ANNEXE 3 : LES INSTALLATIONS DE DÉCHETS
ET LE DÉVELOPPEMENT DES FILIÈRES REP EN OUTRE-MER

A. LA SITUATION DES INSTALLATIONS DE DÉCHETS EST TRÈS CONTRASTÉE SELON LES DÉPARTEMENTS ET RÉGIONS D'OUTRE-MER (DROM) AINSI QUE SELON LES COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER

La question du traitement des déchets en outre-mer est particulièrement difficile. De multiples facteurs, comme l'insularité et le retard massif dans la mise en place des infrastructures, conduisent à un surenchérissement très important des coûts, à un taux de traitement faible et, en corolaire, à un taux d'enfouissement particulièrement élevé.

Selon le rapport de 2022 des sénatrices Gisèle Jourda et Viviane Malet, intitulé « La gestion des déchets dans les outre-mer », le taux d'enfouissement moyen des déchets ménagers est de 67 % dans les départements et régions d'outre-mer (DROM) ainsi que les collectivités d'outre-mer (COM), tandis qu'il est de 15 % en moyenne au niveau national. Le coût de gestion moyen des déchets ménagers est 1,7 fois plus élevé qu'en France métropolitaine, et la quantité moyenne d'emballages ménagers collectés par habitant et par an est de 14 kg dans les 5 DROM, contre 51,5 kg en moyenne pour l'ensemble de la France128(*).

Les difficultés dans le développement des nouvelles infrastructures tiennent à la fois des tensions foncières, qui concernent la plupart des territoires ultramarins, et d'un manque de compétences comme le souligne la direction générale des outre-mer qui indique que la « majorité des acteurs locaux souffrent d'un manque de compétences en ingénierie de projets ainsi qu'en ingénierie financière et technique. »129(*)

La direction générale des outre-mer a également mentionné au rapporteur spécial que « le taux de recouvrement des impôts et des redevances significativement plus faibles que dans l'Hexagone, a un impact sur les capacités de financement des services publics de gestion des déchets : les projets d'investissement relatifs à la gestion des déchets des territoires y restent très limités. »130(*) La taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) couvre en moyenne seulement 80 % des dépenses du service public des déchets, avec des écarts de 15 à 100 % selon les communes131(*). En conséquence, hormis à La Réunion, le nombre de déchetteries par habitant dans les autres DROM est de 2 à 9 fois plus faible qu'en France métropolitaine132(*).

L'exportation des déchets de ces territoires vers les pays de l'OCDE, afin qu'ils puissent être traités par des installations adaptées, n'est pas une solution à grande échelle. Tout d'abord, les règles applicables, la réglementation des transferts transfrontaliers de déchets (TTD), sont particulièrement exigeantes : seuls les déchets de plastique non dangereux facilement recyclables, c'est-à-dire triés et non contaminés par d'autres déchets, peuvent désormais être exportés vers des pays tiers pour recyclage.

À cela s'ajoutent les contraintes organisationnelles pour les ports en outre-mer (quais plus longs, portiques supplémentaires, tirants d'eau, etc.), un coût élevé du transport entre l'outre-mer et l'OCDE et des difficultés assurantielles, les compagnies maritimes acceptant de moins en moins la prise en charge des déchets dangereux133(*)

La situation des installations de traitement des déchets en outre-mer

Les éléments présentés ci-après ont été collectés auprès des directions de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL), des directions générales des territoires et de la mer ainsi que des directions de l'aménagement, du logement et de la mer. Dans ce cadre, il faut noter que les chiffres concernant le nombre de déchetteries comprennent à la fois les déchetteries professionnelles et les déchetteries publiques.

Guadeloupe

La Guadeloupe compte vingt déchetteries dont deux professionnelles. En 2023, 242 687 tonnes de déchets ménagers et assimilés ont été produites, soit environ 633kg/habitant. Plusieurs raisons sont avancées par la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) pour expliquer la faiblesse de la valorisation des déchets sur le territoire :

- collecte en porte à porte ou en bornes d'apports volontaires des emballages encore insuffisante ;

- un réseau de déchetteries encore fragile, bien qu'en cours d'expansion ;

- une qualité de tri des emballages qui demeure encore insuffisante avec un taux de refus de tri élevé (environ 40 %) ;

- l'obligation du tri 6/8 flux des déchets par les producteurs de déchets peu respectée ;

- des performances de collecte et de traitement à améliorer par les filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) ou encore l'absence de certaines de ces filières sur le territoire.

Martinique

En 2023, la quantité de déchets collectée s'est élevée à 398 500 tonnes, dont 202 000 tonnes de déchets ménagers et assimilés (DMA).

Le territoire compte à ce jour quatorze déchetteries dont une déchetterie professionnelle (qui est insuffisante au regard des besoins et ne comporte pas de filière de recyclage). La mise en service d'une déchetterie supplémentaire est prévue courant 2026. Par ailleurs, la Martinique est la première collectivité ultra-marine à disposer d'une installation d'incinération (110 000 T/an), permettant depuis 2002 l'élimination d'une grande partie des déchets non valorisables.

Le centre de valorisation organique (CVO), exploité en délégation de service public par IDEX comme pour l'incinérateur, permet de composter les déchets verts et organiques broyés et traités pour être transformés en compost. Il permet également le compostage des boues de station d'épuration.

L'île dispose d'une installation d'élimination de déchets non dangereux (ISDND) exploitée en régie depuis 2017 par le SMTVD. Cette ISDND est cependant exploitée dans des conditions très dégradées, accumulant les non conformités. Par ailleurs, l'absence d'exutoire pour certains types de déchets, notamment les sédiments, et l'insuffisance des déchèteries pour mailler correctement le territoire sont également à relever.

Guyane

Le territoire compte actuellement sept déchetteries, dont quatre mises en service en 2024 et une déchetterie professionnelle. Deux déchetteries professionnelles devraient ouvrir d'ici début 2026, dont une pour les déchets dangereux. En 2023, le volume total collecté de déchets ménagers et assimilés s'élève à 98 348,34 tonnes, selon les données issues du bilan du Plan Régional de Prévention et de Gestion des Déchets (PRPGD)

Plusieurs difficultés structurelles persistent sur le territoire. Au-delà des coûts élevés d'installation, notamment pour les ISDND situées en sites isolés et uniquement accessibles par pirogue, ce sont principalement les charges de fonctionnement et le déficit en ingénierie qui fragilisent les collectivités.

La Communauté de communes de l'Est guyanais (CCEG) et la communauté de communes de l'Ouest guyanais (CCOG) sont confrontées à la gestion de vastes territoires comptant peu de ménages contributeurs, dans un contexte où les filières REP peinent à se déployer, faute d'objectifs spécifiques. La Communauté d'Agglomération du Centre Littoral (CACL) doit identifier un nouveau site pour remplacer l'ISDND actuelle, qui atteindra sa saturation dans les deux ans. L'État souhaite que la collectivité territoriale de Guyane puisse retenir définitivement un projet de futur ISDND, potentiellement avec le projet d'UVE pour assurer la suite de l'ISDND des Maringouins.

La Réunion

La production annuelle de déchets est estimée à 546 343 tonnes de déchets ménagers et assimilés en 2023 par l'Observatoire Réunionnais des Déchets (ORD), organisme en charge du suivi complet des déchets sur l'île. La Réunion compte 42 déchèteries, dont une déchetterie mobile à Salazie.

En l'absence d'installation de traitement des déchets dangereux (ISDD), ces derniers sont exportés en métropole, comme pour les autres DROM-COM. Des difficultés croissantes avec les compagnies de bateau sont signalées en raison de la complexité administrative des procédures de notification pour déchets dangereux. Ces difficultés devraient s'amplifier avec l'arrivée des batteries lithium sur le territoire. Depuis 2022, deux bateaux par an affrétés par Mer Union permettent une desserte directe de La Réunion/Mayotte vers l'hexagone (juin/décembre) et évite ainsi toute procédure TTD.

Par ailleurs, le nombre de véhicules hors d'usage VHU récupérés suite au passage du cyclone Garance est équivalent à ce que traitent habituellement les centres VHU sur une année. Ces derniers sont d'ores et déjà saturés et aucune solution d'exportation à hauteur n'a été identifiée. Pour mémoire, la Réunion compte 7 centres VHU, mal répartis sur le territoire et qui reposent sur des filières de valorisation fragiles.

Mayotte

Déjà avant le passage du cyclone Chido, Mayotte était l'un des territoires français les plus en difficulté sur la gestion des déchets tant en matière de collecte que de traitement. Malgré un soutien conséquent de l'État et notamment de l'ADEME, l'île était en effet largement sous équipée. En 2023, la quantité de déchets reçus par le SIDEVAM (Syndicat Intercommunal pour la gestion et le traitement des Déchets de Mayotte) est estimée à 73 324,3 tonnes.

Les ordures ménagères résiduelles étaient envoyées sur la seule installation de traitement de l'Île en capacité de les traiter, à savoir l'installation de stockage de déchets non dangereux (ISDND) localisée à Dzoumogne au nord de l'Île. Cette installation reçoit également une partie des déchets d'activités économiques. Un banaliseur pour les déchets d'activités de soin à risque infectieux, une déchetterie, une plateforme de compostage des déchets verts, un centre de traitement des véhicules hors d'usage et une installation de gestion des déchets d'équipements électriques et électroniques viennent compléter ces équipements. Un système de déchèteries mobiles a été déployé sur le territoire, et permet une meilleure adaptation aux modes de vie des populations locales. Quatre points de dépôts permettent la collecte des déchets du bâtiment. Il n'y a cependant pas de déchetterie professionnelle sur le territoire.

Le SIDEVAM avait également engagé des actions de sensibilisation ciblées à travers son Programme local de prévention des déchets ménagers (PLPDMA). Plus de 1 500 élèves ont ainsi été sensibilisés par des actions menées en écoles et en collèges. En 2024, un service de pré-collecte a été créé pour entretenir les points de collecte et sensibiliser les usagers. Des actions ponctuelles (Octobre Vert, événements locaux) complètent ce dispositif, encore insuffisant à l'échelle du territoire.

Suite au passage du cyclone Chido (puis par la tempête Dikeledi), des quantités conséquentes de déchets ont été générées, des dégâts occasionnés sur les installations de traitement de déchets et des difficultés sont survenues sur les infrastructures de circulation et de la dégradation des équipements de collecte.

Saint-Pierre-et-Miquelon

Les volumes de déchets sont en pleine évolution depuis deux ans avec l'arrivée des éco-organismes qui génère une réorientation du flux. La production annuelle est actuellement estimée à 7 500 tonnes de flux entrant dans les installations municipales, dont 270 tonnes de biodéchets. À cela s'ajoutent les déchets de certaines filières gérés séparément (emballages et électroménager par exemple).

Saint-Pierre-et-Miquelon est équipé d'une déchetterie municipale à Saint Pierre. Une déchetterie est également en cours de construction sur Miquelon, ainsi qu'un centre de tri pour la filière bâtiment porté par un acteur privé. L'exigüité du territoire, qui rend difficile la construction d'une ISDND, conduit les deux communes à pratiquer le brûlage à ciel ouvert des déchets stockés dans 2 décharges brutes, une à Saint-Pierre et une à Miquelon. Si cette pratique induit des risques sanitaires, biologiques et chimiques, le territoire peine à trouver d'autres exutoires. En effet, la valorisation énergétique des déchets est également difficile à mettre en oeuvre, du fait des petits volumes de déchets.

Saint-Pierre-et-Miquelon se heurte également à un coût de gestion et de traitement des déchets très élevé en raison du contexte insulaire et de la taille du territoire. Le déchet y couterait approximativement 10 fois plus cher qu'en métropole.

Saint-Martin

La production annuelle de déchets est estimée à environ 45 500 tonnes en 2024, dont environ 16 000 tonnes de déchets ménagers.

L'île compte une seule déchetterie actuellement en fonctionnement, située à Galisbay. La quasi-totalité des déchets de Saint-Martin est actuellement traitée et /ou valorisée à l'Ecosite de Grandes Cayes, au Nord-est de l'île. Ce site constitue un pôle complet de valorisation et de traitement regroupant notamment une plate-forme de valorisation par compostage des déchets verts et des boues ainsi qu'une installation de stockage de déchets non dangereux (ISDND).

Les difficultés spécifiques rencontrées par le territoire sont liées aux limitations techniques du centre de tri et de conditionnement et du site d'enfouissement : piste d'accès précaire, absence de réseau d'eau, d'électricité et de communication. L'insuffisance des infrastructures fragilisent les équipements en cas d'intempéries majeures (cyclones).


* 128 Rapport d'information fait au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur la gestion des déchets dans les outre-mer, Gisèle Jourda et Viviane Malet, 8 décembre 2022, page 71.

* 129 Réponses de la direction générale des Outre-mer au questionnaire du rapporteur spécial.

* 130 Réponses de la direction générale des Outre-mer au questionnaire du rapporteur spécial.

* 131 Rapport d'information fait au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur la gestion des déchets dans les outre-mer, rapporteures Gisèle Jourda et Viviane Malet, 8 décembre 2022, page 10.

* 132 Rapport d'information fait au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur la gestion des déchets dans les outre-mer, rapporteures Gisèle Jourda et Viviane Malet, 8 décembre 2022, page 8.

* 133 Réponse de la direction générale des outre-mer au questionnaire du rapporteur spécial

Partager cette page