C. FORMER LES PROFESSIONNELS DE SANTÉ ET ACCOMPAGNER L'ÉVOLUTION DES PRATIQUES

1. Améliorer la formation des professionnels de la santé en matière de prise en charge de la douleur et des conduites addictives

La formation des professionnels de santé en matière de prise en charge de la douleur et des conduites addictives est indiscutablement lacunaire.

· S'agissant de la formation initiale, ni l'algologie ni l'addictologie ne sont reconnues comme des spécialités médicales constituées en diplômes d'études spécialisées (DES).

S'il existe des formations spécialisées transversales (FST) optionnelles sur la douleur et l'addictologie, la Société française d'étude et de traitement de la douleur (SFETD) indique que la réforme du troisième cycle des études médicales aurait conduit à une diminution de moitié du temps de formation consacré à la douleur.

Ces carences dans la formation étant partagées notamment par les médecins, les pharmaciens et les infirmiers, les rapporteures préconisent d'inscrire un module renforcé sur la prise en charge de la douleur et des addictions dans les études des professionnels de santé concernés.

· Le développement de programmes de formation continue, aisément accessibles aux professionnels en exercice, apparaît également nécessaire, a fortiori dans l'optique de la préconisation de la SFETD d'intégrer le dépistage de la douleur aux consultations de prévention aux âges clés de la vie (« Mon bilan prévention »).

2. Soutenir et accompagner l'évolution des pratiques professionnelles

· Le médecin généraliste est l'acteur central de la prise en charge de la douleur chronique, prescripteur de 86,3 % des opioïdes faibles et de 88,7% des opioïdes forts.

Or la recherche du « zéro douleur », qui favorise les prescriptions inadaptées et les dérives vers les situations d'accoutumance, ne doit pas constituer un objectif thérapeutique en soi.

Les médecins généralistes, peu sensibilisés aux conditions de prescription des opioïdes et au repérage des conduites addictives, sont confrontés à une escalade thérapeutique qu'ils ne savent plus gérer. Or, la HAS comme la SFETD soulignent la nécessité d'accompagner toute prescription d'opioïde d'un projet de déprescription.

· L'évolution des pratiques professionnelles doit donc être soutenue :

- en renforçant l'implication des ordres professionnels (Cnom, Cnop) et de la HAS dans la diffusion des référentiels de bonnes pratiques sur la prescription des opioïdes ;

- en repositionnant les médicaments opioïdes dans une prise en charge multimodale associant des antalgiques non opioïdes et/ou des approches non médicamenteuses.

Liste des principales recommandations

I. Renforcer l'information et faciliter l'orientation des patients pour lutter
contre le risque de dépendance et les mésusages

Recommandation n° 1 : Insister sur la nécessité de l'information du prescripteur au patient sur les risques associés aux médicaments opioïdes.

Recommandation n° 3 : Faire apparaître une mention du risque de dépendance sur les boîtes de médicaments opioïdes, y compris de palier 2.

Recommandation n° 5 : Augmenter le nombre de structures spécialisées de prise en charge des douleurs chroniques (consultations douleur et centres d'évaluation et de traitement de la douleur) pour améliorer la couverture territoriale des besoins et formaliser un 4e plan national de lutte contre la douleur.

II. Mieux sensibiliser les professionnels de santé aux risques liés aux opioïdes
et poursuivre l'encadrement des prescriptions

Recommandation n° 8 : Évaluer l'impact de l'obligation de recourir à des ordonnances sécurisées pour le tramadol et la codéine et, le cas échéant, envisager de soumettre l'ensemble des opioïdes à une obligation d'ordonnance sécurisée.

Recommandation n° 11 : Intégrer un module obligatoire renforcé sur la lutte contre la douleur et les addictions dans les formations initiales des professionnels de santé concernés.

Recommandation n° 14 : Intégrer une stratégie de déprescription progressive dans le parcours de soins et favoriser le recours à des alternatives non médicamenteuses ou à des médicaments non opioïdes pour le traitement de la douleur.

III. Approfondir et compléter la politique de réduction des risques

Recommandation n° 16 : Faciliter l'accès à toutes les formes de naloxone sans prescription en pharmacie d'officine et systématiser la délivrance de naloxone en cas de prescription d'opioïdes de palier 3, de traitement par agonistes opioïdes et en sortie d'hospitalisation en cas de traitement opioïde.

Recommandation n° 18 : Améliorer la disponibilité des traitements par agonistes opioïdes, notamment de la buprénorphine à libération prolongée.

Recommandation n° 20 : Consolider le réseau national d'addictovigilance en renforçant les moyens humains à la disposition des CEIP-A et développer des dispositifs d'analyse des drogues permettant d'évaluer précocement les évolutions des produits et leurs conséquences sur la santé humaine.

Réunie le mercredi 9 juillet 2025 sous la présidence de Philippe Mouiller, la commission des affaires sociales a adopté le rapport et les 20 recommandations des rapporteures, et en a autorisé la publication sous forme d'un rapport d'information.

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