CONTRIBUTION DU GROUPE RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

Le groupe RDSE tient tout d'abord à saluer le travail approfondi mené par la commission d'enquête. Au terme de ces cinq mois d'auditions, le rapport qu'elle remet montre la nécessité d'améliorer la politique d'aides aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, et propose un chemin pour y parvenir.

Les grandes entreprises évoluent dans une compétition internationale de plus en plus hostile, marquée notamment par une confrontation géopolitique et économique féroce entre la Chine et les États-Unis. Sur le plan commercial, la bataille qui oppose ces deux puissances a bousculé le fonctionnement d'une économie mondiale fondée sur une concurrence libre et non-faussée et organisée depuis 1995 par l'Organisation mondiale du commerce (OMC), une institution aujourd'hui durement affaiblie.

Après un recul de l'interventionnisme étatique observé durant les années 1990, les années 2000 ont connu un retour en force des politiques d'aides publiques aux entreprises partout dans les grandes économies. En effet, un temps critiquées dans les années 1980 et 1990 pour leur inefficacité économique, on assiste depuis plus d'une dizaine d'années à un retour en grâce des aides publiques comme modalité de soutien aux entreprises dans les principales économies mondiales.

Tout d'abord, les crises financières de 2008, sanitaire de 2020 et - en ce qui concerne l'Europe et la France - énergétique de 2022 ont créé des situations de difficultés inédites pour les entreprises, face auxquelles les États ont répondu par des régimes d'aides publiques massives et exceptionnelles.

En parallèle, et de façon plus structurelle, dans le contexte d'une Chine conquérante et d'un Occident qui cherche à ne pas perdre la bataille technologique, la normalisation des aides publiques comme outil d'intervention économique a créé une fuite en avant qui interroge sur la politique que doit adopter la France sur la question.

D'un côté, nos marges budgétaires fortement contraintes nous imposent de faire des choix plus ciblés. En effet, la maîtrise de nos finances publiques apparaît de plus en plus difficilement compatible avec une politique d'aides aux entreprises qui pèse 6,4 % du PIB aujourd'hui, contre 2,7 % du PIB il y a vingt ans.

De l'autre, en perte de vitesse ces dernières années par rapport aux autres grandes économies, la nôtre a besoin de capitaliser sur ses atouts et investir dans l'innovation pour reconquérir des parts de marché à l'échelle mondiale tout en continuant à attirer les entreprises étrangères sur son territoire.

Le constat est alarmant : le poids de la France dans les exportations mondiales a sensiblement reculé, passant de 5,2 % en 2003 à 2,6 % en 2024, et la compétitivité de l'économie française décroche depuis trois décennies par rapport à celle de l'économie américaine. Sans soutien fort à nos entreprises, en particulier aux grandes entreprises qui concentrent plus de 80 % du montant total de l'investissement et 55 % des exportations de biens, la France risque d'être encore déclassée au rang des puissances économiques, alors qu'une nouvelle révolution technologique alimentée par l'intelligence artificielle et la transition écologique est actuellement à l'oeuvre.

Si le canal des aides aux entreprises doit être un levier important de notre politique de soutien à l'offre, il est nécessaire qu'elles s'inscrivent dans une stratégie économique claire au service des politiques qu'elles servent (industrielles, aménagement du territoire, emploi, transitions numérique et écologique) et qu'elles fassent l'objet d'un processus d'évaluation socio-économique précis afin de limiter les effets économiques indésirables (effets d'aubaine, effet de décalage dans le temps, effet de substitution et de seuil).

A contrario, le maintien d'un statu quo rendrait hors d'atteinte la cible des 110 Md€ d'économies à réaliser d'ici 2029 pour passer sous le seuil de 3 % de déficit public.

Dans ce moment budgétaire, aussi délicat que décisif, la commission d'enquête propose de nombreuses pistes d'amélioration, auxquelles le groupe RDSE souscrit.

Avant toute chose, le paysage des aides publiques aux entreprises doit être rendu plus lisible, afin de mieux atteindre les secteurs ciblés tout en réduisant le coût pour les finances publiques. Avec plus de 2 000 régimes d'aides représentant 220 Md€ d'argent public attribué, les aides aux entreprises sont une forêt amazonienne luxuriante et désordonnée, loin de la symétrie et de la clarté d'un jardin à la française, qui est requise pour contrôler, évaluer et orienter le sens de l'intervention publique.

Comme le propose la commission d'enquête, le groupe RDSE estime que :

- la lisibilité des aides publiques par leur rationalisation doit être menée prioritairement ;

- les dispositifs de suivi des aides attribuées doivent être renforcés sous la direction du ministère de l'Économie ;

- la création d'une structure de contrôle externe, où seraient intégrés des parlementaires, appuierait cette oeuvre de simplification et d'évaluation.

Bien qu'il faille souligner qu'une démarche de rationalisation guidée uniquement par la recherche d'économies n'est pas souhaitable, il est utile de relever que la suppression des dispositifs les plus inefficaces et injustifiés d'un point de vue économique pourraient engendrer 3 Md€ d'économies sur les seuls régimes relevant du ministère de l'Économie (représentant environ 23 Md€ d'aides octroyées), soit un peu moins de 10 % des économies à réaliser en 2026.

Le groupe RDSE partage également les pistes avancées dans le rapport visant à augmenter les contrôles et les contreparties liées à l'attribution des aides publiques. Le groupe rappelle que ces dernières existent pour préserver l'emploi et favoriser la croissance économique, et non pour être utilisées comme une variable d'ajustement des résultats comptables des grandes entreprises. Pour inciter les entreprises à pleinement faire usage de ces aides au profit de l'économie nationale, les aides publiques aux entreprises doivent être inscrites dans un cadre juridique plus clair, reposant sur des règles d'utilisation et une méthodologie d'octroi homogénéisée, ainsi que sur une systématisation des outils de contrôle a priori et a posteriori au sein des administrations fiscales et sociales. Cette voie permettrait de réconcilier le besoin de soutenir nos entreprises dans la compétition mondiale, d'une part, et celui de définir une politique cohérente avec la réalité de nos finances publiques, d'autre part.

Enfin, le groupe RDSE sait que le leadership économique mondial de demain se trouve dans la domination des secteurs de la transition numérique et technologique ainsi que dans la formation d'une main d'oeuvre qualifiée capable de répondre aux attentes des entreprises dans ces domaines. Il partage donc l'exigence posée par la commission d'enquête d'orienter en priorité les aides aux entreprises vers ces secteurs, des crédits d'impôts aux aides à l'embauche et à l'apprentissage.

Si le groupe RDSE s'inscrit dans les orientations défendues par la commission d'enquête dans son rapport, il s'interroge à la marge sur quelques points.

Le remboursement des prêts garantis par l'État (PGE) sur une période allant jusqu'à 10 ans dans certains cas interroge. Ce dispositif doit se restreindre strictement aux situations les plus fragiles pour se prémunir des effets économiques indésirables.

Sur le plan de la temporalité de certaines actions à mettre en oeuvre, la date fixée au 2ème semestre 2025 apparaît prématurée pour être pleinement opérationnelle, et doit inciter à repousser vers une date ultérieure raisonnablement proche.

Sur le volet organisationnel, le rôle de premier plan des régions - et dans une moindre mesure des départements - implique de mieux associer ces échelons administratifs dans les procédures de contrôle des aides aux entreprises mentionnées précédemment.

Enfin, les régimes d'aides doivent être mieux synchronisés avec les cycles de consommation, ce qui implique de ménager une certaine flexibilité et réactivité pour s'adapter aux besoins de production des entreprises.

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