B. RENFORCER LA POLITIQUE DE RÉDUCTION DES RISQUES EN MATIÈRE D'ADDICTIONS
1. Poursuivre les efforts pour améliorer l'accès aux traitements par agonistes opioïdes
· La France est l'un des pays européens dans lesquels l'accès des usagers aux traitements par agonistes opioïdes (TAO) est le plus élevé.
L'organisation de l'offre souffre néanmoins de disparités territoriales importantes. L'accès aux TAO est ainsi plus limité en Île-de-France et dans les territoires ultra-marins.
Nombre de bénéficiaires de TAO en ville pour 100 000 habitants de 15 à 74 ans (2023)
Source : OFDT
Ces inégalités s'expliquent en partie par l'engorgement des structures d'addictologie, ainsi que par un défaut d'accompagnement des médecins généralistes, lesquels peuvent refuser d'initier ou de renouveler des prescriptions de TAO.
Face à ce constat, et compte tenu des limites de durée de prescription des TAO (14 à 28 jours), la situation des patients dépendants devrait être sécurisée pour éviter les ruptures de traitements. La dispensation en ville de la buprénorphine à libération prolongée et une réflexion sur l'opportunité d'élargir l'offre de TAO au sulfate de morphine, pourraient constituer des réponses utiles.
· En revanche, malgré les recommandations de la HAS, l'accès à la naloxone demeure très insuffisant. Son administration permettrait pourtant d'empêcher 4 décès sur 5 par overdose.
Antidote aux surdoses d'opioïdes, la naloxone permet de prévenir l'effet de dépression respiratoire pouvant causer le décès. Actuellement, l'hétérogénéité des conditions de son remboursement et des modalités de sa délivrance nuit à sa disponibilité.
Dès 2022, la HAS a recommandé aux pouvoirs publics d'améliorer la diffusion de la naloxone grâce à « un accès facilité et anonymisé sans prescription ni avance de frais en pharmacie d'officine de toutes les formes de naloxone ».
Seuls les médicaments à base de naloxone délivrés sur prescription médicale sont, en tout ou partie, remboursés par l'assurance maladie, et l'exigence de prescription médicale pour la délivrance de certaines spécialités constitue un obstacle de plus à son accessibilité. Selon les rapporteures, il est grand temps de donner une portée concrète à la recommandation de la HAS (cf. supra).
2. Élargir la politique de réduction des risques et favoriser la responsabilisation des usagers
· Plusieurs experts mettent en avant le risque que comporterait une restriction non accompagnée des prescriptions d'opioïdes pour les usagers, incités à se reporter vers des modes d'approvisionnement illégaux.
De ce point de vue, les conséquences du passage à l'ordonnance sécurisée pour le tramadol et la codéine devront être évaluées. Toute régulation de l'accès aux médicaments opioïdes doit être pensée dans le cadre d'une politique globale de réduction des risques, incluant un accès aux TAO.
· Dans ce contexte, il est nécessaire de renforcer la politique de réduction des risques (RdR) et de l'élargir au-delà des publics ciblés par les politiques « d'aller vers » pour viser l'ensemble des usagers d'opioïdes.
Alors que la RdR demeure une politique globalement confidentielle, une promotion en population générale permettrait de déstigmatiser les usagers d'opioïdes et de saisir la diversité des profils concernés par les mésusages.
L'éducation thérapeutique constitue également un levier opportun pour rendre les patients acteurs de leur prise en charge. Les professionnels de la douleur appellent à ce qu'elle soit renforcée.
Enfin, le déploiement de programmes ciblant les usagers les plus à risque, à l'image du programme POP « Prévention et réduction des risques des surdoses liées aux opioïdes en région PACA » doit demeurer une priorité. L'expérimentation des haltes soins addictions (HSA) s'inscrit dans ce cadre.