'aides d'une exigence d'encadrement des rémunérations des dirigeants ou de la distribution de dividendes. Ces types de contreparties permettent de s'assurer que les fonds distribués sont utilisés de manière juste et prioritairement pour préserver l'entreprise et ses salariés.

III. Pouvoir de signalement sur les entreprises ne devant plus bénéficier des aides

L'autorité pourrait aussi interdire tout versement du Crédit d'impôt recherche, et des exonérations de cotisations patronales qui se sont substituées, depuis 2019, au Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), pour trois ans en cas de licenciement économique qualifié d'abusif.

De manière cumulative il pourrait être prévu le remboursement des aides publiques lorsque le licenciement pour motif économique est jugé sans cause réelle et sérieuse. L'entreprise aura l'obligation de rembourser la totalité des sommes correspondant aux exonérations de cotisations sociales dont elle a bénéficié au titre de l'ensemble des salariés initialement concernés par le licenciement ou la suppression d'emplois visés.

Par ailleurs, l'entreprise perdra le cas échéant le bénéfice ou l'opportunité de bénéficier du CIR et des exonérations de cotisations patronales qui se sont substituées, depuis 2019, au CICE.

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