DR SIBYLLE MAURIES, PRATICIEN HOSPITALIER

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Le PTC : un cannabinoïde de synthèse

Définition et origine

Le PTC (« pète ton crane » ou 5F-AKB4), fait partie intégrante des cannabinoïdes de synthèse. Les cannabinoïdes de synthèse sont des substances psychoactives fabriquées en laboratoire pour imiter les effets du THC (Delta-9-tétrahydrocannabinol), le principal composé actif du cannabis naturel, sans en contenir. Ils se lient aux mêmes récepteurs cérébraux (CB1/CB2) que le THC, mais la plupart ont une action plus puissante et complète, ce qui explique des effets souvent plus intenses et imprévisible. Apparues dans les années 2000 en tant que « nouveaux produits de synthèse » (NPS), ces molécules sont produites principalement en Asie et diffusées via Internet ou des circuits parallèles, sous des noms commerciaux variés (PTC, Buddha Blue, Mad Hatter, Spice, etc.).

Mécanismes d'action et différences avec le cannabis naturel

Les cannabinoïdes de synthèse sont des agonistes complets des récepteurs cannabinoïdes, alors que le THC naturel est un agoniste partiel. À dose égale, ils suractivent le système endocannabinoïde, ce qui peut entraîner des effets beaucoup plus puissants et dangereux. Contrairement au cannabis naturel, ils ne contiennent pas de cannabidiol (CBD), qui module les effets psychoactifs du THC et limite certains effets indésirables. L'absence de CBD expliquerait la fréquence accrue des effets négatifs (anxiété, tachycardie, etc.) des cannabinoïdes de synthèse. Leur tolérance s'installe rapidement, poussant à l'augmentation des doses et à des risques accrus d'intoxication.

Évolution du phénomène en France

Le phénomène est apparu en France au début des années 2010, d'abord par importation ou via Internet. En 2017, un premier ensemble de substances a été classé comme stupéfiant. Depuis, plus de 200 cannabinoïdes de synthèse ont été identifiés en Europe, avec une émergence régulière de nouvelles molécules (OFDT).

 En 2017, le Baromètre de Santé publique France rapportait que 1.3 % des 18-64 ans déclaraient avoir déjà fumé des cannabinoïdes de synthèse (niveau d'usage similaire à celui de l'héroine) (OFDT).

Concernant l'usage en population adolescente, en 2014, 3.8 % des jeunes de 17 ans déclaraient avoir déjà essayé des NPS (enquête ESCAPAD, OFDT), essentiellement des cannabinoïde de synthèse. (OFDT).

Publics et milieux concernés

Les usagers réguliers sont principalement de jeunes hommes (1.7 % vs 0.8 % de femmes), de moins de 35 ans) en situation précaire, souvent déjà consommateurs d'autres substances. Le phénomène reste marginal dans les milieux festifs et la population générale, mais les adolescents y sont exposés via les réseaux sociaux (OFDT).

Formes et modes de consommation

Les cannabinoïdes de synthèse se présentent sous plusieurs formes :

• Herbes imprégnées à fumer (« Spice »)

• Liquides pour cigarette électronique (PTC, Buddha Blue)

• Poudres ou résines, parfois diluées artisanalement

• Supports insolites comme papiers buvards ou aliments.

Effets recherchés et vécus

Les usagers recherchent des effets similaires à ceux du cannabis : relaxation, euphorie, modification des perceptions. Cependant, les effets sont souvent imprévisibles : confusion, agitation, anxiété, sont fréquents. La frontière entre dose efficace et dose toxique est très mince, rendant l'usage risqué.

Risques et effets toxiques à court terme

Les cannabinoïdes de synthèse exposent à des risques aigus importants :

• Troubles neuropsychiques sévères : agitation, hallucinations, paranoïa, comportements violents ou bizarres, crises épileptiques, comas

• Complications cardiovasculaires : tachycardie, hypertension, troubles du rythme, infarctus, AVC

• Troubles digestifs, hyperthermie, atteintes rénales aiguës

• Risque de décès par surdosage, arrêt cardiaque ou comportement létal sous influence

Complications chroniques et dépendance

Les effets à long terme sont encore mal connus, mais incluent des troubles psychiatriques persistants (psychoses, anxiété, dépression), des troubles cognitifs (mémoire, concentration), et des atteintes organiques (coeur, foie, reins). Le potentiel addictif est élevé, avec une dépendance psychique et physique pouvant s'installer rapidement, accompagnée d'un syndrome de sevrage intense (irritabilité, anxiété, troubles du sommeil, etc.).

Conséquences en santé publique

Malgré un nombre d'usagers limité, la gravité des intoxications engendre une hausse des passages aux urgences et des hospitalisations en réanimation.

Cadre légal et surveillance

En France, la quasi-totalité des cannabinoïdes de synthèse sont classés comme stupéfiants depuis 2017, avec une approche par familles chimiques pour anticiper les nouvelles molécules. Les autorités surveillent activement le marché via des dispositifs comme SINTES (Système d'identification national des toxiques et substances de l'OFDT), CEIP-A (centre d'évaluation et d'information sur la pharmacodépendance-addictovigilance) et TREND (les centres antipoison) (OFDT).

Prévention, prise en charge et recommandations

La prévention vise à informer les publics vulnérables (jeunes, usagers précaires) sur les dangers de ces substances, à renforcer la formation des professionnels de santé. La prise en charge des intoxications est symptomatique, sans antidote spécifique, et le traitement de la dépendance repose sur l'accompagnement addictologique classique. Les recommandations incluent une veille sanitaire renforcée, l'adaptation des dispositifs de soins, la prévention ciblée chez les jeunes, et le soutien à la recherche pour mieux comprendre et traiter ces addictions. Il apparaît également crucial d'agir sur l'environnement numérique des adolescents, compte tenu du rôle de ces plateformes dans la diffusion de contenus.

Références :

[1] J. Grigg, V. Manning, S. Arunogiri, D.I. Lubman, Synthetic cannabinoid use disorder : an update for general psychiatrists, Australas. Psychiatry 27 (2019) 279-283.

[2] M. C. de Oliveira, M. C. Vides, D.L.S. Lassi, J. Torales, A. Ventriglio, H.S. Bombana, V. Leyton, C. de A.-M. Périco, A.B. Negrão, A. Malbergier, J.M. Castaldelli-Maia, Toxicity of Synthetic Cannabinoids in K2/Spice : A Systematic Review, Brain Sci. 13 (2023) 990.

[3] P. Yoganathan, H. Claridge, L. Chester, A. Englund, N.J. Kalk, C.S. Copeland, Synthetic Cannabinoid-Related Deaths in England, 2012-2019, Cannabis Cannabinoid Res. 7 (2022) 516-525.

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