QUATRIÈME
PARTIE
UNE RATIONALISATION INDISPENSABLE
DU CONTRÔLE DES
FILIÈRES REP
La non-atteinte des objectifs fixés dans la loi et dans les cahiers des charges ainsi que les crises récentes ont révélé les insuffisances du contrôle des REP. Les sanctions sont en effet rares, et peu dissuasives, en raison notamment d'une procédure qui demeure particulièrement complexe.
Cependant, au-delà de la procédure elle-même, l'organisation du contrôle est défaillante. La mission de suivi et de supervision des filières REP est en effet répartie entre plusieurs administrations, qui ne disposent pas des mêmes pouvoirs, et qui n'ont pas accès aux mêmes données. Une rationalisation de l'ensemble du système de contrôle des filières REP est donc indispensable.
A. LE CONTRÔLE DES FILIÈRES REP : DES SANCTIONS RARES, INEFFICACES ET DES PROCÉDURES TROP COMPLEXES
Il convient de distinguer deux types de contrôles : ceux relatifs aux non-contributeurs à une filière REP de ceux relatifs au respect par les éco-organismes des prescriptions et objectifs qui s'imposent à eux.
1. Une réforme du contrôle des non-contributeurs est en cours
L'identification des non-contributeurs relève en premier lieu des éco-organismes, tandis que la gestion des sanctions relève quant à elle de la direction générale de la prévention des risques (DGPR). 205 dossiers ont été transmis par les éco-organismes, et ils ont conduit à l'émission de 172 courriers de rappel réglementaire, conformément à la procédure prévue à l'article L. 541-9-5 du code de l'environnement. Ces courriers de rappel réglementaire ont conduit à la mise en conformité de 55 non-contributeurs.
Concernant les non-contributeurs pour lesquels la procédure de rappel réglementaire ne s'est pas suivie d'une mise en conformité, l'article L. 541-9-5 du code de l'environnement prévoit la possibilité de prononcer à leur encontre une amende ou une astreinte dont le montant est déterminé en tenant compte d'une part des quantités mises sur le marché rapportées à la durée du manquement et d'autre part de la contribution financière établie par les éco-organismes agréés de la filière et, le cas échéant, des coûts de gestion des déchets supportés par les systèmes individuels agréés sur cette même filière.
Ainsi, la DGPR a sanctionné sept non-contributeurs pour lesquels une estimation des mises sur le marché était réalisable et dont le manquement était particulièrement significatif. En l'espèce, selon la DGPR, « il leur a été infligé une astreinte journalière redevable jusqu'à la transmission d'une attestation de régularisation (adhésion à un éco-organisme agréé ou agrément en tant que système individuel). »106(*)
Interrogée sur le délai que prenait en moyenne le contrôle des non-contributeurs, la DGPR a répondu que ce « délai est très variable selon les dossiers », car il dépend de nombreux paramètres, tels que la qualité du dossier transmis par l'éco-organisme, la complexité d'identification du producteur au sens de la REP au regard des montages juridiques mis en place par certaines sociétés, ainsi que la capacité d'estimer le montant des contributions, au regard de la complexité des barèmes définis par certains éco-organismes.
Pour remédier à cette situation, un travail est en cours entre la DGPR et l'Ademe, en lien avec les éco-organismes, pour améliorer le processus de traitement des signalements des éco-organismes et pouvoir s'appuyer sur les moyens humains dont dispose l'Ademe.
Selon la DGPR, l'objectif de ce travail est d'identifier les processus que l'agence pourrait mettre en place pour procéder à l'instruction des dossiers transmis par les éco-organismes, et ainsi en fiabiliser les éléments afin que les procédures de sanctions à l'encontre des non-contributeurs puissent ensuite être actionnées. Il s'agit ainsi, au-delà du renforcement du dispositif de sanction à l'encontre des non-contributeurs, d'améliorer la qualité des éléments sur lesquels se basent les sanctions afin que celles-ci soient robustes en cas de contentieux.107(*)
Enfin, une évolution législative est en cours d'examen afin de permettre les échanges de données entre administrations, notamment avec les Douanes, afin de fiabiliser l'évaluation des tonnages mis sur le marché par les non-contributeurs (article 1er bis A de la proposition de loi visant à réduire l'impact environnemental de l'industrie textile).
2. Le contrôle des éco-organismes doit être simplifié et renforcé
Le contrôle des éco-organismes comprend deux procédures dédiées. La première concerne le manquement à une obligation de moyen, et elle porte sur l'absence de mise en place des prescriptions du cahier des charges de la filière, ou sur leur mauvaise application. La seconde procédure est activée lorsque l'éco-organisme n'atteint pas les objectifs assignés par la loi ou les dispositions réglementaires du cahier des charges108(*).
Dans le premier cas, le ministre chargé de l'environnement, ou le directeur général de la prévention des risques par délégation de signature, doit aviser l'éco-organisme des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu'il encourt. Ce dernier dispose alors d'un mois pour présenter ses observations, écrites ou orales.
Une fois ces observations transmises, la direction générale de la prévention des risques procède à une instruction si les faits reprochés sont avérés. Le ministre chargé de l'environnement peut mettre en demeure l'éco-organisme de se conformer à cette prescription dans un délai compatible avec son exécution.
Une fois le délai échu, et si la mise en demeure n'a pas été suivie d'effet, le ministre chargé de l'environnement - en pratique le DGPR, par délégation de signature - peut alors sanctionner l'éco-organisme. Les sanctions peuvent alors prendre les formes suivantes :
- le paiement d'une amende administrative, qui ne peut excéder 10 % du montant annuel des charges de gestion de déchets déduction faite des recettes tirées de cette gestion ;
- l'éco-organisme peut être obligé de consigner entre les mains d'un comptable public une somme correspondant au montant des mesures nécessaires au respect des mesures prescrites ;
- une astreinte journalière de 20 000 euros maximum ;
- la suspension ou le retrait de l'agrément à l'éco-organisme.
Lorsque l'éco-organisme n'atteint pas les objectifs fixés par le cahier des charges, l'autorité administrative doit également aviser l'éco-organisme des faits qui lui sont reprochés et lui proposer de prendre des engagements de nature à compenser les écarts constatés, et ces engagements doivent être réalisés dans un délai de dix-huit mois.
En cas de non-respect de ces engagements, le ministre chargé de l'environnement ou le DGPR doit alors engager une procédure contradictoire avec l'éco-organisme afin que celui-ci soit en mesure de faire part de ses observations et c'est à l'issue de cette procédure que des sanctions peuvent être proposées, celles-ci pouvant prendre la forme d'une amende administrative, du paiement d'une astreinte journalière (dont les montants sont identiques à ceux de la procédure précédente) ou d'une suspension ou du retrait de l'agrément à l'éco-organisme (ou au système individuel).
Jusqu'à présent, deux éco-organismes ont fait l'objet d'une sanction, relevant respectivement de la première et de la seconde procédure :
- Alcome a été sanctionné à hauteur de 466 000 euros pour le non-respect du cahier des charges de la filière de responsabilité élargie des producteurs de tabac ;
- Dastri a été sanctionné à hauteur de 450 000 euros pour manquement aux objectifs de collecte définis dans le cahier des charges de la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) de dispositifs médicaux perforants utilisés par les patients en autotraitement.
Le rapport des inspections générales fait ainsi le constat que « Ces pouvoirs de sanctions sont peu ou pas mis en oeuvre. »109(*) Il faut souligner qu'au moment de la rédaction de ce rapport, aucune sanction pour défaut de résultat n'avait encore été prononcée, l'amende envers Dastri ayant été confirmée en décembre 2024. Les inspecteurs précisent néanmoins que « pour de nombreuses filières, tout ou partie des objectifs ne sont pas atteints de manière récurrente depuis plusieurs années »110(*). Pour rappel, la moitié des filières REP n'atteignent pas les objectifs fixés dans leurs cahiers des charges.
En outre, certaines sanctions sont inadaptées. L'astreinte journalière de 20 000 euros notamment peut représenter une somme conséquente pour les plus petits éco-organismes, alors qu'elle serait bien moins efficace pour les plus importants, tel que Citeo, dont le chiffre d'affaires annuel dépasse le milliard d'euros. Il serait plus pertinent de moduler cette astreinte selon les ressources de l'éco-organisme.
De plus, lorsqu'une filière comprend un seul éco-organisme, le retrait d'agrément n'est pas crédible car cela reviendrait à suspendre l'ensemble de la filière REP dans un secteur, ce que relevait d'ailleurs la Cour des comptes dès 2016 : « la suspension ou le retrait de l'agrément est peu crédible, notamment dans les filières où un seul éco-organisme est agréé, puisque cela désorganiserait fortement la filière, aboutissant à l'effet inverse de celui recherché. »111(*) Marta de Cidrac et Jacques Fernique recommandaient ainsi de « rendre les sanctions plus dissuasives, en systématisant la publicité des sanctions prononcées et -- comme le propose la DGPR --de relever le montant des sanctions prévues »112(*), ce que partage le rapporteur spécial. Enfin, la distinction entre ces deux procédures de contrôle pourrait gagner en clarté : il ne semble pas nécessaire d'avoir deux procédures différentes, alors que les sanctions sont de nature similaire.
Recommandation : Adapter et simplifier la procédure de contrôle des non-contributeurs et des éco-organismes ; redéfinir les sanctions en cas de non-respect des prescriptions et des objectifs du cahier des charges pour les rendre efficaces et crédibles.
* 106 Réponses de la DGPR au questionnaire du rapporteur spécial.
* 107 Réponses de la DGPR au questionnaire du rapporteur spécial.
* 108 Des procédures similaires sont prévues pour les producteurs qui n'ont pas rejoint un éco-organisme mais qui ont décidé de mettre en place un système individuel.
* 109 « Performances et gouvernance des filières à responsabilité élargie du producteur », IGF, IGEDD, CGE, juin 2024, page 17.
* 110 « Performances et gouvernance des filières à responsabilité élargie du producteur », IGF, IGEDD, CGE, juin 2024, page 19 de l'annexe V, d'après les cahiers des charges des filières.
* 111 Cour des comptes, Tome I du rapport public annuel de 2016, page 150.
* 112 Rapport d'information fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat sur l'application de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (Agec), rapporteurs Marta de Cidrac et Jacques Fernique, 25 juin 2025, page 35.