- L'ESSENTIEL
- I. UNE RELATION AVEC LE BRÉSIL
RELANCÉE MAIS QUI RESTE FREINÉE PAR DES DIVERGENCES
GÉOPOLITIQUES
- A. L'APPARTENANCE DU BRÉSIL AUX BRICS ET SES
CONSÉQUENCES POUR LA RELATION FRANCO-BRÉSILIENNE
- B. DES ÉCHANGES ÉCONOMIQUES
MARQUÉS PAR DES INVESTISSEMENTS DIRECTS FRANÇAIS MASSIFS
- C. UNE RELATION CULTURELLE ET UNIVERSITAIRE
SOLIDE
- D. LA LUTTE CONTRE LA CRIMINALITÉ
ORGANISÉE : PASSER À LA VITESSE SUPÉRIEURE
- E. UNE RELATION DE COOPÉRATION DE
DÉFENSE CONFIANTE ET APPROFONDIE
- A. L'APPARTENANCE DU BRÉSIL AUX BRICS ET SES
CONSÉQUENCES POUR LA RELATION FRANCO-BRÉSILIENNE
- II. LE PÉROU : UNE RELATION À
APPROFONDIR
- A. DES RELATIONS FRANCO-PÉRUVIENNES
TRADITIONNELLEMENT CORDIALES
- B. L'ENJEU DE LA RATIFICATION DU TRAITÉ SUR
LA HAUTE MER
- C. UNE DÉPENDANCE ÉCONOMIQUE À
LA CHINE MAIS DES OPPORTUNITÉS POUR LES ENTREPRISES
FRANÇAISES
- D. UNE COOPÉRATION UNIVERSITAIRE ET
CULTURELLE TRÈS RICHE
- E. UN INVESTISSEMENT À RENFORCER DANS LA
RELATION DE DÉFENSE
- F. UNE COOPÉRATION CROISSANTE CONTRE LE
TRAFIC DE DROGUES ET LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE
- A. DES RELATIONS FRANCO-PÉRUVIENNES
TRADITIONNELLEMENT CORDIALES
- I. UNE RELATION AVEC LE BRÉSIL
RELANCÉE MAIS QUI RESTE FREINÉE PAR DES DIVERGENCES
GÉOPOLITIQUES
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
N° 850
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 juillet 2025
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur : « Réinvestir la relation France-Amérique du Sud : les cas du Brésil et du Pérou »,
Par MM. Jean-Luc RUELLE, Mickaël VALLET
et
Édouard COURTIAL,
Sénateurs
(1) Cette commission est composée de : M. Cédric Perrin, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mmes Hélène Conway-Mouret, Catherine Dumas, Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Jean-Baptiste Lemoyne, Claude Malhuret, Akli Mellouli, Philippe Paul, Rachid Temal, vice-présidents ; M. François Bonneau, Mme Vivette Lopez, MM. Hugues Saury, Jean-Marc Vayssouze-Faure, secrétaires ; MM. Étienne Blanc, Gilbert Bouchet, Mme Valérie Boyer, M. Christian Cambon, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Olivier Cigolotti, Édouard Courtial, Jérôme Darras, Mme Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Guillaume Gontard, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Joël Guerriau, Ludovic Haye, Loïc Hervé, Alain Houpert, Patrice Joly, Mmes Gisèle Jourda, Mireille Jouve, MM. Alain Joyandet, Roger Karoutchi, Ronan Le Gleut, Didier Marie, Thierry Meignen, Jean-Jacques Panunzi, Mme Évelyne Perrot, MM. Stéphane Ravier, Jean-Luc Ruelle, Bruno Sido, Mickaël Vallet, Robert Wienie Xowie.
L'ESSENTIEL
Dans un rapport de juillet 2023 intitulé « La France en Amérique du Sud, quelles relations avec ses voisins brésilien, surinamais et guyanien ? », la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées soulignait la nécessité de renforcer les partenariats bilatéraux avec les pays du continent sud-américain, en particulier le Brésil. Deux ans plus tard, en cette année croisée France-Brésil 2025 qui voit la célébration de l'amitié entre les deux pays, la Commission a créé une mission d'information pour évaluer les progrès accomplis vers un partenariat plus stratégique avec la première puissance sud-américaine. Elle a également tenté de dégager les conditions d'un approfondissement des relations franco-péruviennes, le Pérou étant pour le moment un pays insuffisamment pris en compte par la stratégie indopacifique française.
I. UNE RELATION AVEC LE BRÉSIL RELANCÉE MAIS QUI RESTE FREINÉE PAR DES DIVERGENCES GÉOPOLITIQUES
A. L'APPARTENANCE DU BRÉSIL AUX BRICS ET SES CONSÉQUENCES POUR LA RELATION FRANCO-BRÉSILIENNE
1. Une phase compliquée actuellement pour les BRICS
Le Brésil est un membre fondateur des BRICS (initialement Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), en assure la présidence en 2025 et en a accueilli le sommet en juillet 2025.
Les BRICS font face à deux défis. D'abord, l'incertitude qui pèse sur les relations entre les États-Unis de Trump et la Russie pourrait rendre plus difficile pour les BRICS de constituer un pôle d'expression et de revendications autonome. Le fait que, ni le président chinois ni le président russe, ne se soient rendus au sommet des BRICS du 4 juillet 2025 à Rio reflète ainsi les difficultés actuelles de ce groupe à trouver son équilibre dans une situation internationale confuse. La déclaration commune faite à l'issue de cet événement a défendu le multilatéralisme et condamné les guerres et le recours aux sanctions et aux taxes douanières comme instruments politiques, mais de manière très modérée et sans référence directe aux États-Unis. La remise en cause de l'ordre économique actuel et en particulier la « dédollarisation » est passée au second plan, en raison des déclarations concomitantes du président Trump, qui a menacé de représailles commerciales les pays qui tenteraient de remettre en cause la suprématie de la monnaie américaine.
Par ailleurs, l'élargissement à des pays très divers (Iran, Égypte, Émirats, Indonésie, Éthiopie) et la création en 2025 d'une catégorie « États partenaires » comprenant neuf pays met en jeu la cohésion des BRICS. Les divergences de vues sur les récentes attaques contre l'Iran mettent bien en lumière ce défi qui résulte de l'intégration de membres aux visions divergentes.
2. Quelles conséquences pour la relation franco-brésilienne ?
Les BRICS entendent remettre en cause la domination économique et politique des pays du G7, dont la France fait partie. Au G20 à Hiroshima en 2023, Lula critiquait le directoire mondial occidental et appelait de ses voeux un G20 plus politique ainsi qu'une relance de la relation stratégique franco-brésilienne allant au-delà des seuls sujets de l'écologie et de la défense pour inclure les grands contentieux internationaux tels que l'Ukraine ou Gaza.
Lors du déplacement de la mission sénatoriale dans le pays, les représentants du ministère des affaires étrangères, tout en saluant l'attachement au multilatéralisme et la « créativité politique » de la France, ont critiqué le supposé alignement de l'Union européenne et de ses membres sur les États-Unis et regretté les hausses de budgets de défense, qui seraient, selon eux, mieux employées à combattre la pauvreté et le changement climatique. En outre, tout en ayant condamné l'invasion russe, le Brésil considère que l'OTAN a une part de responsabilité dans la situation ayant conduit à la guerre en Ukraine et refuse toute idée de sanction. En 2022, avant son retour au pouvoir, Lula avait même mis en cause directement le président ukrainien. Lula a par ailleurs employé publiquement le terme de « génocide » à propos de l'intervention israélienne à Gaza.
Par ailleurs, le Brésil déplore la position française opposée au traité UE-Mercosur, texte que les autorités brésiliennes jugent stratégique, face aux pressions américaines, pour permettre la survie du multilatéralisme et la poursuite d'échanges commerciaux bénéficiant à tous. Concernant enfin la Chine, la délégation a pu constater que le Brésil adopte une lecture bienveillante de son comportement sur la scène internationale : ses intentions seraient pacifiques et les ingérences en provenance de ce pays des agissements purement individuels. Le président brésilien valorise le partenariat sino-brésilien et emploie volontiers des formulations d'origine chinoises. Cependant, le Brésil cultive une forme d'indépendance, ayant refusé d'adhérer à l'initiative « Belt and road » pour préférer une simple « synergie » avec l'initiative chinoise. Il prône ainsi une position d'équilibre : le monde ne doit être ni américain, ni chinois.
Au total, en raison de ces différentes prises de positions sur les enjeux internationaux, les dirigeants « occidentaux » n'affichent plus la même proximité avec Lula que lors de ses deux premiers mandats : c'est un sentiment de « déception » qui domine, auquel répond d'ailleurs côté brésilien une pareille « déception » devant une attitude jugée partiale dans la crise au Moyen-Orient et ce que le Brésil considère comme une inaction voire un recul sur les grands dossiers climatiques et environnementaux.
Pour autant, les autorités brésiliennes cherchent à convaincre du bien-fondé de leur approche dans une perspective de défense du multilatéralisme. Celso Amorim, ancien ministre des affaires étrangères de Lula, a ainsi expliqué à la délégation que les BRICS sont un moyen pour faire accepter au G7 que seul le G20 est représentatif et doit exercer une forme de gouvernance mondiale. Dans le même ordre d'idée, certains chercheurs brésiliens qualifient les BRICS de « légitimateur réformiste de l'ordre existant ».
Par ailleurs, les dirigeants actuels et la société brésilienne expriment une francophilie certaine. Ainsi la France, mobilisée par la guerre en Ukraine, solidaire de l`Union européenne, de l'OTAN et dans une moindre mesure des États-Unis dans le chaos grandissant des crises, peut-elle malgré tout cultiver un partenariat avec l'un des BRICS, au-delà de son seul soutien réitéré à l'entrée du Brésil au Conseil de sécurité ? L'axe franco-brésilien peut-il faire pont entre « occident » et « Sud » ?
Jusqu'à récemment, la volonté semblait faire défaut côté français. Le précédent rapport de la Commission des affaires étrangères et de la défense sur le Brésil regrettait ainsi l'absence de grande initiative française après le retour de Lula : ni visite présidentielle, ni investissements majeurs. Il appelait à une visite officielle du président Macron en 2023, qui n'a pas eu lieu dans ce délai.
Cependant, la visite officielle du Président de la République au Brésil en mars 2024 a entendu marquer un tournant, avec l'adoption d'un plan stratégique et de plus de vingt accords sectoriels. En particulier, un programme de finance verte doit mobiliser un milliard d'euros pour l'Amazonie. En matière culturelle, l'objectif est d'accueillir huit mille étudiants par an en France d'ici 2026 (contre cinq mille aujourd'hui). 2025 est l'année France-Brésil avec des centaines d'événements dans chacun des deux pays. Toutefois, les résultats concrets des grandes annonces de 2024 restent encore limités, tandis que les irritants déjà évoqués gardent toute leur force et empêchent un véritable approfondissement de la relation.
Décision / intention |
Contenu |
État de mise en oeuvre (juillet 2025) |
1. Lancement d'un programme d'investissement vert (1 milliard €) |
Mobilisation de capitaux publics/privés sur 4 ans pour la protection de l'Amazonie et la bioéconomie, incluant un marché carbone rémunéré. |
En cours : Des fonds publics (AFD, EU, BRICS) commencent à être mobilisés, notamment via le programma AMABIO, Toutefois, l'essentiel du capital privé n'est pas encore engagé. Un rapport provisoire de l'AFD (avril 2025) indique que 200 M€ sont contractés. |
3. Poursuite de la coopération défense - sous-marins & hélicoptères |
Mise à l'eau du 3? sous-marin Scorpène, coopération relancée pour le sous-marin à propulsion nucléaire, hélicoptères H145 proposées. |
Progrès réalisés : Scorpènes livrés (Tonelero), recherche d'autres acheteurs pour des Scorpène en Amérique du Sud, retards mais poursuite de la coopération sur le sous-marin à propulsion nucléaire. |
4. Renforcement diplomatique UE-Mercosur |
Macron s'est positionné contre l'accord UE-Mercosur dans sa forme actuelle, appelant à un nouvel accord intégrant le climat et la biodiversité. |
En stagnation : La France maintient un véto technique en 2025, exigeant un volet environnemental renforcé, tandis que le Brésil continue à prôner fortement son adoption et que la Commission européenne a progressé vers l'adoption. |
5. Co-développement académique & culturel |
Augmentation du flux étudiants brésiliens (5 000?8 000 d'ici 2026), promotion du bilinguisme, saisons culturelles dès 2025. |
En cours de réalisation : Saison France-Brésil lancée comme prévu en avril 2025 (Musée du quai Branly, Salon du Livre...) avec des centaines de manifestations dans les deux pays. Proposition de loi brésilienne imposant l'Espagnol comme 2ème langue rejetée. |
6. Océans |
Soutien à l'entrée en vigueur de l'accord se rapportant à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (BBNJ), en profitant de la tenue de l'UNOC 3 à Nice, en juin 2025. |
En progression : 21 signatures et 19 ratifications supplémentaires recueillies lors du sommet UNOC de Nice, permettant d'atteindre au total 136 signatures et 51 ratifications : encore 9 ratifications nécessaires pour entrée en vigueur. |
Au total, la Commission ne peut qu'encourager le Gouvernement à poursuivre résolument la mise en oeuvre des mesures de coopération décidées en 2024 tout en poursuivant la discussion sur les crises internationales, sans espérer toutefois un rapprochement décisif avec les positions brésiliennes
B. DES ÉCHANGES ÉCONOMIQUES MARQUÉS PAR DES INVESTISSEMENTS DIRECTS FRANÇAIS MASSIFS
Par ailleurs, sur le plan commercial, les échanges entre les deux pays restent très modestes, car l'économie brésilienne, relativement fermée, est centrée sur le marché intérieur. En revanche, la France est le deuxième investisseur étranger au Brésil. Près de 1 300 filiales d'entreprises françaises sont implantées dans le pays, employant 554 000 personnes. Le potentiel de développement est notamment important dans le domaine des énergies renouvelables, avec des partenariats technologiques et industriels envisagés entre entreprises françaises (EDF, TotalEnergies) et brésiliennes.
Les échanges économiques France-Brésil
En 2024, le solde commercial de la France a diminué de plus d'un tiers par rapport à 2023, s'établissant à 259 M EUR. Le Brésil est désormais le 36ème excédent commercial de la France alors qu'il était le 6ème en 2016. Les échanges commerciaux totaux ont reculé en 2024 pour s'établir à 8 Md EUR (- 4,1%), après deux années de hausse en 2021 et 2022. Cette baisse s'inscrit dans une contraction plus générale du commerce extérieur français. Bien que le Brésil ne représente que 0,6 % des échanges commerciaux français, il demeure le premier partenaire de la France en Amérique latine, concentrant 28 % des échanges de la région, devant le Mexique.
Les exportations françaises vers le Brésil sont dominées par le secteur des matériels de transport (1,1 Md EUR), principalement des aéronefs et leurs composants, ainsi que des véhicules et leurs accessoires. Les produits chimiques, parfums et cosmétiques (0,9 Md EUR) occupent également une place majeure, représentant un peu plus d'un cinquième des exportations françaises. Suivent les machines industrielles et agricoles (0,5 Md EUR), troisième poste d'exportation, et les produits pharmaceutiques (0,4 Md EUR), au 4ème rang, enregistrant une croissance notable. En revanche, les exportations agricoles et agro-industrielles restent marginales, ne représentant respectivement que 0,6 % et 3,9 % du total des exportations françaises vers ce pays.
La France importe principalement des produits de base et des matières premières en provenance du Brésil : produits agricoles, agro-industriels et les minerais. On observe toutefois une hausse des importations de produits agricoles, sylvicoles, de la pêche et de l'aquaculture.
Le Brésil est la deuxième destination des IDE français parmi les marchés émergents.
Le stock d'investissements directs (IDE) de la France au Brésil s'établit à 34,2 Md EUR en 2023. Le Brésil demeure la 2ème destination d'IDE français parmi les pays émergents, derrière la Chine. Au niveau global, le Brésil se classe au 9ème rang des investissements français dans le monde.
Ceux-ci se concentrent principalement dans le secteur des services, en particulier le commerce de détail (Carrefour est le principal détaillant du pays). Les IDE dans la finance et l'assurance sont également importants (BNP Paribas, avec sa filiale d'assurance Cardif, CNP Assurances, Société Générale). Les entreprises françaises jouent également un rôle clé dans l'industrie manufacturière, qui représente un peu plus d'un quart de leurs IDE dans le pays : sites de production de Renault et Stellantis, Airbus, qui assemble des hélicoptères localement, et Alstom qui produits des trains et tramways. Par ailleurs, l'industrie extractive constitue un autre pilier significatif, représentant un quart des IDE, notamment avec la présence de TotalEnergies.
Selon le critère de contrôle final des investissements - qui attribue l'IDE à la nationalité de l'investisseur contrôlant effectivement la chaîne d'investissement -, la France s'impose comme le 2ème investisseur étranger au Brésil en 2023, avec un stock de 66,3 Md USD, en forte hausse récente (augmentation des investissements dans les secteurs des industries extractives, dans la finance et l'assurance, ainsi que dans l'électricité et le gaz). Les États-Unis demeurent, de loin, le 1er investisseur au Brésil (357,8 Md USD). La Chine, dont les IDE au Brésil ont doublé depuis 2020, se classe au 6ème rang.
Les investissements brésiliens en France demeurent modestes : 1,9 Md EUR en 2023, soit 0,2 % du stock d'IDE en France, ce qui place le Brésil au 27ème rang des investisseurs dans l'Hexagone. Ces investissements sont principalement concentrés dans le secteur des services, notamment financiers. Cette situation illustre le faible appétit des entreprises brésiliennes pour l'internationalisation, y compris vers les marchés de l'Amérique latine.
Source : Trésor
C. UNE RELATION CULTURELLE ET UNIVERSITAIRE SOLIDE
La coopération universitaire entre les deux pays est très développée. La question de la protection du climat et de la biodiversité en lien avec la forêt est au coeur des dynamiques, relancées en 2024 lors de la visite présidentielle. L'Institut de recherche pour le développement (IRD), présent depuis soixante ans, soutient l'observatoire d'hydrologie du bassin amazonien par une aide de douze millions d'euros. Des programmes entre le CNRS, l'IRD, l'INRAE et des institutions brésiliennes comme l'INPA ou l'EMBRAPA visent à développer des systèmes agricoles durables ou encore à cartographier et préserver la biodiversité.
En revanche, même avec 600 000 locuteurs francophones et 130 000 apprenants au Brésil, la francophonie semble en perte de vitesse dans le pays. Il n'y a que trois lycées français et le Brésil n'apparaît pas dans le catalogue de la francophonie. Plusieurs propositions de loi tendant à faire de l'espagnol la deuxième langue obligatoire ont récemment été déposées au Brésil. Consciente de l'enjeu, l'AEFE a décidé de faire du pays l'une de ses dix priorités, avec l'extension des filières bilingues françaises dans les lycées brésiliens. Cependant, les effets des coupes dues à la situation budgétaire s'annoncent majeurs, notamment pour l'AEFE et l'Agence universitaire de la francophonie (AUF).
Il est nécessaire de poursuivre l'effort visant à une meilleure prise en compte du nombre élevé de locuteurs francophones au Brésil
D. LA LUTTE CONTRE LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE : PASSER À LA VITESSE SUPÉRIEURE
1. Les fléaux du narcotrafic et de l'orpaillage illégal
Bien qu'il n'en soit pas producteur contrairement à ses voisins et en particulier au Pérou, le Brésil est depuis les années 2010 l'une des principales plateformes mondiales d'exportation de cocaïne. Selon l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), le Brésil est à lui seul à l'origine de 25 à 30 % des flux vers l'Europe, via les ports d'Anvers, de Rotterdam et du Havre ou par avion.
Les organisations criminelles qui gèrent ce trafic sont nombreuses et parfois tentaculaires, comme le « Primeiro Comando da Capital » (PCC) qui dispose d'extensions en Guyane. C'est l'une des causes de la forte insécurité dans le pays, qui se traduit par un nombre très élevé de crimes et en particulier d'homicides.
L'orpaillage illégal est également une activité en forte expansion en Amazonie. L'or alimente une chaîne logistique mondiale à la traçabilité défaillante. Les factions criminelles contrôlent l'accès aux sites, la logistique et le blanchiment. La pollution au mercure est massive et contamine les populations locales via l'alimentation. L'orpaillage est également responsable d'une partie significative de la déforestation.
Les conséquences catastrophiques de l'orpaillage illégal au Brésil
En 2023, l'Institut National de Recherches Spatiales (INPE) brésilien et l'ONG MapBiomas ont estimé que plus de 3 000 sites illégaux étaient actifs en Amazonie brésilienne. La superficie occupée par les activités aurifères illégales a plus que doublé entre 2010 et 2022, atteignant plus de 100 000 hectares.
Les zones les plus touchées sont les états d'Amazonas, de Pará, du Mato Grosso et surtout de Roraima, avec le territoire indigène Yanomami comme épicentre majeur. Le territoire Yanomami, de plus de 96 000 km², est le plus vaste territoire indigène du pays. Plus de 20 000 orpailleurs illégaux y étaient présents début 2023. Des centaines enfants y meurent de de malnutrition et de maladies évitables. Des foyers de paludisme, tuberculose et IST ont été signalés en hausse dans les zones d'orpaillage.
L'utilisation du mercure pour amalgamer l'or est massive : selon l'ONG WWF Brésil, plus de 100 tonnes de mercure sont déversées chaque année dans les fleuves amazoniens. Le mercure contamine la chaîne alimentaire, affectant particulièrement les populations indigènes qui consomment du poisson local. 6 personnes sur 10 dans les communautés indigènes testées dépassent les seuils d'exposition. En outre, l'orpaillage illégal est responsable d'environ 10 % de la déforestation annuelle en Amazonie brésilienne. Il s'accompagne en effet de routes clandestines, pistes d'atterrissage illégales, et petits barrages, qui en augmentent l'impact écologique.
L'orpaillage illégal est hautement structuré : il implique des groupes criminels comme le Primeiro Comando da Capital (PCC). L'or extrait est souvent blanchi via des comptoirs aurifères légaux, avec de faux documents de traçabilité. Selon certains rapports, la moitié de l'or exporté par le Brésil pourrait avoir une origine illégale.
Sous Bolsonaro (2019-2022), on assiste à une tolérance à l'orpaillage illégal, avec une réduction des budgets de l'Institut brésilien de l'environnement et des ressources naturelles renouvelables et de la Fondation nationale des Peuples Indigènes. On constate également une forte augmentation de la déforestation (+75 % entre 2018 et 2022). Depuis le retour de Lula en janvier 2023 ont lieu des opérations fédérales coordonnées de lutte contre l'orpaillage illégal, notamment l'« Opération Yanomami », avec l'expulsion de milliers d'orpailleurs, la saisie et la destruction de bateaux, de machines, de carburant et d'or, ainsi que des opérations sanitaires. L'État a repris le financement de l'IBAMA.
L'orpaillage illégal est transfrontalier, notamment dans la zone de l'Oyapock, à la frontière avec la Guyane française. Des groupes opérant au Brésil se déplacent vers la Guyane selon les pressions étatiques, rendant la coopération bilatérale stratégique. Les présidents Macron et Lula, lors de la visite de mars 2024 à Belém, ont ainsi relancé une commission mixte transfrontalière pour lutter contre l'orpaillage et la criminalité environnementale.
Les perspectives d'amélioration durable de la situation passent par le renforcement de la traçabilité de l'or (numérisation des documents de traçabilité, mécanismes de certification internationale) et par le soutien à l'économie légale locale, avec le développement de la bioéconomie pour offrir des alternatives aux populations dépendantes de l'orpaillage.
2. Une coopération en progression avec la France pour contrer ces activités criminelles
La frontière entre la Guyane française et le Brésil est une zone de transit importante pour l'or et la drogue, ainsi que pour les organisations criminelles. La coopération transfrontalière est déjà significative entre les deux pays. En particulier, le Centre de coopération policière et douanière (CCP) de Saint-Georges, rattaché au Commandement de la gendarmerie de la Guyane, accueille deux agents de la police fédérale brésilienne. Des « opérations-miroir » sont menées avec les forces brésiliennes afin de rechercher des individus impliqués dans l'orpaillage illégal et de lutter contre le trafic de marchandises via l'Oyapock. Le CCP a ainsi permis de systématiser les échanges policiers et judiciaires. Plusieurs évolutions positives récentes peuvent être signalées dans ce domaine, répondant d'ailleurs à des recommandations faites par le rapport du Sénat sur le Brésil il y a deux ans :
- La commission mixte transfrontalière, réunissant les institutions fédérales brésiliennes, celles de l'État de l'Amapá et de la France, a récemment prévu une augmentation des effectifs du CCP avec l'intégration de nouveaux agents militaires et civils brésiliens ;
- Une nouvelle convention d'entraide judiciaire, votée par le Sénat en juin 2025, est en voie d'être définitivement adoptée. Elle autorise les formes les plus modernes de l'entraide judiciaire : investigations bancaires, saisies et confiscations des avoirs criminels, interceptions téléphoniques, livraisons surveillées, poursuites transfrontalières et formation d'équipes communes d'enquêtes ;
- La signature d'un accord de transfert pénitentiaire des détenus brésiliens condamnés vers le Brésil est sans doute imminente, le président de la République venant d'en faire la condition de la suppression des visas entre Brésil et Guyane. Ceci éliminera au passage l'un des principaux irritants de la relation bilatérale.
En ce qui concerne la lutte contre le narcotrafic en mer, la coopération existe mais pourrait être accrue, notamment dans le golfe de Guinée, où passent beaucoup de navires suspects venant du Brésil. Ce type d'interventions est une charge croissante pour la Marine française, engagée dans la région depuis 35 ans à travers l'opération Corymbe.
Par ailleurs, la sortie de la drogue du Brésil par voie aérienne via les « mules » guyanaises a été très fortement entravée depuis deux ans et demi en raison des arrêtés d'interdiction d'embarquer émis par le préfet de Guyane dans le cadre du dispositif « 100 % contrôle ». Ce traitement administratif préventif permet de préserver la chaîne pénale française de la saturation totale que les narcotrafiquants avaient organisée. Il a toutefois provoqué un report du trafic sur les Antilles : les saisies de cocaïne transportée par des voyageurs en provenance de celles-ci ont augmenté de 80 % en 2023 et de 40 % en 2024. De nouveaux contrôles ont déjà fait diminuer ce trafic, mais au profit de la liaison directe entre le Brésil et la France. De ce fait, la coopération avec le Brésil devient essentielle. Les moyens dont disposent la police et la douane françaises pour coopérer avec les autorités brésiliennes doivent donc être renforcés. Le Brésil a par ailleurs nettement progressé en amont sur le contrôle des flux routiers et sur la mise en place dans les ports de matériels permettant de scanner systématiquement les conteneurs. Les narcotrafiquants contournent toutefois ces mesures par le transport sous coque ou bien par bateaux de plaisance, usant de modes opératoires en constant renouvellement. On estime ainsi que seuls 10 % de la cocaïne sont saisis. Ceci met en exergue la nécessité d'une politique multidimensionnelle, qui débute dès le pays producteur.
L'approfondissement de la coopération en matière de lutte anti-drogue suppose ainsi un travail d'explication auprès des autorités brésiliennes et une mise en valeur des efforts accomplis par la France, aussi bien en mer que sur le territoire national (en Guyane et en métropole) pour contenir ce fléau
E. UNE RELATION DE COOPÉRATION DE DÉFENSE CONFIANTE ET APPROFONDIE
1. La poursuite du programme de sous-marins PROSUB
Au Brésil, la Délégation sénatoriale s'est rendue à Itaguaí pour évaluer la poursuite de PROSUB, programme de coopération pour le développement de la force sous-marine brésilienne prévoyant la construction d'un chantier et d'une base navale, de quatre sous-marins conventionnels de type Scorpène et d'une assistance technique, en particulier pour la coque, sur un futur sous-marin à propulsion nucléaire (et armement conventionnel)1(*), l'Alvaro Alberto. L'ensemble est mis en oeuvre par une joint-venture entre Naval Group et l'industriel brésilien Novonor, nommée Itaguaí Construções Navais (ICN). Deux sous-marins ont déjà été livrés par ICN, un autre le sera courant 2025 et le dernier en 2026 : il s'agit d'un beau succès industriel, de transfert technologique et de coopération avec le Brésil. PROSUB constitue ainsi un puissant levier pour la coopération et l'amitié franco-brésiliennes.
Mise à l'eau du sous-marin « Humaita »
Cependant, le programme accuse de nombreuses années de retard, notamment en ce qui concerne le sous-marin à propulsion nucléaire. Les coupes budgétaires brésiliennes parfois massives d'une année à l'autre, la complexité inhérente à un transfert de technologie réalisé quasiment à partir d'une feuille blanche et imposant la formation de très haut niveau de centaines de techniciens, les conséquences indirectes de l'affaire de corruption Odebrecht et de la crise du Covid sont les principaux facteurs à l'origine de ces retards. La complexité de l'élaboration du réacteur nucléaire compact par le Brésil, processus en cours depuis 45 ans, est également à relever. Le pays est enfin dans une situation budgétaire dégradée et le Président Lula, qui soutient fortement le programme, ne dispose pas de la majorité au Parlement. La livraison du sous-marin nucléaire a ainsi été progressivement décalée de 2025 à 2039.
Par ailleurs, afin de lisser l'activité du chantier d'Itaguai, nécessairement en baisse en raison de l'arrivée à terme du programme initial des quatre sous-marins conventionnels et du décalage de la production du sous-marin à propulsion nucléaire, et de préserver les compétences acquises, il serait utile que le chantier puisse à présent produire pour l'exportation, soit de sous-marins de type Scorpène, soit d'autres types de sous-marins ou de navires. L'Argentine, la Colombie et le Chili se montreraient intéressés par les Scorpène2(*). Une telle opération suppose toutefois la levée préalable de difficultés réglementaires et fiscales propres au Brésil, ce à quoi s'emploient actuellement les acteurs du programme.
Enfin, il existe des défis liés à la maintenance dans la durée des sous-marins, problématique que l'on retrouve dans d'autres programmes de transferts de technologies comme ceux en cours actuellement avec l'Inde.
Cette coopération en matière de sous-marins a une portée stratégique plus globale. Le Brésil dispose d'une façade maritime immense, avec 8 500 km de côtes et la ZEE associée, parfois qualifiée d'« Amazonie bleue ». La protection de cet espace, mission naturelle de la Marine brésilienne, s'accorde donc avec la diplomatie environnementale de la France, très centrée sur l'océan dans la période récente, avec notamment la tenue de la 3ème Conférence des Nations unies sur l'Océan de Nice en juin 2025 et la campagne pour la ratification du traité sur la haute mer (BBNJ). Le Brésil a par ailleurs pour objectif de se rapprocher des pays de la côte Ouest de l'Afrique, auxquels il est relié par la mémoire de l'esclavage. Toutefois, ses capacités maritimes limitées ne lui permettent pas pour le moment d'avoir une politique active d'arraisonnement des navires soupçonnés de transporter de la drogue en provenance du Brésil dans le Golfe de Guinée, type d'intervention au contraire de plus en plus souvent pratiquée par les navires français dans le cadre de l'opération Corymbe De futures coopérations pourraient cependant être envisagées dans ce domaine.
2. D'autres champs de coopération
La construction des Scorpène s'inscrit dans une coopération en matière d'armements plus large entre la France et le Brésil, incluant en particulier des hélicoptères. Une vente de cinquante hélicoptères construits par Hélibras (filiale à 100 % d'Airbus) avait ainsi été prévue dans l'accord stratégique signé en 2008. En raison des coupes budgétaires brutales imposées à partir de la récession de 2014, la livraison des derniers appareils a été reportée de 2017 à 2026 et la cible a été réduite à 47 appareils. En contrepartie, les crédits libérés ont permis de financer l'acquisition de vingt-sept hélicoptères d'entraînement (H125) pour la marine et l'armée de l'Air. Une commande supplémentaire de H145, qui permettrait à Helibras de créer une ligne de montage au Brésil, est également en réflexion.
Plus généralement, sur le plan des ventes d'armements, les autorités brésiliennes estiment que la relation commerciale avec la France est déséquilibrée. Si cette analyse apparaît exacte au regard de la seule balance commerciale, elle ne tient toutefois pas compte du fait que les ventes françaises, tant pour les sous-marins que pour les hélicoptères, sont liées à des programmes stratégiques et des transferts de technologies qui bénéficient dans la durée à la BITD brésilienne.
Par ailleurs, en tant qu'acteur non-aligné, le Brésil revendique une certaine autonomie stratégique et cherche à préserver une autonomie capacitaire lui permettant de ne pas intégrer d'alliances militaires. Cette ambition implique notamment un renouvellement de ses blindés, de ses systèmes de défense aérienne et de ses équipements pour les opérations en forêt équatoriale.
Toutefois, ces mesures sont entravées par des facteurs structurels. L'objectif de 2 % du PIB consacré à la défense, fixé par le Gouvernement brésilien, n'est pas perçu comme un enjeu important pour la population d'un pays habitué à ne pas avoir d'ennemi depuis 150 ans et qui est plutôt focalisé sur la lutte contre le trafic de drogues. L'absence de programmation budgétaire pluriannuelle robuste et de structure administrative comparable à la Direction générale de l'armement française (DGA) empêchent également une programmation efficace des dépenses, par ailleurs soumises à des régulations fréquentes et importantes. Les dépenses de fonctionnement (salaires, retraites) absorbent plus de 80 % du budget du ministère de la Défense. Enfin, la situation budgétaire du pays s'est dégradée et il devient difficile de mener de front la réduction de la pauvreté, essentielle dans un pays aux inégalités particulièrement fortes et priorisée par le Président Lula, et la montée en puissance de l'équipement des forces armées brésiliennes.
Les besoins des armées brésiliennes doivent continuer à être explorés par les entreprises françaises du secteur même si les difficultés budgétaires du pays font peser un aléa
L'armée brésilienne
Le Brésil dispose de la plus grande force armée d'Amérique latine, avec environ 330 000 militaires d'active (dont 200 000 dans l'armée de Terre). Le budget de la défense en 2023 était d'environ 110 milliards de réals, soit environ 20 milliards d'euros (1,2 % du PIB), selon le SIPRI.
Le Brésil ne figure pas parmi les principaux exportateurs mondiaux d'armements. Les principales entreprises du secteur sont Embraer Defense avec des avions militaires (Super Tucano, C-390 Millenium), Avibras (missiles, lance-roquettes), AEL et ARES, SIATT, Akaer, Mac Jee (entreprises innovantes dans l'électronique, les drones ou les munitions guidées). Les principaux clients du pays sont l'Angola, le Nigeria, les Philippines, l'Indonésie, la Colombie et l'Argentine. Le Super Tucano, avion à turbopropulseur conçu pour l'attaque légère, la lutte antiguérilla et les missions de formation des pilotes, est l'un des produits d'exportation les plus emblématiques, utilisé dans plus de 20 pays.
Le Brésil est en cours de renouvellement de sa flotte aérienne militaire (entre 120 et 150 avions). Il a décidé de l'acquisition de 36 avions de combat. Après des négociations avec Boeing, Dassault et Saab, c'est finalement ce dernier constructeur qui a été choisi avec le Gripen.
La BITD brésilienne souffre d'une dépendance à certaines technologies étrangères, notamment en électronique embarquée. Le marché domestique, prioritaire, est sous tension du fait des fortes fluctuations des budgets d'investissement. Le secteur est très centralisé, avec un écosystème restreint (moins de 200 entreprises certifiées comme « entreprises de défense stratégiques »). La flotte aérienne du pays est vieillissante malgré l'acquisition de Gripen.
Enfin, l'armée joue un rôle majeur dans la vie politique brésilienne. Sous la présidence Bolsonaro (2019-2022), plus de 6 000 militaires ont été nommés à des fonctions civiles, y compris à la tête de ministères. Depuis 2023, le président Lula a réaffirmé la subordination des militaires au pouvoir civil et a réduit leur présence dans les agences civiles.
II. LE PÉROU : UNE RELATION À APPROFONDIR
A. DES RELATIONS FRANCO-PÉRUVIENNES TRADITIONNELLEMENT CORDIALES
L'image de la France au Pérou est très positive, bien que les échanges politiques aient été freinés à partir de 2016 en raison de la longue crise politique.
La crise politique péruvienne
I. Une instabilité politique persistante depuis la chute de Fujimori (2000)
Depuis la fin de la présidence d'Alberto Fujimori en 2000, le Pérou est victime d'une instabilité politique chronique, marquée par une succession rapide de présidents, une défiance généralisée envers les institutions et une corruption endémique. Entre 2016 et 2023, six présidents se sont succédé : Pedro Pablo Kuczynski (2016-2018), contraint à la démission pour corruption (affaire Odebrecht) ; Martín Vizcarra (2018-2020), destitué pour « incapacité morale » par un Congrès hostile ; Manuel Merino, président intérimaire pendant 5 jours en novembre 2020, démissionnaire après des manifestations massives ; Francisco Sagasti (2020-2021), président de transition ; Pedro Castillo (2021-2022), destitué après avoir tenté de dissoudre le Congrès, enfin Dina Boluarte, actuelle présidente par intérim, dont la légitimité est fortement contestée.
Le système politique péruvien est déséquilibré, le Congrès pouvant facilement destituer un président pour « incapacité morale » (une notion floue non définie par la Constitution). Le Congrès monocaméral est extrêmement fragmenté : aux élections de 2021, 10 partis ont obtenu des sièges, aucun n'ayant atteint plus de 14 %. Ceci favorise les coalitions opportunistes et rend difficile le dialogue exécutif-législatif.
II. Le cas Pedro Castillo, révélateur des fractures sociales
Élu en 2021 avec le soutien des zones rurales et andines, Pedro Castillo symbolisait une réaction populaire contre Lima et les élites côtières. Son mandat a été marqué par l'instabilité (plus de 70 ministres en un an), des accusations de corruption, mais aussi par un harcèlement permanent du Congrès conservateur. En décembre 2022, après avoir tenté de dissoudre le Congrès par un décret illégal, il a été destitué et arrêté. Cette crise a déclenché de violentes manifestations, surtout dans le sud andin.
Par la suite, les protestations de 2022-2023 contre Dina Boluarte, la vice-présidente de Castillo qui lui a succédé à la présidence, ont provoqué plus de 60 morts. Plusieurs ONG et la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) ont dénoncé un usage disproportionné de la force par la police. Le sud du pays reste en état de grande tension, réclamant une Assemblée constituante et des élections anticipées.
III. Les facteurs structurels de la crise
Le Pérou souffre d'une délégitimation des partis traditionnels, coalitions électorales ad hoc sans idéologie claire ni ancrage territorial durable. Aucun parti péruvien n'a réussi à gouverner deux mandats consécutifs depuis 2000. L'affaire Odebrecht a touché quatre présidents successifs.
Par ailleurs, le PIB par habitant est environ 2 fois plus élevé à Lima que dans les régions andines. L'indice de pauvreté atteint plus de 35 % dans certaines régions rurales, contre 13 % à Lima. Cette fracture nourrit une radicalisation politique entre élites urbaines et électorats indigènes ou paysans.
La crise politique péruvienne est ainsi multidimensionnelle et profonde. Elle résulte d'un système institutionnel dysfonctionnel et d'une fracture territoriale et sociale toujours plus aiguë.
Malgré ses problèmes internes, le Pérou, attaché à la défense des valeurs démocratiques sur la scène internationale, est un allié de la France dans les enceintes multilatérales
B. L'ENJEU DE LA RATIFICATION DU TRAITÉ SUR LA HAUTE MER
Un enjeu important actuellement pour le pays est la ratification de l' « Accord se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale », dit « BBNJ ». Bien que ce traité ait été signé par la présidente Boluarte à Nice en juin 2025, les parlementaires péruviens sont réticents à le ratifier car ils redoutent que cela ne soit considéré comme une ratification implicite de la Convention de Montego Bay, que le Pérou n'a pas signée, et ne conduise à des restrictions pour la pêche péruvienne. Pourtant, ce traité, dont la ratification est fortement soutenue par la France (il manque une dizaine de signatures sur 60 pour l'entrée en vigueur) permettrait de mieux lutter contre le pillage halieutique sans nuire à la pêche locale. Les autorités françaises doivent donc poursuivre le travail d'explication entrepris pour permettre une ratification prochaine par le Pérou.
C. UNE DÉPENDANCE ÉCONOMIQUE À LA CHINE MAIS DES OPPORTUNITÉS POUR LES ENTREPRISES FRANÇAISES
Grand pays riverain du Pacifique, membre de l'Alliance du Pacifique et de l'APEC, le Pérou a pour principaux partenaires les États-Unis et la Chine, cette dernière ayant pris l'ascendant au cours des dernières années. Elle y accroît sa présence, avec notamment l'inauguration du « méga-port » de Chancay par Xi Jinping, réalisation majeure de l'initiative « Belt and road » chinoise. La présence des entreprises chinoises a également conduit à une éviction des PME locales, en particulier dans le secteur de la construction. Soixante-quinze pour cent du cuivre péruvien part vers la Chine.
Le Pérou, conscient du risque de dépendance vis-à-vis d'une puissance dominante, attend de la part de ses autres partenaires, et notamment de la France, une diversification accrue de ses relations commerciales. La relation avec notre pays est d'autant plus appréciée que la France soutient le Pérou dans sa candidature à l'OCDE. Les bons fondamentaux macroéconomiques (dette faible, inflation basse et taux d'intérêts réduits) qui peuvent justifier cette ambition sont l'envers d'un déficit massif en infrastructures publiques (routes, ponts, écoles, hôpitaux, etc), que l'administration péruvienne n'est pas en mesure de construire avec les seules ressources de l'État. La France y répond par des contrats de gouvernement à gouvernement, permettant de contourner les blocages de l'investissement public, comme avec le marché gagné par Egis et Setec pour une route, un pont et quatre hôpitaux. L'État péruvien bénéficie ainsi d'une forme d'assistance à maîtrise d'ouvrage (PMO), impliquant fortement l'ambassade et susceptible de faciliter l'accès à ces marchés à des entreprises françaises. D'autres contrats de ce type peuvent être envisagés pour les années à venir.
Pays minier majeur, le Pérou n'accueille pas d'exploitants français dans ce domaine, mais ceux-ci sont présents dans les services associés, ainsi Sodexho et Veritas. Le pays est confronté à la progression des mines et de l'orpaillage illégaux (cf. l'encadré ci-dessous). Les entreprises minières et celles qui fournissent des services associés à cette activité regrettent la lenteur de la délivrance des permis légaux. Le ministère des Mines assure cependant avoir approuvé sept milliards de dollars d'investissements en deux ans.
Les richesses minières du Pérou et leurs implications économiques et sociales
Une ressource essentielle pour le pays
Le Pérou est l'un des plus grands producteurs mondiaux de minerais. En 2022, il était :
- 2ème producteur mondial d'argent,
- 2ème producteur mondial de cuivre. En 2023, le pays a produit près de 2,7 millions de tonnes de cuivre, soit environ 10 % de la production mondiale.
- 4ème producteur d'or,
- 5ème producteur mondial de zinc.
Le secteur minier représente environ 60 % des exportations du pays et plus de 10 % du PIB national.
Le Pérou occupe ainsi une place majeure sur le marché mondial des métaux indispensables à la transition énergétique et est un acteur clé dans l'approvisionnement mondial en matières premières critiques. Ces métaux sont en effet essentiels à l'électrification des usages (cuivre), au développement du photovoltaïque (argent), à la fabrication de batteries (zinc) ou d'alliages complexes (molybdène, étain). Les grandes mines de Las Bambas, Cerro Verde, Quellaveco ou Antamina constituent des centres de production de rang mondial.
L'émergence d'un potentiel en lithium
La découverte en 2018 du gisement de Falchani (région de Puno) a placé le Pérou sur la carte des pays susceptibles de jouer un rôle clé sur le marché du lithium, utilisé dans les batteries pour véhicules électriques et le stockage stationnaire d'énergie. La société canadienne American Lithium Corp y a identifié des réserves estimées à 4,7 millions de tonnes de carbonate de lithium, ce qui pourrait positionner le Pérou dans les premiers producteurs mondiaux à l'horizon 2030.
Le Pérou est également un producteur notable de molybdène (30 000 t en 2023, 6ème producteur mondial), utilisé dans les alliages haute performance, et d'étain (25 000 t, 6ème mondial), nécessaire aux soudures et composants électroniques. Ces métaux jouent un rôle moins connu mais stratégique dans les technologies émergentes, notamment dans les systèmes électroniques embarqués ou les réseaux intelligents.
Le Pérou ne produit pas actuellement de terres rares mais des prospections récentes dans les régions d'Apurímac et de la cordillère orientale ont mis en évidence la présence de lanthanides (yttrium, cérium, néodyme). Le développement de cette filière nécessite toutefois des investissements lourds.
Cette richesse minérale s'accompagne cependant de fortes tensions sociales, sécuritaires et environnementales.
Les problèmes posés par l'activité minière illégale et informelle
En Amazonie péruvienne, notamment dans la région de Madre de Dios, des milliers de mineurs opèrent sans autorisation légale, dans des zones protégées ou sur des territoires autochtones. L'orpaillage illégal détruit les écosystèmes (déforestation massive, pollution au mercure avec des impacts lourds sur la santé des populations : des études ont documenté une contamination chronique chez les enfants et les femmes enceintes dans certaines communautés autochtones) et alimente les réseaux criminels impliqués dans le trafic d'armes, la traite des êtres humains et le blanchiment.
De très nombreux conflits sociaux locaux existent au Pérou, dont une grande partie est liée à des activités minières. Ces conflits opposent communautés locales, entreprises minières (publiques ou privées), et autorités, parfois de façon violente. Certaines zones échappent au contrôle de l'État, et les forces armées sont sollicitées pour sécuriser les installations ou maintenir l'ordre.
Le gouvernement a créé plusieurs unités dédiées à la lutte contre l'exploitation illégale En pratique, la faiblesse de l'État dans certaines régions, la corruption et le manque de coordination entre forces de sécurité et justice entravent l'efficacité de ces dispositifs.
L'armée péruvienne est également engagée ponctuellement dans la destruction de matériels illégaux et dans la sécurisation de zones minières sensibles. Cependant, ces interventions sont souvent critiquées pour leur manque de continuité et l'absence de stratégie civile complémentaire.
Le pays entend aussi développer les énergies renouvelables, sans renoncer aux énergies fossiles : gaz et pétrole dans une moindre mesure.
Au total, le potentiel d'investissement est important pour les entreprises françaises, qui bénéficient de la stabilité macroéconomique du pays, même si celle-ci commence à pâtir de la crise politique. En mars 2025, le ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères chargé du commerce extérieur, Laurent Saint-Martin, a relancé la relation par sa visite dans le pays. Mais le Pérou en attend davantage face à l'influence croissante de la Chine. La consolidation du service économique au sein de l'ambassade ainsi qu'une action résolue de Business France sont nécessaires pour pouvoir mieux aider les entreprises françaises à s'adapter aux opportunités, d'autant que les contrats de gouvernement à gouvernement supposent un investissement assez lourd.
Il convient enfin de souligner que l'AFD est pénalisée au Pérou par les taux d'intérêt bas, qui rendent ses prêts peu compétitifs. Elle intervient toutefois depuis 2015, avec comme secteurs prioritaires d'intervention la ville durable, l'eau et l'assainissement ainsi que les énergies renouvelables. Un prêt de 200 millions d'euros a été accordé à la fin de l'année 2023 pour la prévention des risques de catastrophes naturelles auxquels le Pérou est particulièrement exposé, mais il n'a pas encore obtenu l'autorisation du Congrès péruvien.
D. UNE COOPÉRATION UNIVERSITAIRE ET CULTURELLE TRÈS RICHE
La coopération culturelle est riche, avec une forte présence de l'IRD et celle de l'Institut français d'études andines, l'IFEA. Lors de son entretien avec la délégation, le ministre des relations extérieures péruvien a ainsi déclaré que la France avait créé l'archéologie péruvienne. En outre, le réseau des Alliances françaises rassemble plus de 40 000 apprenants, dont 11 000 pour la seule Alliance de Lima, la première au monde.
E. UN INVESTISSEMENT À RENFORCER DANS LA RELATION DE DÉFENSE
Le développement de la coopération dans le Pacifique Sud entre la France et les pays andins reste un parent pauvre de la stratégie indo-pacifique française3(*). À cet égard, l'un des sujets de coopération naturels avec le Pérou, qui figure parmi les dix plus grands producteurs de pêche de capture au monde, est la lutte contre la pêche illégale.
Globalement, celle-ci priverait les pays d'Amérique du Sud de plus de 15 % de leur capture annuelle. Avec plus de 3 000 km de côtes, l'Océan péruvien est l'un des plus productifs du monde, fort d'une biodiversité exceptionnelle. Toutefois les ressources halieutiques sont déjà gravement surexploitées dans cette partie du Pacifique où il n'existe pas de réglementation ou de quotas sur le modèle de ceux mis en place au large de l'Europe. Les navires chinois représenteraient les trois quarts des bateaux étrangers présents dans les zones économiques exclusives (ZEE) de ces pays, avec en permanence plus de 500 bateaux. En outre, les navires impliqués sont souvent de véritables « bateaux-prisons » où la main-d'oeuvre est exploitée pendant des mois.
Sur ce dossier et d'autres qui concernent le Pacifique, les autorités françaises coopèrent avec le Centre de fusion d'informations maritimes pour l'Amérique latine (IFC), équivalent péruvien du MICA Center de Brest et premier en son genre en Amérique du Sud, doté de plateformes numériques de surveillance en temps réel de la sécurité maritime dans le Pacifique Sud, que la délégation a pu visiter. La présence d'un réserviste français au sein de cet organisme permet de contribuer à la constitution d'un réseau des pays jouant un rôle en matière de fusion des informations maritimes, au bénéfice de l'influence française. Par ailleurs, des patrouilles communes pourraient être organisées à l'occasion d'escales et des accords de « shipriding4(*) » pourraient éventuellement être négociés, à l'instar de ce qui existe entre les États qui participent chaque année au sommet régional des ministres de la Défense du Pacifique sud (auxquels participe le Chili mais non le Pérou).
Parmi les actions de coopération entre les marines nationales des deux pays, on peut également mentionner, en mai 2024, l'escale du groupe Jeanne d'Arc (réunissant un porte-hélicoptère amphibie et une frégate) à Callao, le port situé près de Lima, après un entraînement de transit sous menace sous-marine protégé par des frégates péruviennes5(*).
Par ailleurs, le Pérou souhaite actuellement renouveler son aviation de chasse en remplaçant ses onze Mirage 2000P, ses dix MiG-29A Fulcrum et ses quelques Sukhoi Su-25 Frogfoot, et en acquérant vingt-quatre avions plus récents. Dassault avec le Rafale était en concurrence avec Saab qui propose le Gripen et Lockheed Martin le F-16. Le Pérou a finalement décidé d'acquérir le Gripen.
Plus généralement, en Amérique du Sud, la nécessité pour plusieurs des pays du continent de moderniser leurs équipements, l'attitude agressive ou imprévisible des États-Unis qui met en valeur par contraste des partenaires plus respectueux, l'image très positive de notre pays au Brésil, au Pérou ou ailleurs, suscitent et vont susciter à l'avenir des opportunités. La France doit donc cultiver davantage ses relations bilatérales avec les pays sud-américains.
Plusieurs pays sud-américains offriront à l'avenir des opportunités de partenariats, notamment dans le domaine de la défense, qui devront être explorés
F. UNE COOPÉRATION CROISSANTE CONTRE LE TRAFIC DE DROGUES ET LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE
1. Des phénomènes criminels en forte progression
Le Pérou est le deuxième producteur mondial de coca et de cocaïne, après la Colombie. En 2024, plus de 900 tonnes de cocaïne ont ainsi été produites et 109 tonnes saisies dans le pays, en augmentation de 72 % par rapport à 2023. En outre, si les premières destinations européennes restent l'Espagne et les Pays-Bas, la France est aussi une cible majeure, et de manière croissante au cours de la période récente. À noter que la Drug Enforcement Administration (DEA) américaine dispose de 300 employés dans le pays, mais que les États-Unis pourraient réduire cette implantation, car seulement 4 % de la cocaïne part vers leur territoire.
Dans ce pays sixième producteur mondial d'or, avec environ 140 tonnes par an, l'orpaillage illégal est devenu un fléau d'ampleur comparable au narcotrafic. Au cours des trente-cinq dernières années, le nombre de chantiers illégaux a été multiplié par sept.
Cliché de la station spatiale internationale montrant les « rivières d'or » et la déforestation massive au Pérou
Parallèlement, le Pérou est confronté à une offensive sans précédent de la criminalité organisée ainsi qu'à une hausse de l'insécurité. Celle-ci se traduit notamment par des attaques à main armée, des extorsions et des kidnappings, ainsi que par la hausse du taux d'homicides, ceux-ci ayant augmenté de 35 % en 2024. La quasi-totalité des groupes criminels et des mafias du monde se sont désormais installés au Pérou et profitent du narcotrafic, mais aussi de l'exploitation illégale de l'or, encore plus rentable désormais que la cocaïne en raison de son cours élevé, ou du bois. Les « sicarios » (tueurs à gage) sont de plus en plus nombreux. La police, la justice et le système pénitentiaire connaissent un haut niveau de corruption, ce qui entrave la coopération judiciaire.
Le Pérou a développé une politique multidimensionnelle de lutte contre la drogue à travers un organisme interministériel, la DEVIDA, dont la délégation sénatoriale a rencontré les responsables. La stratégie de la DEVIDA montre que seule une approche globale est pertinente face à la drogue : la cible n'est pas le groupe criminel en soi, mais le modèle économique et la chaîne de valeur. Il s'agit à la fois d'améliorer la situation économique et institutionnelle des paysans dans les zones de production, de réduire celle-ci, et enfin de diminuer la consommation des populations vulnérables. La DEVIDA met en avant une statistique prometteuse : alors que la superficie cultivée pour la coca avait augmenté de 70 % entre 2018 et 2022, elle a commencé à décroître depuis : la dynamique serait ainsi cassée.
2. Une coopération croissante
Dans le contexte de la progression du narcotrafic en France, l'Office anti-stupéfiants (OFAST) souligne que « Le Pérou est l'un des pays d'intérêt prioritaire dans la stratégie de coopération internationale pour entraver les trafics en amont du territoire national ».
Parmi les aspects positifs d'une coopération franco-péruvienne déjà avancée sur ce dossier, la France disposera très prochainement d'un officier de liaison du ministère de l'Intérieur. La direction de coopération de sécurité et de défense (DCSD) du ministère des affaires étrangères a également détaché un officier de police auprès de la DEVIDA, et quatre chiens entraînés à la recherche de stupéfiants ont été offerts à la police péruvienne. La France a aussi donné des drones, des GPS et des kits de détection. La mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) fournit une assistance technique pour la certification bio et équitable du café dans les zones de production de coca.
Au total, il faut saluer une prise de conscience, de la part des pouvoirs publics français, de l'enjeu majeur que représente le Pérou en matière de trafic de drogue à destination de notre pays. Le ministère des affaires étrangères, le ministère de l'Intérieur et la MILDECA ont lancé des actions importantes, même si les moyens financiers restent limités. À cet égard, le retrait possible de la DEA américaine incite à envisager une substitution par l'Union européenne, raison pour laquelle la France doit impérativement mobiliser ses partenaires sur ce sujet.
Au niveau européen, Europol travaille d'ailleurs sur un accord de partage de données avec le Pérou. La Commission européenne souhaite créer une équipe réunissant des enquêteurs péruviens et des policiers de chaque pays européen. L'UE a également lancé en janvier 2024 une « Alliance portuaire européenne » afin de coopérer avec les ports sud-américains.
Il est impératif que les ports français concernés par le trafic de drogue se joignent aux activités de l' « Alliance portuaire européenne » à laquelle contribuent déjà les grands ports néerlandais et belges.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 9 juillet 2025, sous la présidence de Mme Catherine Dumas, vice-présidente, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport d'information de MM. Jean-Luc Ruelle, Mickaël Vallet et Edouard Courtial, rapporteurs : « Réinvestir la relation France-Amérique du Sud : les cas du brésil et du Pérou ».
Mme Catherine Dumas, présidente. - Je vous propose de passer à l'examen du deuxième rapport, cette fois consacré au Brésil et au Pérou. Je donne tout de suite la parole à Jean-Luc Ruelle.
M. Jean-Luc Ruelle. - Notre commission a effectué une mission en Amérique latine du 18 au 26 juin. Nous nous sommes d'abord rendus à Lima, au Pérou, pendant deux jours. Nous y avons mené des entretiens officiels de très bon niveau. Nous nous sommes ensuite rendus au Brésil, d'abord à Rio pour visiter le site du chantier naval d'Itaguaí où sont construits les sous-marins Scorpène par un consortium administré par Naval Group. Ensuite, à Brasília, nous avons participé à une série d'entretiens avec des ministres, des parlementaires et des membres de l'administration brésilienne. Nos ambassades dans les deux pays nous ont très bien accueillis, et ont confirmé l'intérêt de cette mission.
Je note que nous sommes intervenus après une mission de notre commission en 2023 concernant le Brésil, le Suriname et le Guyana.
Au Brésil, nous avons visité le chantier d'Itaguaí pour évaluer la progression du programme ProSub. Ce programme de coopération pour le développement de la force sous-marine brésilienne initié en 2008, d'un montant de 6,7 milliards d'euros environ, prévoit la construction d'un chantier naval, de quatre sous-marins conventionnels de type Scorpène et d'un programme de sous-marin à propulsion nucléaire, mis en oeuvre par une joint-venture du Groupe Naval à 45 % et l'industriel brésilien Novonor.
Deux sous-marins ont été livrés, un autre le sera cette année, et le dernier l'an prochain. C'est un vrai succès, même si le programme n'a pas l'ampleur de celui des sous-marins australiens abandonnés il y a quatre ans. Les effets de ce programme dépassent largement la question des sous-marins. Aujourd'hui, cette coopération constitue ainsi un puissant levier de coopération et d'influence pour nos idées.
Cependant, l'admiration pour les efforts accomplis ne doit pas occulter certains points de vigilance. D'abord, le programme accuse de nombreuses années de retard. Des restrictions budgétaires parfois massives une année sur l'autre, le choix de décaler la livraison des complexes de maintenance, les effets indirects de l'affaire de corruption d'Odebrecht et la crise du Covid ont joué un rôle important dans ces retards. La complexité de l'élaboration du réacteur nucléaire compact par le Brésil, processus en cours depuis 45 ans, n'est également pas à négliger. Enfin, les institutions et les procédures brésiliennes ne permettent pas de gérer correctement un programme pluriannuel. Il n'y a pas de loi de programmation militaire, ni d'équivalent de la DGA.
La situation n'est pas meilleure sur ce plan aujourd'hui, d'autant que le troisième mandat du président Lula, qui défend fortement le projet, se déroule dans une situation budgétaire dégradée et qu'il ne dispose pas de la majorité parlementaire. Ce dernier point est d'ailleurs l'un des enseignements plus généraux de notre déplacement. La situation du Brésil paraît un peu bloquée, avec une économie moins dynamique et une société profondément fracturée entre les partisans de Lula et les bolsonaristes.
Pour en revenir à ProSub, la livraison du sous-marin à propulsion nucléaire accuse à présent un retard important. Elle a été reportée progressivement de 2025 à 2039. En outre, il y a parfois des difficultés sur la maintenance des sous-marins conventionnels.
Le deuxième point d'évidence concerne l'aspect industriel et l'emploi, à savoir le trou d'activité entre la fin des Scorpène et la montée en charge du sous-marin à propulsion nucléaire. En plein régime, environ 2000 personnes composent les effectifs du consortium, qui diminuent naturellement au fil des livraisons. Or, si l'on passe en dessous de 600 personnes, le risque de perte de compétences est réel.
Le meilleur remède serait de produire à Itaguaí pour l'export, au niveau régional, idéalement des Scorpène, sinon d'autres sous-marins, voire d'autres navires. C'est ce que tentent le consortium et les Brésiliens, mais sans assurance de succès pour le moment, même si l'Argentine, le Pérou et le Chili sont intéressés par les Scorpène. On regrette déjà une occasion manquée. En effet, le Brésil a acheté en 2019 quatre corvettes allemandes à ThyssenKrupp qui seront construites à Rio en association avec Embraer, une société brésilienne. Naval Group était en lice. Cette opération générera environ 2000 emplois directs. Le soutien français à notre offre a sans doute été trop tardif dans le contexte des relations très dégradées avec Bolsonaro.
Au moins, ces corvettes allemandes auraient pu être construites à Itaguaí, mais cela ne sera pas le cas. Par ailleurs, les éventuelles exportations de Scorpène par ICN supposent de construire le cadre réglementaire, fiscal et organisationnel adéquat. Nous devrons donc conduire une réflexion aidant à commercialiser les Scorpène au niveau régional.
Le secteur de la défense brésilienne est ambitieux dans ses discours, mais fragile dans les faits. L'objectif pourtant fixé de 2 % du PIB pour la défense n'est pas atteint - on parle plutôt de 1,2 à 1,3 %. Il n'est pas perçu comme un enjeu pour un pays habitué à ne pas avoir d'ennemis depuis 150 ans. Celui-ci est plutôt organisé sur la lutte contre le trafic de drogue, ce qui ne se combat pas avec des chars et des sous-marins.
En conséquence, le budget de la défense, dont les dépenses de personnel représentent plus de 70 % du total, aurait déjà subi une réduction de 30 % cette année. La question des Scorpène s'inscrit dans une coopération plus vaste. Celle-ci comprend une fourniture de 50 hélicoptères construits par Helibras, filiale à 100 % d'Airbus, prévue dans l'accord de 2008. En raison des coupes budgétaires brutales imposées à partir de la récession de 2014, la dernière livraison a été repoussée de 2017 à 2026, et la cible a été réduite à 47 appareils.
En contrepartie, les crédits libérés ont permis de financer l'acquisition de 27 hélicoptères d'entraînement H125 pour la Marine et l'armée de l'Air. Le nouvel enjeu est la construction éventuelle de H145 par Helibras avec une ligne de montage au Brésil. Des discussions préliminaires sont engagées entre les différents acteurs.
Par ailleurs, la coopération est confiante et efficace avec la frontière guyanaise et dans l'Atlantique Sud, même si les capacités limitées du Brésil ne lui permettent sans doute pas, pour le moment, d'effectuer des opérations antidrogue dans le golfe de Guinée.
Le ministre de la Défense s'est également montré ouvert à approfondir la coopération en matière de protection des câbles sous-marins. En revanche, s'agissant des ventes d'armements, les autorités brésiliennes et l'ambassadeur du Brésil en France estiment que la relation est déséquilibrée. C'est sans doute le cas du point de vue de la seule balance commerciale, malgré quelques achats français. Cependant, cette affirmation ne prend pas en compte le fait que les ventes françaises, tant pour les sous-marins que pour les hélicoptères, sont liées à des programmes stratégiques et à des transferts de technologies qui bénéficient à long terme à l'industrie de défense brésilienne.
S'agissant à présent du Pérou, un enjeu clé relève du développement de la coopération dans l'Indopacifique Sud avec les pays riverains, qui font partie intégrante de notre stratégie Indo-Pacifique. Le Pérou figure parmi les dix plus grands producteurs de pêche de capture au monde. La pêche illicite prive les pays d'Amérique du Sud de plus de 15 % de leurs captures annuelles. La flotte chinoise représente les trois quarts des navires étrangers présents dans les zones économiques exclusives qui s'étendent à partir des côtes de ces États jusqu'à 200 milles marins. On y trouve en permanence plus de 500 bateaux battant pavillon chinois, alors que les ressources halieutiques y sont gravement surexploitées.
En outre, il s'agit souvent de véritables bateaux-prisons, où la main-d'oeuvre est exploitée pendant des mois sans escale à terre. Sur cet enjeu, la France coopère avec le centre de fusion d'informations maritimes pour l'Amérique latine (IFC), équivalent régional du MICA Center de Brest. Il est le premier en son genre en Amérique du Sud, doté d'une plate-forme de surveillance en temps réel de la sécurité maritime en Pacifique Sud. Nous y avons également un réserviste de la Marine, ce qui permet de contribuer à la constitution d'un réseau des pays jouant un rôle en matière de fusion des informations maritimes aux bénéfices de l'influence française. De plus, des patrouilles communes pourraient être organisées lors d'escales, et des accords de « shipriding » pourraient potentiellement être négociés.
Par ailleurs, le Pérou souhaite remplacer ses 11 Mirage 2000P et acquérir 24 avions plus récents. Dassault est en concurrence avec Saab, qui propose le Gripen, et Lockheed Martin pour le F-16. La décision était encore récemment en suspens. Toutefois le Gripen semble finalement devoir être choisi. Lors de notre entretien avec le ministre des Relations extérieures péruvien, celui-ci a remercié la France d'avoir inclus son offre dans l'enveloppe prévue par le Pérou, soit 3,5 milliards d'euros.
Cela nous amène à une réflexion plus générale sur notre partenariat stratégique et militaire en Amérique du Sud. Plusieurs pays du continent doivent moderniser leurs équipements. Notre image positive, contrastant avec l'attitude parfois imprévisible des États-Unis, crée des opportunités. La France doit davantage cultiver des relations bilatérales avec les pays sud-américains au service de notre diplomatie économique et de notre industrie de défense. Des opportunités existent déjà, dont certaines ont été manquées, comme les corvettes au Brésil. Il faut saisir les autres.
M. Édouard Courtial. - J'aborderai, pour ma part, les enjeux de coopération avec les deux pays en matière de criminalité organisée, de trafic de drogues, mais aussi d'exploitation minière illégale.
Bien qu'il ne soit pas producteur, contrairement à ses voisins, le Brésil s'est imposé depuis les années 2010 comme l'une des principales plateformes mondiales d'exportation de cocaïne. Selon l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime, il représente à lui seul 25 à 30 % des flux vers l'Europe, transitant notamment par les ports d'Anvers, de Rotterdam et du Havre, ou par voie aérienne. Les organisations criminelles qui gèrent ce trafic sont nombreuses et parfois tentaculaires, comme le PCC (Primeiro Comando da Capital), qui possède des extensions en Guyane. Cette situation contribue à la grande insécurité qui règne au Brésil, où se produirait un quart des homicides mondiaux.
L'orpaillage illégal connaît également une forte expansion en Amazonie, la surface concernée ayant été multipliée par 6 entre 2010 et 2022. L'or alimente une chaîne logistique mondiale dont la traçabilité est défaillante. Les factions criminelles contrôlent l'accès aux sites, la logistique et le blanchiment. La pollution au mercure est massive et contamine les populations locales, tandis que l'orpaillage contribue de manière significative à la déforestation.
La frontière entre la Guyane française et le Brésil constitue une zone de transit importante pour l'or et la drogue. La coopération transfrontalière est déjà bien établie entre nos deux pays. Par exemple, le Centre de coopération policière et douanière (CCP) de Saint-Georges, rattaché au Commandement de la gendarmerie de la Guyane, héberge 2 agents de la police fédérale brésilienne. Des « opérations miroir » sont menées avec les forces brésiliennes pour rechercher les individus impliqués dans l'orpaillage illégal et lutter contre le trafic de marchandises, notamment via l'Oyapock. Le CCP a ainsi permis de systématiser les échanges entre les forces de l'ordre et les institutions judiciaires.
Trois évolutions positives récentes peuvent être signalées dans ce domaine, en réponse aux recommandations formulées par nos collègues dans leur rapport sur le Brésil il y a 2 ans. D'abord, la commission mixte transfrontalière, réunissant les institutions fédérales brésiliennes, celles de l'État de l'Amapá et de la France, a récemment prévu d'accroître les effectifs du CCP en intégrant de nouveaux agents militaires et civils brésiliens. Ensuite, la nouvelle convention d'entraide judiciaire, présentée par notre collègue Guillaume Gontard il y a 2 semaines, est en voie d'adoption définitive. Elle autorise les formes les plus modernes d'entraide judiciaire, comme les investigations bancaires, les saisies et confiscations des avoirs criminels, les interceptions téléphoniques, les livraisons surveillées, les poursuites transfrontalières et la formation d'équipes communes d'enquête. Enfin, la signature imminente d'un accord de transfert pénitentiaire pour les détenus brésiliens condamnés vers le Brésil pourrait se concrétiser, le président de la République l'ayant conditionnée à la suppression des visas entre le Brésil et la Guyane. Ceci éliminerait au passage l'un des principaux irritants de notre relation bilatérale.
Concernant la lutte contre le narcotrafic en mer, la coopération existe. Toutefois, la marine brésilienne n'a sans doute pas encore les moyens nécessaires pour arraisonner des bateaux suspects en dehors de sa Zone économique exclusive (ZEE), notamment dans le golfe de Guinée. De nombreux navires suspects en provenance du Brésil y transitent. Il est important de rappeler que ce type d'interventions représente une charge croissante pour la Marine française, qui est engagée dans la région depuis 35 ans, à travers l'opération Corymbe.
Notre attaché douanier a confirmé que le trafic de drogues par voie aérienne utilisant des mules guyanaises a été largement entravé depuis 2 ans et demi, grâce aux arrêtés d'interdiction d'embarquement émis par le Préfet de Guyane dans le cadre du dispositif « 100 % contrôle ». Cette mesure administrative préventive aide à protéger la chaîne pénale française de la saturation totale orchestrée par les narcotrafiquants. Elle a toutefois conduit à un déplacement du trafic vers les Antilles ; on constate ainsi une augmentation de 80 % des saisies de cocaïne transportée par des voyageurs en provenance de ces îles en 2023, et de 40 % en 2024. De nouveaux contrôles ont commencé à réduire ce trafic, mais au profit des liaisons directes entre le Brésil et la France.
Du fait de ce nouveau report du trafic, la coopération avec le Brésil devient essentielle. Cependant, les autorités brésiliennes expriment parfois leur agacement face aux demandes françaises, affirmant que ce sont les Européens qui sont les consommateurs. Nous recommandons donc d'améliorer notre communication pour mieux informer les autorités brésiliennes sur les efforts déployés par la France, notamment au travers de la loi adoptée en avril dernier, visant à sortir le pays du piège du narcotrafic. Il convient par ailleurs de noter que le Brésil a réalisé des progrès notables concernant le contrôle des flux routiers en amont et l'installation d'équipements dans les ports pour scanner systématiquement les containers.
Les narcotrafiquants demeurent toutefois inventifs et réussissent à contourner ces mesures en transportant les produits sous coque ou à bord de bateaux de plaisance. On estime ainsi que seulement 10 % de la cocaïne est saisie, ce qui souligne la nécessité d'une politique multidimensionnelle qui commence dès le pays producteur.
Le Pérou est le deuxième producteur mondial de cocaïne. L'Office anti-stupéfiants (OFAST) considère que « Le Pérou est l'un des pays d'intérêt prioritaire dans la stratégie de coopération internationale pour entraver les trafics en amont du territoire national ». En 2024, plus de 900 tonnes de cocaïne auraient ainsi été produites, et 109 tonnes auraient été saisies au Pérou, chiffre en hausse de 72 % par rapport à 2023. Bien que les premières destinations restent l'Espagne et les Pays-Bas, la France semble depuis quelques mois devenir une cible majeure.
Le Pérou est actuellement confronté à une offensive sans précédent de la criminalité organisée, ainsi qu'à une montée de l'insécurité et de la corruption, le tout dans un contexte de crise politique prolongée. Depuis la destitution du président Castillo, la présidente Dina Boluarte tente de s'appuyer sur un Congrès majoritairement opposé au sien, composé de représentants de la droite dure. L'instabilité ministérielle est endémique, et la corruption à un niveau élevé.
La quasi-totalité des groupes criminels et des mafias mondiaux se sont installés au Pérou, tirant profit du narcotrafic ainsi que de l'exploitation illégale de l'or, aujourd'hui encore plus rentable que la cocaïne en raison de son prix élevé.
En 2024, le nombre d'homicides a augmenté de 35 %. Des sicarios sont recrutés parmi les nombreux réfugiés vénézuéliens. La police, la justice et le système pénitentiaire souffrent d'un taux élevé de corruption, ce qui entrave la coopération judiciaire. À noter que la Drug Enforcement Administration (DEA) américaine compte 300 employés dans le pays, mais les États-Unis pourraient réduire leur engagement, car seulement 4 % de la cocaïne destinée à leur territoire en émane.
Au niveau européen, Europol travaille sur un projet d'accord de partage de données. La Commission européenne souhaite former une équipe d'enquêteurs péruviens et de policiers de chaque pays européen. De plus, l'UE a lancé en janvier 2024 une « Alliance portuaire européenne » pour collaborer avec les ports sud-américains. Cependant, le port du Havre, très concerné par le trafic, n'y participerait pas pour le moment, contrairement aux ports belges et néerlandais.
Par ailleurs, le Pérou a mis en place une politique multidimensionnelle de lutte contre la drogue, au travers d'un organisme interministériel, la DEVIDA. Nous avons assisté à un exposé marquant du chef de cette entité, qui a ravivé notre espoir face à ce défi titanesque. Sa stratégie montre qu'une approche globale est impérative pour lutter efficacement contre le phénomène. Elle ne cible pas uniquement les groupes criminels, mais s'attaque au modèle économique et à la chaîne de valeur. Il s'agit d'améliorer la situation économique et institutionnelle des paysans dans les zones de production, de réduire la superficie cultivée et de diminuer la consommation parmi les populations vulnérables. La DEVIDA met en avant une statistique encourageante : alors que la superficie cultivée pour la coca avait augmenté de 70 % entre 2018 et 2022, elle a commencé à diminuer récemment, suggérant que la dynamique de croissance est désormais cassée.
Quel est notre niveau de coopération avec le Pérou sur ces sujets ? Parmi les éléments positifs, la France disposera prochainement d'un officier de liaison auprès du ministère de l'Intérieur péruvien. La Direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du ministère des Affaires étrangères a détaché un officier de police auprès de la DEVIDA, et 4 chiens entraînés à la recherche de stupéfiants ont été offerts à la police péruvienne. La France a également fourni des drones, des GPS et des kits de détection. La MILDECA produit une assistance technique pour la certification bio et équitable du café dans les zones de production de coca.
Nous saluons une prise de conscience de notre administration concernant l'enjeu majeur que représente le Pérou en matière de trafic de drogue à destination de notre pays. Le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l'Intérieur et la MILDECA ont lancé des initiatives significatives, bien que les ressources financières demeurent limitées. À cet égard, le retrait potentiel de la DEA américaine incite à envisager une substitution par l'Union européenne, ce qui souligne l'importance de mobiliser impérativement nos partenaires sur ce sujet.
M. Mickaël Vallet. - J'aborderai pour ma part les enjeux géopolitiques transversaux relatifs aux deux pays ainsi que leurs relations culturelles et économiques avec la France.
Je précise que nous avons été précédés de peu dans nos visites par un collègue, dont la présence a été appréciée à tous les niveaux.
Le Brésil, membre fondateur des BRICS, accueille actuellement le sommet, et Lula en assurera la présidence en 2025. Parmi les priorités brésiliennes, la dédollarisation a été mises au second plan en raison des menaces explicites de Trump. En revanche, Lula promeut activement le multilatéralisme, la multipolarité, la réforme des institutions internationales et la lutte contre le changement climatique.
Les BRICS font face à 2 défis majeurs, à commencer par le rapprochement entre les États-Unis sous Trump et la Russie. La potentielle réintégration de celle-ci dans les flux économiques et monétaires mondiaux remet en question la pertinence des BRICS comme pôle alternatif à l'Occident - si tant est qu'il souhaite être un tel pôle alternatif, ce qui n'est pas forcément le cas comme nous le verrons. Ensuite, l'élargissement à des pays très divers (Iran, Égypte, Émirats, Indonésie, Éthiopie) et la création en 2025 d'une catégorie « États partenaires » comprenant 9 pays mettent en jeu la cohésion du groupe.
Les BRICS contestent la domination du G7, ce qui pourrait engendrer une certaine méfiance vis-à-vis de la France. À Hiroshima, en 2023, Lula critiquait le directoire mondial occidental et appelait à un G20 plus politique et à une relance de la relation stratégique franco-brésilienne, mais au-delà de l'écologie et de la défense, en incluant des grands contentieux internationaux tels que la situation en Ukraine.
Lors de la présentation du précédent rapport de notre commission sur le Brésil, André Vallini déplorait l'absence d'initiative française après le retour de Lula : ni visite présidentielle, ni investissements majeurs. Il avait appelé à une visite officielle du Président Macron en 2023, qui n'a pas eu lieu celle année-là. La France, mobilisée par la guerre en Ukraine et l'Indopacifique, a un peu négligé l'Amérique du Sud, malgré son soutien à l'entrée du Brésil au Conseil de sécurité.
La visite officielle du président de la République au Brésil en mars 2024 a marqué un tournant avec l'adoption d'un plan stratégique et plus de 20 accords sectoriels. Un programme de finance verte devrait mobiliser 1 milliard d'euros pour l'Amazonie. En matière culturelle, l'objectif est d'accueillir 8 000 étudiants en France d'ici 2026 (contre 5 000 actuellement). L'année 2025 est déclarée « année croisée France-Brésil », est marquée par des centaines d'événements organisés dans les deux pays, avec un succès unanimement reconnu.
Cependant, les résultats concrets demeurent encore limités. Malgré des relations amicales entre Lula et la France, ainsi qu'une francophilie manifeste au sein de la société brésilienne, la question demeure : cette volonté de rapprochement est-elle compatible avec les orientations géopolitiques des BRICS ? L'axe franco-brésilien peut-il servir de pont entre le Nord et le Sud, ou est-ce une idée chimérique ?
C'est sur ce sujet que nous avons testé nos interlocuteurs, d'une manière assez libre et franche, lors d'entretiens de haut niveau. Le temps qui nous a été consacré a d'ailleurs été très appréciable dans les deux pays.
Maria Laura Da Rocha, secrétaire générale du ministère des Affaires étrangères, a salué l'attachement de la France au multilatéralisme et sa « créativité politique », tout en critiquant l'alignement européen sur les États-Unis et les augmentations des budgets de défense. Elle considère l'OTAN comme ayant une part de responsabilité dans la situation qui a mené à la guerre en Ukraine et déplore la position française concernant le traité UE-Mercosur.
A ce sujet, les autorités brésiliennes ont adopté un discours consistant à dire qu'il ne fallait plus le voir comme un traité uniquement nécessaire sur le plan commercial, mais aussi un traité stratégique entre nos deux pays compte tenu de la situation créée par l'attitude agressive de Trump. Ce narratif est aussi repris par les autres ambassadeurs européens que nous avons pu voir lors d'un dîner à la Résidence, et en premier lieu par le représentant de l'Union européenne.
Concernant la Chine, le Brésil adopte une lecture bienveillante. Pour les officiels Brésiliens, les intentions chinoises sont pacifiques, et les ingérences seraient le fait d'acteurs individuels non pilotés par Pékin. Les universitaires que nous avons rencontrés à Brasília nous ont confié que les responsables brésiliens ne veulent pas critiquer ouvertement la Chine.
Lula valorise le partenariat sino-brésilien et utilise même des expressions chinoises telles que « futur commun et partagé », sans toutefois adhérer aux « Routes de la soie », à propos desquelles il évoque plutôt une « synergie » avec l'initiative chinoise. Il prône ainsi une position d'équilibre, plaidant pour un monde qui ne soit ni américain, ni chinois. Celso Amorim, son Sherpa, parle aussi de « synergie» avec la Chine.
Lors de notre entretien, celui-ci a par ailleurs salué le multilatéralisme de la France, célébrant le « non » français de 2003. Pour lui, les BRICS sont un moyen de faire admettre au G7 que seul le G20 est représentatif et doit assurer la gouvernance mondiale. Dans la même veine, l'un des chercheurs brésiliens que nous avons rencontrés a qualifié les BRICS de « légitimateur réformiste de l'ordre existant ».
Il est donc difficile d'échapper au poncif selon lequel les relations franco-brésiliennes se situent « au milieu du gué » : elles présentent un potentiel réel, mais sont freinées par des divergences géopolitiques.
Sur le plan commercial, les échanges restent modestes, car l'économie brésilienne, relativement fermée, est centrée sur le marché intérieur - ce qui apparaît un peu contradictoire avec le plaidoyer pour le traité UE-Mercosur. En revanche, la France est le deuxième investisseur étranger au Brésil, avec près de 1 300 filiales d'entreprises françaises employant 554 000 personnes, dont notamment Carrefour. Le potentiel de développement est important dans le domaine des énergies renouvelables, grâce à des partenariats technologiques et industriels envisagés entre entreprises françaises (EDF, TotalEnergies) et brésiliennes.
Notre coopération universitaire est également très développée. La question de la protection du climat et de la biodiversité est au coeur des dynamiques relancées l'année dernière. L'Institut de recherche pour le développement (IRD), présent depuis 60 ans, soutient l'observatoire d'hydrologie du bassin amazonien avec une aide de 12 millions d'euros. Des programmes entre le CNRS, l'IRD, l'INRAE et des institutions brésiliennes telles que l'INPA ou l'EMBRAPA visent à développer des systèmes agricoles durables et à cartographier et préserver la biodiversité. Ces institutions françaises, et notamment l'IRD, sont très appréciées au Brésil.
Cependant, malgré la présence de 600 000 locuteurs francophones et de 130 000 apprenants au Brésil, la francophonie y est en difficulté. Il n'existe que 3 lycées français dans le pays, et le Brésil n'apparaît même pas dans le catalogue de la francophonie. Des propositions de loi visant à faire de l'Espagnol la deuxième langue obligatoire au Brésil ont récemment été repoussées, grâce à une forte intervention de l'ambassade de France. Consciente de l'enjeu, l'AEFE a décidé de faire du Brésil l'une de ses 10 priorités, en étendant les filières bilingues françaises dans les lycées brésiliens. Toutefois, les effets des coupes budgétaires s'annoncent majeurs, notamment pour l'AEFE et l'AUF.
Concernant le Pérou, les relations franco-péruviennes sont traditionnellement bonnes, l'image de la France étant très positive dans ce pays. Ce dernier, attaché aux valeurs démocratiques, a condamné l'agression russe en Ukraine sans prendre de sanctions.
Concernant l'environnement, l'enjeu actuel est la ratification du traité « BBNJ » sur la haute mer, signé par le Pérou à Nice. Les parlementaires péruviens redoutent une ratification implicite de la Convention de Montego Bay, que le Pérou n'a pas signée, et des restrictions pour la pêche péruvienne. Cependant, ce traité permettrait de mieux lutter contre le pillage halieutique sans nuire à la pêche locale. Nous avons plaidé en ce sens auprès des parlementaires.
En tant que pays du Pacifique, membre de l'Alliance du Pacifique et de l'APEC, le Pérou a pour principaux partenaires les États-Unis et la Chine, cette dernière y ayant accru sa présence, avec en particulier l'inauguration du méga-port de Chancay par Xi Jinping. Les PME locales sont évincées par la concurrence chinoise. 75 % du cuivre péruvien est désormais exporté vers la Chine.
Conscient des risques de dépendance, le Pérou attend des pays comme la France un rééquilibrage de ses relations commerciales. Le Pérou apprécie ainsi le soutien français à sa candidature à l'OCDE. Bien que les bons fondamentaux macroéconomiques justifient cette ambition, ils sont en réalité l'envers d'un déficit majeur en infrastructures (routes, hôpitaux, écoles, etc.). La France répond par des contrats de gouvernement à gouvernement, permettant de contourner les blocages de l'investissement public, comme avec Egis pour la construction d'une route, d'un pont et de quatre hôpitaux. L'État péruvien bénéficie ainsi d'une forme d'assistance à maîtrise d'ouvrage, impliquant fortement l'ambassade.
Bien que le Pérou soit un pays minier majeur, il n'accueille pas d'exploitants français, mais ceux-ci sont présents dans les services associés, comme Sodexo et Veritas. Les mines illégales détruisent l'environnement et freinent le développement des exploitations légales, faute de permis délivrés. Néanmoins, le ministère des Mines a assuré avoir approuvé 7 milliards d'euros d'investissements en 2 ans. Le pays développe également les énergies renouvelables tout en misant sur le gaz et le pétrole.
Au total, le potentiel d'investissement pour notre pays est significatif. En mars 2025, Laurent Saint-Martin a relancé la relation, mais on peut regretter la suppression d'un poste prévue au service économique de l'ambassade. L'AFD, pénalisée par les taux d'intérêt bas au Pérou, se révèle peu compétitive.
Cependant, la coopération culturelle est riche, grâce à une forte présence de l'IRD et de l'Institut français d'études andines (IFEA). Le ministre péruvien des Relations extérieures, très amical, a même déclaré que « la France avait créé l'archéologie au Pérou ». Le réseau des Alliances françaises compte plus de 40 000 apprenants, dont 11 000 uniquement pour l'Alliance de Lima, la première au monde.
En somme, la relation franco-péruvienne est traditionnellement positive, fondée sur les valeurs démocratiques et une coopération active au sein du multilatéralisme. La France est un partenaire apprécié, notamment dans les domaines des infrastructures et de la culture. Néanmoins, le Pérou attend davantage face à l'influence croissante de la Chine. Les opportunités d'investissement existent, mais elles sont freinées par la corruption et un certain manque d'engagement économique français, auquel il est impératif de remédier.
Mme Catherine Dumas. - Merci pour ce rapport traité en trois parties : défense, criminalité et enjeux politiques, culturels et économiques. Il fait écho à la précédente mission au Brésil, à laquelle j'ai pris part.
M. Étienne Blanc. - Dans les travaux de la commission d'enquête sur le narcotrafic, nous avons examiné comment les ports français ou européens contrôlent les conteneurs provenant du Sud. Nous contrôlons 10 % de ceux-ci, alors que nous ne contrôlons que 2 % de ceux qui voyagent dans le monde. La commission s'est-elle intéressée à la façon dont les Péruviens contrôlent, en partenariat avec les États-Unis et le Brésil, les conteneurs qui quittent leurs ports ? Ont-ils un système de scanner ou un dispositif particulier de contrôle en coopération avec leur douane ?
M. Édouard Courtial. - Le Pérou étant le deuxième pays producteur de cocaïne, cet enjeu est déterminant. Ceci étant dit, le transit depuis le Pérou se fait essentiellement par voie terrestre, avec le Brésil comme plateforme de transit. Au Pérou, les risques portuaires à venir toucheront le nouveau port de Chancay. Des dispositifs de protection y ont été prévus.
Pour l'heure, les produits entrent au Brésil via l'Amazonie avant d'être dispatchés vers l'Europe.
M. Philippe Folliot. - Nous nous sommes rendus en Amérique latine il y a un peu plus d'un an. Notre mission était plutôt orientée sur les enjeux relatifs au plateau de la Guyane. En effet, la plus longue frontière terrestre entre la France et un autre pays est celle qui la sépare du Brésil via la Guyane.
Jadis, il existait un fonds de contrevaleur créé lors de la tournée du Général de Gaulle en Amérique du Sud, à la fin des années 60. La France donnait du blé au Pérou, qui le vendait pour alimenter un fonds permettant de financer des actions de co-développement choisies par l'ambassade et les autorités péruviennes. Ce dispositif fonctionnait encore il y a une dizaine d'années. Il permettait de mener des projets, notamment sur l'Altiplano, région très défavorisée par rapport à la zone côtière. Avez-vous parlé de ce fonds à l'ambassade ? Existe-t-il toujours, ou l'AFD a-t-elle pris le relais ?
M. Édouard Courtial. - Ce fonds n'a pas été évoqué lors de notre mission.
Mme Catherine Dumas. - On constate que la France doit être plus présente dans ces zones, notamment face à la Chine.
Lors d'une mission en Asie avec mes collègues, nous avons constaté les mêmes problèmes relatifs à la maintenance qu'en Amérique du Sud. Pouvez-vous nous en dire plus ?
M. Jean-Luc Ruelle. -Nous devons faire en sorte que les pays à qui nous faisons des transferts de technologie s'approprient les compétences en matière de maintenance. C'est important pour la réputation ultérieure des matériels et des entreprises qui les produisent.
M. Mickaël Vallet. - J'aimerais savoir ce qu'a ressenti notre collègue Ronan Le Gleut lors de sa visite d'Itaguai. Nous en avons été très impressionnés, mais nous aimerions avoir un éclairage supplémentaire sur la poursuite du chantier jusqu'à son terme.
M. Ronan Le Gleut. - La mission de la session nationale « Politique de défense »de l'Institut des Hautes Études de la Défense Nationale (IHEDN) a choisi le Brésil comme destination en 2025. Le séjour était construit autour de ce chantier naval. C'est une immense réussite pour la France. Les Français y travaillant font l'aller-retour quotidiennement depuis Rio, en bus. On ressent une vraie satisfaction dans le travail réalisé en commun. Tout est centralisé sur un même lieu : production, maintenance et opérationnel. En France, nous avons trois sites distincts pour opérer ces trois missions. Cette organisation ne pose pas de problème particulier, parce que la dernière guerre menée par le Brésil date du 19e siècle. C'est un pays en paix, qui se définit comme tel, mais qui monte en puissance. Il se positionne comme un acteur géostratégique avec une zone d'influence s'étendant jusqu'à la côte ouest de l'Afrique.
L'avis partagé par les auditeurs de l'IHEDN revient à dire qu'il s'agit d'un succès considérable pour la France et d'une excellente décision pour le Brésil, très satisfait de ce partenariat.
Mme Marie-Arlette Carlotti. - J'aimerais réagir sur la question de la maintenance. En effet, en Inde aussi, la maintenance est un enjeu. Nous devons approfondir cette question.
Mme Catherine Dumas. - Notre commission doit en effet être vigilante sur ce point.
Le rapport d'information est adopté à l'unanimité.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Mme Nathalie Estival-Broadhurst, directrice Amérique et Caraïbes, ministère de l'Europe et des affaires étrangères (en commission).
Capitaine de Vaisseau Nicolas Rossignol, chef du département Asie, Océanie, Amérique latine & Caraïbes, et Claire Champenois, chargée de mission, Direction générale des Relations internationales et de la Stratégie (DGRIS), ministère des armées.
S.E Ricardo Neiva Tavares, Ambassadeur du Brésil en France.
M. Rolando Javier Ruiz Rosas Cateriano, ambassadeur du Pérou en France.
Au Pérou
Elmer Schialer, ministre des Relations extérieures (MRE).
Congrès :
Adriana Tudela Gutierrez, présidente de la commission de la défense nationale, de l'ordre intérieur, du développement alternatif et de la lutte contre les drogues.
José Cueto Aservi, président de la commission du renseignement.
Auristela Aubando Morgan, présidente de la commission des relations extérieures.
Alejandro Aguinaga, membre de la commission des affaires étrangères, président du groupe d'amitié Pérou-France.
Représentants du ministre de l'énergie et des mines.
Au Brésil
José Múcio Monteiro Filho, Ministre de la défense
Celso Amorim, Conseiller spécial du Président Lula pour les affaires internationales.
Maria Laura da Rocha, Secrétaire générale de l'Itamaraty (ministère des affaires étrangères).
Rogério Carvalho (PT-Sergipe), Randolphe Rodrigues (PT), Nelsinho Trad (PSD), sénateurs brésiliens.
Amiral d'escadre Arthur Fernando Bettega, second de la marine brésilienne.
* 1 Le moteur restant de l'entière responsabilité du Brésil pour des raisons de souveraineté évidentes.
* 2 En 2019, un marché de remplacement de frégates brésiliennes par quatre corvettes (projet Tamandaré) a été remporté par ThyssenKrupp alors que Naval Group était candidat, mais pas favori face à d'autres concurrents et désavantagé par les mauvaises relations entre le Brésil de Bolsonaro et la France. Cette décision est un peu une occasion manquée : une fabrication à Itaguai aurait permis d'alimenter le chantier alors qu'il a été décidé que la construction des corvettes aurait à Itajaí, au sud-est de São Paulo.
* 3 Le Pérou n'est pas mentionné dans la stratégie indopacifique française.
* 4 Le shiprinding consiste à patrouiller dans les eaux territoriales et les zones économiques exclusives d'un État tiers, en embarquant un officier du pays concerné, pour faciliter le déclenchement d'une procédure judiciaire.
* 5 Enfin une conférence « Gouvernance des océans : perspectives française et péruvienne dans le Pacifique » a été organisée, également en juin 2024, à l'Académie navale de Callao par l'Ambassade de France, l'IRD, l'AFD et l'Académie Navale du Pérou, pour faire le point sur plusieurs questions clés liées à la gouvernance des océans (lutte contre la pêche illégale, liberté de navigation, lutte contre la pollution plastique, protection de la biodiversité marine, dans la perspective de la troisième Conférence des Nations Unies sur les Océans (UNOC-3), de Nice de juin 2025).