AGENCE DE L'UNION EUROPÉENNE SUR LES DROGUES (EUDA)
(Avril 2025)
Note d'introduction
- Les réponses ci-dessous se focalisent sur la perspective européenne des aspects santé et marché des drogues et non sur les particularités de la situation Française. L'OFDT, qui est le représentant français du réseau Reitox de l'EUDA, possède toutes les informations spécifiques pour répondre aux questions à caractère national.
- Les indicateurs et sources cités sont consultables sur le dernier rapport annuel Européen des drogues ainsi que sur le dernier bulletin statistique (EUDA, 2025a, 2025b) - l'Agence Européenne des médicaments pourrait compléter certaines réponses portant sur les prescriptions et les médicaments. En effet, le mandat de l'EUDA se limite aux drogues illicites et aux usages d'autres substances lorsque celles-ci sont utilisées en poly-usage avec des drogues illicites.
- Les données concernant les décès et les intoxications sont à analyser avec prudence. En effet, la plupart des cas impliquent plusieurs substances, l'identification d'une drogue lors des examens post mortem ne signifie pas que la drogue a causé le décès ; certains pays ne rapportent pas ou peu d'information sur les drogues identifiées lors des analyses post mortem, et les capacités et procédures d'analyses varient entre pays. La présence de certaines drogues telles que les nouvelles substances psychoactives (new psychoactive substances (NPS)) et les nouveaux opioïdes de synthèse (par exemple les nitazenes) est vraisemblablement sous-estimées.
1. Présentez les données les plus récentes collectées par l'EUDA et un panorama général relatif à la consommation de médicaments opioïdes en Europe.
- Évolution des prescriptions et des consommations par type d'opioïde / Exposition de la population à la consommation d'antalgiques opioïdes (opioïdes forts et opioïdes faibles) ;
- Évolution des hospitalisations et des décès dus à la consommation de médicaments opioïdes.
L'agence Européenne des Médicaments sera en mesure de répondre à cette question, pour ce qui concerne les prescriptions et les estimations de consommation d'antalgiques opioïdes au niveau de la population générale. Des données d'hospitalisations et de décès en population générale pourraient également être disponibles auprès de cette agence.
Comme noté en introduction, le mandat de EUDA permet le monitorage des consommations et dommages dans le cadre de poly-consommation qui associent drogues illicites et autres substances. Dans ce cadre, les données récentes mettent en évidence qu'une large part des overdoses rapportées en Europe sont associées à des opioïdes tels que l'héroïne ainsi que, dans certains pays des traitements agonistes opioïdes tels que la méthadone, ou plus rarement (en Finlande en particulier) la buprénorphine (EUDA, 2025a).
L'EUDA collecte des informations à partir de nombreuses sources (Griffiths, Seyler, De Morais, Mounteney, & Sedefov, 2023; Seyler, Giraudon, Noor, Mounteney, & Griffiths, 2021) et les dernières revues disponibles à partir de l'analyse de ces données concluent de la manière suivante : «En conclusion, bien qu'il soit difficile d'établir des parallèles directs entre l'Europe et l'Amérique du Nord, l'expérience américaine fournit un exemple de la manière dont les changements dans l'utilisation des opioïdes peuvent se produire rapidement avec des implications importantes pour la santé publique. Il est difficile de spéculer sur l'avenir, mais une évaluation de la situation européenne actuelle suggère que les changements dans la disponibilité et l'utilisation des opioïdes synthétiques constituent une menace crédible pour la santé publique, en particulier si certaines des nouvelles formes disponibles s'avèrent attrayantes pour un groupe plus large de consommateurs. Il serait prudent d'accroître notre préparation à la détection et à la réaction rapide à tout changement significatif dans la consommation d'opioïdes, en particulier s'il existe des preuves d'une plus grande consommation parmi les cohortes d'âge plus jeunes. À court terme, une éventuelle pénurie d'héroïne pourrait nous obliger à augmenter l'offre de traitement, mais dans le pire des cas, à plus long terme, nous pourrions également devoir répondre aux nouveaux défis posés par la disponibilité et l'utilisation accrues d'opioïdes synthétiques puissants. (Griffiths et al., 2023).
2. Quelles évolutions et quelles tendances constatez-vous en matière de mésusage et de dépendance à des médicaments opioïdes en Europe ?
a. Substances disponibles ;
b. Principaux mésusages constatés (de la part des professionnels de santé et de la part des usagers) ;
c. Quels facteurs ont-ils, selon vous, favorisé ces évolutions ?
L'agence Européenne des Médicaments pourrait répondre à cette question.
Si la situation est sans commune mesure avec la crise sanitaire qui touche l'Amérique du Nord (et dont la première vague était associée au mésusage de médicaments opioïdes), l'EUDA observe néanmoins des signaux faibles chez certaines populations d'usagers, souvent dans le cadre d'une poly-consommation. Les derniers résultats d'une étude qui analyse le contenu d'un échantillon de seringues usagées dans 21 villes de l'Union Européenne montrent par exemple des traces de tramadol, de codéine et de fentanyl en Grèce et en Espagne, et d'oxycodone en Irlande et en Estonie. Mais ce phénomène reste marginal comparé à la consommation d'autres opioïdes parmi ces mêmes populations d'usagers (comme l'héroïne, la méthadone ou la buprénorphine - c'est deux derniers médicaments étant prescris comme traitements par agonistes opioïdes et dont le mésusage est documenté depuis longtemps). La situation concernant l'usage des dérivés du fentanyl et des nitazènes dans les pays Baltes est plus préoccupante (voir paragraphe suivant), mais ces opioïdes de synthèse proviennent de productions illégales et non pas de prescriptions.
3. Comment l'EUDA appréhende-t-elle le développement du marché des nouveaux opioïdes de synthèse ? Quels dangers identifiez-vous ?
Certains pays européens sont-ils plus fortement exposés que d'autres ? Pour quelles raisons ?
L'EUDA monitore ces développements au moyen de ses points focaux nationaux et d'autres réseaux d'information sur des indicateurs de disponibilité, de marché d'usage, de dommages et de réponse aux problèmes de drogues (EUDA, 2025a). Concernant les NPS et les nouveaux opioïdes, l'Early Warning System' (System d'alerte précoce pour les nouvelles drogues) joue un rôle important de détection, de monitorage et de partage d'alertes. Les nitazènes font l'objet d'un monitorage intense de l'EWS. Plus de détails sont disponibles dans les chapitres relatifs aux NPS et aux opioïdes, dans le dernier rapport européen
(EUDA, 2025a).
La Lettonie et l'Estonie en particulier ont vu une nette augmentation des décès impliquant des nitazènes depuis 2021 - ces produits ayant remplacé d'autres opioïdes qui étaient disponibles sur le marché (héroïne il y a quelques années et fentanyls plus récemment). Par ailleurs, la faible couverture sanitaire et sociale, et les difficultés d'accès aux traitements pour la dépendance aux opioïdes (agoniste opioïdes tels que la méthadone ou la buprénorphine) contribuent à la vulnérabilité des personnes dépendantes aux opioïdes dans ces pays (Giraudon, Abel-Ollo, Vanaga-Arâja, Heudtlass, & Griffiths, 2024).
Des `clusters' ou cas groupé d'intoxications, ont été rapportés en Europe dans plusieurs pays et il y a un danger de diffusion accrue dans de nombreux pays Européens. Des signaux de diffusion sont mis en évidence depuis 2019 par des saisies, de décès et des intoxications, pour les nitazènes en particulier. En 2024-2025, des alertes ont été émises par la France (La Réunion), l'Irlande, la Finlande et l'Allemagne à la suite de cas groupés et de décès (Negrault et al., 2025). Certains incidents sont en rapport avec de l'héroïne mais aussi de faux médicaments (par exemple des comprimés d'oxycodone) qui contiennent des nitazènes. Des alertes ont été émises par plusieurs pays en 2023-2025 (Bayerische Akademie für Sucht und Gesundheitsfragen, 2025; Health Service Executive Ireland, 2023; Trimbos Institute, 2025).
4. Quelle est la réglementation en vigueur, à l'échelle de l'Union européenne (UE), concernant la production et la distribution des médicaments opioïdes ?
L'agence Européenne des Médicaments pourrait répondre à cette question.
5. Dans la mesure du possible, présentez les principaux profils de réglementation en vigueur dans les États de l'UE concernant la production et la distribution des médicaments opioïdes.
L'agence Européenne des Médicaments pourrait répondre à cette question.
6. En France, la durée maximale de prescription pour les opioïdes de palier 2 (opioïdes faibles) est limitée à 12 semaines, et celle pour les opioïdes de palier 3 (opioïdes forts) est limitée à 4 semaines.
Comment évaluez-vous ces durées du point de vue du risque de développer un trouble de l'usage ?
Comment se situe la France par rapport à d'autres réglementations de pays membres de l'UE ?
L'agence Européenne des Médicaments pourrait répondre à cette question.
7. En France, on constate une augmentation des prescriptions hors indication thérapeutique du tramadol, de la codéine et du fentanyl. Cette tendance s'observe-t-elle également dans d'autres pays de l'UE ?
L'agence Européenne des Médicaments pourrait répondre à cette question.
8. Un renforcement du cadre réglementant l'usage de certains médicaments opioïdes, notamment des opioïdes de palier 2 (ex : tramadol) peut-elle selon vous entraîner un risque d'approvisionnement par les usagers sur des marchés illégaux ?
L'agence Européenne des Médicaments pourrait répondre à cette question concernant le cadre réglementant l'usage des médicaments. Néanmoins, un rapport de l'EUDA pourra être utile du point de vue des marchés illégaux, et la problématique d'assurer l'accès aux traitements de substitution aux opiacés tout en prévenant leur détournement. Le rapport concluait de la façon suivante : `Selon des études européennes, ne pas être en traitement de substitution aux opiacés (TSO) demeure l'un des facteurs les plus importants dans le mésusage des TSO et dans ce cas, les TSO sont utilisés principalement à des fins d'automédication. Il est clair que c'est un défi, mais aussi une responsabilité, pour les acteurs impliqués dans la fourniture des TSO, de garantir la disponibilité et l'accessibilité de ce traitement efficace, tout en élaborant et en mettant en et de mettre en oeuvre des politiques efficaces de lutte contre le détournement. (EMCDDA, 2021).
9. Une importation de la crise américaine des opioïdes dans certains pays d'Europe vous paraît-elle plausible ?
C'est une possibilité, mais certains facteurs semblent limiter le risque de voir l'Union Européenne confrontée à un tel scénario. Le contexte est différent en particulier parce que les prescriptions sont contrôlées, il n'y a pas de publicité pour les médicaments et les personnes qui présentent une dépendance aux opioïdes ont, relativement, mieux accès à des soins de santé primaires et des soins spécialisés. Il s'agit, entre autres interventions, des traitements de substitution aux opiacés tels que la méthadone et la buprénorphine pour les lesquels il existe de fortes preuves scientifiques qu'ils réduisent le risque de morts pas overdose et de morts par autres causes, parmi les personnes dépendantes aux opioïdes.
Même si les données dont nous disposons nous montrent que, comparée aux Etats-Unis, l'UE est pour l'instant relativement épargnée (exception faite des pays Baltes), la vigilance reste de mise face nouveaux opioïdes de synthèse. Si l'un des facteurs déclencheurs de la crise américaine a été la sur-prescription d'antidouleurs opioïdes, d'autres facteurs pourraient amener à une augmentation de l'usage des opioïdes de synthèse et de leur l'impact sanitaire en Europe. Pour l'Europe, cela pourrait venir, par exemple, d'une éventuelle pénurie d'héroïne (la production d'opium est en baisse en Afghanistan) couplée à une réorganisation des réseaux de production et de distribution des dérivés du fentanyl et des nitazènes. Comme rapporté plus haut, les marchés sont dynamiques et l'expérience des clusters récents, et du pic d'overdose dans les pays Baltes appellent à une grande vigilance (Griffiths et al., 2023). Certains pays sont plus vulnérables du fait des limites de leurs systèmes de santé et des niveaux sous-optimaux de la prévention, de la réduction des risques et des traitements - voir les chapitre `Traitement agonistes opioïdes' et `Réduction des risques' dans le rapport annuel européen (EUDA, 2025a).
10. Quels enseignements l'Europe peut-elle tirer de l'émergence et de l'évolution de la crise des opioïdes aux États-Unis, en matière de pratiques commerciales, d'encadrement des prescriptions et de politique de réduction des risques ?
L'agence Européenne des Médicaments sera en mesure de répondre à cette question pour ce qui concerne les pratiques commerciales et l'encadrement des prescriptions.
L'expérience des USA nous alerte sur le besoin de programmes de réduction des risques et de traitements de la dépendance aux opioïdes (voir les réponses et références indiquées pour répondre à la question ci-dessus) (EUDA, 2025a). Plus largement, l'EUDA a appelé à une approche coordonnée à la fin de l'année 2024 (EUDA, 2024). Il s'agit notamment de développer des services innovants d'alerte et d'évaluation des menaces liées aux drogues à l'échelle de l'UE et de coopérer avec les États membres pour mettre en place un nouveau réseau de laboratoires médico-légaux et toxicologiques, qui produiront des données et échangeront des informations sur les nouveaux développements et les nouvelles tendances.
11. Quelles mesures peuvent-elles contribuer à prévenir ou freiner un tel phénomène, au niveau européen et au niveau des États membres ? Des travaux ont-ils été conduits sur cette question au niveau de l'Union européenne ?
Les mesures recommandées (traitement et réduction des risques pour les personnes qui présentent une dépendance aux opioïdes), ainsi que les couvertures estimées sont revues dans le rapport annuel Européen (voir les chapitres traitements et réduction des risques mentionnés ci-dessus).
En amont, assurer un large accès aux interventions de prévention fondées sur des données probantes dans les communautés, les écoles et les familles est essentiel, en particulier auprès des plus jeunes pour prévenir les addictions et les comportements à risques (Ministère de l'Éducation Nationale, 2025). Comme noté dans la récente revue basée sur l'analyse des données européennes en matière de changement des risques liés aux opioïdes en Europe: « Il serait prudent d'accroître notre préparation à la détection et à la réaction rapide à tout changement significatif dans la consommation d'opioïdes, en particulier s'il existe des preuves d'une plus grande consommation parmi les cohortes d'âge plus jeunes (Griffiths et al., 2023) ». Certains pays tels que la Finlande et l'Autriche ont déjà rapporté une augmentation du nombre d'overdose parmi les jeunes âgés de moins de 20 ans (EUDA, 2025a). Par ailleurs, de jeunes usagers sont rapportés dans les alertes récentes liées à des clusters de décès (Bayerische Akademie für Sucht und Gesundheitsfragen, 2025).
12. Des discussions sur les étiquetages et les conditionnements des boîtes de médicaments opioïdes ont-elles eu lieu à l'échelle de l'UE ?
L'agence Européenne des Médicaments pourrait répondre à cette question.
13. Décrivez les dispositifs de surveillance et d'alerte pilotés par l'EUDA.
Quelles actions permettraient-elles d'améliorer la connaissance de la prévalence des usages problématiques d'opioïdes ?
Le système d'alerte précoce de l'UE sur les nouvelles substances psychoactives, bien établi, reste un élément clé de la préparation de l'UE en matière de drogues. En outre, notre nouveau système européen d'alerte antidrogue facilite l'échange rapide d'informations en cas de risques sanitaires, sociaux et sécuritaires graves liés à la drogue. Ce système garantit que les parties prenantes concernées reçoivent des informations vitales, en temps, et exploitables, afin d'apporter des réponses fondées sur des données probantes. En complément, notre système européen d'évaluation des menaces sanitaires et sécuritaires renforce la capacité de l'UE à prévoir les menaces émergentes et à y répondre efficacement. Ensemble, ces systèmes jouent un rôle crucial dans la protection de la santé et de la sécurité publiques dans l'UE.
Les dispositifs de surveillance et d'alerte, ainsi que l'analyse de leurs données sont présentés dans le rapport annuel européen. Ils comprennent des indicateurs clés, rapportés annuellement au niveau national (nombre de décès, nombre de personnes qui entrent en traitement, saisies...) ainsi qu'un système d'alerte précoce et des réseaux `sentinelles' locaux, tels que le réseau sentinelles hospitalier, l'analyse des eaux usées et des seringues usagées, les enquêtes en ligne, le réseau de services d'analyse (`drug-checking'), etc. dont les deniers chiffres sont disponibles dans le bulletin statistique.
14. Quels pays européens sont-ils les plus proactifs en matière de réduction des risques ?
Le choix des pays varie, en fonction des programmes de traitements de substitution aux opiacés et des actions de réduction des risques en place tels que les services d'analyse (`drug-checking'), les programmes de distribution de seringues, les salles de consommation à moindre risque, les programmes de formation aux premiers secours et d'administration de la naloxone (`take home naloxone'), dans la communauté, ainsi qu'en prison et en prévision de la sortie de prison. Le point sur la disponibilité et le déploiement des ces services de santé est disponible, par pays, dans le rapport annuel européen et dans le bulletin statistique paru (EUDA, 2025a, 2025b).
15. Quelles politiques convient-il de promouvoir, selon vous, en matière d'accès à la naloxone et aux traitements de substitution aux opiacés ?
Les deux interventions sont soutenues par des preuves scientifiques. Elles contribuent à réduire les risques de dommages liés aux drogues. Elles doivent être pensées dans une continuité et une cohérence avec d'autres interventions qui permettent d'améliorer la santé mentale, les autres problèmes de santé (au-delà des dépendances) ainsi que les problèmes de pauvreté, de logement et de stigmatisation - les niveaux de mise en place des programmes sont parfois en dessous des recommandation internationales - voir la situation des différents pays dans les chapitres traitement et réduction des risques du rapport annuel européen (EUDA, 2025a). Il est important de garantir un accès et une couverture satisfaisants pour les usagers de drogues. Plus de ressources sont disponibles dans les publications de l'Agence, qui donnent un aperçu des aspects les plus importants à prendre en compte lors de la planification ou de la mise en oeuvre des réponses sanitaires et sociales aux décès liés aux opioïdes en particulier. Ces rapports examinent la disponibilité et l'efficacité des réponses ainsi que les implications pour les politiques et la pratique (EMCDDA, 2017, 2023)
16. Avez-vous d'autres points à porter à l'attention des rapporteurs ?
L'accent peut être mis sur l'offre de nombreuses alternatives de vie saine et sur l'engagement communautaire. Un équilibrage des interventions en faveur de la prévention, au profit des soins de santé primaire, du dépistage et de la prévention pourrait être encouragé.
Références
Bayerische Akademie für Sucht und Gesundheitsfragen. (2025). Aktuelle Warnung: Lebensgefahr durch synthetische Opioide in Bayern [Current warning: Danger to life from synthetic opioids in Bavaria. Alerte actuelle : danger de mort dû aux opioïdes synthétiques en Bavière]. Retrieved from https://www.condrobs.de/aktuelles/synthetische-opioide-in-bayern/
EMCDDA. (2017). Health and social responses to drug problems: a European guide. Luxembourg.
EMCDDA. (2021). Balancing access to opioid substitution treatment (OST) with preventing the diversion of opioid substitution medications in Europe: challenges and implications. Retrieved from
EMCDDA. (2023). Opioid-related deaths: health and social responses. Retrieved from Lisbon: https://www.emcdda.europa.eu/publications/mini-guides/opioid-related-deaths-health-and-social-responses_en
EUDA. (2024). EUDA Executive Director issues Call to action on new synthetic opioids at European Parliament. [Press release]. Retrieved from https://www.euda.europa.eu/news/2024/euda-executive-director-issues-call-action-new-synthetic-opioids-european-parliament_en
EUDA. (2025a). European Drug Report 2024: trends and developments. Retrieved from Luxembourg: https://www.euda.europa.eu/publications/european-drug-report/2025_en
EUDA. (2025b, 06/2025). Statistical bulletin. Retrieved from https://www.euda.europa.eu/data/stats2025_en
Giraudon, I., Abel-Ollo, K., Vanaga-Arâja, D., Heudtlass, P., & Griffiths, P. (2024). Nitazenes represent a growing threat to public health in Europe. Lancet Public Health, 1. doi:/10.1016/S2468-2667(24)00024-0
Griffiths, P. N., Seyler, T., De Morais, J. M., Mounteney, J. E., & Sedefov, R. S. (2023). Opioid problems are changing in Europe with worrying signals that synthetic opioids may play a more significant role in the future. Addiction. doi:10.1111/add.16420
Health Service Executive Ireland. (2023). HSE issues warning to heroin users following cluster of overdoses in Dublin. Retrieved from https://www.hse.ie/eng/services/news/media/pressrel/hse-issues-warning-to-heroin-users-following-cluster-of-overdoses-in-dublin.html.
Ministère de l'Éducation Nationale, d. l. E. s. e. d. l. R. (2025). Développer les compétences psychosociales chez les élèves. Eduscol Retrieved from https://eduscol.education.fr/3901/developper-les-competences-psychosociales-chez-les-eleves.
Negrault, N., Puech, B., Guyon, J., Daveluy, A., Bastard, S., Mete, D., & Maillot, A. (2025). Case series of severe intoxications associated with new psychoactive substances on Reunion Island: Clinical description and diagnostic challenges. Toxicologie Analytique et Clinique. doi: https://doi.org/10.1016/j.toxac.2025.01.096
Seyler, T., Giraudon, I., Noor, A., Mounteney, J., & Griffiths, P. (2021). Is Europe facing an opioid epidemic: What does European monitoring data tell us? Eur J Pain, 25(5), 1072-1080. doi:10.1002/ejp.1728
Trimbos Institute. (2025). Waarschuwing: Namaak-oxycodonpillen met het levensgevaarlijke isotonitazepyne in omloop [Warning: Counterfeit oxycodone pills containing the life-threatening isotonitazepyne in circulation. Avertissement : Des pilules d'oxycodone contrefaites contenant de l'isotonitazepyne, une substance potentiellement mortelle, sont en circulation.]. Retrieved from https://www.trimbos.nl/actueel/nieuws/waarschuwing-namaak-oxycodonpillen-met-het-levensgevaarlijke-isotonitazepyne-in-omloop/
AGENCE DE L'UNION EUROPÉENNE SUR LES DROGUES (EUDA)
(Juin 2025)
Note d'introduction
Cette note répond au questionnaire reçu le 10 Juin et complète l'audition réalisée le même jour. Elle reprend en partie la contribution écrite de l'Agence au premier questionnaire reçu en Avril 2025 et met à jour certains éléments à la lumière du rapport Européen des drogues publié le 5 juin 2025 (EUDA 2025).
- Les réponses ci-dessous se focalisent sur la perspective européenne des aspects santé et marché des drogues et non sur les particularités de la situation Française. L'OFDT, qui est le représentant français du réseau Reitox de l'EUDA, possède toutes les informations spécifiques pour répondre aux questions à caractère national.
- Les indicateurs et sources cités sont consultables sur le dernier rapport annuel Européen des drogues ainsi que sur le dernier bulletin statistique (EUDA 2025, EUDA 2025).
- L'Agence Européenne des médicaments pourrait compléter certaines réponses portant sur les prescriptions et les médicaments. En effet, le mandat de l'EUDA se limite aux drogues illicites et aux usages d'autres substances lorsque celles-ci sont utilisées en poly-usage avec des drogues illicites.
- Les données concernant les décès et les intoxications sont à analyser avec prudence. En effet, la plupart des cas impliquent plusieurs substances, l'identification d'une drogue lors des examens post mortem ne signifie pas que la drogue a causé le décès ; certains pays ne rapportent pas ou peu d'information sur les drogues identifiées lors des analyses post mortem, et les capacités et procédures d'analyses varient entre pays. La présence de certaines drogues telles que les nouvelles substances psychoactives (new psychoactive substances (NPS)) et les nouveaux opioïdes de synthèse (par exemple les nitazenes) est vraisemblablement sous-estimée.
1. Présentez les données les plus récentes collectées par l'EUDA et un panorama général relatif à la consommation de substances opioïdes illégales en Europe.
- Évolution des prescriptions et des consommations par type d'opioïde ;
- Évolution des hospitalisations et des décès dus à la consommation de substances opioïdes ;
- Principales substances consommées.
Comme noté en introduction, le mandat de EUDA permet le monitorage des consommations et dommages dans le cadre de poly-consommation qui associent drogues illicites et autres substances. L'agence ne receuille pas de données systématiques sur les évolutions des prescriptions.
Les données nationales concernant les évolutions des hospitalisations ne sont pas disponibles ou pas rapportées systématiquement à l'EUDA par les pays membres. En revanche, le réseau des hôpitaux sentinelles Euro-DEN met en évidence que les opioïdes, tels que l'héroïne, sont impliqués dans des présentations aux urgences dans certains hôpitaux, mais que la part liée à l'héroïne a baissé dans plusieurs d'entre eux - par exemple, de 2018 à 2023 : la proportion des présentations aux urgences avec mention d'héroïne est passée de 34 % à 13 % à Dublin, Ireland ; de 22 % à 2 % à Vilnius, Lithuania ; et de 21 % à 11 % à Ljubljana, Slovenia (EUDA 2024).
Concernant les consommations, des estimations des taux d'usage d'opioïdes (`High risk opioid use' or `Problem opioid use') sont disponibles dans 20 pays et se situent entre 0.96/1000 adultes (15-64 ans) (Grèce) et 7.65/1000 adultes (15-64 ans) (Finland). La dernière estimation pour la France est de 5.98//1000 adultes (15-64 ans) (EUDA 2025). Ces estimations de la prévalence de l'usage sont relativement stables dans le temps mais ne font pas la distinction entre différents types d'opioïdes.
Concernant les dommages, les données récentes mettent en évidence qu'une large part des overdoses rapportées en Europe sont associées à des opioïdes tels que l'héroïne ainsi que, dans certains pays des traitements agonistes opioïdes tels que la méthadone, ou plus rarement (en Finlande en particulier) la buprénorphine (EUDA 2025). Le dernier rapport européen illustre au moyen de données disponibles dans certains pays (Autriche, Slovénie, Norvège) la part importante des overdoses liées à l'héroïne qui impliquent des poly-intoxications associant d'autres opioïdes, des drogues illicites tels que des stimulants (amphétamines, cocaïne), des médicaments psychoactifs (benzodiazepines en particulier) et de l'alcohol -(EUDA 2025).
- Dans certains pays, les fentanyls et dérivés (Lithuanie, carfentanyl) ainsi que les nitazenes (Estonie, Lettonie) sont impliqués dans un part importante des décès en 2023-24 ; la Suède, la Norvège, l'Allemagne, l'Irlande et la France ont également rapporté de nombreuses intoxications fatales et non fatales en 2023-24, impliquant différents nitazènes, et souvent associées à d'autres drogues -(EUDA 2025).
- L'EUDA collecte des informations à partir de nombreuses sources (Seyler, Giraudon et al. 2021, Griffiths, Seyler et al. 2023) et les dernières revues disponibles à partir de l'analyse de ces données concluent que bien qu'il soit difficile d'établir des parallèles directs entre l'Europe et l'Amérique du Nord, l'expérience américaine fournit un exemple de la manière dont les changements dans l'utilisation des opioïdes peuvent se produire, avec des implications importantes pour la santé publique : « Il est difficile de spéculer sur l'avenir, mais une évaluation de la situation européenne actuelle suggère que les changements dans la disponibilité et l'utilisation des opioïdes synthétiques constituent une menace crédible pour la santé publique, en particulier si certaines des nouvelles formes disponibles s'avèrent attrayantes pour un groupe plus large de consommateurs. Il serait prudent d'accroître notre préparation à la détection et à la réaction rapide à tout changement significatif dans la consommation d'opioïdes, en particulier s'il existe des preuves d'une plus grande consommation parmi les cohortes d'âge plus jeunes. À court terme, une éventuelle pénurie d'héroïne pourrait nous obliger à augmenter l'offre de traitement, mais dans le pire des cas, à plus long terme, nous pourrions également devoir répondre aux nouveaux défis posés par la disponibilité et l'utilisation accrues d'opioïdes synthétiques puissants ». (Griffiths, Seyler et al. 2023).
2. Quels facteurs ont favorisé ces évolutions ? (contexte géopolitique notamment)
Parmi les facteurs qui ont favorisé ces évolutions, on note que les nouveaux opioïdes synthétiques sont souvent très puissants, ce qui signifie qu'une petite quantité peut suffire à produire un grand nombre de doses sur le marché illicite et peut présenter un risque accru d'empoisonnement potentiellement mortel. Depuis 2012, deux vagues distinctes d'opioïdes puissants ont constitué une menace pour la santé publique en Europe. La première, entre 2012 et 2019, a été causée par 38 dérivés du fentanyl et a entraîné au moins huit épidémies d'empoisonnement documentées (niveau local ou national), entraînant environ 285 décès. Les contrôles légaux aux États-Unis, en Europe et en Chine ont conduit à la raréfaction de ces drogues. Depuis 2019, ils ont été remplacés par des opioïdes « nitazènes » à base de benzimidazole très puissants. Des données récentes suggèrent que la disponibilité et les risques associés aux opioïdes nitazéniques augmentent.
Sept nouveaux opioïdes synthétiques ont été officiellement notifiés en 2024 au système d'alerte précoce de l'UE, tous étant des nitazènes, soit le nombre le plus élevé notifié en une seule année. Depuis 2019, au moins 21 États membres de l'UE ont désormais signalé la présence d'un nitazène.
Par ailleurs, il est important de noter qu'aux États-Unis, la sur-prescription a été en grande partie à l'origine de la crise de santé publique liée aux abus d'opioïdes. Alors que ces médicaments étaient largement prescrits, les évolutions des prescriptions n'étaient pas suivies systématiquement dans l'ensemble du pays et cela a empêché les autorités d'observer cette tendance négative à temps. Si la situation est sans commune mesure avec la crise sanitaire qui touche l'Amérique du Nord (et dont la première vague était associée au mésusage de médicaments opioïdes antalgiques), l'EUDA observe néanmoins des signaux faibles de mésusage de médicaments opioïdes chez certaines populations d'usagers, souvent dans le cadre d'une poly-consommation. Les derniers résultats d'une étude qui analyse le contenu d'un échantillon de seringues usagées dans 21 villes de l'Union Européenne montrent par exemple des traces de tramadol, de codéine et de fentanyl en Grèce et en Espagne, et d'oxycodone en Irlande et en Estonie. Mais ce phénomène reste marginal comparé à la consommation d'autres opioïdes parmi ces mêmes populations d'usagers (comme l'héroïne, la méthadone ou la buprénorphine). La situation concernant l'usage des dérivés du fentanyl et des nitazènes dans les pays Baltes est plus préoccupante (voir paragraphes ci-dessus et suivants), mais ces opioïdes de synthèse proviennent de productions illégales et non pas de prescriptions.
3. Comment l'EUDA appréhende-t-elle le développement du marché des nouveaux opioïdes de synthèse ? Quels dangers identifiez-vous ?
L'EUDA appréhende les développements du marché des nouveaux opioïdes de synthèse par le monitorage à travers ses points focaux nationaux et d'autres réseaux d'information qui produisent des indicateurs de disponibilité, de marché, d'usage, de dommages et de réponse aux problèmes liés aux drogues (EUDA 2025). Concernant les NPS et les nouveaux opioïdes, l''Early Warning System' (Système d'alerte précoce pour les nouvelles drogues) joue un rôle important de détection, de monitorage et de partage d'alertes. Les nitazènes font l'objet d'un monitorage intense de l'EWS. Plus de détails sont disponibles dans les chapitres relatifs aux NPS et aux opioïdes, dans le dernier rapport européen (EUDA 2025).
La Lettonie et l'Estonie en particulier ont vu une nette augmentation des décès impliquant des nitazènes depuis 2021 - ces produits ayant remplacé d'autres opioïdes qui étaient disponibles sur ces marchés nationaux (héroïne il y a quelques années et fentanyls et dérivés plus récemment). En Estonie, le nombre de décès impliquant des drogues est passé de 82 cas en 2022 à 119 en 2023, ce qui représente un taux de mortalité due aux drogues de 135 par million d'habitants (dans la classe d'âge des 15-64 ans), soit six fois la moyenne de l'UE. Les nitazènes, principalement le métonitazène et le protonitazène, ont été impliqués dans plus de la moitié (52 %) de ces décès. En Lettonie, les statistiques nationales et les registres médico-légaux ont provisoirement fait état d'une augmentation du nombre total de décès impliquant des drogues, qui est passé de 63 en 2022 à 154 en 2023, soit un taux de mortalité de 130 par million d'habitants (dans la classe d'âge des 15-64 ans), plus de cinq fois (5,3) la moyenne de l'UE. Les nitazènes ont été identifiés dans 101 (66 %) de ces cas, ce qui explique cette augmentation (EUDA 2025). Par ailleurs, la faible couverture sanitaire et sociale, et les difficultés d'accès aux traitements pour la dépendance aux opioïdes (agoniste opioïdes tels que la méthadone ou la buprénorphine) contribuent à la vulnérabilité des personnes dépendantes aux opioïdes dans ces pays (Giraudon, Abel-Ollo et al. 2024).
Des `clusters' ou cas groupés d'intoxications, ont été rapportés en Europe dans plusieurs pays et il y a un risque de diffusion accrue dans de nombreux pays Européens. Des signaux de diffusion sont mis en évidence depuis 2019 par des saisies, de décès et des intoxications, pour les nitazènes en particulier : en 2023-2025, des alertes ont été émises par la France (La Réunion), l'Irlande, la Finlande et l'Allemagne à la suite de cas groupés et de décès (EUDA 2025, Negrault, Puech et al. 2025). En Suède, plus de 30 décès associés au métonitazène ont été rapportés entre janvier 2023 et septembre 2024, soit plus d'un par mois en moyenne, avant de diminuer à l'automne 2024. En Norvège, environ 35 décès liés au nitazène (principalement au métonitazène) ont été enregistrés entre juin 2023 et août 2024, soit plus de 2 par mois en moyenne, avant que l'incidence ne diminue fortement à partir de septembre 2024 (EUDA 2025).
Enfin, parmi les dangers identifiés, on note que les rapports transmis au système d'alerte précoce de l'UE font état d'une augmentation récente et significative de la disponibilité de faux médicaments contenant des opioïdes nitazénés en Europe. Ces produits imitent généralement des médicaments légitimes délivrés sur ordonnance, en particulier l'oxycodone et, dans une moindre mesure, les benzodiazépines. Les inquiétudes portent notamment sur la possibilité qu'ils se propagent au-delà des utilisateurs d'opioïdes à haut risque à des populations plus larges qui n'ont pas de tolérance aux opioïdes, y compris des populations plus jeunes (EUDA 2025). Des alertes ont été émises par plusieurs pays (Allemagne, Hollande, Irlande) en 2023-2025 (Health Service Executive Ireland 2023, Bayerische Akademie für Sucht und Gesundheitsfragen 2025, Trimbos Institute 2025).
4. Quels sont les circuits d'importation et de distribution de ces nouvelles drogues ? Des sites de production sont-ils implantés en Europe ?
Concernant les circuits d'importation et de distribution de ces nouvelles drogues, les opioïdes synthétiques illicites identifiés en Europe semblent provenir d'autres pays (Chine en particulier) et être importés à la suite de commandes en ligne ou achetés à des vendeurs de proximité.
5. Certains pays européens sont-ils plus fortement exposés que d'autres ? Pour quelles raisons ? Comment caractériseriez-vous la situation française ?
Les pays qui semblent les plus affectés pour le moment par les nouveaux opioïdes de synthèse sont les pays Baltes : la Lettonie, la Lithuanie et l'Estonie. Cela peut être mis en rapport avec les taux importants d'usage à haut risque d'opioïdes (correspondant à plusieurs milliers de personnes dépendantes aux opioïdes), de faibles taux estimés de couverture sanitaire et sociales (soins de santé primaires, treatment agonistes avec des opioïdes, faible accès à la réduction des risques ; et de la diminution de la disponibilité des fentanyls et dérivés, remplacés en Lettonie et en Estonie par les nitazènes.
D'autres pays, où les prévalences estimées d'usage des opioïdes sont moindre et ou l'accès au traitement et à la réduction des risques est meilleures rapportent néanmoins des usages et des dommages. La France a connu des épisodes d'intoxication liées aux nitazènes, dans la communauté et en prison dans diverse régions au cours des derniers mois (C. Eiden; M.Lestienne; H.Peyriere 2023, Bendjilali-Sabiani, Eiden et al. 2024).
L'OFDT, qui est le représentant français du réseau Reitox de l'EUDA, possède toutes les informations spécifiques pour répondre aux questions à caractère national, en s'appuyant sur les partenariats avec les CEIP et d'autres sources d'information.
6. Établissez-vous une corrélation entre un recours plus strict ou plus encadré aux opioïdes légaux (ex : encadrement plus fort des prescriptions de tramadol ou de codéine) et une augmentation de la consommation d'opioïdes illégaux ? Autrement dit, un renforcement du cadre réglementant l'usage de certains médicaments opioïdes, notamment des opioïdes de palier 2 (ex : tramadol) peut-elle selon vous entraîner un risque d'approvisionnement par les usagers sur des marchés illégaux ?
L'agence Européenne des Médicaments pourrait répondre à cette question concernant le cadre réglementant l'usage de certains médicaments opioïdes. D'une manière générale, le monitorage de la prescription de tous les opioïdes est un moyen important pour repérer les risques potentiels de dommages qu'ils peuvent occasionner.
Aux États-Unis, la réglementation plus stricte des antalgiques opioïdes semble avoir entraîné certains patients à se tourner vers le marché illicite (notamment l'héroïne puis les opioïdes de synthèses illicites) ; mais la première vague de dépendance avait déjà été créée en grande partie par la sur-presciption de médicaments. Ce qui n'est pas comparable à la situation européenne.
Enfin, un rapport de l'EUDA pourra être utile du point de vue des marchés illégaux, et la problématique d'assurer l'accès aux traitements, agonistes aux opiacés en particulier, tout en prévenant leur détournement (EMCDDA 2021).
7. Une importation de la crise américaine des opioïdes dans certains pays d'Europe vous paraît-elle plausible ?
Une importation de la `crise américaine des opioïdes' dans certains pays d'Europe est une possibilité, mais certains facteurs semblent limiter le risque de voir l'Union Européenne confrontée à un tel scénario. Le contexte est différent en particulier parce que les prescriptions sont contrôlées, il n'y a pas de publicité pour les médicaments et les personnes qui présentent une dépendance aux opioïdes ont, relativement, mieux accès à des soins de santé primaires et des soins spécialisés. Il s'agit, entre autres interventions, des traitements de substitution aux opiacés tels que la méthadone et la buprénorphine pour les lesquels il existe de fortes preuves scientifiques qu'ils réduisent le risque de morts pas overdose et de morts par autres causes, parmi les personnes dépendantes aux opioïdes.
Même si les données dont nous disposons nous montrent que, comparée aux Etats-Unis, l'UE est pour l'instant relativement épargnée (exception faite des pays Baltes), la vigilance reste de mise face aux nouveaux opioïdes de synthèse. Si l'un des facteurs déclencheurs de la crise américaine a été la sur-prescription d'antidouleurs opioïdes, d'autres facteurs pourraient amener à une augmentation de l'usage des opioïdes de synthèse et de leur l'impact sanitaire en Europe. Pour l'Europe, cela pourrait venir, par exemple, d'une éventuelle pénurie d'héroïne (la production d'opium est en baisse en Afghanistan) couplée à une réorganisation des réseaux de production et de distribution des dérivés du fentanyl, des nitazènes, sans oublier d'autres opioïdes qui émergent (UNODC 2025). Comme rapporté plus haut, les marchés sont dynamiques et l'expérience des clusters récents, et du pic de décès dans les pays Baltes appellent à une grande vigilance (Griffiths, Seyler et al. 2023). Certains pays sont plus vulnérables, en partie du fait des limites de leurs systèmes de santé et des niveaux sous-optimaux de la prévention, de la réduction des risques et des traitements - voir les chapitre `Traitement agonistes opioïdes' et `Réduction des risques' dans le rapport annuel européen, mais d'autres pays peuvent aussi voir ces problèmes se développer (EUDA 2025).
8. Quels enseignements l'Europe peut-elle tirer de l'émergence et de l'évolution de la crise des opioïdes aux États-Unis, en matière de pratiques commerciales, d'encadrement des prescriptions et de politique de réduction des risques ?
L'agence Européenne des Médicaments sera en mesure de répondre à cette question pour ce qui concerne les pratiques commerciales et l'encadrement des prescriptions.
Parmi les enseignements que l'Europe peut tirer de l'émergence et de l'évolution de la crise des opioïdes aux États-Unis, l'expérience de l'Amérique du Nord nous alerte sur le besoin de programmes de réduction des risques et de traitements de la dépendance aux opioïdes (voir les réponses et références indiquées ci-dessus en réponses à la question 7) (EUDA 2025). Plus largement, l'EUDA a appelé à une approche coordonnée à la fin de l'année 2024 (EUDA 2024). Il s'agit notamment de développer des services innovants d'alerte et d'évaluation des menaces liées aux drogues à l'échelle de l'UE et de coopérer avec les États membres pour mettre en place un nouveau réseau de laboratoires médico-légaux et toxicologiques, qui produiront des données et échangeront des informations sur les nouveaux développements et les nouvelles tendances. Cet appel à l'action souligne que : « Ensemble, nous devons renforcer nos réponses aux menaces identifiées et agir. Ce faisant, nous augmenterons ensemble l'échange d'informations à l'échelle de l'UE et l'apprentissage de politiques et d'actions fondées sur des données probantes ».
9. Quelles mesures peuvent-elles contribuer à prévenir ou freiner un tel phénomène, au niveau européen et au niveau des États membres ? Des travaux ont-ils été conduits sur cette question au niveau de l'Union européenne ?
En complément de l'approche coordonnée mentionnée ci-dessus (EUDA 2024), les mesures pouvant contribuer à prévenir ou freiner un tel phénomène, au niveau européen et au niveau des États membres incluent l'accès au traitement et la réduction des risques pour les personnes qui présentent une dépendance aux opioïdes. Les couvertures estimées sont revues dans le rapport annuel Européen (voir les chapitres `Traitements' et `Réduction des risques' mentionnés ci-dessus) (EUDA 2025).
En amont, assurer un large accès aux interventions de prévention fondées sur des données probantes dans les communautés, les écoles et les familles est essentiel, en particulier auprès des plus jeunes pour prévenir les addictions et les comportements à risques (EUDA 2025, Ministère de l'Éducation Nationale 2025). Comme noté dans la récente revue basée sur l'analyse des données européennes en matière de changement des risques liés aux opioïdes en Europe: « Il serait prudent d'accroître notre préparation à la détection et à la réaction rapide à tout changement significatif dans la consommation d'opioïdes, en particulier s'il existe des preuves d'une plus grande consommation parmi les cohortes d'âge plus jeunes (Griffiths, Seyler et al. 2023) ».
Concernant les adolescents et jeunes adultes, certains pays tels que la Finlande et l'Autriche ont déjà rapporté une augmentation du nombre surdoses parmi les jeunes âgés de moins de 20 ans avec des taux de mortalité dans ces tranches d'âge plus élevées que dans la population générale dans ces pays (EUDA 2024) (EUDA 2025). Par ailleurs, une part importante de jeunes usagers a été rapportée dans les alertes récentes liées à des clusters de décès (Bayerische Akademie für Sucht und Gesundheitsfragen 2025).
10. Décrivez les dispositifs de surveillance et d'alerte pilotés par l'EUDA. Quelles actions permettraient-elles d'améliorer la connaissance de la prévalence des usages problématiques d'opioïdes ?
Il existe de nombreux dispositifs de surveillance et d'alerte pilotés par l'EUDA. La multiplicité et la diversité des indicateurs permet la triangulation des informations. Les dispositifs de surveillance et d'alerte, ainsi que l'analyse de leurs données sont présentés dans le rapport annuel européen. Ils comprennent des indicateurs clés, rapportés annuellement au niveau national (nombre de décès, nombre de personnes qui entrent en traitement, saisies,...) ainsi qu'un système d'alerte précoce et des réseaux `sentinelles' locaux, tels que le réseau sentinelles hospitalier, l'analyse des eaux usées et des seringues usagées, les enquêtes en ligne, le réseau de services d'analyse (`drug-checking'), etc. dont les deniers chiffres sont disponibles dans le bulletin statistique (EUDA 2025).
Les actions suivantes permettraient d'améliorer la connaissance de la prévalence des usages problématiques d'opioïdes : étendre la couverture géographique des différents réseaux `sentinelles' existants ; renforcer la capacité laboratoire, ce que fait l'EUDA avec le nouveau réseau de laboratoires.
11. Quels pays européens sont-ils les plus proactifs en matière de réduction des risques ?
Le choix des pays européens en matière de réduction des risques varie en fonction des programmes de traitements de substitution aux opiacés et des actions de réduction des risques autorisées et mises en place telles que les services d'analyse (`drug-checking'), les programmes de distribution de seringues, les salles de consommation à moindre risque, les programmes de formation aux premiers secours et d'administration de la naloxone (`take home naloxone'), dans la communauté, ainsi qu'en prison et en prévision de la sortie de prison. Le point sur la disponibilité et le déploiement de ces services de santé est disponible, par pays, dans le dernier rapport annuel européen (Voir le chapitre 'Réduction des risques') et dans le bulletin statistique (EUDA 2025).
12. Avez-vous d'autres points à porter à l'attention des rapporteurs ?
Compte tenu du nombre croissant de décès par overdose chez les jeunes dans certains pays et de l'augmentation de la prévalence des problèmes de santé mentale chez les adolescents dans de nombreux pays (ESPAD Group 2025 ) les interventions auprès de ce groupe peuvent être intéressantes.
L'accent peut être mis sur l'offre de nombreuses alternatives de vie saine et sur l'engagement communautaire. Un équilibrage des interventions en faveur de la prévention, au profit des soins de santé primaire, du dépistage et de la prévention pourrait être encouragé.
La Finlande a conduit en 2024 une enquête nationale visant à comprendre les circonstances exactes des décès par overdose parmi les adolescents et les jeunes adultes. Cette enquête a mis en évidence les facteurs de risque dans les trajectoires de vie (Safety Investigation Authority 2024, Sanna Rönkä, Heta Konttinen et al. 2024, Rönkä, Konttinen et al. 2025)(voir aussi Questions fréquentes sur les overdoses en Europe et leur prévention (EUDA 2024). Cette méthode et cette analyse pourraient s'avérer utiles pour informer la surveillance et les réponses dans d'autres pays européens.
Références
Bayerische Akademie für Sucht und Gesundheitsfragen (2025). Aktuelle Warnung: Lebensgefahr durch synthetische Opioide in Bayern [Current warning: Danger to life from synthetic opioids in Bavaria. Alerte actuelle : danger de mort dû aux opioïdes synthétiques en Bavière], BAS.
Bendjilali-Sabiani, J. J., C. Eiden, M. Lestienne, S. Cherki, D. Gautre, T. Van den Broek, O. Mathieu and H. Peyriere (2024). "Isotonitazene, a synthetic opioid from an emerging family: The nitazenes." Therapie 79(6): 655-658.
C. Eiden; M.Lestienne; H.Peyriere (2023). "Nouvelle famille d'opioides de synthèse: les nitazènes." Bulletin d'information de pharmacologie clinique de la région occitane(2): 2.
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