B. LES FILIÈRES REP DOIVENT ÊTRE ORIENTÉES VERS LE SOUTIEN À L'INVESTISSEMENT
À l'heure actuelle, les filières REP ne sont pas focalisées sur l'investissement, car leur modèle est basé sur le principe d'un soutien avant tout à la tonne de déchets collectés, et ensuite à leur valorisation, recyclage et réemploi. Ce soutien est censé couvrir à la fois les frais directs des opérateurs, ainsi que les amortissements des installations, mais il n'est pas adapté à la mise en place d'une véritable stratégie d'investissement.
La loi Agec avait tenté d'amorcer une ouverture des filières vers l'investissement, en étendant le champ de leurs missions non plus seulement à l'élimination des déchets, mais également au soutien à l'éco-conception et à l'allongement de la durée de vie des produits. Toutefois, ces nouvelles dispositions législatives n'ont pas réellement conduit à la mise en place de dispositifs incitant les filières REP à l'investissement à grande échelle.
La mise en oeuvre de la loi Agec s'est plutôt concentrée sur les dispositifs les plus symboliques, et les plus susceptibles d'être connus du grand public, tels que le fonds réparation, mais dont l'extension à grande échelle s'est révélée irréaliste, comme cela a été vu supra.
S'agissant de l'éco-conception, les objectifs promus par la loi Agec sont demeurés flous. Le collectif des éco-organismes a indiqué au rapporteur spécial que « les éco-organismes financent des centres de tri et de recyclage de manière à atteindre la performance règlementaire de recyclage mais aussi améliorer en continu la valorisation des matières première en misant sur l'innovation et la prévention amont (éco-conception) »105(*). Toutefois, il n'est pas évident que l'ensemble de ces financements correspondent réellement à de l'investissement, et qu'ils soient bien distingués des autres politiques de l'économie circulaire.
Ainsi, la puissance publique a continué à prendre en charge majoritairement les investissements. La politique de soutien aux installations utilisant des CSR est emblématique de ce point de vue : elle représente un débouché significatif en aval pour les déchets générés par les metteurs en marché, et elle a fait l'objet de soutiens publics massifs sur les dernières années. Ce sont des politiques qui auraient pu s'inscrire dans une stratégie d'investissement ambitieuse organisée par les filières elles-mêmes.
Ce constat doit une nouvelle fois être mis en perspective avec la montée en puissance des filières REP dans les prochaines années. Même si les subventions par la puissance publique étaient maintenues à leur niveau actuel, celles-ci seraient très loin d'être suffisantes pour couvrir l'ensemble des investissements rendus nécessaires pour répondre aux objectifs définis par la loi Agec et au niveau européen. À ce titre, faire basculer les filières REP d'une logique de soutien au fonctionnement à celle d'une stratégie d'investissement n'est plus seulement une option, mais une obligation.
Le rapporteur spécial préconise ainsi de permettre aux filières REP de soutenir l'investissement à travers des appels à projets capacitaires qui seraient initiés par les éco-organismes. Les périmètres et modalités de ces appels à projets seraient définis entre les éco-organismes et les administrations. En dernier ressort, les éco-organismes pourraient également être autorisés, sous contrôle de l'administration, à subventionner directement des installations strictement pour l'atteinte des objectifs réglementaires.
Il convient de rester vigilant, dans l'application de cette préconisation, à ce que les éco-organismes ne deviennent pas propriétaires des capacités industrielles de recyclage, car cela pourrait soulever des difficultés au niveau concurrentiel.
Une telle recommandation suppose également un contrôle renforcé de la part des services de l'État, pour éviter tout biais et mauvaises pratiques dans les investissements. Ce contrôle, qui n'est aujourd'hui pas satisfaisant, fait l'objet de plusieurs recommandations du rapporteur spécial (cf. infra).
Recommandation : Permettre aux filières REP de soutenir l'investissement à travers des appels à projets capacitaires qui seraient initiés par les éco-organismes. Les périmètres et modalités de ces appels à projets seraient définis entre les éco-organismes et les administrations. En dernier ressort, les éco-organismes pourraient également être autorisés, sous contrôle de l'administration, pour subventionner des installations permettant l'atteinte des objectifs réglementaires.
* 105 Réponses du collectif des éco-organismes au questionnaire du rapporteur spécial.