B. RENOUVELER L'ENGAGEMENT ET ATTEINDRE LES OBJECTIFS DE LA LOI DE 2005

Les personnes entendues et rencontrées au cours de cette mission n'ont pas remis en cause la loi du 11 février 2005 ou plaidé pour son adaptation, sauf à la marge.

La principale revendication pourrait se résumer ainsi : appliquer la loi.

1. Priorité : l'accessibilité

Lors de son audition, Jérémie Boroy a rappelé le cadre contraignant de la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies. Cette dernière prévoit l'audition des pays signataires par le Comité des droits des personnes handicapées de l'ONU, pour un examen périodique de la mise en oeuvre de la Convention. À la suite de la dernière audition de la France en 2021, le Comité des droits a constaté que « la France n'a pas de problèmes de moyens, mais continue à faire de la ségrégation », et a demandé à la France « de s'engager dans la voie de la désinstitutionnalisation et de garantir une réelle participation des personnes concernées à la vie en société et aux débats sur les questions qui les concernent ».

Pour Jéremie Boroy, ces observations sont la boussole des travaux du CNCPH et il souligne : « Notre priorité concerne la question de l'accessibilité des environnements, des établissements, des moyens de transport, des lieux de travail, des services numériques (sites Internet, audiovisuel public) [...]. Nous avons certes avancé, mais nous accusons toutefois encore un certain retard et ne sommes pas du tout au rendez-vous des échéances fixées, particulièrement dans les territoires ultramarins ».

La délégation fait sienne aussi cette boussole conformément à l'esprit de la loi du 11 février 2005.

a) Garantir la mobilité : développer une offre de transport en commun viable

Comme vu supra, la question de la mobilité est certainement le principal point noir de l'accessibilité outre-mer.

La faiblesse ou l'absence de transports en commun performants dans les outre-mer dépasse très largement le cadre du présent rapport et illustre que la politique du handicap est au carrefour de nombreuses autres politiques.

À défaut ou dans l'attente de nouvelles solutions de mobilité, certains territoires ont mis en place des solutions palliatives ciblées sur les personnes en situation de handicap ou dépendantes.

L'exemple le plus caractéristique est le Pass Transport mis en place par le département de La Réunion, dans le prolongement du Pass Loisirs.

Sabrina Tionohoué, élue déléguée du Conseil départemental de La Réunion aux politiques inclusives des personnes en situation de handicap et à la vie éducative, a indiqué que les initiatives Pass Loisirs et Pass Transport permettaient à près de 20 000 bénéficiaires d'accéder à une offre de loisirs et de transport en milieu ordinaire. Ces Pass permettent aussi de faire émerger une offre de loisirs adaptée aux personnes en situation de handicap et de créer ainsi un marché qui tend à se rentabiliser.

Aurélie Nativel, directrice de l'autonomie au pôle des solidarités du Département de La Réunion, a précisé que le Pass Loisirs, mis en place en 2007, permet aux bénéficiaires d'accéder à une offre variée, incluant des activités de bien-être et de tourisme du quotidien. Ce programme dénombre 463 organismes actuellement affiliés avec un taux de consommation qui avoisine 80 %.

Depuis 2010, le Pass Transport repose exclusivement sur un service de taxi à la demande, venant compléter l'offre de transport en commun classique. Son taux de consommation demeure inférieur, atteignant 60 %, ce qui souligne un potentiel d'amélioration, notamment en matière d'accessibilité des véhicules adaptés. Par ailleurs, les critères d'éligibilité du Pass Transport26(*) n'incluent pas les ressources financières des demandeurs, garantissant ainsi un accès plus vaste que le Pass Loisirs, basé sur l'allocation adultes handicapés (AAH).

Pour le département, l'engagement budgétaire pour ces deux dispositifs est d'environ 6 millions d'euros par an.

En Guadeloupe, la convention du 10 avril 2025 entre le Département, l'ARS et l'État a inscrit l'engagement du Département à initier, en partenariat avec la Région, un dispositif de transport à la demande pour les personnes âgées ou en situation de handicap. La convention prévoit un budget d'un million d'euros par an.

Compte tenu de l'ampleur du chantier de la mobilité, la mission ne peut que recommander le déploiement, dans chaque territoire, d'un service public de transport à la demande au profit des personnes en situation de handicap. Cette compensation doit permettre de pallier l'absence d'accessibilité des transports en commun dans l'attente de leur réalisation.

Recommandation n° 6 : Créer sur tous les territoires un service public du transport à la demande pour les personnes en situation de handicap.

b) Offrir des logements adaptés et prendre en compte certaines réalités de l'habitat ultramarin

De la même manière que pour les transports en commun, la politique du logement connaît une grave crise outre-mer avec une pénurie de construction de logements depuis plusieurs années. Une offre insuffisante provoque notamment une hausse des prix et des loyers, tandis que près de 80 % de la population est éligible à un logement social.

Cette situation excède là aussi le cadre du présent rapport et la problématique du logement des personnes handicapées, et de l'adaptation des logements, ne peut être évoquée indépendamment.

En ordre dispersé, les territoires mettent en oeuvre des dispositifs complémentaires.

À La Réunion par exemple, l'accès à un logement adapté demeure un enjeu fondamental. Sur 40 000 demandes en attente, de nombreuses personnes en situation de handicap se retrouvent contraintes d'accepter des logements inadaptés. Le Département intensifie son action via l'aide à l'amélioration de l'habitat, avec pour ambition de porter de 3 000 à plus de 4 000 le nombre d'adaptations réalisées chaque année. Ces aides à l'amélioration de l'habitat viennent en complément des aides de l'État (MaPrimeAdapt notamment) pour les personnes handicapées qui ne peuvent financer l'apport personnel demandé.

Ces dispositifs locaux s'efforcent aussi d'apporter des solutions aux personnes en situation de handicap qui habitent des logements atypiques, voire informels. Cette réalité du logement outre-mer ne peut être méconnue au risque de passer à côté des besoins d'une part importante des demandeurs handicapés.

Ainsi, Aminata O'Reilly, directrice de la MDPH Guyane, rappelle qu'en Guyane, une part importante de la population réside dans des habitats informels ou atypiques : squats, carbets, maisons sur pilotis, toitures spécifiques... Or, lorsqu'il s'agit d'adapter ces logements pour une personne en perte d'autonomie, la réglementation encadrant la PCH ne permet pas toujours de proposer des solutions pertinentes ou réalisables. Pour elle, ce décalage appelle un regard adapté à la réalité locale : « la règlementation sur la PCH devrait prendre en compte les réalités guyanaises, notamment pour les aménagements de logement. En effet, de nombreuses personnes vivant dans les communes éloignées sont dans des habitats très différents des logements occidentaux et par leur structure ne sont pas éligible à un aménagement de logement alors que le besoin existe ».

En Guadeloupe, les responsables du Département rencontrés partagent ces questionnements. Katia Vespasien, directrice de l'autonomie au Département de la Guadeloupe, a expliqué que, dans le cadre de la convention signée avec l'État le 10 avril 2025, un nouveau dispositif était en cours de montage pour intervenir sur environ 530 logements par an. Ce dispositif ad hoc, en complément de la PCH et de MaPrimAdapt serait à la main du Département. En association avec les communes des zones traitées, ce dispositif permettrait d'intervenir sur des logements diffus, voire dans une certaine forme d'informalité.

Ces dispositifs ad hoc sont compréhensibles pour répondre à la réalité des territoires. Toutefois, ils doivent être maniés avec une extrême prudence, afin de ne pas laisser croire à une forme de légalisation ou acceptation du logement informel. À Mayotte ou en Guyane, la priorité doit rester à la résorption de cet habitat et il importe de faire la part entre des logements traditionnels anciens et les bidonvilles.

En parallèle, dans le cadre du Plan logement outre-mer (PLOM 3), avec les bailleurs sociaux et les associations, une quantification des besoins d'adaptation du parc de logement social est en cours. Toutefois, pour Katia Vespasien, le suivi du PLOM 3 pêche.

Ce dernier constat ramène à celui de la difficulté plus globale à construire des logements dans les outre-mer, malgré des crédits de la ligne budgétaire unique (LBU) - préservés ces dernières années.

Dans la lignée des travaux antérieurs de la délégation et de la proposition de loi n° 172 (2024-2025) portant diverses dispositions d'adaptation du droit des outre-mer, une solution rappelée par notre collègue Viviane Malet pourrait être d'affecter un quota de logements adaptés via la LBU et d'instaurer une gestion partiellement décentralisée en partenariat avec le Département, afin d'assurer une meilleure coordination.

En effet, la LBU finance plusieurs dispositifs qui peuvent contribuer totalement ou partiellement à l'adaptation de l'habitat pour les personnes en situation de handicap : MaPrimAdapt, subvention de l'État pour l'aménagement des logements locatifs sociaux (SALLS), prêt à l'amélioration (PAM). Une gestion par le Département permettrait de renforcer la synergie des politiques logement et handicap.

Recommandation n° 7 : Prioriser dans les actions de relogement les familles touchées par le handicap, afin notamment de les sortir des habitats informels et étudier la faisabilité d'une gestion décentralisée de la LBU par les départements pour accélérer l'adaptation du parc de logements.

c) Faire respecter les obligations d'emploi

Si le non-respect des obligations d'emploi est commun à tous les outre-mer, aucun souhait d'aggravation des sanctions ou des obligations n'a été exprimée.

Deux réponses sont possibles pour améliorer la situation de l'emploi des personnes en situation de handicap.

La première est la simple application de la loi nationale et dans les collectivités du Pacifique des réglementations locales qui instaurent aussi des obligations minimales d'emploi pour les entreprises d'une certaine taille.

La seconde est un travail de sensibilisation et de conviction auprès des entreprises ultramarines, dans un contexte à la fois de fragilité économique et de chômage élevé. Par ailleurs, le tissu économique des outre-mer est fait de beaucoup de petites entreprises de moins de 20 salariés, non soumises à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH). Les entreprises adaptées sont rares également. L'OETH repose donc sur un faible nombre d'entreprises.

Plusieurs interlocuteurs ont aussi évoqué une sous-déclaration du handicap en milieu professionnel. De nombreux travailleurs, bien que bénéficiaires d'une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, ne la signalent pas à leur employeur. Nathalie Ambroise, directrice de la MDPH de Guadeloupe, observe à cet égard qu'à la suite de la réforme des retraites adoptée en 2023, et la reconnaissance de conditions assouplies de retraite anticipée pour les travailleurs handicapés, la MDPH « croûle sous les demandes de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) ».

Par ailleurs, le travail en secteur protégé (établissement et service d'accompagnement par le travail (ESAT), entreprises adaptées...) est insuffisamment développé.

En Guyane par exemple, cinq entreprises adaptées emploient moins de 50 salariés handicapés. Gildas Le Guern, directeur général de l'APAJH Guyane, indique avoir été informé par l'État d'un gel de l'enveloppe d'aides aux postes pour 2025. Cette mesure compromet toute possibilité de création d'emplois en entreprise adaptée pour l'année à venir. Par ailleurs, la Guyane présente le plus faible taux de places en ESAT de tout le territoire national. En 2022, le nombre de places manquantes était évalué à 320.

Les insuffisances du secteur protégé rendent plus délicats une rigueur excessive à l'encontre des entreprises soumises à l'obligation d'emploi.

Par ailleurs, on rappellera qu'à Mayotte, l'obligation d'emploi n'est en vigueur que depuis 2022 et que des progrès ont été réalisés dans les trois fonctions publiques - le taux moyen d'emploi a plus que doublé en trois ans, passant de 1,07 % en 2022 à 2,3 % en 2024.

Yves Servant, directeur général de l'ARS Martinique, défend aussi une approche privilégiant la sensibilisation. L'ARS a par exemple créé le « trophée de l'entreprise aidante », destiné à valoriser les démarches exemplaires d'inclusion professionnelle. L'objectif est d'encourager les employeurs à considérer l'intégration de salariés en situation de handicap non comme une contrainte légale, mais comme une opportunité constructive pour l'entreprise.

En Polynésie française, Henriette Kamia, présidente de la Fédération Te Niu O Te Huma, défend aussi cette approche pour « construire un dialogue ».

À Saint-Pierre-et-Miquelon, les employeurs ont rarement conscience de leurs obligations. Le plan territorial d'insertion des travailleurs handicapés, qui est de la compétence de l'État, n'a été adopté que depuis trois ans.

Une autre piste d'évolution aurait pu consister à abaisser le seuil de 20 salariés à partir duquel l'obligation d'emploi est applicable, pour tenir compte du tissu économique local. Mais il ne paraît pas pertinent d'accroître les obligations sur les entreprises, lorsque celles déjà en vigueur ne sont pas pleinement mises en oeuvre.

d) Renforcer l'accès aux médias et à l'offre culturelle

L'accès à la culture et aux médias est un autre volet essentiel du combat pour l'accessibilité. Il participe aussi à la vie citoyenne.

En matière de télévision, la loi du 11 février 2005 a imposé des obligations minimales d'accessibilité des programmes audiovisuels. L'article 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication oblige les chaînes à proposer une proportion de programmes accessibles aux personnes sourdes, malentendantes, aveugles ou malvoyantes.

Toutefois, comme l'a expliqué Jérémie Boroy, président du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), ces obligations ne s'appliquent pas ou très marginalement aux télévisions à vocation locale. Cette exception prévue par la loi du 11 février 2005 s'expliquerait par le coût à l'époque des technologies de sous-titrage ou d'audiodescription et la crainte de fragiliser l'équilibre économique souvent fragile des télévisions locales.

Jérémy Boroy plaide pour une modification de la loi du 11 février 2005 pour étendre ces obligations aux télévisions locales, les progrès techniques ayant considérablement abaissé le coût de ces technologies.

Dans le contexte des outre-mer, l'enjeu est majeur compte tenu de l'importance particulière des télévisions locales, publiques mais aussi privées.

Recommandation n° 8 : Modifier la loi du 11 février 2005 pour étendre aux télévisions locales l'obligation d'accessibilité des programmes.

2. Un plan de rattrapage de l'offre médico-sociale
a) Un premier effort : le CIOM de juillet 2023 et le plan 50 000 solutions

Le Comité interministériel des outre-mer (CIOM) en juillet 2023 avait annoncé l'affectation d'une enveloppe de 150 millions d'euros de financements nouveaux pour renforcer l'offre médico-sociale en faveur des personnes en situation de handicap outre-mer.

L'engagement du CIOM a été porté par deux vecteurs complémentaires :

- les crédits du plan de développement accéléré de l'offre (financement des autorisations d'activité et du fonctionnement des établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS), issus du plan des 50 000 solutions annoncés lors de la Conférence national du handicap (CNH) en avril 2023, et qui a permis de dégager une enveloppe de 115 millions d'euros pour les outre-mer sur un total de 1,5 milliards mobilisables entre 2024 et 2030 ;

- les crédits d'aide à l'investissement, portés par le fonds d'appui à la transformation de l'offre pour la période 2024-2030. Selon la CNSA, 50 millions d'euros bénéficieraient aux outre-mer sur cette période de 6 ans.

Au titre du plan de développement accéléré de l'offre, les crédits ont été ainsi répartis.

Répartition des crédits à l'issue de la CNH 2023

Source : Circulaire n° DGCS/3B/DSS/1A/CNSA/DFO/2023/176 du 7 décembre 2023 relative à la mise en oeuvre du plan de création de 50 000 nouvelles solutions et de transformation de l'offre médico-sociale à destination des personnes en situation de handicap 2024-2030, issu de la Conférence nationale du handicap 2023

Ce tableau montre que les outre-mer bénéficient d'un surfinancement de rattrapage au titre des crédits du CNH par rapport à leur enveloppe actuelle, la dotation régionale limitative (DRL dans la dernière colonne du tableau). Pour Mayotte, ce financement complémentaire sur 7 ans représente 77 % de sa dotation actuelle et pour les DROM en moyenne 22,90 %, soit nettement plus que les autres régions hexagonales.

Sur l'enveloppe totale dégagée à l'issue du CNH, les DROM reçoivent 7,6 %.

Dans l'affectation de ces crédits, la CNSA laisse aux ARS ultramarines davantage de souplesse pour le choix des priorités à financer en fonction des particularités territoriales.

Au titre du fonds d'appui à la transformation de l'offre, une première enveloppe de 250 millions d'euros a été dégagée pour la période 2024-2027 pour l'ensemble du territoire. Sur ces 250 millions, une sous enveloppe de 13,5 millions est destinée à renforcer l'ingénierie et le pilotage. 147 millions sont dédiés directement à l'investissement immobilier.

Enveloppe « ingénierie territoriale », volet prestations intellectuelles et d'accompagnement (13,5 M€) : autorisations d'engagement (AE) prévisionnelles

807 000 euros sont alloués aux DROM, soit 6 % de l'enveloppe totale.

Enveloppe « plan d'aide à l'investissement immobilier » (147,5 M€) : autorisations d'engagement (AE) prévisionnelles

8,82 millions d'euros sont alloués aux DROM, soit là encore 6 % de l'enveloppe totale.

Cet effort financier particulier s'inscrit dans la logique de rattrapage et de réduction du déficit de l'offre de prise en charge des personnes handicapées observées par la CNSA. Pour la Guyane, c'est ainsi 1 500 solutions nouvelles sur 50 000 au niveau national qui seront créées.

À Saint-Barthélemy et Saint-Martin, où presque rien n'existait il y a encore deux ans, les premières briques d'un vrai parcours médico-social commencent à se mettre en place. Toutes ne sont pas encore « sorties de terre », au sens propre et figuré, mais la dynamique est enclenchée.

Ce constat et cette volonté de rattrapage ont été actés par la CNSA et l'État depuis 2020. En effet, le 11 février 2020, l'État, l'Assemblée des Départements de France, les associations représentant les personnes handicapées et les associations gestionnaires d'établissements et services médico-sociaux ont conclu un « Accord de confiance », permettant notamment à la CNSA des déclinaisons opérationnelles pour les outre-mer, à travers l'appui à la qualité de service des MDPH dans le cadre de la Feuille de route 2022. Le CNH d'avril 2023 a amplifié cette logique de rattrapage avec des engagements financiers réels.

b) Vers un second effort ?

Le CIOM et le CNH 2023 sont un premier pas bienvenu. Toutefois, ce ne peut être qu'une étape dans un plan de rattrapage à long terme.

En premier lieu, on constatera que l'estimation exacte du déficit de l'offre de solutions médico-sociales dans les outre-mer reste à faire.

Interrogé sur l'estimation du nombre de places manquantes pour chaque territoire (France entière) en fonction des publics, la CNSA indique qu'un état des lieux des décisions d'orientation et capacité d'accueil des ESMS est actuellement travaillé. Cette étude a vocation à donner une première estimation de l'adéquation de l'offre aux besoins. Toutefois, à date, les départements d'outre-mer n'ont pas pu être pris en compte en raison des incertitudes sur la qualité des données disponibles pour ces territoires. L'intégration des DOM reste envisagée pour une version ultérieure, sous réserve de pouvoir consolider les données disponibles.

Le rattrapage se fait donc « au doigt mouillé ».

Autre exemple : la CNSA a travaillé dès 2021 pour expertiser les besoins de créations de places d'ESAT dans les territoires ultramarins et notamment la Guyane et La Réunion, particulièrement déficitaires, ainsi que Mayotte. En Guadeloupe, le chiffre de 578 places en ESAT pour 1 600 notifications a été avancé. Pourtant, ce n'est que cette année que le moratoire national sur la création de places en ESAT a été levée pour tenir compte précisément du déficit dans les outre-mer. Quatre ans pour ajuster un moratoire national en décalage complet avec les réalités ultramarines.

En deuxième lieu, il faudra veiller à la consommation effective de ces crédits supplémentaires et à leur maintien dans la seconde phase 2027-2030, compte tenu du contexte budgétaire très tendu de l'État et de la sécurité sociale.

En dernier lieu, ces hausses de crédits renforcés pour les outre-mer, en proportion du poids de leur population (3,3 %) dans la population nationale, restent insuffisantes au regard des besoins et du point bas d'où les territoires les plus en retard partent. Une augmentation plus forte des crédits ne garantirait pas nécessairement un rattrapage accéléré, la capacité à consommer des crédits soudainement majorés butant sur la disponibilité des ressources humaines et l'ingénierie. En revanche, une montée en puissance planifiée est indispensable pour se projeter à 10 ans minimum.

Recommandation n° 9 : Compléter le plan 50 000 solutions par un plan handicap outre-mer de rattrapage à 10 ans, en particulier pour la Guyane, Mayotte, Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

3. Mieux planifier pour éviter les ruptures de parcours

Au cours des auditions, et tout particulièrement au cours du déplacement en Guadeloupe, à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, la mission a perçu le défaut de planification des politiques de handicap. Ce défaut concerne aussi bien l'ouverture des places en ESMS que la formation des personnels divers amenés à intervenir (enseignants, médico-sociaux, administratifs...).

La principale conséquence est l'absence de prise en charge et des ruptures de parcours dévastatrices.

En Guyane par exemple, le sous-équipement du territoire en offre - médico-sociale - en direction des jeunes adultes est bien documenté : un taux de 0,7 place en maisons d'accueil spécialisées (MAS) pour 1 000 habitants, contre 1,7 dans l'Hexagone, et en ESAT, le ratio est de 1,2 pour 1 000, contre 3,6 dans l'Hexagone. En revanche, dans le secteur de l'enfance, des avancées notables ont été réalisées ces dernières années. La conséquence est que les « enfants » accompagnés jusqu'à 25 ans dans le cadre de l'amendement Creton se retrouvent sans solution à leur sortie. Certaines structures les maintiennent jusqu'à 28 ans faute d'alternative. Pour Blaise Joseph-François, directeur général de l'Adapei Guyane, « cette absence de continuité constitue une source de détresse pour les familles, qui peinent à comprendre cette rupture brutale ».

Autre exemple : le soutien aux aidants. Dans les outre-mer, et notamment en Guadeloupe, la solidarité familiale et l'accueil familial sont très développés. Les politiques conduites par le Département consolident cette singularité qui s'inscrit pleinement dans la logique d'une désinstitutionnalisation de la prise en charge du handicap. L'accueil familial représente ainsi un tiers des modes d'accueil des personnes âgées dépendantes en Guadeloupe et la volonté est de suivre le même chemin pour les personnes handicapées, y compris pour les jeunes autistes. De même les services à domicile sont très développés. Pourtant, le soutien aux aidants et l'aide au répit, qui devraient être le pendant naturel de cette politique, sont les parents pauvres. Pour prendre l'exemple de la Guadeloupe, aucun établissement n'existait jusqu'à une date récente et le premier établissement doit être créé prochainement dans le cadre des 50 000 solutions.

Le manque de planification dans les outre-mer est accentué par la faiblesse des données disponibles qui rendent aléatoires les exercices d'évaluation des besoins.

Des progrès sont néanmoins réels. Outre le plan 50 000 solutions, il faut saluer la démarche conduite par le ministère de conclure avec chaque département d'outre-mer des conventions tripartites ou quadripartites posant sur la table les engagements réciproques des parties et une feuille de route.

Ce travail fin articule les actions des agences régionales de santé et des collectivités territoriales départementales, dans le cadre du conventionnement tripartite - parfois quadripartite - entre les acteurs formant la branche autonomie (CNSA, ARS, Département, parfois MDPH), enrichies de démarches complémentaires avec l'éducation nationale, le service public de l'emploi ou encore les préfectures. Ce travail a permis de faire émerger des protocoles d'accord portés par la ministre en charge de l'autonomie et du handicap - c'est le cas de La Réunion, Mayotte, la Martinique et la Guadeloupe, et prochainement de la Guyane.

En Guadeloupe par exemple, l'État apporte 13 millions d'euros en fonctionnement et 1,6 million en investissement en Guadeloupe (50 000 solutions), et le Département cofinance à hauteur de près de 5 millions en fonctionnement et 16 millions en investissement. La convention d'une vingtaine de pages comprend des annexes financières détaillant les projets et les engagements financiers. Des objectifs chiffrés sont aussi posés.

Si ces conventions ne peuvent faire office de documents de planification, faute d'une évaluation précise et prospective des besoins, elles sont une avancée significative pour projeter l'action à quelques années, en coordonnant les acteurs. Elles comportent un volet de gouvernance conjointe avec une comitologie ad hoc.

Ce travail de planification doit être poursuivi et approfondi, sur la base de données enrichies et plus fiables. Tout l'enjeu est de construire des parcours sans rupture en proposant des solutions finançables par les engagements respectifs des collectivités et des ARS.

La prochaine convention tripartite, qui doit être signée avec la Guyane, s'appuiera à cet égard sur un travail approfondi d'évaluation des besoins. En effet, dès 2023, la Collectivité territoriale de Guyane et l'ARS ont estimé conjointement le nombre de places à créer pour les adultes et les enfants en situation de handicap, à l'appui d'une étude réalisée en 2022 sur l'offre et besoins dans le champ du handicap.

Recommandation n° 10 : Planifier la politique du handicap territoire par territoire, sur la base de données fiabilisées et mises à jour, pour bâtir des parcours cohérents.

4. Garantir l'inclusion en milieu scolaire

De manière générale, les personnes auditionnées ont salué les progrès accomplis pour tendre vers l'école pour tous.

En Guadeloupe et à Saint-Martin, la mission est allée à la rencontre des personnels enseignants et médico-sociaux pour mesurer le chemin parcouru, en dépit des insuffisances encore constatées.

Comme dans l'Hexagone, la spirale inflationniste poussant au recrutement croissant d'agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) et d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) pour répondre aux notifications elles aussi croissantes a été constatée et critiquée.

Pour reprendre les mots de Jérémie Boroy, « les AESH n'ont pas vocation à être la solution de la scolarité des enfants handicapés : nous devons garder l'accessibilité de l'école, la formation des enseignants et leur accompagnement et les aménagements nécessaires dans l'école pour que les enfants en situation de handicap bénéficient de l'environnement qui leur convient, en fonction de leurs contraintes ».

Christine Gangloff-Ziegler, rectrice de l'académie de la Guadeloupe, a aussi pointé une vision faussée de l'AESH individualisé, qui n'est pas un précepteur ou un soutien scolaire comme le pensent beaucoup de parents.

L'académie de la Guadeloupe, comme les autres, a fait des efforts considérables de recrutement. En Guadeloupe, 1 200 AESH pour 83 000 élèves ont été recrutés.

D'autres solutions doivent être priorisées pour répondre à la hausse des notifications.

La première reste l'accessibilité des établissements et l'acquisition de matériels adaptés. En Guadeloupe par exemple, des stocks de matériels ont été constitués pour pallier aux délais de transport importants outre-mer. Naturellement, la formation pour bien utiliser ces matériels doit aller de pair.

La deuxième est la création rapide outre-mer, comme dans l'Hexagone des Pôles d'appui à la scolarisation (PAS) pour apporter une réponse de premier niveau, en l'absence de notification de la MDPH.

Les PAS s'adressent aux élèves présentant des besoins éducatifs particuliers, plus particulièrement les élèves dont la situation est susceptible de présenter ou d'évoluer vers une situation de handicap.

Les PAS font l'objet d'une préfiguration depuis la rentrée de septembre 2024 dans 4 départements (Aisne, Côte-d'Or, Eure-et-Loir et Var) dans le cadre d'un cahier des charges publié par circulaire interministérielle en juin 2024.

Outre-mer, le déploiement sera effectif dès 2025. Sur les 115 millions d'euros pour les outre-mer dans le cadre du plan 50 000 solutions, 25 doivent financer les PAS.

Pour la rentrée scolaire 2025, le déploiement sera le suivant : 4 en Guadeloupe, 14 en Martinique, 11 en Guyane, 28 à La Réunion et 2 à Mayotte. Cela représente 59 PAS sur un total de 400 nouveaux PAS pour la France entière (pour 3 000 à terme). Les outre-mer font l'objet d'un effort significatif en concentrant 15 % des dispositifs de la rentrée prochaine.

La troisième est la création de services médico-sociaux au sein des écoles, lorsque l'inclusion en classe ordinaire n'est pas possible sans porter préjudice à l'enseignement pour toute la classe. Le Comité interministériel du 6 mars 2025 a annoncé la création de services médico-sociaux établis au sein des écoles permettant une présence physique des professionnels médico-sociaux au sein des établissements scolaires et un véritable travail en commun de la communauté éducative et du médico-social. À la rentrée 2025, un projet pilote sera déployé par région, pour un objectif de 100 d'ici à 2027. L'objectif de cette mesure est de permettre à un plus grand nombre d'élèves en situation de handicap d'être scolarisés en milieu ordinaire. Les unités d'enseignement maternelle autisme (UEMA), comme celle visitée de l'école Raymonde Bambuck à Pointe-à-Pitre, ou les classes Ulis démontrent tout le bien fondé de cette approche inclusive mais adaptée.

À La Réunion, des établissements spécialisés manquent encore. Un projet d'IME est à l'étude pour éviter des scolarisations inadaptées en milieu ordinaire faute de places.

L'animation de structures au sein des établissements implique une parfaite coordination des équipes pédagogiques, médico-sociales mais aussi des collectivités responsables (communes, département ou région). Les élèves handicapés, en particulier les enfants autistes, ont besoin de stabilité et de calme. À l'UEMA Raymonde Bambuck, le manque de coordination avec les services communaux a ainsi été relevé. Des travaux bruyants ont pu être programmés sans en avertir l'équipe de l'UEMA. Par ailleurs, un projet de déménagement de l'UEMA dans un autre établissement scolaire serait dans les projets de la commune. Mais début juin, à trois mois de la rentrée scolaire, aucun autre détail n'était connu, laissant les équipes et les parents dans l'incertitude. Les collectivités responsables des locaux doivent prêter une attention renforcée à ces structures qui ne peuvent être gérés comme les classes ordinaires.

De manière plus générale, la coordination entre ARS, Rectorat et collectivités doit être réglée plus finement pour éviter les erreurs d'orientation et de prise en charge des enfants, comme le souligne Rostane Mehdi, recteur de La Réunion.

Une quatrième solution prioritaire est la formation. Les enseignants et les ATSEM doivent être formés à l'accompagnement en premier niveau des élèves à besoin ou en situation de handicap. Ce travail de formation ne peut être réservé aux seuls enseignants spécialisés. L'absence de socle commun de connaissance crée des disparités dans les connaissances et la préparation à l'accueil et à la prise en charge des enfants, ce qui peut entraîner des incohérences dans les pratiques.

Azeddine Frahetia-Kebabi, inspecteur de l'Éducation nationale (IEN) - ASH de l'académie de la Guadeloupe, plaide pour des formations croisées entre les personnels médico-sociaux et enseignants. Plusieurs expériences ont montré la redoutable efficacité de ces formations émulatrices. Ces formations croisées devraient être déployées à grande échelle. Elles développeraient en même temps la capacité à apporter des réponses pédagogiques aux élèves à besoin particulier, indépendamment de toute situation de handicap.

Recommandation n° 11 : Renforcer l'inclusion scolaire en généralisant les formations croisées enseignants-personnels médico-sociaux-AESH-ATSEM.

Comme vu supra, la poursuite des études supérieures, en particulier vers l'Hexagone, se heurte à deux obstacles principaux : le manque d'interlocuteurs référents dans les MDPH et, pour les étudiants provenant de l'une des trois collectivités du Pacifique, la non reconnaissance automatique du handicap des demandeurs.

Une première réponse serait de confier à LADOM une mission d'accompagnement des étudiants ultramarins en situation de handicap.

Lors de l'audition de LADOM en 2023 à l'occasion des travaux de la délégation sur la continuité territoriale27(*), Maël Disa, son président, avait indiqué que l'agence n'assurait pas « d'accompagnement des ultramarins lorsqu'ils arrivent sur le territoire hexagonal. Les CROUS ont du mal à en proposer un. Le fait que nos équipes comptent autant d'implantations et que nous soyons forts d'une expérience de l'accompagnement sur la formation professionnelle nous incite, et c'est mon souhait, à accompagner les étudiants dans leur implantation sur le territoire hexagonal, dans leurs démarches CAF, leurs démarches de recherche de logement, de lien avec le CROUS. Il s'agirait de jouer un rôle de facilitateur sur le territoire hexagonal ».

La délégation avait approuvé cette nouvelle orientation pour LADOM, afin que l'agence ne soit plus une sorte d'« agence de voyage » qui gère les billets d'avion pour les ultramarins, mais aussi un facilitateur et un accompagnateur dans le projet d'installation. Le fait que LADOM dispose d'antennes dans tous les territoires (dans les outre-mer, mais aussi dans les régions françaises) la prédisposait à décliner cette nouvelle mission.

Toutefois, deux années après, cette réorientation annoncée n'a pas été confirmée. Les textes devant la mettre en oeuvre sont restés lettre morte.

À défaut de relancer cette réforme en l'état, LADOM pourrait se voir confier une mission plus circonscrite d'accompagnement des seuls étudiants ultramarins handicapés dans leurs projets de mobilité. Cette mission ciblée sur un public réduit ayant des besoins forts d'accompagnement permettrait de tester sa capacité à monter en puissance.

LADOM est déjà l'interlocuteur de ces étudiants lors de la réservation des billets d'avion. Elle est connue et identifiée. Son implantation territoriale faciliterait aussi l'établissement d'un réseau de référents dans les principales administrations (CAF, MDPH...). LADOM interviendrait en partenariat avec les CROUS.

Une autre préconisation serait d'étendre la prise en charge d'un billet d'avion à un accompagnant, au moins les premières années.

Enfin, pour réduire les délais administratifs pour les étudiants du Pacifique, il pourrait être acté le principe d'une reconnaissance a priori ou provisoire du statut de personne handicapée, dans l'attente de l'instruction complète du dossier par la MDPH hexagonale. Cette reconnaissance provisoire assurerait la continuité des droits (accès à un logement étudiant, bénéfice des prestations, bourses...).

Recommandation n° 12 : Confier à LADOM l'accompagnement des étudiants ultramarins handicapés dans leurs projets de poursuite d'études dans l'Hexagone et instaurer une reconnaissance a priori des statuts de personne handicapée des étudiants ultramarins en provenance des collectivités du Pacifique.

5. Développer la pratique du handisport

Pour Gaël Rivière, président de la Fédération française handisport (FFH), les problématiques liées au développement du handisport et du parasport sur l'ensemble du territoire français sont similaires, mais prennent une dimension particulière dans les territoires ultramarins.

Les enjeux d'accessibilité, de mobilité ou de formations sont exacerbés dans les outre-mer de manière générale. La pratique du handisport ou du sport adapté n'y échappe pas. La visite du club Dugazon en Guadeloupe par la délégation a illustré parfaitement les carences de l'aménagement urbain. Accéder au club est un parcours du combattant.

L'accessibilité concerne aussi les horaires d'ouverture des installations sportives. Trop souvent elles sont fermées le week-end ou en fin de journée, précisément au moment où les sportifs, handicapés ou non, ont du temps pour pratiquer. Ce problème a été plusieurs fois relevé en Guadeloupe.

Cédrick Plaideur, membre élu au comité directeur de la Fédération française du sport adapté (FFSA), et Gaël Rivière se rejoignent sur la nécessité de mettre en place des moyens dédiés : la présence d'au moins un ou deux personnels qualifiés, travaillant à plein temps au développement de la pratique sportive sur un territoire est la clé pour impulser une dynamique et fédérer les initiatives.

À l'appui de cette préconisation, Cédrick Plaideur rappelle que depuis 2021, les emplois sportifs qualifiés ne bénéficient plus de l'aide allouée par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), ce qui représente une perte de 8 000 euros par an et par poste. Cette situation a fragilisé les comités départementaux et les ligues, impactant directement l'organisation et le développement du sport adapté.

Le cas de La Réunion illustre cette situation. La ligue réunionnaise a bénéficié d'un emploi sportif qualifié pendant 15 ans, ce qui a permis de stimuler le développement du sport adapté sur l'île. Cependant, la crise sanitaire a entraîné un renouvellement de l'organisation, un turn-over et une baisse de l'activité, suite au départ de cet agent. À l'instar des autres régions, La Réunion bénéficie depuis peu d'un conseiller technique sportif fédéral (CTSF), chargé d'animer et de renforcer le mouvement parasportif sur le territoire. Une nouvelle dynamique est relancée.

Pour Gaël Rivière, cette corrélation est évidente : « les territoires ayant mis en place une structure solide, notamment avec des emplois dédiés à l'accompagnement concret des pratiques parasportives, enregistrent le plus grand nombre de pratiquants. À l'inverse, des territoires comme Mayotte ou la Guyane, dépourvus d'emplois spécifiques dans ce domaine, affichent des niveaux de pratique très faibles, voire quasi nuls ».

Sur des territoires ultramarins, où la participation aux compétitions nationales est difficile, l'émulation parfois limitée et les compétences encore trop rares, disposer d'une force d'animation locale est encore plus décisif.

La présence d'un référent du Comité paralympique sportif français sur chaque territoire ultramarin serait également très positive pour animer le mouvement paralympique. Mais seule La Réunion dispose actuellement d'un référent désigné.

Autre écueil : le trop faible nombre d'encadrants compétents et d'éducateurs sportifs formés à l'accueil et la pratique sportive des personnes en situation de handicap.

Lors d'une rencontre avec les membres du club Dugazon en Guadeloupe, des parents et de jeunes sportifs, cette difficulté a été vivement exprimée, d'autant plus que les formations dispensées sur l'île sont rares. Il faut bien souvent se rendre en Martinique, voire dans l'Hexagone, alors même que le centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (CREPS) est présent dans l'archipel guadeloupéen.

Enfin, dernier écueil à éviter : trop se focaliser sur la haute performance, plutôt que d'encourager la pratique sportive des personnes en situation de handicap pour le loisir et le bien-être, à tous les niveaux de performance. Cela implique que chaque fédération ou ligue sur les territoires s'empare du handisport et du sport adapté, sans le déléguer à la FFH ou la FFSA.

Cet objectif de démocratisation et d'ouverture au handisport dans les outre-mer, terres de sportifs par excellence, passe notamment par sa diffusion dans le cadre scolaire.

Dans le cadre scolaire, la pratique sportive se réalise, soit à travers l'enseignement obligatoire d'Éducation physique et sportive (EPS), soit par le biais de la pratique sportive associative28(*).

Aujourd'hui, la dispense de cours d'EPS est la réponse faite aux élèves en situation de handicap.

En revanche, les associations sportives affiliées à l'Union nationale du sport scolaire (UNSS) permettent une meilleure inclusion des élèves en situation de handicap dans le cadre scolaire. Pour une meilleure inclusion, l'UNSS met en place des partenariats avec des établissements spécialisés (institut médico-éducatif (IME), institut d'éducation motrice (IEM), institut thérapeutique, éducatif et pédagogique (ITEP), institut médico-professionnel (IMPro), etc.)29(*). Dans les outre-mer, la pratique du sport scolaire pour les élèves en situation de handicap existe mais reste assez marginal, comme en Martinique, à Mayotte ou en Guyane par exemple. À La Réunion, la participation est un peu meilleure.

Il existe donc des marges de progrès importantes pour développer le parasport au travers des écoles, en engageant plus fortement l'UNS).

La stratégie nationale dédiée au Sport et Handicap (SNSH) 2020-2024
dans les outre-mer

La première stratégie nationale dédiée au Sport et Handicap 2020-2024 a prévu d'identifier des référents Activité physique et sportive (APS) au sein des établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS).

À la suite d'une enquête auprès des ARS sur les référents sports en ESMS, le tableau ci-dessous indique la part des établissements qui ont déclaré avoir un référent APS par public (les outre-mer non mentionnés n'ont pas répondu). On voit qu'en Guyane et en Martinique, il y a une forte implication du secteur pour se doter de référent, bien meilleure que la moyenne nationale.

Le second axe de la SNSH 2020-2024 dédié au développement et à la structuration de l'offre de pratique adaptée aux besoins prévoit spécifiquement des mesures ciblant les territoires ultramarins. Afin de permettre l'accès à la pratique sportive, des projets de création d'équipements sportifs majoritairement dédiés aux personnes en situation de handicap ou de mise en accessibilité d'équipements sportifs avec pratique sportive en faveur des personnes handicapées encadrées par des associations étaient éligibles au titre de l'enveloppe des équipements de niveau local au titre de l'enveloppe Outre-mer et Corse à hauteur de 8 millions d'euros.

Recommandation n° 13 : Développer le handisport et le sport adapté pour tous :

- en formant des éducateurs sportifs spécialisés sur chaque territoire, notamment par les CREPS ;

- en nommant dans chaque outre-mer un référent du Comité paralympique sportif français ;

- en mobilisant l'UNSS pour développer le parasport à l'école dans les outre-mer.


* 26 Les Pass Transport sont destinés aux adultes handicapés, justifiant d'une reconnaissance de leur handicap par la Commission des droits et de l'autonomie pour les personnes handicapées (CDAPH) et ne nécessitant pas de véhicule adapté pour se déplacer. Cette aide est utilisable comme moyen de paiement auprès de taxis agréés par le Département répartis sur toute l'île.

Le montant de l'aide s'élève à 300 € par an versée sous forme de chèques nominatifs.

* 27  https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20230213/otm_ladom.html

* 28 Les associations sportives sont affiliées à des fédérations sportives scolaires nationales qui sont au nombre de 2 dans l'enseignement public : l'Union sportive de l'enseignement du premier degré (USEP), et l'Union nationale du sport scolaire (UNSS), pour le second degré. Ces fédérations permettent aux élèves de participer à des rencontres et compétition scolaires, à différents niveaux (local, départemental, national, international).

* 29 On notera que de plus en plus d'ESMS ont des référents sports en leur sport et travaillent avec des éducateurs sportifs, comme à l'IME de Gourbeyre.

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