B. LE SUIVI DES ÉCO-ORGANISMES : UNE SUPERVISION ÉTENDUE, ET UNE MUTUALISATION DES MOYENS
1. Un chantier prioritaire : la mutualisation des moyens entre les administrations en charge du contrôle des REP
Au sein de la DGPR, huit chargés de mission sont consacrés au suivi de l'ensemble des filières REP. Au-delà de la préparation des textes réglementaires indispensables à l'encadrement des filières REP, du suivi de leur mise en oeuvre par les producteurs et les éco-organismes, de la recherche et de la sanction des non-contributeurs, de la gestion des contentieux, ils assurent également des missions dans le cadre des négociations de textes européens, des travaux législatifs au niveau national.
Au total, en incluant l'ensemble des fonctions support et la chaine hiérarchique, la DGPR estime que 12,2 ETP interviennent au sein de la DGPR sur les filières REP113(*).
Quant à l'Ademe, les effectifs de la direction de la supervision des filières REP comprennent 35,9 ETPT. Son budget s'élevait à 8,7 millions d'euros. La mission de suivi et d'observation des filières REP par l'opérateur est définie de la manière suivante par l'article R. 131-26-1 du code de l'environnement, dont notamment :
- la réalisation des études et évaluations préalables à leur agrément ou renouvellement d'agrément ;
- la collecte, le traitement et l'analyse des données et informations nécessaires au suivi et à l'observation des filières REP ;
- la mise à disposition du public d'informations sur les filières.
La DGPR et l'Ademe mobilisent ainsi 48,1 ETPT consacrés aux filières REP. À ce chiffre, il faut ajouter :
- 4,6 ETPT qui relèvent de la direction générale des entreprises (DGE), qui participent au pilotage des filières REP ;
- 3,4 ETPT du Contrôle général économique et financier (CGEFi), dont le rôle principal est le contrôle du montant des barèmes des éco-contributions ;
- et enfin 0,5 ETPT pour la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), pour un total de 56,6 ETPT répartis entre cinq administrations.
La séparation du contrôle des filières REP entre toutes ces administrations est source d'inefficacités. Par exemple, la DGPR n'a ainsi pas un accès direct à SYDEREP, la base de données de l'Ademe, alors qu'elle détient le véritable pouvoir de sanction.
Administrations en charge du suivi des filières REP
Administration |
Missions |
Nombre d'ETPT |
Direction de la supervision des filières REP de l'Ademe |
Suivi des filières, collecte et traitement des données, élaboration d'études préalables à l'agrément des éco-organismes. |
35,9 |
Direction générale de la prévention des risques |
Suivi des filières, élaboration des textes, pouvoir de sanction. |
12,2 |
Direction générale des entreprises |
Participe au pilotage des filières REP. |
4,6 |
Contrôle général économique et financier |
Contrôle de la cohérence du montant des barèmes des éco-contributions |
3,4 |
Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes |
Observation de l'état de la concurrence et lutte contre la fraude. |
0,5 |
Source : commission des finances
Pour remédier à ce problème, les inspections générales recommandent ainsi la création d'une nouvelle instance de régulation des REP. Si le rapporteur spécial demeure prudent quant à la création d'une nouvelle instance ad hoc, ce qui pourrait engendrer des surcoûts, il appelle à une mutualisation des moyens entre les administrations, qui passerait a minima par la possibilité pour chaque membre du personnel d'accéder à l'ensemble des systèmes d'information.
Recommandation : Mutualiser les moyens des administrations en charge du suivi et du contrôle des filières REP.
2. L'analyse économique des filières REP est l'angle mort de la supervision exercée par l'État
Les différentes crises qui sont survenues au cours de l'année 2025 montrent également que la situation financière des filières REP manque de manière inquiétante de transparence. Le mouvement de grève de l'entreprise Le Relais, contre l'éco-organisme Refashion, ainsi que la crise touchant le réseau Envie, n'avaient en effet pas été anticipés par les observateurs.
L'Ademe publie tous les ans un certain nombre de documents, dont des « mémos » qui présentent les principaux chiffres de l'ensemble des filières REP114(*). Toutefois, les publications de l'Ademe ne permettent pas d'avoir une vision suffisamment précise de la situation économique des filières. En particulier, les provisions pour charges futures ne sont pas mentionnées, et l'Ademe a par ailleurs confirmé au rapporteur spécial que cela ne faisait pas partie des données récoltées par l'opérateur115(*).
Plus généralement, il n'y a pas d'analyses économiques approfondies de la situation des filières REP réalisées par les instances en charge de leur supervision, ce que déploraient par ailleurs les inspections générales, qui parlent de données « anciennes et lacunaires (absence de la dimension économique) pour permettre un pilotage fin de la performance »116(*). De manière notable, après avoir réalisé une étude comparative du recyclage et de l'évolution du montant des éco-contributions, la mission a regretté que « ces indicateurs d'efficience économique, certainement perfectibles, aient dû être calculés par la mission et ne soient pas suivis dans le temps par les instances en charge du suivi et du pilotage des filières. »117(*)
Le rapporteur spécial peut formuler le même constat. Les publications de l'Ademe ne permettent pas de déterminer les principaux postes de coûts, de recettes et de dépenses de fonctionnement d'une filière, et de déterminer si une filière est rentable ou non. Cette mission d'analyse économique relève davantage des censeurs d'État du contrôle général économique et financier (CGEFi), mais dont les moyens sont extrêmement limités (3,4 ETPT), limitant son rôle au contrôle de la cohérence des barèmes. Par ailleurs il ne semble pas qu'il existe un canal de communication direct entre cette administration et l'Ademe.
Cette absence de communication entre administrations soulève par ailleurs des difficultés s'agissant de la fixation du montant de l'éco-contribution. En effet, l'article L. 541-10-2 du code de l'environnement dispose que le montant de l'éco-contribution (qui est également appelé « barème amont ») est fixé chaque année par l'éco-organisme lui-même. Toutefois, comme il existe un risque que certains metteurs en marché utilisent le barème amont pour pénaliser des produits concurrents, plusieurs garde-fous ont été mis en place :
- les barèmes amont sont indiqués dans le dossier d'agrément déposé par l'éco-organisme, ce qui donne la possibilité à l'autorité administrative de ne pas agréer un éco-organisme dont le barème défavoriserait une catégorie de metteurs en marché ;
- les censeurs d'État, qui relèvent du service du contrôle général économique et financier (CGEFi) ont pour mission de veiller à ce que les éco-organismes établissent un barème cohérent avec les objectifs du cahier des charges de la filière ;
- le comité des parties prenantes de l'éco-organisme118(*) rend un avis public sur le barème amont (article L. 541-10 du code de l'environnement).
Dans la pratique, l'Ademe est souvent conduite à proposer des lignes directrices aux éco-organismes pour la fixation des barèmes, sans toutefois disposer de l'ensemble des moyens de contrôle, et sans mener des analyses économiques approfondies elle-même.
Au sein de la filière des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB), un éco-organisme avait ainsi publié un barème qui, a posteriori, ne permettait pas d'atteindre les objectifs du cahier des charges. Les autres éco-organismes agréés au sein de cette filière ont, par conséquent, été contraints de revoir leur barème à la baisse pour conserver leurs adhérents.119(*)
L'autre exemple régulièrement cité est celui de la filière « textiles, linges et chaussures ». En 2022, aucune éco-contribution n'avait été perçue afin, conformément au cahier des charges, d'assurer la contemporanéité des mises en marché et de la perception des éco-contributions. Cette mesure a toutefois permis à l'éco-organisme Refashion de maintenir sa position dominante, qui est d'ailleurs l'une des raisons de la crise actuelle.
Dans un document transmis au rapporteur spécial, France industrie recommande ainsi de « publier le coût de chaque REP, avant chaque examen d'un projet de loi de finances, ce depuis sa mise en place et les prévisions pour le futur avec les objectifs associés de collecte et valorisation ». Une telle proposition est pertinente, et ce bilan du coût des REP pourrait enrichir les documents budgétaires. Il serait également possible de mentionner le montant de la redevance payée par les éco-organismes, et les moyens mis à disposition dans le cadre de la supervision et du contrôle des filières REP.
Recommandation : Étendre la supervision des filières REP à l'analyse économique des secteurs, et enrichir les documents budgétaires avec cette information.
* 113 Réponses de la DGPR au questionnaire du rapporteur spécial.
* 114 Le dernier « mémo des REP » a été publié le 22 avril 2025, et il porte sur les données de 2023. Il est disponible sur le site de l'Ademe : https://librairie.ademe.fr/economie-circulaire-et-dechets/8160-memo-des-rep-donnees-2023-9791029725296.html
* 115 Réponses de l'Ademe au questionnaire du rapporteur spécial.
* 116 « Performances et gouvernance des filières à responsabilité élargie du producteur », IGF, IGEDD, CGE, juin 2024, page 2.
* 117 « Performances et gouvernance des filières à responsabilité élargie du producteur », IGF, IGEDD, CGE, juin 2024, page 63 de l'annexe II.
* 118 Ce comité est composé pas uniquement de producteurs mais également d'associations de protection de l'environnement.
* 119 Exemple cité par le rapport « Performances et gouvernance des filières à responsabilité élargie du producteur », IGF, IGEDD, CGE, juin 2024, page 34 de l'annexe IV.