L'ESSENTIEL

Confrontées depuis une dizaine d'années à des réformes de la fiscalité locale qui réduisent leur autonomie en matière de recettes, les collectivités locales peinent à exercer leurs missions et leurs responsabilités. Cette situation est d'autant plus préoccupante que les collectivités territoriales se situent en première ligne face à des défis tels que le maintien des services publics de proximité ou encore la transition écologique, pour lesquels des investissements colossaux doivent être réalisés à très court terme (rénovation énergétique des bâtiments, développement des transports en commun, gestion de l'eau et des déchets, adaptation au changement climatique...).

À l'issue de ses travaux, la commission d'enquête appelle à redonner un cadre protecteur aux collectivités territoriales pour assurer dans de bonnes conditions l'exercice des compétences qui leur ont été transférées par l'État. Cet objectif passe par une refonte complète des relations financières entre l'État et les collectivités territoriales.

I. DES FINANCES PUBLIQUES LOCALES QUI SUBISSENT UNE PRESSION DE MOINS EN MOINS SUPPORTABLE

A. LES PROMESSES DE LA DÉCENTRALISATION ONT FAIT LONG FEU ET L'ÉTAT CONTRAINT CHAQUE JOUR UN PEU PLUS LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

1. Une succession de réformes de la fiscalité locale menées avant tout pour le contribuable

Alors que les grands actes de la décentralisation aspiraient à rapprocher les citoyens des centres de décision et à responsabiliser les autorités élues, les collectivités territoriales s'apparentent de plus en plus à des opérateurs de l'État, s'appuyant sur des recettes aléatoires pour financer des dépenses obligatoires.

Les réformes fiscales engagées depuis près de 10 ans, à commencer par la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales (THRP) et la suppression annoncée de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE), ont complètement redéfini le panier de recettes des collectivités, leurs incitations économiques et les liens avec leurs administrés. Différentes mesures de compensation ont été introduites pour neutraliser, au moins à court terme, les effets de ces réformes, contribuant à forger un ensemble difficilement lisible et dont la légitimité sera contestée alors que la réalité économique s'écarte progressivement de la date à laquelle la compensation a été arrêtée.

La suppression de la THRP était initialement présentée comme une mesure de justice fiscale, la promesse de campagne du candidat Macron étant centrée sur les 80 % des ménages les plus modestes. Son élargissement aux 20 % les plus aisés, en a fait une mesure extrêmement coûteuse et régressive, qui aurait mérité d'être rééquilibrée.

La suppression annoncée de la CVAE s'inscrivait quant à elle dans une réforme plus générale des impôts de production et ambitionnait de doper la compétitivité des entreprises françaises : de fait, elle a bien contribué à renforcer leurs marges.

Le choix de ces réformes traduit un certain scepticisme sur l'opportunité de maintenir une fiscalité locale, qui vient s'ajouter à la fiscalité d'État et se trouve plus menacée à ce titre quand il s'agit d'alléger la pression fiscale. Ces réformes s'inscrivent en outre dans un contexte où, depuis plus de 20 ans, les rapports invitant à contraindre l'évolution de la dépense locale se sont empilés, aboutissant à l'adoption en 2014, puis en 2018, d'un objectif d'évolution de la dépense locale et à la signature en 2017 des contrats de Cahors.

2. Une absence de vision globale aux effets délétères sur les finances locales

Ces suppressions d'impôts représentent un coût considérable pour les finances publiques : près de 35 milliards d'euros d'après la Cour des comptes (38,5 milliards d'euros en intégrant la suppression de la redevance audiovisuelle).

Ces baisses de recettes, non financées par des baisses de dépenses ou des hausses d'impôt, ont fortement contribué à la dégradation du solde public de la France. À titre de comparaison, dans le cadre de la préparation de la loi de finances pour 2026, le Gouvernement peine à trouver 40 milliards d'euros d'économies. Les autorités entendues par la commission d'enquête se félicitent d'avoir instauré des systèmes de compensation favorables aux collectivités territoriales.

Force est néanmoins de constater que la détérioration du solde public se traduit, année après année, par une participation toujours plus importante des collectivités territoriales à l'effort budgétaire collectif.

Dès la loi de finances pour 2025, le Gouvernement est ainsi revenu sur un de ses engagements, la principale mesure d'économies touchant les collectivités territoriales étant un gel de la TVA versée à l'issue de diverses compensations, pour un impact estimé à 1,2 milliard d'euros.

Parmi les causes du dérapage budgétaire, on peut pointer l'extension de la suppression de la THRP aux 20 % des ménages les plus favorisés, qui a représenté une hausse de 80 % de l'allègement consenti, décision pleinement assumée en audition par les représentants de l'exécutif, qui ont mis en avant l'impact sur le pouvoir d'achat sans commenter son côté régressif.

Les effets de ces réformes dépassent par ailleurs le simple aspect financier. En limitant le nombre de leviers fiscaux des collectivités, elles restreignent l'autonomie financière réelle des collectivités, les leviers restants ne pouvant être indéfiniment actionnés au risque de devenir confiscatoires. Elles cassent par ailleurs le lien contributif et opposent sur certains territoires les propriétaires et le reste de la population, suscitant défiance et incompréhension. Enfin, avec la perte de ressources fiscales, les collectivités ne tirent plus parti financièrement du développement économique et de la construction de logements sur leur territoire.

Ce diagnostic sévère rejoint malheureusement l'opinion dominante en matière de finances publiques locales, à savoir le constat d'un système à bout de souffle, l'héritage d'une succession de réformes progressivement oubliées, aujourd'hui illisibles et dont les effets s'éloignent chaque jour un peu plus de la réalité économique des territoires.

Recommandation n° 1

Redéfinir un système de financement des collectivités territoriales qui permette de garantir que les collectivités territoriales disposent de ressources suffisantes propres, en lien avec leurs compétences, et à la hauteur des charges qu'elles supportent (législateur).

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